mercredi 5 décembre 2018 - par Daniel MARTIN

Gilets Jaunes : recul gouvernemental, quand la « bagnole » guide le peuple !

Après les émeutes de Paris le 1er Décembre qui furent d'une extrême violence, avec des destructions jamais inégalées, les annonces du premier Ministre concernant la suspension de taxes et l'augmentation des tarifs de l'énergie seront-elles de nature à mettre un terme aux actions des gilets jaunes ?

JPEG

Rappel des annonces de moratoire de six mois faites par le Premier Ministre :

Suspension pendant six mois de la hausse de la taxe carbone qui devait se traduire par une augmentation de 6,5 centimes pour le diesel et de 2,9 centimes pour l'essence. Dans le même temps, la convergence de la fiscalité du diesel et de l'essence et la hausse de la fiscalité sur le gazole entrepreneur non routier, le GNR, sont reportées de six mois.

Il y a également le report de six mois du renforcement des conditions pour le contrôle technique des automobiles. Il était lui aussi prévu au 1er janvier et consistait notamment en un abaissement des seuils autorisés en matière de pollution des véhicules diesel.

Enfin, ni les tarifs de l'électricité, ni ceux du gaz n'augmenteront, comme c'était prévu, "durant la concertation et donc durant l'hiver qui s'annonce", a développé le chef du gouvernement. Ces tarifs devaient initialement augmenter de 5,8% pour les tarifs réglementés du gaz au 1er janvier et de 2% à 4% au 1er février.

En parallèle de ces annonces à effet quasi-immédiat, le Premier ministre a annoncé la tenue, du 15 janvier au 1er mars, d'un « large débat sur les impôts et les dépenses publiques », une concertation, dont il précise qui « ne doit ressembler à aucune autre. Il s'agit d'un dialogue au niveau national, mais le débat doit avoir lieu au plus près des Français. Il faut définir une organisation pour que tous les Français puissent s’exprimer, démultiplier les façons de participer. Ce débat devra déboucher sur des solutions concrètes ».

Ces annonces qui coûteront 2 milliards d'euros vont-elles stopper les actions des gilets jaunes ? On peut en douter, si on se réfère aux déclarations des gilets jaunes présents aujourd'hui sur différents points du pays. Pour eux, à l'évidence ce recul du Gouvernement les encourage à aller plus loin pour obtenir encore et toujours plus, avec des revendications aussi diverses que variées et contradictoires, voire parfois des plus loufoques, y compris quand ils demandent la démission du Président de la République. En faisant fi de l'état de Droit, des institutions et du calendrier électoral, savent-ils au moins par qui ils le remplaceraient : Mme LE PEN, M. MELENCHON ou qui d'autre ?

Si le mouvement des gilets jaunes apparaît comme une « cyber-jacquerie » des temps modernes, et semble se traduire comme une revanche brutale de « ceux qui ne sont rien », ces » derniers de cordée « largement ignorés depuis des années par les pouvoirs en place au profit de catégories sociales plus aisées, mais est-elle vraiment l'expression du bon « peuple », victime et paré de toutes les qualités ?

A l'évidence, le gros des « bataillons » gilets jaunes se trouve parmi la classe moyenne basse, qui se définit non par rapport aux moyens financiers qui sont les leurs, bien qu'une partie d'entre eux travaille avec souvent des revenus faibles et qu'un grand nombre ait un salaire correct, ils sont en général le produit d'une certaine inculture, surtout politique. Ils sont particulièrement vulnérables aux manipulations par intox et fausses nouvelles dont ils se nourrissent. Ils se prennent pour le peuple et reprennent souvent la phraséologie de l'ex FN, alors qu'au fond ils ne sont qu'une fraction minoritaire de ce peuple auquel ils se réfèrent.

Peu importe le climat, avant tout c'est consommer et nourrir la « bagnole » le moins cher possible

Au fond, « ce bon peuple » veut surtout pouvoir beaucoup consommer de tout et pas cher, surtout du carburant pour nourrir la voiture érigée en nouveau « guide du peuple ». La planète brûle de tous coté à cause d'une croissance démographique qui explose avec un milliard d'habitants de plus par décennies, 100 000 km² de terres arables disparaissent tous les ans sous le béton et l'asphalte, la moitié des vertébrés ont disparu, le climat est en pleine dérive, mais pour les gilets jaunes ce n'est pas un problème, ce qui compte c'est le pouvoir d'achat pour aller plus souvent au Mac'do, partir en vacance l'hiver à la neige et l'été à la mer, s'acheter un nouveau plus grand téléviseur pour voir le foot ou le top 14... Les gilets jaunes et leur soutien ne cessent d'affirmer qu'ils n'en peuvent plus des impôts et taxes qu'ils ne veulent plus payer, alors que la plupart ne sont pas imposables, mais en même temps, en vrac, ils veulent plus de services publics, plus de transports collectifs, une revalorisation du SMIC, une augmentation des prestations sociales, notamment familiales pour faire plus d'enfants, ce qui est un comble, alors qu'il faut plutôt développer une politique anti nataliste.

