mercredi 26 juin 2019 - par PETINOS

Erdogan, l’islamiste qui tente de créer le véritable État islamique en Turquie

J’ai souvent écrit sur la situation politique de la Turquie d’Erdogan. Malgré la résistance des milieux laïques qui représentent tout de même un peu moins de la moitié de la population turque, le maître d’Ankara a toujours su tirer profit de toutes les situations et gagner les élections depuis le début des années 2000. Encore mieux : quelquefois il les a créées lui-même, ces situations qui lui ont été favorables…

De l’instrumentalisation du nationalisme, à l’utilisation de l’islam politique pour asseoir son autorité et se rallier ceux qu’on appelle les « Turcs noirs » habitants des campagnes isolées et oubliées de la modernité, à l’exacerbation les tensions communautaires à l’intérieur du pays jusqu’à l’armement de certaines milices islamistes qui se battent contre Assad et à la chasse de tout élément kurde – d’où qu’il vienne – etc, etc, la liste est longue… il s’est maintenu au pouvoir depuis toutes ces années.

Après la règlementation de la vente et de la consommation d’alcool, après la construction à tout va des mosquées, après l’explication de la place de la femme dans la société turque : au foyer à élever des enfants, le temps de la dispense des leçons de politique internationale et de géopolitique est venu pour le Sultan d’Ankara qui se rêvait calife.

En janvier 2018 déjà, devant un président Macron médusé (lors d’une conférence de presse commune à l’Elysée), il reprenait en le réprimandant un journaliste français qui avait osé poser la question de la contribution du régime turc à l’armement et au développement de l’État islamique en Syrie et en Irak.

Plus récemment, le maître d’Ankara a encore réprimandé, directement cette fois, le président Macron car ce dernier a osé dire que le droit international permettait à la petite République de Chypre d’exploiter ses ressources naturelles dans sa zone économique exclusive (ZEE). Rappelons sur ce point, que la Turquie, contre toute logique et contre le droit international, refuse le droit à Chypre d’exploiter sa ZEE ; elle considère que cet espace lui appartient et y a dépêché des plateformes de forage empiétant sur les domaines acquis par des compagnies pétrolières telles que Total ou encore Eni.

Mais, laissons l’approfondissement de cette question des hydrocarbures en Méditerranée orientale pour un autre article spécifique.

Revenons au différend entre Macron et Erdogan : Le président français a déclaré, lors du sommet des Med7 (membres de l’Union européenne du sud de l’Europe, regroupant la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, Chypre, Malte et la Grèce) qui s’est tenu à La Valette le 14 juin, que : « … je veux ici redire une nouvelle fois mon entière solidarité avec Chypre et mon attachement au respect de sa souveraineté. La Turquie doit cesser ses activités illégales dans la zone économique exclusive de Chypre. L'Union européenne ne fera preuve d'aucune faiblesse sur ce sujet. »

Dans ses conclusions, le Med7 précisait encore : « Nous réitérons notre soutien et notre entière solidarité avec la République de Chypre dans l'exercice de ses droits souverains à explorer, exploiter et développer ses ressources naturelles dans sa zone économique exclusive, conformément au droit de l'UE et au droit international. Conformément aux conclusions précédentes du Conseil et du conseil européen, nous rappelons l'obligation incombant à la Turquie de respecter le droit international et les relations de bon voisinage. Nous exprimons notre profond regret que la Turquie n'ait pas répondu aux appels répétés de l'Union européenne condamnant la poursuite de ses activités illégales en Méditerranée orientale et dans la mer Égée et nous manifestons notre grande inquiétude au sujet de réelles ou potentielles activités de forage au sein de la zone économique exclusive de Chypre. Nous demandons à l'Union européenne de demeurer saisie de cette question et, au cas où la Turquie ne cesserait pas ses activités illégales, d'envisager les mesures appropriées, en toute solidarité avec Chypre. Nous appelons la Turquie à respecter ses obligations dans le cadre des négociations, y compris la mise en œuvre intégrale et non discriminatoire du protocole additionnel à l'accord d'association vis-à-vis de tous les États membres. Nous réitérons que la reconnaissance de tous les États membres est essentielle. À cet égard, nous réitérons notre appel à la Turquie pour normaliser ses relations avec Chypre. »

