Et si le MEDEF arrêtait de nous prendre pour des abrutis ?
Quand j'ai appris la publication de ce bidule, j'ai d'abord crû à une plaisanterie d'un hacker du NPA. Qu'un patron dôté d'une cervelle puisse twitter une telle ânerie, cela relève de l'auto-caricature.
Certes, le respect d'autrui n'est plus qu'un lointain souvenir dans l'hexagone, mais tout de même. On ignorait que le MEDEF avait des conceptions pédagogiques, une sollicitude de l'enfant, une culture de la didactique et un humanisme tel que ses responsables se soient sentis obligés de sommer les enseignants de "faire leur travail"...
D'ailleurs de quel "travail" nos philanthropes du CAC 40 parlaient-ils ? De mieux former les jeunes à l'esprit critique ? Aux droits de l'homme ? A l'économie solidaire et au développement durable ? A priori, non. Car nos syndicalistes patronaux sont rarement présents aux congrès sur le thème de l'éducation.
Plus vraisemblablement, l'auteur du tweet entendait par "former" apprendre aux jeunes à se soumettre à la loi du marché, à se laisser exploiter et humilier par un patron moyennant une indemnité salariale, favoriser l'apprentissage précoce (à partir de quel âge ? Sept ans comme dans certains pays du tiers-monde ?) et fournir aux entreprises libérales une main d'oeuvre docile et corvéable à merci. Quand à l'éducation, on se passera des leçons de nos princes de la fraude fiscale, du dumping social et de l'exploitation.
Certes, les profs, pour beaucoup d'entre eux, n'ont pas trimé en entreprise. Encore que, les cadres ex-chômeurs reconvertis enseignants sont nombreux dans l'EN. La plupart ne regrettent pas le monde enchanté du MEDEF. Les autres, qui n'ont pas connu cet univers, l'observent. Cet ami quinquangénaire au dos brisé condamné à une pension cotorep après des années en PME, ce voisin à la "pré-retraite" car trop vieux pour retrouver un boulot à cinquante-six ans (bonjour la réforme des retraites !), ce cousin germain marginal et demi-sdf qui travailla quelques mois sans toucher de salaire, son patron véreux grâcié par l'arrivée de Chirac à la présidence, un 14 juillet (authentique !), ces parents d'élèves aux horaires d'exploitation infernaux qui ne pouvaient s'occuper de leur progéniture, ceux qui bossaient au noir etc.
Les profs, qui vivent au quotidien les conséquences de l'effondrement de la société du fait de la logique du MEDEF, estiment préférable de faire de la prévention au "monde du travail", plutôt que sa promotion... A priori, on ne faisait pas de retape pour l'esclavage dans la Rome antique, donc pourquoi en ferait-on aujourd'hui ?
Il est jouissif que les "jeunes" rejettent en grand nombre la logique du marché. 30% ont voté pour Mélenchon à la présidentielle, plus de 20% pour Marine Le Pen, ils furent nombreux dans les meetings de Poutou, d'Asselineau dont les militants observés sur les marchés avaient moins de 25 ans. Et c'est tant mieux, car cela prouve que finalement l'école fait bien son boulot. Celui de former des citoyens, des anars ou des patriotes, des athées ou des croyants, dans tous les cas autre chose que de la chair à escrocs.
Les esclavagistes étant peu courageux, l'auteur du tweet s'est excusé sous les pressions de M.Blanquer, ministre de l'éducation nationale. Comme il l'aurait fait devant un juge pour minimiser une comparution pour un excès de vitesse au volant de sa Porsche. C'est bien dommage, car ce slogan placardé sur tous les murs de France aurait permis de montrer le mépris de notre grand patronat pour le petit peuple.
Si le MEDEF faisait bien son travail, il n'y aurait ni chômeurs, ni pensionnés cotorep, ni marginaux. Ce n'est pas le cas ; la faute bien entendu aux autres (les charges, les impôts, le bla-bla habituel...) : une véritable pub pour réhabiliter le marxisme et le souverainisme. Que nos militants patronaux cessent de nous prendre pour des courges, et qu'ils s'occupent de leur entreprise, s'ils en gèrent vraiment une... A moins qu'ils soient permanents syndicaux et rentiers ? Bonne continuation à eux, et bienvenue dans l'univers du débat pédagogique !