Avec ou sans taxe le pétrole sera de plus en plus cher

Les gilets jaunes, dont il est vrai que le problème des énergies fossiles ne les préoccupent guère, car ils semblent ignorer que malgré des fluctuations au gré des contingences politiques, le prix du pétrole ne pourra plus baisser. On ne rappellera jamais assez que tous les experts sont formels le pic de HUBBERT étant atteint, nous sommes arrivés au début de la fin de l’ère du pétrole et nous devons donc faire face à un coût qui ira toujours en augmentant. Avec ou sans taxe, plus les réserves déclinent, plus le pétrole sera toujours cher. Avec une demande supérieure à l'offre, car les stocks d’extraction aisée s'épuisent, cela ne peut que faire « flamber » les prix. L'extraction du pétrole de schiste n'échappe pas à cette logique.

Il serait temps, par ailleurs, que les responsables politiques, sous couvert de compréhension de « leur malaise » qui instrumentalisent le mouvement des gilets jaunes en faisant la danse du scalp autour du totem Elyséen cessent leur petit jeu, non seulement leur hypocrisie est évidente, par exemple : certains d'entre eux n'ont-il pas voté la taxe carbone lors du précédent quinquennat ? Mais indirectement ils se font complices de la violence et les destructions commis dans le pays lors de ces manifestations qu'ils encouragent et auxquelles certains d'entre eux participent...

N'y avait-il pas d'autres concessions à faire et plus équitables que la suspension des taxes et l'augmentation des tarifs de l'énergie ?

Si pour des impératifs liés aux engagements pris sur le plan international et confirmé par le vote du parlement pour le climat avec la réduction des gaz à effet de serre, la taxe carbone n'aurait pas dû être remise en cause. Un recul du Gouvernement sur cette question discrédite le Président de la République sur le plan international, par rapport à ses engagements pris pour le climat au moment ou s'ouvre la COP 24 en Pologne...Par contre il y a des mesures qui ont été prises et pour lesquelles se dégage une majorité de la population, bien au-delà des gilets jaunes, qui souhaite leur abrogation, notamment la suppression de l'ISF.

La suppression de l'ISF suivie par la hausse de la CSG, a profondément heurté l'opinion publique, peu sensible aux arguments qui la justifiait

Il faut rappeler qu'avec la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF) telle qu'elle a été envisagée où seul l'immobilier est taxé avec un impôt sur la fortune immobilière ( IFI) était manifestement une grosse erreur ? Comme en matière d'ISF, sont passibles de l'IFI les personnes dont l'actif taxable (déduction faite du passif) est au moins égal à 1,3 millions euros. Bien que le seuil de déclenchement soit de 1,3 million d'euros, le barème commence à partir de 800.000 euros (au taux de 0,5 %). Du coup, le contribuable à l'IFI acquitte d'entrée un impôt de 2.500 euros.

Avec la suppression de l'ISF, La valeur de certains biens somptuaires est désormais exclue de la fiscalité ( yachts, jets privés, chevaux de course, voitures de luxe, ou lingots d'or, œuvres d'art) ainsi que sont dispensés les prélèvement sur les dividendes des actions lorsque le revenu fiscal de ­référence ne dépasse pas 50.000 euros pour un célibataire, divorcé ou veuf et 75.000 euros pour un couple soumis à une imposition commune. 

La suppression de l'Impôt sur la fortune (ISF) n'a d'ailleurs pas été aussi productive qu'espérée en matière d'emplois. A l’évidence sa suppression n’a eu que peu, sinon aucun effet sur la création d’activités et l'emploi. Les chefs d’entreprises expatriés qui ont investi dans le pays par « effet de ruissellement » ne l’on pas fait à cause de la suppression de l’ISF, mais des bénéfices réalisés par retours sur investissements de leurs activités.

Pour celles et ceux de ces chefs d’entreprises non expatriés qui en ont bénéficié, ils ont généralement préféré les placements en actions, avec une fiscalité avantageuse.

1 - Rétablir une fiscalité sur la fortune non immobilière

Rétablir l'ISF, sous une forme ou une autre, de manière à fiscaliser les éléments somptuaires qui en ont été exclus et dont certains sont particulièrement agressifs pour l'énergie et le climat (yachts, jets privés, chevaux de course, voitures de luxe, ou lingots d'or, œuvres d'art) ainsi que la dispense des prélèvement sur les dividendes des actions. Retirer de cette fiscalité l'immobilier, c'est à dire l'actuel IFI, qui fait l'objet de la fiscalité locale par ailleurs.

