lundi 29 juin 2009 - par Zora la Rousse

Grand Paris : Sarkozy voit trop petit ?

GdParis3.jpgNouveau réseau de transport, une forêt aéroport de Roissy, la Seine vallée de la culture avec Le Havre port de Paris, prolongement de la ligne 14 du métro, amélioration des RER, l’architecture au service du beau, assouplissement des règles d’urbanisme pour construire plus, plus haut, plus dense… le président Sarkozy a formulé des promesses ambitieuses.

Son discours du 29 avril 2009 à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, rentrera sans doute dans les livres d’histoire (à l’instar du Paris d’Haussmann et de Delouvrier), mais sonne à mes yeux comme une déclaration d’amour sans preuves (d’amour), comme une énorme envie de Grand Paris qui voit petit.

C’est dire ma déception sur ce sujet qui me tient tant à cœur (cf. mes chroniques précédentes ici et ).
Toutefois, en plaçant les transports et la refonte des règles d’urbanisme au cœur de son projet de Grand Paris, le président a (volontairement
) omis des points essentiels à son discours quasi prophétique.

« Bâtir ensemble la ville du 21e …siècle… après les successeurs réfléchiront à la gouvernance, ce sera un autre temps. »
Comment « bâtir ensemble », sans aborder la solidarité financière entre les villles qui composent le Grand Paris ?

Le Grand-Parisien de Sevran paye ainsi plus d’impôts que son camarade de Neuilly ou de Puteaux. Le 93 accueille et finance les Rmistes et les logements sociaux que la plupart des villes du 92 refusent.

Le président n’a rien annoncé pour casser les ghettos de riches, comme de pauvres : politiquement trop pas correct d’avoir des ambitions de mixité sociale pour la Grande-Parisie

Ainsi, rien n’a été promis dans le discours de Nicolas Sarkozy en matière de sanctions et de règles d’urbanisme durcies pour les villes Grand-Parisienne qui ne respectent pas la loi sur les 20% de logements sociaux.
Rien non plus pour imposer un taux minimum de propriétaires occupants et interdire les logements sociaux dans les villes dépassant déjà les 20%…

Certes la ville est faite d’êtres humains et n’est pas une affaire de statistiques, mais quand même... N’est-il pas temps de prendre des mesures concrètes pour créer les véritables conditions de la mixité sociale (cf. chronique ici) ?

Monsieur le Président, Messieurs et Mesdames les élus du Grand Paris, vous le savez, l’agglomération la plus riche de France (30% du PIB français est produit en région IdF) ne peut continuer sans risques, à voir perdurer la juxtaposition de zones accumulant la richesse économique et d’autres concentrant les problèmes sociaux.

Les habitants de l’outre-périphérie prennent le RER et le métro tous les jours pour aller travailler à Paname. Comment peut-on imaginer qu’ils ne disposent pas des mêmes services, des mêmes impôts, des mêmes droits à la sécurité et à l’éducation d’un côté ou de l’autre du périf’ ?

Ne pas s’engager dès aujourd’hui pour une harmonisation des impôts locaux (un seul niveau de taxe pour tous les Grands-Parisiens) et un partage des richesses, c’est voir petit pour le Grand Paris.

Pire, c’est contradictoire avec l’ambition déclarée de « casser les zoning ».
Vous comprendrez donc que cette absence d’une telle preuve fondatrice me fait douter de la promesse présidentielle de « refaire la ville du lien social, civique et de la solidarité ».

GdParis.pngAutre point de petitesse des ambitions Grand-parisienne, Nicolas Sarkozy souhaite « parler d’abord du projet », avant d’évoquer la question de son pilotage et de «  sa gouvernance ».
Pour que les habitants de l’agglomération parisienne se sentent appartenir à un même territoire, n’est-il pas essentiel qu’ils sachent qui décide quoi ?
À voir la gigantesque abstention aux élections cantonales et régionales, on sait bien qu’en dehors de son maire, le Grand-Parisien est totalement noyé dans le mille-feuille administratif francilien (maire, communauté de communes, départements, syndicat Paris-Métropole, Syndicat des transports, Région, Secrétariat d’état, Président de la République…).

