lundi 19 mars 2007 - par JDCh

France Investissement existe...

J’étais ce vendredi à la présentation du dispositif et des orientations stratégiques de France Investissement.

Orchestrée par René Ricol (cf. sa biographie), président de son conseil d’orientation, j’étais tout d’abord satisfait de voir que cet organisme chargé de favoriser des synergies entre l’argent public et l’argent privé était "orienté" par un "entrepreneur expert-comptable", issu de la fameuse société civile : un homme de réseaux certes très connecté au milieu politique (visiblement aussi bien à droite qu’à gauche) et non pas un haut fonctionnaire n’ayant jamais vécu dans une entreprise... Bien ou, en tout cas, mieux...

J’ai noté ensuite quelques chiffres qui sont pédagogiques et que je reprends ci-dessous :

  • sur les deux millions et demi d’entreprises que compte la France, seules 60 000 ont entre 20 et 250 salariés et seulement 5 000 plus de 250 : ce sont ces formats d’entreprises qui manquent à notre économie ;

  • l’effectif moyen des entreprises françaises est de 6 personnes, contre 19 aux Etats-Unis ;

  • 4% des entreprises françaises exportent, contre 18% en Allemagne ;

  • 4 000 business angels en France contre 40 000 en Grande-Bretagne et 400 000 aux USA ;

  • poids du capital-risque et du capital développement par rapport au PIB : 2,5 fois plus important en Grande-Bretagne et 4 fois plus important aux Etats-Unis qu’en France.

J’avais pas mal critiqué le "machin" lors de son lancement par le grand Chichi au travers de ce "post" et je me suis rendu à cet événement microcosmique avec les "a priori" que vous imaginez.

D’abord une confirmation générale que ces fameux trois milliards ne sont pas neufs mais, pour une grande part, recyclés : sur les deux milliards apportés par la Caisse des dépôts, un milliard correspond au rythme actuel d’investissement de la Caisse, donc un seul nouveau milliard. Pour le milliard apporté par le "privé" (AGF, Caisse d’Epargne, Natixis et SGAM suivis bientôt par AXA et Finama), difficile de dire si les fonds ainsi mobilisés l’auraient été de toute façon sous un autre label... L’entreprise France est donc dotée d’un milliard ou un peu plus sur six ans pour financer l’économie de l’innovation et de la croissance dont elle a besoin : si ça marche, ça n’est pas cher du tout (à peu près cinq fois moins cher que le déficit du régime des intermittents du spectacle...) ! Surtout que, si la réussite est au rendez-vous, cet argent reviendra bonifié dans les caisses puisqu’il s’agit d’investissements en fonds propres dans des entreprises et non de subventions ou avances pseudo-remboursables.

Comme je l’avais écrit à l’époque, en réalité, le problème n’est pas de trouver l’argent mais de trouver les projets dans leqsuels investir cet argent... Un milliard de plus ne sert donc à rien sauf s’il est mobilisé sur des projets d’un type différent pour lesquels l’offre de financement actuel ne correspond pas. Ainsi, puisque cet argent sera investi directement dans des fonds d’investissement ou dans des "fonds de fonds" publics ou privés, espérons qu’une bonne partie de cet argent frais ira sur des créneaux mal servis comme l’amorçage en capital-risque et le "petit" capital développement. C’est plus facile à dire qu’à faire car si on veut que ces différentes allocations soient "profitables" et faites suivant une "logique de marché" (ce qui me paraît très bien), il faudra trouver les équipes de gestion qui savent gagner de l’argent sur ces créneaux. Il y aura sûrement beaucoup de volontaires mais leur courbe d’apprentissage ne sera pas immédiate... et le ratio argent au travail sur temps passé ne leur sera pas favorable... Soyons optimistes et faisons confiance (méthode dite Coué), il en ressortira sans doute quelques bonnes surprises au milieu du saupoudrage inefficace ambiant.

