lundi 5 mars 2007 - par Olivier Perriet

Escale à Nancy pour Nicolas Dupont-Aignan

Lors de sa visite de deux jours en Lorraine, le "café politique" qu’il a animé le 27 février a réuni une bonne soixantaine de personnes, en général des sympathisants, étudiants à la fac de droit toute proche.

Classiquement, la rencontre s’est divisée en deux phases, une première où le candidat a exposé ses motivations, la seconde consacrée à un échange avec la salle.

Enthousiaste mais visiblement fatigué par son marathon lorrain, il confia en préambule que le plus dur pour lui dans cette campagne était de "répéter 400 fois la même chose" tout en restant original. Se regardant de l’extérieur, il résuma ainsi la problématique de sa candidature :

"Qu’est-ce que ce type a dans la tête, il n’a pas ses 500 signatures, il a quitté l’UMP, pourquoi fait-il tout ça ?"

La réponse est venue en trois temps : il a d’abord exposé une partie de son parcours politique, ce qui contribue à expliquer les raisons de son action au niveau national, pour finir par expliciter les idées qu’il veut faire entendre.

On pourrait le définir comme une sorte d’enfant gâté de la politique. Gamin, il rêvait d’être député. Adolescent, il collait des affiches pour Chaban. Il a finalement réalisé son rêve à 36 ans en devenant député-maire de Yerres, commune de 30 000 habitants en banlieue parisienne. De surcroît président d’une communauté urbaine de 85 000 habitants, il a conscience d’avoir déjà bien accompli son destin, et son travail d’élu local lui donne entière satisfaction. Il n’en va pas de même pour ses activités de député. Ainsi, nombre de ses collègues à l’Assemblée jugent leur travail "artificiel, hypocrite, inefficace". Partageant cette insatisfaction, il constate que les vrais problèmes ne sont pas abordés par la représentation nationale. La faute à un "système médiatico-politique" et à un "monde des affaires" qui ne le souhaitent pas.

Là résident les raisons de son action nationale, qui l’a mené dans un premier temps à briguer la présidence de l’UMP pour "marquer les esprits". La construction européenne cristallisant ce sentiment de mal-être, puisqu’il considère que l’UE est la mécanique "la plus anti-européenne possible". Et le référendum du 29 mai 2005 a prouvé que "le fond du pays était (et est toujours) de cet avis". Or, après avoir traité en parias les hommes politiques favorables au Non (lui, Fabius...), les responsables qu’il a consultés (Sarkozy, Villepin) n’ont semble-t-il pas compris le message et n’ont qu’une idée en tête, passer en force après la présidentielle. Il faut donc dire publiquement qu’on refuse ce "détricotage des valeurs françaises". Sa décision de se présenter à la présidence de la République a été prise à l’été 2005 et annoncée le 15 octobre suivant. L’incrédulité et le scepticisme furent général, y compris au sein de son association Debout la République : d’autres candidats, plus connus, comme Chevènement ou Michèle Alliot-Marie, porteraient aussi ces idées. Son espace risquait d’être des plus réduits. Assez étrangement pour qui n’est pas au courant des arcanes de la vie politique, il confie avoir eu peur des velléités de candidature de ces derniers, bien qu’il ait fait depuis un an le pari qu’ils n’iraient pas jusqu’au bout : s’ils s’étaient maintenus, il aurait été contraint de se retirer. Finalement ces deux candidatures se sont évanouies et lui laissent le champ libre.

Qualifié de "candidat gaulliste et républicain", il reprend volontiers l’étiquette et définit les trois axes majeurs de sa pensée :

1) Défense de la liberté nationale, c’est-à-dire de la démocratie qui, pour l’heure, ne fonctionne qu’au sein du peuple français et pas au niveau européen. Certes, l’idée d’une France rassemblement de corps divers, donc "artificielle", qui se dépassent par les valeurs qu’ils promeuvent est une idée romantique ; mais, de la même façon, on idéalise la personne aimée et c’est tout à fait normal. Actuellement, la campagne fait l’impasse sur le Non du 29 mai, et les Français risquent de ne pas apprécier qu’on revienne sur leur vote[1].

