samedi 11 juillet 2020 - par guylain chevrier

Fin de mandat d’un Défenseur des droits sous influence des thèses indigénistes et décoloniales

Le dernier rapport du Défenseur des droits, Jacques Toubon, intitulé « Discriminations et origines : l’urgence d’agir », publié mi-juin (1), donne dans ce domaine le ton de son bilan, alors qu’il s’apprête à rendre son tablier après six années passées à la tête de l’institution. Il y affirme que « Les personnes d’origine étrangère ou perçues comme telles sont désavantagées dans l’accès à l’emploi ou au logement et plus exposées au chômage, à la précarité, au mal logement, aux contrôles policiers, à un état de santé dégradé et aux inégalités scolaires », souligne une « dimension systémique » des discriminations en France, mettant en cause les « droits fondamentaux » de « millions » de personnes et la « cohésion sociale ». Une vision alarmiste en contradiction avec les chiffres que celui-ci avance dans ses propres rapports annuels (2), dont celui de 2019 publié avant celui sur les discriminations. Un nombre de réclamations relativement faibles, malgré une augmentation de 40% due au battage sur ce sujet depuis sa prise de poste, et en recul : 5 448 réclamations, en baisse, (5 631 en 2018) et seules 14,5% concernent l’origine (21,3% en 2016), les convictions religieuses, 2,6% (3,7 en 2016). Si aucune discrimination ne doit rester sans réponse, en multipliant par dix les chiffres présentés, on serait encore loin de discriminations de masse. Un peu plus de 6100 affaires pour discrimination viennent par an devant les tribunaux, avec 10% de condamnations. Comment comprendre alors ce discours paradoxal ?

Le Défenseur des droits dans ce contexte, se voit salué par ses ennemis d’hier, le journal Libération qui titre un « Défenseur inespéré », recevant même les louanges de Clémentine Autain, connue pour ses positions antilaïques et communautaristes. Sur LCI (3), il répond à cela "Je n'ai fait que mon travail." En réaction au patron des sénateurs Républicains, Bruno Retailleau, qui l’a fustigé parlant de "positions très idéologiques, à l'opposé d'ailleurs de toute sa carrière politique", soupçonnant le chiraquien de vouloir "se racheter sur le tard.", il se défend de tout virage "idéologique". Pourtant, c’est bien un tournant à 180 degrés. Il reprend à son compte les thèses indigénistes et décoloniales, s’inspirant du courant sociologique qui les porte en s’y référant, suivant l’idée qu’il existerait des discriminations massives selon l’origine mais méconnues, qui seraient l’effet de la reproduction d’un passé colonial. Il introduit même le concept « d’intersectionnalité » bien connu comme marqueur de cette idéologie. Il parle de discriminations « systémiques », autre concept qui est au fondement du procès en racisme de l’Etat par les mêmes. Partout dans les médias, il vient d’interpeller, en prenant à témoin les Gilets jaunes, Gerald Darmanin, nouveau ministre de l’Intérieur, lui demandant d'interdire « l'usage du LBD et le port de la cagoule chez les policiers ». « Qu’est-ce qu’il est bien » se diront certains, car les Gilets jaunes ont bien dégusté, mais cette dernière initiative arrive alors que les manifestations anti-police des racisés n’en finissent plus. Il va bientôt être adulé par ces derniers. Voyons ce qu'il en est dans le texte.

Une France raciste ? Non ! Remettre les choses dans leur contexte social pour le voir

Une phrase résume à elle seule l’idée générale qui guide le Défenseur des droits : « Quand vous vous sentez discriminé, ça veut dire que vous ne vous reconnaissez plus dans la République." (LCI) Une sacralisation du ressenti, argument massue pour ceux qui entendent faire d’elle un bouc-émissaire, justifiant de rabattre toute inégalité sociale sur les discriminations. Il en découle une victimisation généralisée, justifiant de ne plus penser qu’en termes de minorités opprimées et de séparation.