Contrairement aux arguments des partisans de la suppression de l'ISF, rétablir une fiscalité sur la richesse ne fera pas fuir les riches, car tout en, résident en France, ils ont déjà placé « leurs modestes économies » dans les paradis fiscaux. C'est précisément à ces paradis fiscaux qu'il faut s'attaquer. Une fiscalisation de la richesse sur la base des taux qui prévalaient pour l'ISF c'est près de 4 milliards d'euros de recettes

2- Profiter de la suppression de la taxe d'habitation pour une refonte totale de la fiscalité locale dans le cadre plus global d'une réforme de la fiscalité nationale prévue par le débat national qui est annoncé par le Premier Ministre.

Si la suppression de la taxe d'habitation a bien été reçue par l'opinion, encore qu'au début du quinquennat elle aurait du s'inscrire dans une refonte de la fiscalité locale, comme l'avait pourtant évoqué le Président de la République. Les impôts locaux sont particulièrement injustes et ne correspondent plus aux défis écologiques qui sont à relever. Globalement il faut revoir la totalité de la fiscalité française, notamment des niches fiscales, ainsi que le problème des paradis fiscaux, mais cela doit se faire dans le cadre, du débat public national de trois mois annoncé par le premier Ministre.

3- Revoir les barèmes pour la hausse de la CSG

Quand pour favoriser le travail, mais aussi pour financer la suppression de la taxe d'habitation, Emmanuel MACRON a décidé la hausse de la CSG où quelques 9 millions de retraités, dont la plupart sont loin d'être des privilégiés, devaient ainsi être touchés par ce passage de la CSG de 6,6 à 8,3 %. « Cela fait 1,7 point, mais en pourcentage, selon des économistes cela correspond à une hausse de plus de 20 %. On connaît la suite…

Mise en oeuvre depuis de 1er janvier 2018, l’augmentation de la CSG concerne 60% des retraités qui ont une pension nette mensuelle de plus de 1 289 € pour un retraité de moins de 65 ans et de plus de 1 394 € pour un retraité bénéficiant de l’abattement supplémentaire pour les plus de 65 ans. Pour une pension de retraite mensuelle de 1 500 €, la hausse de la CSG représente une perte de revenus de 25 € par mois soit 300 € par an.

Seuls les retraités dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 14 404 euros par an (pour une personne seule) paient la nouvelle CSG à taux plein, soit la moitié des retraités. Les autres sont soit totalement exonérés de CSG, soit soumis à un taux réduit de 3,8 %, qui n’a pas augmenté avec la réforme.

Selon Emmanuel Macron, en mettant à contribution les retraités, cette mesure permet de rendre le financement de la protection sociale plus « universel ».

D'un point de vue communication, en prenant ces dispositions après avoir supprimé l'ISF ce n'était pas à l'évidence le meilleur choix qui soit.

En même temps que le rétablissement d'une fiscalité sur la richesse, revoir les barème de la hausse de la CSG afin de dispenser de cette hausse les retraités qui perçoivent moins de l'équivalent de deux SMIC serait un signal fort.

4- Par rapport à la « transition » écologique » remettre en discussion tout ce qui concerne la voiture électrique, les mobilités et plus généralement les nouvelles technologies du numérique

Après la machine à vapeur et sa matière première le charbon, le moteur thermique et le pétrole, voici venue l’ère des nouvelles technologies du numérique avec les métaux rares. Ne pas ignorer que cette nouvelle énergie fossile est un futur danger pour la planète qui va générer de nouveaux enjeux géopolitiques, et écologique avec ses enjeux économiques, politiques, humains et sociaux pour les prochaines années. 

Toutes ces nouvelles technologies incluant la la voiture électrique, le téléphone portable, les panneaux solaires, les éoliennes, la fibre optique, la tablette, la robotique, l’intelligence artificielle, la cybersécurité, les biotechnologies médicales, les objets connectés, la nanoélectronique, les voitures sans chauffeur, taxis drones… ne peuvent se passer de métaux rares et de terres rares pour fonctionner. 

Cette transition énergétique n’est pas une simple avancée technologique mais une véritable révolution économique qui va affecter la société sur le plan culturel, démographique, économique et territorial.

Avant de prendre des mesures qui sont urgentes en faveur du climat, encore faudrait-il avoir pris le temps d'une large concertation préalable avec des décideurs économiques responsables politiques et experts spécialistes de ces questions, ce qui suppose un moratoire des mesures prises concernant les primes à l'achat de remplacement de véhicules et celles qui encouragent la voiture électrique, laquelle en dehors d'un usage professionnel urbain, relève d'une aberration.

Pour conclure 

Les quatre propositions suggérés ici permettrait certainement de mieux stopper l'escalade avec les gilets jaunes. La décision annoncé par le premier Ministre d' un large débat sur les impôts et les dépenses publiques, ouvert à tous les citoyens, dont les gilets jaunes qui devrait être organisé dans chaque commune qui se déroulera sur trois mois est une très bonne décision. Il serait souhaitable de profiter de ce débat national pour l'élargir à d'autres thématiques telles que la transition énergétique, l'économie-emplois, les territoires pour quel avenir ? Les propositions qui se dégageraient majoritairement au niveau national serviraient de support à des lois que devrait voter le parlement.

 




Réagir