2) Le maintien de l’unité de la République. La France est d’abord une République avant d’être une démocratie. Elle inclut énormément de gens différents, le nombre de naturalisations est bien plus important qu’ailleurs ; pour que ça marche il faut une certaine unité. Or les responsables politiques ne croient plus en la République.

3) La conviction qu’il n’y a pas de progrès économique sans progrès social. Rejoignant les théories d’un "gaullisme social" exigeant, il se place à rebours d’une gauche qui veut distribuer à tout le monde et d’une droite qui sert le Medef et "le grand capital" plutôt que les PME. Comment la France peut-elle rester un leader mondial, inventer les produits de demain, sans rester sur les acquis des années 50-60 ? Muscler les entreprises s’avère être le moyen de mener une politique sociale conforme au "modèle français".

Actuellement, les débats passent à la trappe les questions de fond pour s’intéresser aux problèmes particuliers de chacun, comme dans les débats de TF1 :

Quelle vision a-t-on de l’OMC où la France est représentée par l’UE ?

Quelles décisions prend-on pour aider l’agriculture africaine ?

Quelle politique étrangère au Moyen-Orient ?

Suite aux élections, Debout la république devrait se transformer en parti politique pour continuer à porter la parole "gaulliste et républicaine" dans le pays.

Les échanges avec les personnes présentes, pour la plupart acquises d’avance, ont tourné autour de quatre thèmes majeurs : justice, éducation, cotisations sociales, Europe. Le point de friction majeur avec une intervenante étant provoqué par son refus de faire approuver par la loi l’adoption par des couples homosexuels, pour de ne pas imposer l’homoparentalité à des enfants mineurs. Tout en reconnaissant que cette opinion était instinctive plus que définitive.

Quelques idées forces de son projet :

Remplacer les cotisations sociales, assises sur les salaires, donc renchérissant les productions nationales et non les importations, par une "TVA sociale", touchant l’ensemble des biens de consommation. Les prix de vente n’ayant pas à augmenter puisque les cotisations sociales y sont de toutes façon déjà répercutées (modèle danois et allemand). La CSG de Rocard avait déjà ouvert cette voie en taxant mieux le capital mais c’est insuffisant.

Renforcer nettement le budget de la justice pour faire appliquer les décisions rapidement, créer des prisons vivables...Globalement, il n’y a pas de reproche à faire aux juges, qui font avec les moyens qu’on leur donne. Toutefois, ils ne doivent pas s’autocontrôler.

Même volonté de ne pas braquer les enseignants, puisque les problèmes de l’Éducation nationale sont censés être provoqués par une crise du ministère, un "Etat-major qui a été investi par des pédagogues" fumeux (l’enseignement de la division qui a été supprimé du primaire par exemple). Réintroduire 15 heures de français hebdomadaire au primaire ("la justice et le français sont les deux gros problèmes des banlieues"), soumettre le passage dans la classe supérieure au seul jugement des instituteurs, introduire un système de tutorat consacré aux élèves en difficulté (pour les enseignants volontaires), donner un droit à la formation professionnelle inversement proportionnel à la durée des études, voilà quelques unes des pistes qu’il a proposées.

Enfin, réorienter la construction européenne en réformant la BCE (objectif de croissance économique, faire dépendre la politique de change du conseil de la zone euro et pas de la BCE seule...), au besoin en menaçant de quitter l’euro, mettre en place un protectionnisme européen, rompre les négociations d’adhésion avec la Turquie... Surtout, négocier un nouveau traité pour une Europe des nations, permettant les projets à la carte entre les pays qui le veulent, rétablissant la primauté du droit national...

La rencontre s’est conclue par cette définition du gaullisme que fait sienne Dupont-Aignan et qu’il veut plus que jamais d’actualité : "Respecter les citoyens et les tirer vers le haut".


[1] Je n’ai malheureusement guère d’illusions sur le candidat auquel ça va profiter, NDR.