Dans son dernier rapport sur les discriminations, il explique que les immigrés ou leurs descendants connaissent, face au chômage, une situation plus défavorable que le reste de la population. Il retient le seul critère des discriminations pour l’expliquer. Une étude statistique du ministère de l’Intérieur propose pourtant un autre critère : « Près d’un quart des parents d’immigrés n’a jamais été scolarisé. » et « Les immigrés sont deux fois plus souvent non-diplômés (…) que les personnes sans lien à la migration » (4). Ce genre d’explication ne semble pas lui effleurer l’esprit. Selon l’Observatoire des inégalités, à classe sociale égale les enfants d’immigrés réussissent aussi bien que les enfants des non-immigrés. C’est donc l’origine sociale qui reste le critère principal (5). Pourquoi ne situe-t-il pas son propos dans le cadre d’une analyse sociale d’ensemble, seule intellectuellement acceptable ? Parce qu’alors, sans doute, il ne tiendrait plus.

 

Concernant l’accès à l’emploi de ces personnes, il faut trois CV nous dit-on pour qu’elles décrochent un entretien, pour seulement deux pour un individu avec un nom à consonance hexagonale. On y voit le lien avec « des quartiers » dits « ségrégués ». De la même façon, on souligne que, « Lorsqu’elles sont candidates à la location d’un logement privé, les personnes ayant un nom à consonance arabe ou africaine ont respectivement 27% et 31 % moins de chances d’obtenir un premier rendez-vous avec un propriétaire ». S’il existe des cas de racisme, on ne saurait en généraliser ici l’intention sans y regarder de plus près. Peut-on croire que, l’image d’un accueil massif des familles immigrées dans un parc social où les règles communes n’y sont pas toujours respectées, avec parfois un repli communautaire à la clé, ce qui en fait fuir ceux qui peuvent en trouver les moyens, serait ici sans incidence ? Perception susceptible de générer chez certains une sorte de principe de précaution, par crainte que ne se reproduisent dans l’entreprise ou le logement certains désordres. Préjugé malheureux, certes, par une généralisation infondée, mais plutôt que de crier au racisme à tort et à travers, ne-serait-il pas plus efficace d’agir sur les causes qui fabriquent ces représentations, en favorisant la mixité sociale et le respect des exigences collectives dans ces quartiers, ce qui va en général ensemble ?

La France est devenue première en Europe pour le nombre de demandeurs d’asile, passant de 80.075 en 2015 à 132.614 en 2019, avec une progression de 9,5 % pour ceux l’ayant obtenu. Les deux tiers des demandeurs sont déboutés qui sont nombreux à rester sur le territoire français en situation irrégulière et précaire. Plus de la moitié des « sans domicile fixe » sont des immigrés. Les personnes étrangères seraient ainsi plus exposées à une santé dégradée. Mais en quoi cette situation relèverait-elle de discriminations ? La sécurité sociale bénéficie à tous, sinon la couverture maladie universelle. L’Aide médicale d’Etat (AME) bénéficie à 320.000 personnes « étrangères sans papiers", recevant cette protection après trois mois passés sur notre territoire sans statut. Quel pays fait mieux ?

On parle de surexposition aux contrôles policiers des immigrés ou de leurs descendants, dit « contrôle au faciès », tout contrôle de ces personnes risquant alors d’être interprété comme discriminatoire. Un jeune identifié comme « jeune de banlieue » a beaucoup plus de chances d'être contrôlé aujourd'hui que la population générale (noirs et arabes riches ou âgés y compris), c’est un fait. Si cela doit nous interroger, c’est autant du point de vue d’une délinquance des quartiers qui pousse à l’amalgame les policiers, que des préjugés bien réels de certains de ces derniers. Des dérives existent et doivent être sanctionnées, mais y voir la preuve de discriminations « systémiques » alimentant l’argument d’un « racisme d’État » est autre chose. Notre police est diverse à l’image de notre société, en reflet de ce policier musulman pratiquant qui s’exclamait récemment (6) pour dire qu’il « n’en peut plus des soupçons de racisme ! ». On apprend dans ce contexte qu’un dealer a été relâché sous le prétexte d’avoir subi un supposé « contrôle au faciès », parce qu’il était noir (7) ! Voilà à quel renversement des rôles mène ce genre d’obsessions. Par ailleurs, est-ce lever un tabou que de rappeler que les policiers, dont la tâche est de faire respecter le droit, ont dans leurs missions, entre autres, le contrôle du statut de légalité des personnes se trouvant sur notre territoire ?