Rappelons également que quelques jours plus tard, lors du Conseil de l’UE sur l’élargissement (Luxembourg, le 18 juin), les 28 ont conclu, à propos de la candidature turque : « Le Conseil continue d'attendre de la Turquie qu'elle se prononce sans ambiguïté en faveur de relations de bon voisinage, du respect des accords internationaux et du règlement pacifique des différends, et qu'elle fasse appel, au besoin, à la Cour internationale de justice. Le Conseil rappelle les précédentes conclusions du Conseil et du Conseil européen et en réaffirme la validité, notamment les conclusions du Conseil européen du 22 mars 2018 condamnant fermement les actions illégales que la Turquie continue de mener en Méditerranée orientale et en mer Égée. Le Conseil fait part des graves préoccupations que lui inspirent les activités de forage illégales que mène actuellement la Turquie en Méditerranée orientale et regrette que la Turquie n'ait pas encore répondu aux appels répétés de l'Union européenne visant à mettre un terme à ces activités. Le Conseil souligne que ces actions illégales ont une incidence négative immédiate considérable sur l'ensemble des relations entre l'UE et la Turquie. Il demande à la Turquie de faire preuve de retenue, de respecter les droits souverains de Chypre et de s'abstenir de toute action de ce type. L'UE suivra de près l'évolution de la situation et se tient prête à réagir de manière appropriée et en totale solidarité avec Chypre. Le Conseil invite la Commission et le service européen pour l'action extérieure à proposer sans délai des options en vue de mesures appropriées. »

L’ire du calife d’Ankara n’a pas tardé : Dans un style qui lui est propre, il s’en est pris à Emmanuel Macron le qualifiant de novice et lui intimant de s’occuper de ses affaires !

Faut-il rajouter quelque chose ?

Je ne le crois pas ! Quand les relations internationales et la diplomatie atteignent un tel niveau, les paroles sont inutiles.

Nonobstant, l’Union européenne osera-t-elle aller jusqu’à imposer des sanctions à la Turquie, pays qui occupe un territoire chypriote et par extension européen et de nouveau envahisseur cette fois dans la ZEE de Chypre, donc de l’Europe ? L’UE a imposé, tout récemment, des sanctions à un autre pays situé plus à l’est ; osera-t-elle le faire contre la Turquie, ou regardera-t-elle ailleurs en sifflant ?

En réalité, l’UE est acculée : que faire face à la Turquie d’Erdogan, sachant que ce dernier n’hésite jamais à instrumentaliser tout ce qui se trouve à portée de la main pour arriver à ses fins. Et cette fois, il a un atout de taille : les réfugiés syriens sur son sol. Et s’il les lâchait vers l’Europe ? Je n’ose même pas imaginer les cauchemars des dirigeants européens… Et les droits de l’homme me direz-vous. Ça, c’est une autre paire de manche : on utilise les droits de l’homme à géographie variable depuis si longtemps que nombre de personnes n’osent même plus les évoquer…

L’islam politique, c’est d’abord un comportement spécifique ; Erdogan l’applique méthodiquement et surement à son peuple et tente de l’imposer au monde. Les premiers qui en souffrent sont les Turcs eux-mêmes. Ensuite tous les voisins et tous ceux qui tentent une autre approche de la vie et des relations entre individus et entre États.



18 réactions


  • Pierre Régnier Pierre Régnier 26 juin 2019 19:31

    « L’islam politique » utilisé par l’auteur dans sa conclusion est un pléonasme qui diminue la qualité de l’article et c’est dommage.

    Erdogan veut "un véritable État islamique en Turquie", et il veut l’étendre à toute l’Europe, comme sa religion lui demande de le faire depuis 14 siècles.

