mercredi 15 novembre 2017 - par Daniel Salvatore Schiffer

Grandeur et décadence de l’Italie footballistique

GRANDEUR ET DECADENCE DE L’ITALIE FOOTBALLISTIQUE

Ainsi l’Italie, pays de grande et belle tradition footballistique, vient-elle de se faire lamentablement éliminer, lors du match de barrage contre la Suède, de la phase finale de la coupe du monde de football, qui se tiendra, en Russie, en juin 2018.

La déroute, pour cette nation quatre fois championne du monde (et trois fois vice-championne), dans ce sport, est historique : ce n’était plus arrivé depuis 60 ans, en 1958. Un véritable drame national, un cataclysme aux conséquences sociales tragiques elles aussi, comme l’a très justement dit, en pleurs après ce cauchemardesque match, le légendaire gardien de but de la « Squadra Azzurra », Gianluigi Buffon. Pis : c’est « l’apocalypse », titraient hier matin, à ce douloureux sujet, les principaux journaux de la péninsule, dont le célèbre « Corriere dello Sport ». Même ses fameuses pages roses se teintent cruellement, aujourd’hui, de noir : cette funeste date du 13 novembre 2017 restera désormais, pour la mémoire collective italienne, un jour de deuil !

UNE QUESTION PHILOSOPHIQUE

Et, en effet, comment imaginer, simplement concevoir même, un « Mondial », avec ses chaudes soirées d’été, ses fêtes légèrement arrosées de vin pétillant et ses bruits de claxon dans les rues emplies de voitures bariolées, sans l’Italie, qui pratiqua si longtemps, au même titre que le Brésil de Pelé, l’Allemagne de Beckenbauer, la Hollande de Cruyff ou la France de Zidane, un football de rêve avec ces joueurs mythiques que furent, pour ne citer que les plus emblématiques de la « Nazionale », Gianni Rivera, Sandro Mazzola, Giacinto Facchetti, Gigi Riva, Roberto Boninsegna, Dino Zoff, Paolo Rossi, Claudio Gentile, Francesco Baresi, Antonio Cabrini, Marco Tardelli, Roberto Baggio, Francesco Totti, Fabio Cannavaro ou Alessandro Del Piero ? Impensable ! Un journaliste français, sur une chaine câblée, osait même, en guise d’ouverture aux infos du lendemain matin, la question, qu’il estimait, s’avança-t-il à spécifier, « presque philosophique » : « comment penser un Mondial sans l’Italie ? » Il ne croyait pas si bien dire !

Car cette interrogation, pour pénible qu’elle se révèle être aujourd’hui aux yeux de bon nombre d’Italiens (dont je suis puisque, bien que né en terre belge et de culture française, j’ai toujours tenu à conserver, fièrement, mon passeport italien), recèle, effectivement, des éléments d’ordre, sinon philosophique, du moins sociologique, voire éthique et même politique, au sens noble et large du terme : autant de paramètres qu’il faudra bien analyser, avec le recul psychologique nécessaire, tôt ou tard, un peu à la manière, autrefois, des fameuses « Mythologies » de Roland Barthes.

Ainsi, cette faillite sportive de l’équipe italienne de football, ne serait-elle donc pas aussi, plus généralement et plus en profondeur aussi, le cruel mais tangible signe, désormais visible aux yeux de tous, d’une forme de décadence culturelle de l’Italie elle-même, pourtant longtemps phare de la civilisation, avant qu’elle ne s’unifiât (en 1870) pour prendre sa forme actuelle, depuis l’Empire Romain jusqu’à la Renaissance ?