 « Près de la moitié des hommes actifs vus comme noirs, arabes ou asiatiques (48%) déclarent avoir été discriminés (tous critères confondus) dans le monde professionnel contre 24% de ceux qui sont vus comme blancs. » On présente ainsi, sur la base de ressentis, un monde du travail miné par des discriminations dites « systémiques ». Pour le démontrer, il prend l’exemple de 25 travailleurs maliens en situation irrégulière sur un chantier de construction qui étaient encadrés par deux personnes d’origine maghrébine et au-dessus d’eux les patrons. Ce qui a pu être interprété comme une organisation pyramidale discriminatoire. On ne saurait ici, pas plus, généraliser. D’autant qu’il s’agit là, avant tout, de l’exploitation de personnes en situation précaire par des patrons peu scrupuleux.

Laïcité et lutte contre le terrorisme auraient masqué l'augmentation des discriminations religieuses

« Dans un contexte politico-médiatique dominé par les débats autour de la lutte contre le terrorisme et de la laïcité, les discriminations en raison des convictions religieuses ne cessent d’augmenter » affirme-t-il. « 1% des personnes déclaraient des discriminations en raison de la religion en 2008 contre 5% en 2016 » (3,7% en réalité de 5203 réclamations selon son rapport de 2016 (8) ). Il explique que cette augmentation dite « considérable […] a principalement concerné les personnes de confession musulmane, traduisant une stigmatisation de plus en plus marquée à leur encontre. ». Il a vu ainsi apparaitre « la construction de nouvelles figures : « les Roms », « le jeune homme de banlieue, noir ou maghrébin », et « la femme voilée… » Quel tour de force que de faire ce procès à la laïcité et à la lutte contre le terrorisme, pour aboutir à cette martyrologie de la femme voilée !

Pas le moindre mot pour ces interdits que subissent des universitaires parce qu’ils refusent d’épouser les thèses décoloniales en vogue, justifiant la création, avec des centaines d’enseignants du supérieur, du réseau « Vigilance universités » (9) ? Le racisme antiblancs relayé, sous prétexte de liberté d’expression, par le clip d’un Nick Conrad « Pendez les blancs »  ? La Ligue de Défense Noire Africaine manifestant devant l’ambassade d’Afrique du sud à Paris, appelant les noirs de ce pays qui s’entretuent à plutôt tuer les blancs ? Cette dernière avec le CRAN et le soutien inconditionnel de Rokhaya Diallo, l’égérie du nouvel « antiracisme », imposant la censure d’une pièce d’Eschyle, « les suppliantes », à la Sorbonne, parce que les comédiens s’étaient grimés en noir comme dans l’antiquité, pratique assimilée ici de façon ridicule à un Blackface ? Et la jeune lycéenne Mila, pour avoir osé critiquer l’islam parce que discriminatoire envers les sexes, menacée sur les réseaux sociaux d’être égorgée au nom d’Allah, contrainte de changer de lycée, de se cacher ? Rien ! Pas plus sur les conséquences du communautarisme, la montée de l’islam politique et des groupes de pression qui imposent par « le regard du quartier » combien de discriminations au nom du respect d’interdits religieux…

Des discriminations massives, héritage d’une France coloniale ? C’est tout le contraire !

Le Défenseur des droits nous dit que « Les discriminations liées à l’origine dans l’emploi doivent être replacées dans le contexte plus large des déséquilibres socio-économiques actuels et de l’histoire de l’immigration postcoloniale en France. » au regard du « recours à une main d’œuvre étrangère (…) massivement concentrés dans les emplois peu qualifiés, précaires et faiblement rémunérateurs (…) Depuis, ces phénomènes ségrégatifs perdurent dans un contexte de concurrence économique exacerbée et de chômage de masse. » Ainsi, rien n’aurait bougé depuis la fin de la colonisation, vraiment ? Comment alors expliquer que la promotion sociale ait fabriqué des classes moyennes qui n’existaient alors pas et ont totalement redistribué les cartes, ce dont tous ont profité, y compris les immigrés, qui, devenus en général Français, appartiennent à présent à toutes les couches de la société ? Et le regroupement familial, les prestations CAF pour tous, c’est aussi la reproduction d’un modèle ségrégatif peut-être ! "Si les discriminations peuvent parfois être la manifestation d’une volonté assumée et consciente de désavantager une ou plusieurs personnes, les traitements discriminatoires sont la plupart du temps le résultat de réflexes et processus qui ne sont pas intentionnels" explique-t-il. N’est-ce pas ce que disent les racialistes qui accusent « les blancs » d’être consciemment ou inconsciemment les oppresseurs de « minorités raciales », dans le prolongement de l’héritage colonial, demandant le retour des tribus avec réparations ? Il oublie au passage que la France est ce pays qui a le plus manifesté contre le colonialisme, avec des morts bien français au métro Charonne le 8 février 1962 pour la paix en Algérie, en toute fraternité, montrant que l’on ne saurait tirer des grands traits sur l’histoire pour la théoriser dans le sens de ce que l’on veut prouver, en l’essentialisant.

