Gilets jaunes et trèfle noir
Mouvement spontané
On le garde, on refuse toutes les récupérations. Quand trop c’est trop, que ça touche au saut du lit, on y a tous droit.
Le budget gas-oil a doublé en quinze ans, tout le monde n’est pas assez souple pour faire le saut d’un quart de plus du jour au lendemain ! En voyant la vitesse de défilement des chiffres s’inverser sur le cadran de la pompe, on pense bien sûr au temps où l’on disait : à cinq balles le litre d’essence, ce sera la révolution. On en est au double, sous la menace d’un quasi triple, on va la faire. C’est pas trop tôt .
La goutte de gas-oil qui fait déborder le réservoir ; heureusement qu’on a des idées pacifistes et qu’on ne fera pas comme les agriculteurs avec leur fumier !
Il y a, en sur main si j’ose dire, une guerre entre le lobby nucléaire et le lobby pétrolier, nous en sommes les otages. On ne va pas répertorier ici les mensonges que commet l’un pour nous embarquer dans une voiture électrique en nous donnant des aigreurs de culpabilité à être si nombreux à polluer notre belle planète bleue. Ou ceux de l’autre pour se dédouaner de toute nuisance.
Au début, quand tout allait bien, pas un seul de nos contemporains se doutait qu’il était nuisible ; au contraire, surtout s’il était occidental, il était sûr d’être un quasi demi dieu d’intelligence et de culture raffinée.
À cette époque, le moteur diesel était réservé aux gros engins, il pétaradait et puait et qu’il dure un siècle sans panne ne nous concernait pas. Et puis des ingénieurs sont venus qui l’ont adapté, d’abord aux grosses voitures de commerciaux, puis de riches, donnant l’envie à tout le monde d’en acquérir une. Avec tout le pognon qu’il y avait à se faire on se doute bien que les firmes investirent le paquet et multiplièrent les chaînes.
Quand le petit ouvrier put acquérir sa pigeot- trois- réveils diesel, il rendit jaloux le bourgeois qui roulait en essence. Mais nous eûmes malgré tout quelques années à jouir d’une voiture économe, solide et à préférer sa conduite induite.
Pendant ces temps quiets et de relative aisance, les centres ville se vidaient et il fallut bien se loger dans les banlieues de plus en plus lointaines. Le budget remboursement de l’habitat et du transport était déjà lourd, mais le choix était restreint quand peu de villes se préoccupaient d’urbanisme. Le problème était laissé aux requins qui le traitèrent en appât.
Quand tous les gens, même au delà de leurs moyens pour certains, eurent leur petit pavillon et jardin, on pensa en haut lieu qu’il fallait trouver un autre moyen de remplir les caisses, de l’État ou de ses copains. La répression routière fut une trouvaille géniale, et j’espère que son inventeur fut décoré de la légion d’honneur ou de la médaille du mérite. Celle-ci sonna le glas de la voiture symbole de liberté, elle réprima puis tua le symbole, quant à la voiture, on la brida.
Je date le début du sadisme sur la route, à l’époque Sarkozy ; faire du chiffre rendrait sadique un singe. Les villes se dotèrent de caméras, on mit des feux rouges même sans carrefour, histoire de piéger le premier venu, des panneaux de limitation bien planqués et surtout, surtout, sans logique aucune avec la configuration de terrain.
Déjà commencer à nous faire perdre notre logique. À nous faire douter de notre bon sens. À nous déstabiliser, puis à nous agacer, puis à nous révolter sans rétorsion possible.
On rend ainsi les gens sournois qui s’accommodent des chicanes et des obstacles mis sur leur route, on les rend délinquants, et puis pour certains, un peu cons à ne plus savoir faire par soi-même quand l’ordre n’est pas assez explicite.
Quand le couple dut avoir deux bagnoles, à cause des horaires ou des itinéraires, que le prix à la pompe montait de manière qui se voulait indolore, quand les fabricants ne fabriquèrent plus de moteur au gaz, quand on rentra chez soi plus souvent que tolérable avec une prune, quand le sadisme qui règne sur les routes : travaux qui n’en finissent plus, circulation alternée sur cinq cents mètres pour un trou à boucher , flics en rase campagne à pas d’heure, voilà que notre héros jupitérien rapplique la bouche en cœur et nous explique qu’il va falloir se sacrifier parce qu’il est plus possible de saloper la planète à ce train là, hein. Je ne vais pas rappeler ici que, bien sûr on sait tous, mais on ne veut pas admettre, que plus c’est cher moins ça pollue.
