Giordano Bruno, Le Souper des Cendres
Giordano Bruno, Le Souper des Cendres, adaptation théâtrale de textes de Giordano Bruno, mise en scène de Laurent Vacher avec Benoît Di Marco, comédien, et en alternance à la contrebasse Philippe Thibault et Clément Landais.
Jusqu’au 15 janvier, Théâtre de la Reine Blanche, 2 passage Ruelle, Paris (XVIIIème). Tél : 01 42 05 47 31
Le plus souvent, on voit Giordano Bruno comme un des premiers scientifiques en but à la répression de l’Église catholique. Observateur du ciel et de l’espace, il s’est confronté au pouvoir ecclésiastique jusqu’à être brûlé comme hérétique en place publique en 1600. Il aurait été intransigeant et Galilée, un peu plus jeune et informé de son triste sort, aurait pris le parti de se parjurer tout haut, en continuant discrètement ses travaux scientifiques. Giordano Bruno est une figure d’une certaine idée de la science : le discours conforme à la réalité s’oppose au discours « révélé », dans une violence qui peut aller jusqu’à la mort.
Le spectacle de Laurent Vacher montre bien, au cœur de l’image qu’on a de lui, la complexité singulière de Giordano Bruno, de sa vie et de sa pensée, laquelle est bien souvent une réflexion intense à partir de l’état des connaissances. Giordano Bruno ne polit pas des lentilles pour voir ce que personne n’avait vu avant, comme le fait Galilée. Sa méthode est tout autre. Il gamberge dans son esprit et se départit des allant de soi de son époque, qui datent pourtant des Grecs anciens, Ptolémée, Aristote, et sont crédités depuis ce temps. Bruno se rend bien compte qu’on ne sait rien du système solaire et de ses planètes et que Ptolémée ne savait rien non plus. Il remet en cause, par la pensée, la finitude du monde réel et parle de ce qu’il pressent : l’espace dépasse largement le système solaire, ce dernier fut-il hélio-centré et contient un grand nombre de systèmes semblables.
Giordano Bruno a écrit le souper des cendres, qui est un point de départ important pour ce spectacle. La scène est rude, dans tous les sens de cette expression. Pas de décor. Des néons au sol. Un contrebassiste qui assure non seulement un accompagnement musical mais un accompagnement amical, une présence inquiète, agissante.
Nous sommes dans la cellule de Giordano Bruno, à l’article de sa mort, qui n’est donc pas représentée de façon réaliste. Condamné pour athéisme et pour hérésie, il va repasser les étapes de sa vie : enfant studieux, rêvant d’infini entre les étoiles. Parfois vindicatif et pas toujours très sympathique, il évoque ses amours masculines. Il se fait frère dominicain et philosophe, se heurte à sa hiérarchie et s’exile plusieurs fois, à Genève, à Toulouse, à Paris, à Londres... Il devient philosophe, ce qui à son époque comprend la physique, les mathématiques. Côté sciences, il s’appuie sur la révolution copernicienne, et étend les créations vraisemblables de son imagination à l’ensemble des étoiles : ce serait des systèmes comme le système solaire, cela n’a ni centre, ni circonférence, ni limites.
Grâce au talent du comédien Benoit Di Marco, on ressent cette présence au monde de Giordano Bruno, sa grande sensualité et la liberté de son esprit qui sort des contraintes de l’époque pour penser ce qu’il peut en être du ciel. Quant à la présence du contrebassiste, elle est dans un rapport à la scène inédit, en même temps, accompagnateur comme d’habitude et témoin assistant, si l’on peut dire. La mise en scène, dans son épure, fait converger tous ces éléments pour porter au public la personnalité étrange de Giordano Bruno et les avancées scientifiques qu’elle a fait faire à l’humanité.