Faire vivre la République face au « diviser pour mieux régner » du multiculturalisme

« Les discriminations fondées sur l’origine en France représentent une atteinte profonde à la réalisation du pacte républicain. Trop longtemps négligés par les pouvoirs publics, ces enjeux fragilisent la société toute entière et menacent l’égale dignité de tous et de toutes », dit -t-il, pour proposer la création d’un Observatoire des discriminations. Mais à grossir ainsi le trait en faisant des discriminations le problème principal des immigrés et de leurs descendants, on rabat sur elles une action de correction des inégalités qui concerne l’ensemble des membres de notre société, on en fait un cas à part, opposable à l’ensemble des autres, on encourage le séparatisme. L’absence dans l’analyse du couple « droits et devoirs », sous le signe d’une victimisation de l’immigré qui semble en justifier l’économie, impacte l’idée même du contrat social, qui procède d’un engagement réciproque entre l’individu et l’Etat qui, seul, permet de pousser dans le sens d’une dynamique de l’égalité dont on s’éloigne de plus en plus ici pour aller vers une politique de quotas.

Ce discours, s’il relève de la bonne conscience et des mauvais procès, rend surtout un service inespéré à un ultralibéralisme mondialisé qui a pour modèle le multiculturalisme politique anglosaxon, de divisions identitaires, qui annule la capacité à s’unir des forces sociales, tout autant qu’il fait voler en éclats le corps politique des citoyens et ainsi, la souveraineté du peuple. Drôle de clap de fin du Défenseur des droits sur un rapport qui, l’air de rien, oriente vers un choix de société qui tourne le dos à notre République. Cette dernière reste un combat, dont l’idéal aux valeurs de « Liberté-Egalité-Fraternité », porté au-dessus des différences, à encore devant lui bien du chemin à faire, mais qui vaut mille fois mieux que chacun ses droits selon sa couleur, sa religion ou sa « race ». Espérons que l’on saura après lui, déjouer cette impasse.

 

1-Discriminations et origines : l’urgence d’agir, Défenseur des droits. Juin 2020. file :///C :/Users/chevr/Desktop/Nouveau%20dossier/D%C3%A9fenseur%20des%20droits%20synth-origine-num-15.06.20.pdf

2-Rapport annuel d’activité 2019. Défenseur des droits.

https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/raa-2019-num-accessopti.pdf

3- Le Défenseur des droits revient sur son mandat. Interview de Jacques Toubon sur LCI le 3 juillet 2020. https://www.lci.fr/politique/j-ai-essaye-de-casser-la-fatalite-le-defenseur-des-droits-jacques-toubon-revient-sur-son-mandat-2158315.html

4-Infos migrations, DIPLÔME SELON LE LIEN À LA MIGRATION ET LES ORIGINES SOCIALES, ministère de l’Intérieur. file :///C :/Users/chevr/Downloads/IM_94_Diplome_selon_le_lien_a_la_migration_et_les_origines_sociales.pdf

5- Mobilité sociale : les enfants d’immigrés font aussi bien que les autres, Observatoire des inégalités.

https://www.inegalites.fr/Mobilite-sociale-les-enfants-d-immigres-font-aussi-bien-que-les-autres

6- Policier et musulman, Adil « n’en peut plus des soupçons de racisme » Le Parisien, 21/06/2020.

https://www.leparisien.fr/faits-divers/policier-et-musulman-adil-n-en-peut-plus-des-soupcons-de-racisme-21-06-2020-8339283.php

7-Val-de-Marne : la libération sur fond de racisme d’un dealer rend furieux les policiers. Le Parisien, 25/06/2020.

https://www.leparisien.fr/val-de-marne-94/val-de-marne-la-liberation-sur-fond-de-racisme-d-un-dealer-rend-furieux-les-policiers-25-06-2020-8341845.php

8-Rapport annuel d’activité 2016, Défenseur des droits.

https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/raa-2016-num-20.02.2017_1.pdf

9- Réseau Vigilance universités, https://vigilanceuniversites.wordpress.com/.

 

 

Guylain Chevrier




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