lundi 3 décembre 2018 - par Bernard Dugué

Gilets jaunes, acte IV, V, VI, VII et la suite… Alliance en jaune et en violet

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 Laissons les observateurs médiatiques commenter les images et les propos pour essayer de capter ce qui se passe dans le pays et qui est plutôt inédit. Autant nuit debout semblait être une récréation festive emprunte d’une idéologie antisystème légitime, autant les gilets jaunes dévoilent l’émergence d’un processus historique qui n’est pas cerné et pour cause, puisqu’il n’est pas accompli. Alors, comment penser une histoire à accomplir ? Cette fronde populaire n’est pas due à une question de 7 centimes de taxe sur un litre de gasoil. Le mal est plus profond. Il remonte à un processus de transformations sociales et économiques initié depuis deux à trois décennies. L’état de la France résulte d’une accumulation de trois décennies de politique. Les gilets jaunes ne sont le thermomètre du vécu d’une partie importante de la société. Ce n’est pas en supprimant le thermomètre ou en discutant avec que l’on aura des solutions. Macron promet des résultats dans trois mois. Cette promesse ne tient pas d’autant plus que la politique de Macron est dans le prolongement des gouvernances conduites par Sarkozy et Hollande qui n’ont fait d’aggraver la situation en colmatant les brèches et en jouant sur la facilité d’un budget en déficit chaque année.

 

 Le mouvement des gilets jaunes est soutenu ou approuvé par les trois quarts des Français. Depuis la métropole bordelaise, j’observe ces gilets sur les parebrises. Si ce mouvement est historique, quelle est cette histoire qui peut s’écrire et émerger ? Les visionnaires savent voir la situation et jouer avec plusieurs coups d’avance. Dissoudre l’Assemblée maintenant serait une mauvaise solution car un nouveau vote ne donnerait pas une majorité pour prendre des décisions avec des choix qu’aucun parti ne propose. Les carnassiers de la politique ont montré leurs intentions mais les gilets jaunes ne sont pas dupes. C’est le peuple de France qui renoue avec une intelligence connue lorsque le TCE a été rejeté en 2005. La fronde a dévoilé des malaises, des frustrations, des colères, mais aussi des espérances noyées dans le chaos ambiant. Cette France qui se bat a une conscience politique, elle incarne le même ressort que la France qui a rejeté le TCE.

 

 Ce qui conduit à imaginer une seconde étape. Quelle que soit la reconduite des blocages et poursuite des insurrections, il est nécessaire de réfléchir à une autre politique et non pas se contenter de mesures et de solutions de replâtrage. Il faut voir les choses en face. Comprendre l’économie, savoir pourquoi on en est arrivé à cette situation de rupture et proposer des solutions de grande envergure. C’est le travail des penseurs ; il y en a dans ce pays.

 

 Troisième étape. Un des problèmes majeurs est la division de ce pays. Une politique d’avenir doit prendre en compte la société avec toutes ces couches en sachant que la priorité concerne les moins aisés et les recalés de la France. Il n’y a aucun antagonisme si schisme entre les gilets jaunes et les intellectuels honnêtes. La position d’Alain Finkielkraut ou d’Emmanuel Todd honore cette « confrérie sans fraternité » des intellectuels, salie par BHL ou Romain Goupil. Une alliance entre les intellectuels et les gilets jaunes se dessine. On la voit apparaître dans nombre de tribunes. Un monde émerge, il faut résister et avancer. 

 

 Quatrième étape. Former un nouveau parti, une nouvelle alliance en marche pour affronter le pouvoir en place en laissant de côté les partis de l’ancien monde, PS, LR mais aussi les carnassiers en embuscade, RN et FI. Cette alliance est possible. Et puis rien ne s’oppose à ce que des figures politiques d’expérience puissent rejoindre cette nouvelle alliance. Rufin, Villepin, Védrine, Cazeneuve, les bonnes volontés sont bienvenues et vous êtes priés de ne pas siffler ! Cette nouvelle alliance pourrait être jaune et violette, symbole du peuple en mouvement et de la souveraineté spirituelle du peuple. Les crécelles alliées des toupies (à bon entendeur).

 

 Cinquième étape, les élections européennes. Rien n’interdit d’espérer un succès colossal si cette nouvelle alliance à un horizon, une pensée, une cohérence et un programme simple avec quelques mesures révolutionnaires. Dans ce cas de figure, une dissolution sera légitime et justifiée. Et une nouvelle Assemblée pourra mettre en œuvre le programme de la nouvelle alliance.

