Gambit et jeu d’échecs au Moyen-Orient
Il fut un temps, pas très lointain, où le Quotidien d’Oran était mon journal préféré. Je le dis avec sincérité. Particulièrement l’édition du jeudi où on pouvait trouver à boire et à manger. Aucune exagération de ma part si l’on devait considérer que la lecture est une forme de nourriture de l’esprit. Et cette nourriture de l’esprit nous est gracieusement servie par les meilleures plumes de nos intellectuels et journalistes qui ont peut-être trouvé, dans ce quotidien, les meilleures conditions de travail et d’épanouissement.

. Et comme, en Algérie, le jeudi est le début du week-end, cela nous donne largement le temps de bien « décortiquer » ce canard, passant de la Chronique du Bledard d’Akram Belkaid à la « Chronique de Paris » de Pierre Morville et d’autres écrits encore. Il faut dire aussi que notre chroniquer Kamel Daoud, qui vient d’être élu par ses pairs parisiens comme le meilleur journaliste de l’année est issu de cette école d’Oran. C’est dans ce journal qu’il a fait ses premières classes. C’est à ce journal qu’il devrait donc être reconnaissant aujourd’hui s’il n’est pas grisé par le succès. Toujours est-il qu’on ne s’ennuyait pas avec ce journal dominical avant l’heure, si j’ose dire. Le plaisir de lire est ainsi renouvelé chaque jeudi. Puis les vicissitudes de la vie ont fait que les week-ends, votre serviteur est appelé à se déplacer, à changer de ville, à faire la route. Et quelle route, mes amis ! L’autoroute Est-Ouest, considérée par les pouvoirs publics algériens comme le « projet du siècle », qui vous fait vieillir chaque jour d’un jour. Encore une fois, pas d’exagération dans cette assertion. Sur cette route à grande vitesse, on n’est jamais à l’abri d’une surprise, d’une mésaventure. Si ce n’est pas un tronçon que l’on refait, c’est un camion de gros tonnage, un « semi-remorque » qui s’est renversé et qui barre la route créant ainsi un bouchon de plusieurs km… Que ce soit dans le sens de l’aller ou dans l’autre, celui du retour, c’est toujours après plusieurs heures passées sur la route, à la tombée de la nuit, et exténué que l’on arrive à destination. Ce qui ne nous laisse guère le temps de jeter un coup d’œil, même furtif, sur les journaux. Nous avions ainsi, petit à petit, perdu l’habitude de s’immerger, chaque jeudi, dans le « Quotidien d’Oran » et ses fameuses chroniques. De ce fait, il est indéniable que nous avons, au cours de ces derniers mois, raté beaucoup de choses.
Ce jeudi, j’ai pu renouer, reprendre contact, retisser le lien, le cordon ombilical avec ce journal et j’ai pu me rendre compte que rien n’a changé, que ce soit dans sa pagination ou dans son contenu toujours intéressant et pertinent. Entre autre, le Bledard est toujours là. Et c’est justement sa dernière chronique portant le titre « Gambit syrien » qui m’a poussé en quelque sorte à changer de rôle. De lecteur assidu, je me suis permis de prendre, à mon tour, ma plume et de griffonner quelques mots à l’intention de notre chroniqueur. Ainsi, si le Bledard ne voit pas d’inconvénient, permettez-moi, le temps d’un week-end, d’occuper l’espace réservé à sa chronique hebdomadaire. Juste pour lui dire qu’il a une drôle de conception de ce qu’est un débat, lui qui vit pourtant depuis des lustres dans un pays démocratique où les débats en tout genre ne manquent pas. En effet, voilà ce que j’ai pu lire et relire pour en être sûr dans son dernier papier : « Si l'on n'est pas d'accord sur ce point, il ne sert à rien de débattre ou de poursuivre la discussion ». Or, à ma connaissance, il ne peut y avoir de débat sans contradiction c’est-à-dire lorsqu’on est, comme le suggère le Blédard, tous d’accord sur un point x ou y. Le débat ne peut être à sens unique. Ce qui fait débat, c’est justement la présence, l’existence, d’avis ou d’opinions contradictoires. N’est-ce pas que c’est élémentaire, mon cher… j’allais dire Watson…, Akram ? ! Il parlait du problème syrien et de Bachar Al-Assad qu’il traite ni plus ni moins que d’un dictateur sanguinaire qui « massacre son peuple ». Cela, c’est ce que dit la presse mainstream de l’Occident, et je trouve personnellement malheureux que nos journalistes la suivent sur ce terrain. La Syrie est ravagée par une guerre dont les ramifications sont d’ordre géostratégique. Ni plus ni moins. Ce sont les grandes puissances de ce monde, les US et les Russes qui se font indirectement la guerre par peuples arabes interposés. De toute façon, même avec un autre président issu d’élections démocratiques à l’américaine, la Syrie aurait connu le même sort. Cela est dû, pour reprendre un certain président en visite en Tunisie, à sa position géographique, au Moyen-Orient, lequel Moyen-Orient est à recomposer dans un chaos … constructeur. La Syrie est à un jet de pierre d’Israël. Elle s’est toujours opposé, politiquement (et non militairement) à l’Etat d’Israël. Cela est largement suffisant pour que les Américains et tous ceux qui défendent inconditionnellement Israël fassent des mains et des pieds pour la détruire, la raser de la carte géographique. Sans jeu de mot. Le reste, tout le reste n’est que littérature de gare.
L’intervention russe en Syrie a, cependant, quelque chose de positif en ce sens qu’elle a permis à Bachar Al-Assad de reprendre ses forces et reconquérir une bonne partie de son territoire. Les syriens entrevoient le bout du tunnel. Espérons que la fin de leur calvaire est pour bientôt.