Et puis, en l’absence d’une instance représentative et équitable de pilotage des projets/travaux du Grand-Paris, comment garantir que les décisions seront équilibrées ?
Pourquoi utiliser l’argent public pour couvrir l’avenue Charles de Gaulle à Neuilly, plutôt que d’autres nationales zébrant également des villes du 95 ou du 94 ?
Comment garantir que ce ne seront pas les rares zones résidentielles du 93 ou des quartiers populaires de Paris qui verront pousser des tours à la place de leurs petits immeubles et pavillons, plutôt que les « beaux » quartiers du 92 ou du 94 ?

Promettre le Grand Paris sans se pencher sur sa gouvernance, c’est comme vouloir ardemment une cuisine Ikea, mais sans lire les plans…
Imaginer un peu la bagarre entre tous les "monteurs es-cuisinistes" du mille-feuilles francilien… Chacun y allant de son troc et de ses concessions : tu gardes tes pauvres, je te construis ton métro, tu gardes tes riches et ils prendront la voiture…


Vous me trouvez cliché ? Dure peut-être, en colère sûrement….

J’aimerais tant croire les promesses de Nicolas Sarkozy… Mais en l’écoutant, je ne peux m’empêcher de regarder la réalité de mon coin de 9cube : 7 fois moins de policiers qu’à Paris, alors que nous sommes dans le Top 5 français des villes insecure et top 1 au niveau départemental…
Docks_incinerateurVilleParis.jpg
Je n’oublie pas non plus la ville de Paris qui va construire des logements sociaux au pied d’un incinérateur de déchets (cf. chroniques Delanoé exporte ses pauvres et Fabrique de nuages toxiques) dans le futur quartier Docks de Saint-Ouen.
Nous voilà (presque) revenus au bon vieux temps
, où la Cité des 4000, à La Courneuve, faisait partie du quota de logements sociaux de Paname.
Pourquoi donc Bertrand Delanoé n’a-t-il pas fait le choix de construire en accession à la propriété sur les 10 hectares propriété de la ville de Paris dans les Docks, au pied de l’incinérateur et face à un quartier comportant déjà 80% de logements sociaux ?
Comment l’Etat et la Région Idf peuvent-elles laisser faire de tels aménagements dans le 93, territoire qu’ils affichent pourtant vouloir "déghettoiser" ?

Pourquoi l’incinérateur d’Issy-les-Moulineaux est-il enterré à 31 mètres sous terre avec toit végétalisé, alors que les incinérateurs d’Ivry et Saint-Ouen ressemblent à d’horribles insectes de fer et qu’aucun investissement n’est prévu pour y remédier ?

Non, je ne fais pas de mon cas particulier une généralité…
Et les fumées de l’incinérateur ne m’ont pas rendu anti-Sarkozyste et anti-Delanoiste primaire
. Malgré toutes mes interrogations, je veux rester positive : ce 29 avril 2009, l’Etat a officialisé son engagement financier dans les transports : les investissements sont confirmés pour désaturer la Ligne 13 et les RER, ainsi que pour anticiper les transports de la ville d’après-demain.

Je salue également l’initiative présidentielle d’avoir demandé à 10 cabinets d’architectes prestigieux, de réfléchir sans contraintes au Grand Paris de 2030 et de souhaiter poursuivre la collaboration.

Reste désormais à savoir si les Grands-Parisiens continueront à être les grands absents du débat, qui mêle élus, architectes, technocrates et Etat.
Reste surtout à observer au cas par cas si tous les moyens et ambitions annoncés seront réellement mis en œuvre pour que la périphérie ne soit plus une dépendance de Paris.
Alors un jour peut-être, nous saurons faire la ville ensemble…

 

@ suivre donc.
© rédactionnel Valérie BERNARD pour
chroniquesmabanlieue.com


Webographie


Libération : Un Sarkozy très urbain présente le Grand Paris
Le Point : dossier spécial Grand Paris
Le Moniteur : dossier spécial Grand Paris
Libération : Le grand Paris, c’est qui ?
Libération : La ville de demain expliquée sans jargon
JDD : Grand Paris, personne ne veut lâcher son siège
Public Sénat : intégrale du discours de Nicolas Sarkozy



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