MORTELLES CIVILISATIONS

Un grand poète français, Paul Valéry, parla, pour qualifier ce type de régression, fût-ce certes en un tout autre contexte historique, de « crise de l’esprit » : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles », asséna-t-il même, dans ce livre, en une sentence restée célèbre. C’était en 1918. Il y aura donc tout juste, en 2018, année où se déroulera précisément ce Mondial à Moscou, cent ans : triste anniversaire pour cette nation - l’Italie - qui, par son esprit inventif comme par son génie artistique et par ses audaces intellectuelles comme par ses découvertes scientifiques, aura tant donné pour le progrès de l’humanité, sans laquelle il n’est point, en effet, de civilisation qui vaille !

FORZA ITALIA !

En attendant, cette chère et belle Italie, porteuse des plus grandes valeurs universelles malgré le chagrin qui la ronge, inconsolable, en ces heures sombres, s’en remettra très certainement, à nouveau debout : Forza Italia  !

La défaite, aujourd’hui, est certes lourde à porter ; mais l’espoir, lui, n’est pas, pour autant, vaincu ; ni le rêve, perdu ! Il est, fort heureusement, des lendemains qui chantent : rendez-vous, pour cela, au prochain Mondial ! En route, d’ores et déjà, pour le Qatar, en 2022 : ce n’est pas si loin, ni dans l’espace ni dans le temps !

DANIEL SALVATORE SCHIFFER*

*Philosophe, auteur, notamment, de « Philosophie du dandysme – Une esthétique de l’âme et du corps » (Presses Universitaires de France), « Oscar Wilde » et « Lord Byron » (Gallimard – Folio Biographies), « Critique de la déraison pure – La faillite intellectuelle des ‘nouveaux philosophes’ et de leurs épigones » (François Bourin Editeur), « Le Testament du Kosovo – Journal de guerre » (Editions du Rocher). A paraître : « Traité de la mort sublime – L’art de mourir, de Socrate à David Bowie » (Alma Editeur). 



11 réactions


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 15 novembre 2017 15:43

    Je pense l’avoir écrit par ailleurs, le chiffre 17 (2017) est très mauvais pour les italiens. 

    • Dans la Rome Antique comme en Italie, ce nombre porte malheur. En effet, 17 s’écrit en latin XVII, qui a pour anagramme VIXI, ce qui signifie « j’ai vécu », c’est-à-dire « je suis mort ».

  • Buzzcocks 15 novembre 2017 16:43

    Vous citez les grands joueurs italiens (Barresi, Baggio etc...) mais c’est justement le problème, c’est qu’actuellement, à part Buffon, il n’y a pas une très grande génération de joueurs d’autant plus que Verratti ne fait pas une super saison (et en prime, il était suspendu au match retour).
    Mais Ciro Immobile, ou Lorenzo Insigne, ce n’est pas du top niveau, les grands clubs n’en veulent pas des mecs comme ça.

    Ensuite, le niveau a progressé partout... la France a été incapable de battre le Luxembourg, la Hollande est passée à la trappe sans gloire. Et l’Islande avec 60 licenciés est capable de monter une équipe de mort la faim capable de battre tout le monde ou presque. Bref, sortir des qualifs, ce n’est pas facile.

    La Suède est triste à mourir à voir jouer, mais avec des bucherons en défense et un peu de chance, ça passe.


  • Alain 15 novembre 2017 19:06

    Je ne voudrais pas faire trop de mal à l’auteur mais peut-être serait-il bon de lui rappeler que le football tous pays confondus est affaire de mafias, de drogue, de corruption, de trucage et d’argent sale. Ce milieu n’est pas un sport, mais une immense manne à fric. Combien de scandales faudra t-il pour qu’on se rende compte de la réalité ?


    • Fpc ! 15 novembre 2017 19:43

      @Alain

      Vous avez juste oublié de dire que ce jeu dont on voudrait faire un des piliers de la culture moderne est pratiqué dans sa très grande majorité au plus haut niveau par de jeunes schizophrènes incultes !
      N’est-ce pas un peu paradoxal ?