16 réactions


  • Pierre R. Chantelois Pierre R. - Montréal 5 mars 2007 10:08

    Le 7 février dernier, Nicolas Dupont-Aignan publiait sur son blog les résultats d’un sondage sur l’indice de satisfaction du public à l’égard des blogs politiques : « Concernant les blogs officiels des candidats, le record va à Nicolas Dupont-Aignan avec un indice de satisfaction de 78%, suivi de François Bayrou (77%), d’Olivier Besancenot et Dominique Voynet (76% chacun), Jean-Marie Le Pen (75%), Nicolas Sarkozy (72%) et Ségolène Royal (69%). »

    Deux questions :

    a) en serait-il toujours ainsi aujourd’hui

    b) d’où viennent ses difficultés à réunir les 500 parrainages ?

    Monsieur Dupont-Aignan attribue notamment au système bipartisan ses difficultés : de très nombreux Maires ou Conseillers généraux hésitent à parrainer car ils savent que le système bi partisans est devenu impitoyable avec les esprits libres.

    http://www.nda2007.fr/blog/index.php/

    D’autre part, est-ce que ce n’est pas le propre de toutes les campagnes électorales d’être centrées sur des questions intérieures plus que sur des politiques extérieures, comme l’Afrique, le Moyen-Orient, la bipolarisation ou la multipolarisation, le développement durable, la protection des écosystèmes ?

    On pourra toujours rétorquer que ce n’est pas le Moyen-Orient qui vote pour les candidats en France mais pour les Français qui élisent leurs dirigeants.

    Intervention faite en tant qu’observateur.

    Pierre R.

    Montréal (Québec)


  • Voltaire Voltaire 5 mars 2007 10:10

    Merci pour cet article informatif. Ils sont trop peu nombreux sur les « petits candidats ».

    Il est intéressant de constater que, mis à part sur l’Europe, les idées de N. Dupont-Aignan ne sont pas très éloignées de celles de F. Bayrou. Il se murmure d’ailleurs qu’il pourrait rejoindre ce dernier, dont l’exigence en matière de droiture correspond assez bien à la philosophie de NDA. Et bien sûr l’ouverture proposée par FB est un atoût important pour rassembler ce genre de personalités.

    Dupont-Aignan représente assez bien le courant gaulliste historique. Mais il souffre de l’absence de parti politique pour le soutenir, et d’un ostracisme remarqué dans les média (on peut imaginer que l’UMP n’ai pas apprécié cette candidature...).

    En cas de succès de F. Bayrou, il pourrait représenter (avec d’autres comme C. Lepage etc...) cet esprit d’ouverture à des personalités diverses mais compétentes prôné par le leader de l’UDF.


  • jerome (---.---.239.191) 5 mars 2007 10:16

    Je ne suis qu ’ un petit provincial , bien loin de nos zélites parisiennes . Ce pendant j ’ aurais deux remarques :
    - M.Dupont-Aignan a-t-il réellement quitté l ’ UMP

    - Aditionnons Dupont-Aignan , le vicomte et JMLP , ce que souhaitent énormément de pseronnes lassées des querelles partisannes , et le présidentielle est remportée ...

    Les programmes des trois lascars se valent dans les grandes lignes - reste pour eux à se partager les responsabilités futures !

    Je sais que je vais encore me faire insulter , mais c ’ est pas grave , j ’ ai le cuir épais ... Jérome Boireau 44 Nantes


    • (---.---.30.51) 5 mars 2007 11:02

      Jérome, je crois que vous devriez relire les programmes des trois candidats que vous citez, vous verrez bien la différence tout seul !


  • jerome (---.---.239.191) 5 mars 2007 11:20

    @ 703051 : justement , j ’ y suis , et à part qq différences « spirituelles » - qui à mon avis manquent à NDA , le fond technique n ’ est guère différent ... Jérome Boireau

    44 Nantes


  • jerome (---.---.239.191) 5 mars 2007 11:44

    @ 703051 : bel argumentaire ... anonyme de surcroit , ce qui a le don de me faire sortir de mes gonds ... Insultez si vous voulez , les fora peuvent servir à ça , mais signez , nom d ’ une pipe , ou taisez vous .