Il ne dit pas mais pense très fort qu’on ne peut pas s’attaquer aux tarifs des transports maritimes ni aériens, et puis, comme il y a beaucoup de gens qui prennent l’avion pour un oui pour un non, ou achètent chinois, on pardonne à cette pollution-là qui, je le rappelle, est de l’ordre de dix fois plus importante que celle occasionnée par nos pauvres 206 diesel !
… et pendant ce temps-là… qui c’est que voilà ?
L'EPR !! l’épeire ?
N’y a-t-il qu’EDF pour croire que le nucléaire sauvera le climat ? Nous faire croire qu’une belle centrale résoudra nos problèmes d’embouteillages puants ?
L’EPR qui malgré les trous de son couvercle, la solidité de ses matériaux qui sera prouvée « grandeur nature » en continu tout au long de sa vie, l’EPR dont on se demande comment il est encore possible de s’y entêter, l’EPR dont on votera probablement les jours prochains son acte de naissance.
Il arrive par derrière, et c’est quand même malheureux pour un fleuron de notre industrie, le fruit du génie de génies, qui suscite et excite et maintient des milliers de compétences qui font rêver le monde entier, de devoir la catimini !
C’est vrai, ils ont fait, en leur temps, ce qu’ils ont pu pour nous le montrer, tout propre, propre comme un sou neuf, comme disait ma grand-mère qui n’a pas connu le progrès et a toujours vécu à la chandelle, pas cher, -c’est pas cher, et personne ne paye… et quand on fait du bruit d’un côté, on n’entend pas le silence de l’autre, le silence des déchets, des petits incidents, des petites incompétences qui s’insinuent et s’il n’y avait pas de lanceurs, nous ne recevrions pas les infos de tout ce qui tisse la nasse qui nous immobilisera, nous tétanisera avant de nous vitrifier.
N’est-il pas plus facile d’empêcher qu’un acte de naissance soit signé plutôt que le détruire ?
Ne serait-il pas judicieux d’emmêler ces lobbies dans notre exaspération ce samedi ?
Alors tout ça, le compteur Linky, les frasques de notre héros jupitérien, la route, les aéroports, le train qui va très vite et qui coûte un bras à celui qui n’en a plus dans la gare de son bourg, les OGM, la pyrale, le frelon, les jolis noms de poisons, les photos d’art décorant nos paquets de cigarettes, les caméras qui nous protègent tout le long de notre trajet,et toutes les petites tortures, les petites humiliations comme des petites décharges électriques bien ciblées, tout devient champ de bataille, cause à combattre, si on peut… ou au contraire, nous désensibilise, nous rend cyniques, malades… résignés.
Parce qu’il faut comprendre la douleur, pas toujours conscientisée, que l’on éprouve de manière sournoise, à vivre en un pays où aucune confiance ne nous est faite, ou aucune loi n’a pour mission notre protection, aucun décret, aucune décision qui ne protège notre bien commun parce que ces lois sont dorénavant écrites par la cupidité et la schizophrénie de petits bonshommes qui croient dur comme fer être sortis de la cuisse de Jupiter !
Et puis, il y a tout le reste et là on trouve Julien Assange prisonnier dans ce qui fut son havre depuis tant de temps que ses sauveurs devinrent ses geôliers ; torturé passivement, sans soins, à l’isolement, sans exercices physiques possibles, il mourra de nous avoir ouvert les yeux, dans un des pays fleuron de la démocratie ; alors on devra le dire, ce jour-là, le clamer aussi qu’on ne supporte pas que depuis huit ans un homme se meurt qui a juste trahi les dessous immondes du pouvoir de l’empire.
Ça fait beaucoup, non ?
aussi
Sortons samedi et, sur nos gilets jaunes dessinons le trèfle noir, le trèfle irradié, inondons les routes de nos flux de piétons, de cyclistes, et montrons que nous ne sommes pas dupes et que nous ne voulons plus. Des milliers de trèfles noirs qui tournent le dos au lobby, à l’état macronien, qui se montrent et qui dansent, qui font des claquettes sous la pluie… claquent les talons, jubilons, jouons, et on pourra même chanter si on est sage « on les aura » sur l’air de ah ça ira !
On dit qu’un jeu nous sera offert par le réseau Sortir du Nucléaire : un plein de gas-oil payé aux dix premiers qui figureront, trèfle bien visible, sur une photo ou une vidéo faite de la manifestation !
Le temps manque d’organiser des chorégraphies, des tableaux vus de haut, à la manière de la publicité Woolmark, nous en moutons fluos, et trèfle souillé.
Le temps manque, hâtons-nous !