Afin de ne pas toujours être le "party pooper", je tenais également à lister quelques points positifs issus de cette présentation :

  • nous avons pu assister à un travail "main dans la main" de CDC Entreprises et OSEO (résultat de la fusion de la BDPME et de l’ANVAR). Bonne nouvelle de voir que ces organismes para-étatiques arrivent à travailler ensemble. Bonne chose de voir que OSEO, résultat rare du rapprochement de deux organismes publics, semble exister de façon cohérente. A quand la fusion de OSEO et CDC Entreprises ? Et si ce rapprochement avait lieu, à quand des économies significatives mises en oeuvre ? Là, je vais un peu loin... je m’arrête !

  • la notion de "société de business angels" est maintenant explicite dans le discours de France Investissement, les investisseurs dans ces sociétés profiteront du dispositif Madelin dont j’ai déjà dit qu’il était ridicule du point de vue des montants considérés (25% de 25 000 € contre 40% de 200 000£ pour son équivalent britannique) mais cela va dans la bonne direction. France Investissement est même prêt à abonder sous forme d’obligations convertibles pour un tiers (et jusqu’à un million d’euros) dans ces véhicules d’investissement à condition que ceux-ci mobilisent deux millions d’euros ou plus. C’est, encore une fois, la chose à faire... simplement, si on limite l’avantage fiscal à 25 000€ et que l’on veut des véhicules de deux millions, il faut des sociétés de business angels regroupant 80 membres : de sacrées réunions de copropriétaires en perspective ! La réflexion avance donc mais cela manque singulièrement d’ambition et de pragmatisme...

  • l’opportunité d’investir dans des fonds spécialisés dans la "petite mezzanine" semble également faire partie du "scope". C’est très bien notamment pour le petit capital développement : l’effet de levier rendu possible par la disponibilité de tels outils (cf. cette explication) devrait pouvoir rendre attractif et profitable certains investissements dans des sociétés gérées de façon sérieuse mais ne présentant pas tout à fait le profil de croissance attendu par les investisseurs en capitaux. A poursuivre...

Je finirai sur cette idée saugrenue mais illustratrice de notre culture économique, dont je n’avais jusqu’alors jamais entendu parler, qui consiste à donner des bourses à des étudiants qui s’engageraient à travailler dans des PME-PMI ! Disons que, c’est parce qu’on part de très, très loin, que je ne vais pas dénigrer l’initiative. De plus, mieux vaut donner des bourses à ces jeunes gens qu’à ceux qui s’engageraient à devenir fonctionnaires !

Mais présenter le fait de rejoindre le monde des PME-PMI comme une sorte de contrainte, voire de sacrifice, me paraît plutôt tendancieux : un jeune diplômé talentueux qui rejoint une PME a sans doute un "job" bien plus excitant, autonome et intéressant que celui, prudent, qui préfère signer un contrat "planqué" dans l’un de nos fleurons du CAC40 ! Suis-je le seul à en être convaincu ?

Bref, France Investissement n’est pas la parfaite usine à gaz que je redoutais mais avouez, quand même, qu’il nous reste encore beaucoup de chemin à faire !



3 réactions


  • Stephane Klein (---.---.19.227) 19 mars 2007 14:20

    Tres bien tout ca, dans les EnR il y a de quoi investir car nous sommes sacrement en retard..

    Au fait, c’est quio la « petite mezzanine » ?


  • Forest Ent Forest Ent 19 mars 2007 17:56

    Article intéressant.


  • loxygene (---.---.197.144) 20 mars 2007 10:07

    Je reprends votre source (http://www.netpme.fr/actualite-entreprise/805-prorogation-amenagement-dispositif-madelin.html) et constate que l’investissement peut être étalé sur 4 ans soit « Ainsi, les versements dont le montant excèdera le plafond annuel seraient désormais reportés sur les 4 années suivantes au lieu de trois actuellement, permettant ainsi des souscriptions maximales de 100.000 euros pour un célibataire et de 200.000 euros pour un couple marié ou pacsé. »


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