 

Cette histoire est du domaine du réalisable mais elle reste très incertaine pour ne pas dire impossible. Il faudrait que les gens se parlent et qu’ils ne cessent de s’opposer les uns aux autres, surtout dans cette France qui peine avec les travailleurs lorgnant sur le compte en banque des plus pauvres recevant des aides. Les Français ne sont pas tous dupes de la division sur laquelle jouent les politiciens pour consolider leur pouvoir.

 

 En l’état actuel des choses c’est l’impasse. Il n’y a pas de solution dans le contexte politique et technologique car les réformes du gouvernement ne peuvent qu’aggraver la situation et au mieux la stabiliser. La France va dans mauvaise direction depuis 20 ans. Comme beaucoup de pays. En Italie, une représentation politique inédite est arrivée au pouvoir. En France, le peuple ne se sent pas représenté et les partis alternatifs, RN et FI, ne sont pas compatibles. Cette configuration est propre à la France qui a toujours été divisée depuis deux siècles. Il n’y a pas de solution politique ni de programme avec un RN qui refuse l’Europe alors qu’elle peut devenir un levier si on la maîtrise au service des peuples, et avec la FI qui adhère au mythe du climat et à la transition bureaucratique. Quant à la transition numérique, elle conduit l’humanité vers la dénaturation en servant, comme la transition écologique, les prédateurs du système.

 

 En jaune et violet, la vie des gilets et la vie de l’esprit, une nouvelle alliance. La colère n’a que deux réponses, l’une est la vengeance, l’autre est l’alliance. L’une détruit, l’autre construit, l’une est de bêtise, l’autre est d’intelligence. Face à votre destin, vous Français, vengeance ou alliance, « rouge, noir et brun » ou « violet et jaune ».

 



12 réactions


  • rogal 3 décembre 2018 10:04

    Un programme ? Le référendum d’initiative populaire avant tout.


    • Alren Alren 3 décembre 2018 17:19

      @rogal
      Un programme ? Le référendum d’initiative populaire avant tout.

      Pendant qu’on y est, il faut une nouvelle Constitution incluant également le référendum révocatoire.

      Dugué qui se croit un génie montre ses petite limites en parlant de parti « carnassier » (qu’entend-il par là ?) pour désigner le mouvement France Insoumise !
      Il laisse entendre que nous ne proposons pas les bonne solutions mais se garde bien de donner les siennes !!!


    • Le421... Refuznik !! Le421 3 décembre 2018 17:44

      @Alren
      D’autant plus que le parti « carnassier » retrouve plein d’idées qu’il avait proposé dans LAEC... Il faut croire que un électeur sur cinq avait envie de se faire mordre !!  smiley
      Je me trompe ou au départ, c’était « les fachos » qui avaient lancé le mouvement ?
      Va comprendre Charles !!


  • Francis, agnotologue JL 3 décembre 2018 10:17

    ’’ Le mouvement des gilets jaunes est soutenu ou approuvé par les trois quarts des Français.’’

    Ce pourcentage 75%de sympathisants au mouvement est à mettre en parallèle avec l’impopularité de ce président : 80% de mécontents : ce sont les mêmes.

     

     

    ’’ Il faut voir les choses en face. Comprendre l’économie, savoir pourquoi on en est arrivé à cette situation de rupture et proposer des solutions de grande envergure.’’

     

     Comprendre l’économie ? Il n’y a rien à comprendre : observer, simplement. En revanche, il faut comprendre la politique « du ruissellement », et les gens comprennent bien que cette politique  - du ruissellement : ce qui est bon pour les riches est bon pour la société - est en train de tuer l’égalité républicaine. Or, point de liberté sans égalité.

     

    « Le pauvre ne doit jamais ni voler, ni tromper le riche (…). La conscience du pauvre lui rappelle dans cette circonstance qu’il ne vaut pas mieux qu’un autre et que, par l’injuste préférence qu’il se donne, il se rend l’objet du mépris et du ressentiment de ses semblables comme aussi des châtiments puisqu’il a violé ces lois sacrées d’où dépendent la tranquillité et la paix de la société. » (Adam Smith, cité par Dany-Robert Dufour, « La cité perverse)

     

    Nous tous qui avons lu Matin Brun, voyons bien que cette société de privilèges vers laquelle nous mène la folie ultra-libérale c’est la mort de la République, puisque dans la descente vers l’enfer de la pauvreté et de la servitude, notre tour viendra un jour, ou celui de nos enfants.