    Pour une fois j’approuve Macron, qui est ici moins complaisant envers cet aspect particulier de la conquête islamique que ses prédécesseurs, dont certains voulaient carrément intégrer la Turquie d’Erdogan dans l’Union européenne.


    • Xenozoid 26 juin 2019 19:33

      @Pierre Régnier

      certains voulaient carrément intégrer la Turquie d’Erdogan dans l’Union européenne.

      tu trouve cela bizarre ?


    • Xenozoid 26 juin 2019 21:51

      @Xenozoid

      il y en a bien qui veulllent israel,et d’autre l’ukraine,en quoi la turquie est elle « spéciale » ? nous sommes aliés avec monaco aussi


    • Pierre Régnier Pierre Régnier 26 juin 2019 22:40

      @Xenozoid

      La Turquie est spécialement décidée à islamiser la France et l’Europe et, pour moi, accepter l’islamisation de la France et de l’Europe n’est pas une erreur, c’est une horreur, une épouvantable régression que, dans ma jeunesse, on ne pouvait même pas imaginer.


    • Xenozoid 27 juin 2019 11:10

      @Pierre Régnier

      en fait pour faire tomber cette europe et l’otan il suffit d’inviter la turquie,qui n’en veux plus de la neuneurope,


    • V_Parlier V_Parlier 27 juin 2019 20:44

      @Pierre Régnier
      L’Europe était bien contente de trouver la Turquie pour mettre le bordel en Syrie au tout début (avant qu’Erdogan ne fasse marche arrière, recalculant ses intérêts, membre de l’OTAN indiscipliné). Elle était volontaire aussi pour soudoyer quelque intervention de la Turquie pour semer des troubles en Crimée en tentant de manipuler des activistes tatars (en tout cas, dans la communication officielle nos porte-paroles officieux de la TV, c’était le rêve...). Mais là aussi, échec.

      Et maintenant elle se retrouve avec une Turquie prête à lui balancer les syriens qui ne voudront pas revenir en Syrie (donc on devine le genre de syriens que ça doit être). Comment dire, c’est inquiétant pour nous, européens moyens, mais qui est le responsable...


  • Samy Levrai samy Levrai 26 juin 2019 22:36

    OTAN suspends ton vol... qui va forcer la Turquie qui occupe en toute illégalité internationale la moitié de Chypre depuis 50 ans, à reculer sur cela ?


  • popov 27 juin 2019 01:04

    @Petinos

    Bonjour

    Et cette fois, il a un atout de taille : les réfugiés syriens sur son sol. Et s’il les lâchait vers l’Europe ?

    L’UE possède également un atout de taille : les migrants turcs sur son sol.

    Et si pour tout « réfugié » islamique qui entre par la Turquie, l’UE renvoyait en Turquie un migrant Turc, en commençant par les imams financés par Erdogan ?

    Un autre atout, ce sont les mosquées turques sur le territoire de l’UE. Et si l’UE les saisissait pour en faire des musées comme la basilique St Sophie ?


    • PETINOS PETINOS 27 juin 2019 09:43

      @popov
      A mon avis il ne faut pas tout mélanger. Une des caractéristiques principales de l’UE est, théoriquement, le respect de l’État de droit (même si ce principe doit lui-même être mis en question : Tout ce qui est légal à un moment donné n’est pas forcément moral et juste…Et, le droit est toujours « fabriqué » par la caste dirigeante). Les citoyens Turcs ou les citoyens européens d’origine turque qui vivent légalement dans l’UE ne doivent pas être inquiétés. Enfin, je n’ai rien contre les Turcs ; c’est la politique nationale-islamiste de leur mufti qui me dérange.


    • popov 27 juin 2019 11:17

      @PETINOS

      Vous êtes en guerre. « Nos mosquées sont nos casernes...etc. »
      Les imams devraient être considérés comme des agents d’une puissance étrangère et traités comme les agents soviétiques quand ils étaient pris la main dans le sac.
      Et puis, on se demande où est l’état de droit quand l’enseignement d’une idéologie criminogène n’est pas poursuivi comme il le devrait par la loi.