  • helios999 helios999 15 novembre 2017 19:34

    Pour ce qu’est devenu le foot , ou à part quelques joueurs de talents le reste de l’equipe sont composés de sprinteurs, coureurs de fond, budybulders, etc etc
    Combien d’ailiers savent centrer correctement ? ,
    Combien de defenseurs non pas des pieds carrés ?
    c’est un sport qui s’est transformé en sport de plus en plus physique ou le talent a ete remplacé.
    Quel joueur de talent arrive à passer les etapes pour devenir pro , subir les railleries de ces coequipiers plus valeureux aux physique qu’aux plaisirs esthetiques, le foot jouer par des joueurs de talent est mort depuis longtemps , c’est vrai aussi que des bucherons il y en a toujours existés mais les bons de moins en moins arrivent à exister , la preuve ceux sont les memes depuis une dizaine d’année qui sont sur le podium du ballon d’or , non pas qu’ils sont tres forts mais parce les autres sont tres tres faibles.
    Pour finir l’italie n’a pas su renouveler ses talents , mais qui vous dit que la france , l’allemagne , l’espagne ou le bresil sachent encore les trouver ?
    Un foot pauvre culturellement ou les dociles bourrins auront de plus en plus leurs places au soleil


  • Taverne Taverne 15 novembre 2017 19:50

    « Balance ton sport ! » smiley


  • Trelawney 16 novembre 2017 08:06

    Ce n’est pas un entraîneur italien qui a dit « Si vous voulez voir du spectacle allez à l’opéra ». Expression reprise par tous les entraîneurs de talents (et ils sont nombreux dans ce sport) qui pensent que le football c’est 10 défenseurs et 1 goal.

    Ben oui mais voila, au barrage l’Italie s’est retrouvée devant une équipe de bûcherons et dans ses 2 matchs insipides, un but de racro a mis fin aux espoirs italiens.
    L’Italie ne sera pas présente aux phases finales de la coupe du monde, c’est un espoir supplémentaire pour que le spectacle y soit

  • Le421... Refuznik !! Le421 16 novembre 2017 08:53

    Le spectre de Materazzi plane au dessus de la « squadra azzura » !!


  • baldis30 16 novembre 2017 12:46

    Bonjour,

    bon article mais qui oublie de mettre en évidence les problèmes extra-sportifs que connaît le football de la péninsule !

    Toute la presse italienne , dont la meilleure ( j’entends par là certains grands quotidiens et leurs prolongements hebdomadaires comme La Repubblica/ L’Espresso) écrit souvent sur tel ou tel scandale en série A, B, ou C ... A la fin cela déborde les cercles fermés et n’est pas sans influence sur la psychologie des joueurs ! Y compris sur celle de leurs adversaires....

    Dans certains pays le football est une méthode de gouvernement et les récents événements catalans l’ont bien montré. L’Italie n’échappe pas à cet aspect même si de l’extérieur on ne perçoit pas les rivalités locales ( Torino équipe de Turin, Juventus équipe de FIAT ; Inter équipe de Pirelli, Milano équipe de Berlusconi). La proximité géographique est alors primordiale dans les rivalités, ce qui est moins sensible en France sauf le cas pathologique PSG / OM incurable ...)

    Ne nous voilons pas la face en France nous connaissons aussi cela comme celui de cette équipe de deuxième division ( néo Ligue 2) récemment sanctionnée de huit points de pénalité. ! 

    Regrettable l’absence de l’Italie ... mais nous aurons le rare plaisir de revoir l’Arabie Saoudite et de nous souvenir de la façon dont l’un de leurs princes fit annuler un but lors d’un mondial ! Donc on remplacera les contorsions de la commedia dell’arte par celles de la danse des chameaux !


  • eddofr eddofr 17 novembre 2017 12:12

    Il me souvient d’une soirée à Torino, dans une Tratoria, où je suis resté comme un con près de 40 minutes à attendre ma pizza, tout seul dans la salle ... pour cause de demi-finale de coupe du monde.


    Je ne suis pas sur de regretter ...

    Forza Italia ! 

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