    Jérome Boireau

    44 Nantes


    • (---.---.30.51) 5 mars 2007 11:46

      c’est donc une invitation au trollage que vous me faites, mais je n’ai pas le temps d’argumenter pour l’instant d’autres vont vite venir s’en charger... à tout à l’heure !


  • jerome (---.---.239.191) 5 mars 2007 12:47

    Une invitation au trollage en SIGNANT ?????? Je ne vous suis pas , là ...

    Jérome Boireau

    44 Nantes


  • patrick patrick 5 mars 2007 16:01

    Tout cale est bien mais il me reste une question simple :

    Qui s’interresse à NDA ?

    ou bien qui NDA interresse t il ?

    Il peut bien rejoindre qui il veut, cela ne changera rien !


    • Stef (---.---.229.129) 5 mars 2007 17:07

      Vu le pas de place, qu’il a dans les medias et ecraser par ses anciens amis de l’UMP (qui ne vont faire de la pub, pour le dernier républicain), on risque pas de s’y intéresser, puisqu’on en parle pas...

      Dommage, il a des idées !!!

      Personnellement, j’y mettrai bien mon vote


  • Lilian (---.---.0.93) 5 mars 2007 18:10

    On chuchote qu’il rejoindrait Bayrou ! Ce n’est qu’un chuchotement. Il l’a démenti ! Et leurs positions sur l’Europe sont vraiment opposées. Je viens de la gauche et j’ai lu les lignes d’orientation de son programme ! Je l’ai écouté et « étudié » patiemment sur NDAtv.fr. C’est un candidat extrêmement sérieux, extrêmement sincère ! Il a de l’avenir, même s’il choisit une voie difficile ! Hormis quelques différences sur des questions de société, je me reconnais dans sa vision des choses !

    Quand 55% de Français disent non à cette Europe là et élisent au même moment De Gaulle premier Français de tous les temps, il serait quand même surprenant qu’un gaulliste social (pléonasme si on sait ce qu’est le vrai gaullisme) n’ai pas sa place aux élections !


  • PA78 (---.---.134.7) 5 mars 2007 18:17

    Je tiens à vous préciser qu’il y a de grosses différences avec le FN et De Villiers. Nicolas est gaulliste social c’est à dire qu’il place le citoyen au centre du processus. On ne peut pas échapper à la mondialisation et l’état doit avoir un rôle de régulateur (services publics,TVA sociale pour taxer les produits d’importation,peser sur la BCE afin que l’euro surévalué ne plombe pas les exportations). Si vous voulez en savoir plus : www.NDA2007.fr.Pour ceux qui pensent que les gaullistes sont dépassés lisez donc l’annexe 1 du livre de NDA où De Gaulle avait une vision juste de ce que l’europe allait devenir et qui a été une des raisons du NON au référendum de 2005.


  • chmoll chmoll 6 mars 2007 17:23

    voilà le progamme de MR Dupont-Aignan, si il est élu alors pour commencer imitation de la grive cendrée,de l’élan en rhute,de l’impact d’un plomb touchant sa cible,pour finir le cri du chasseur qui c’est tiré dans l’pied


  • www.jean-brice.fr (---.---.21.147) 7 mars 2007 09:32

    La classe dirigeante qui s’est emparée du pouvoir à la mort de POMPIDOU n’est plus crédible ; ce qui ne l’empêche pas de faire barrage au vrai gaullisme, car elle controle pratiquement tous les médias. NDA est très courageux d’aller à contre courant et je voterai certainement pour lui au premier tour ... s’il a ses signatures ?


  • Internaute (---.---.18.35) 9 mars 2007 16:22

    Si Dupont-Aignant arrive a avoir son passeport pour le premier tour alors il aura le même temps de parole que les autres dans la campagne officielle et il commencera à exister dans l’opinion. Avec JMLP et le Vicomte il est l’un des rares gaullistes qui restent sur la place. Des idées saines dans corps sain ne peuvent que trouver un écho favorable chez les français déçus par les droits-de-l’homme-et-blablabla.

    Le plus difficile pour eux sera de s’allier au second tour.


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