     


    • Le421... Refuznik !! Le421 3 décembre 2018 17:45

      @JL
      Cela fait un certain temps qu’avec le réchauffement climatique, le ruissellement est devenu l’évaporation...  smiley


  • Étirév 3 décembre 2018 10:41

    Plus qu’un problème économique et social, il s’agit plus gravement d’un problème de mœurs et d’exemples au plus sommet sommet de l’état qui n’en sont plus depuis très longtemps, ceux d’un pouvoir devenu de plus en plus illégitime et usurpateur de manière évidente et qui exprime toute sa laideur morale, quotidiennement en toute impunité, et au mépris de la soufrance des gens.
    Les « gilets jaunes » qui vivent sont « les gilets jaunes » qui luttent


  • Taverne Taverne 3 décembre 2018 10:46

    Le Réel est est en marche !

    Il faut des réponses simples, justes (surtout) et rapides, pour commencer. Sinon la « lutte des casses » risque (en fait : « va ») continuer à Paris et dans le pays. Repenser la fiscalité dans le cadre du budget 2019 aiderait déjà amplement à avancer. Bien sûr, d’autres changements seront aussi à penser pour le plus long terme.

    Le Réel est est en marche et désormais Macron et son gouvernement sont la République en marche contraire.


  • jjwaDal jjwaDal 3 décembre 2018 16:42

    Quand on choisit de mettre ses salariés en compétition directe avec des gens pouvant vivre avec 300€/mois (pays d’ europe centrale et Chine) voire 60€ (l’Ukraine) il ne faut pas s’étonner de voir la base des cotisations sociales chuter. Quant on choisit de laisse filer l’évasion fiscale (estimée approcher 100 milliards d’euros cette année), quand on arrose d’argent public des entreprises privées avec des résultats mitigés pour le moins (vu le contexte de libre-échangisme, même des charges nulles ne suffiraient pas), quand on s’est mis en situation d’être essoré par les marchés financiers au lieu d’être approvisionné à taux zéro par sa Banque Centrale, quand on accepte d’être dans la course au moins disant social pour éviter la fuite des capitaux, l’hémorragie financière est d’une telle ampleur qu’il faut trouver un peu d’argent, de préférence là où il y en a le moins...
    C’est inextricable avec les règles du jeu actuelles acceptées par TOUS les mouvements politiques français aux détails près.
    La société a inévitablement un seuil de rupture et personne ne le connaît. Qui aurait dit que le peuple Grec se coucherait devant la barbarie aussi vite ?


    • Xenozoid 3 décembre 2018 16:49

      @jjwaDal

      pas que la grêce,... mais il y a une barriere/tabou, c’est celle de dire que la violence ne paie pas ,alors que nos gouvernement ne font que ça partout dans le monde,et font d’énormes bénéfices avec les armes entre autres et tout ce que cea produit....cela commence a se voir en occident mais cela était déja vu dans les « anciennes »colonies...il a fallu du temps,la décolonisation ne fait que commencer


  • Taverne Taverne 3 décembre 2018 17:38

    « C’est le travail des penseurs ; il y en a dans ce pays. »

    Mais un certain dégagisme ne serait pas inutile ici aussi (sans viser personne, chacun aura sa petite idée sur quelques noms d’intellos trop vus).

    Il y a des penseurs ce site aussi : vous-même Bernard Dugué. Moi aussi mais j’ai mis en suspens mon prochain article philosophique (« Parlons du Sens ») car il serait inaudible dans ce tohu-bohu. Pourtant, j’y ai longuement pensé. S’il existait une chambre citoyenne ou des clubs de réflexion officiels, nous pourrions y participer. En tous cas, moi, incorrigible optimiste, centriste très radical, je reste volontaire pour tout ce qui va dans l’intérêt général. Simplement, je ne veux pas me fatiguer pour rien !


    • Taverne Taverne 3 décembre 2018 17:42

      Erratum : quand j’écris « ici aussi », je parle de la sphère des intellos qui ont une grande notoriété en France, pas d’Agoraox. Je me suis mal exprimé en ajoutant un « ici » superflu. Ich bin desoled. Toutes mes confutations.


  • ticotico ticotico 12 décembre 2018 15:12

    « L’Europe au service des peuples » C’est beau de rêver... Pour l’instant, les gilets ont à peine commencé à tirer sur la ficelle qui les amènera à réaliser les vraies causes. Ils vont y arriver un jour ou l’autre et finir par demander le respect du vote de 2005.

    La structure européenne n’est pas sauvable, ce n’est que l’instrument central de l’occupant financier.


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