    • Pierre Régnier Pierre Régnier 27 juin 2019 14:25

      @popov

      En fait, les gouvernants français favorables à l’islamisation de la France sans que soit mise en question l’idéologie criminogène de l’islam se sentent couverts par la laïcité républicaine. Hélas, ils le sont bien réellement.
      C’est pourquoi je crois nécessaire de modifier vite la définition de la laïcité :
      https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/modifier-radicalement-la-198919


    • popov 27 juin 2019 15:04

      @Pierre Régnier

      Bonjour

      Sans aller si loin, il faut se rappeler que si l’état ne reconnaît aucune religion, il peut cependant toujours mettre une organisation dans la case SECTE.
      Il faudrait une définition plus précise de ce qu’est une secte : par exemple, dans une religion, il est plus facile d’en sortir que d’y entrer ; dans une secte, c’est le contraire.
      Il y a aussi des lois qui pénalisent la propagande d’idéologies appelant au meurtre.


  • Esprit Critique 27 juin 2019 16:25

    Enfin un de ces articles qui parlent des problèmes du monde réel , Merci

    Erdogan est le nouveau BenLaden, le nouveau chef de l’état Islamique transféré en Turquie, depuis des mois il occupe une partie de La Syrie pour y liquider des Kurdes, aucun merdias et journalopes de France n’en cause.
     Et cette merde fait partie de l’OTAN !


  • Darks67 Darks67 27 juin 2019 21:26

    Erdogan n’est pas islamiste pour un sous, c’est un opportuniste, il utilise l’islamisme pour se faire élire, comme Macron il à été mis au pouvoir par les médias avec la bénédiction des oligarques Français et des EurUSA, maintenant qu’il veux faire cavalier seul, sans l EurUSA on va voir plein d’article comme ceci fleurir. Quand il était bon toutou comme Macron personne n’en parlais. Après oui c’est un personnage odieux et pour le moins détestable, mais nous avons nous aussi la même chose à notre tête.


  • L'apostilleur L’apostilleur 28 juin 2019 00:43

    Erdogan doit penser qu’il a les mains libres pour ses forages illégaux en zone chypriote au motif qu’il retient un contingent substentiel d’immigrés.

    Peut-être a-t-il négligé que l’occupation illégale de Chypre nord reste un irritant pour l’UE et l’OTAN. S’il lui venait l’idée de chasser les réfugiés immigrés de Turquie, ne faudrait-il pas alors envisager une réciprocité avec les turcs de Chypre ? Ses arrogantes provocations doivent cesser, les stambouliotes lui ont dit clairement qu’il n’avait pas l’étoffe d’un petit calife.


    • Pierre Régnier Pierre Régnier 28 juin 2019 08:38

      @L’apostilleur

      Erdogan a l’étoffe d’un grand islamisateur de la France et de l’Europe et, jusqu’à maintenant, c’est lui et ses semblables qui font avancer très concrètement leur objectif.
      Avec la très concrète complicité des gouvernants de la France et de l’Europe, de la fausse Gauche et de la majorité des journalistes aux pouvoirs dans les médias dominants.


    • L'apostilleur L’apostilleur 28 juin 2019 09:36

      @Pierre Régnier

      On peut raisonnablement penser aussi que la position géostratégique de la Turquie explique les couleuvres avalées par l’UE et les USA concernés différemment. Sauf que les temps changent, l’URSS n’existe plus (même si la Russie de Poutine reste à surveiller), et la menace islamiste du Machrek devient une priorité. La Turquie reste encore un tampon avec ce monde en grave turbulence.

      Reconnaissons à E. Macron le juste ton qu’il a eu face au Turc. Il aurait sans doute le soutien de l’UE, s’il tapait du poing sur la table.

      A noter que les contacts avec les turcs rencontrés en Turquie à de nombreuses reprises, ont toujours été excellents. Atatürk doit leur manquer.


Réagir