mercredi 24 septembre 2014 - par VICTOR Ayoli

Grève à Air France : le « low cost » en question

La rabia ! Les aliboffis qui gonflent ! C'est le premier réflexe en voyant ces nantis de pilotes d'Air France (17.000 euros par mois) parader dans leur ridicule uniforme d'opérette devant l'Assemblée nationale pour influencer les députés. Et ils semblent avoir gagnés... Gueulez, vous serez entendus. Bloquez les transports aériens, vous serez écoutés. Enfin, pas sûr. On est en plein couac entre le ministre et la direction d'Air France. Révolte de nantis ? Pas si sûr...

Illustration : merci à Deligne

 

Ça, c'est la première attitude d'irritation. Basée, comme d'habitude plus sur l'émotionnel entretenu par la dictature de l'image que sur le rationnel. Mais il faut prendre un peu de recul. La cause du conflit : la mise en place par Air France d'une structure de transport aérien parallèle basée sur la logique économique ultralibérale du « low cost ». Avec comme modèle Ryanair ou Easy-Jet. C'est ça ou crever ! Comme la Panam, comme TWA, comme Swiss-Air... Cruel dilemme...

La logique des compagnies classiques et des compagnies bas-coût sont tout à fait différentes. Les premières (les « classiques ») vendent un service - le transport - à des passagers. Les secondes (les « low-cost  » ou « bas-coût » ) vendent un produit - une quantité de voyageurs, exprimée en « unités » - aux gestionnaires d’aéroport, en général, des collectivités locales, en échange d’avantages financiers de diverses natures. Voilà toute la différence.

A la limite, Ryanair, tout comme Easy-jet et les autres compagnies bas-coût, ne seraient pas gênés de proposer leurs voyages gratuitement et même, pourquoi pas, en payant quelques euros aux touristes pour qu'ils voyagent sur leurs lignes ! Ça leur ferait une sacrée pub ! En effet, dans le budget de ces entreprises, le prix des billets ne représente qu’un revenu marginal.

Comment ça marche ? Comme disait l'autre. Eh bien voilà. Pour faire venir ces compagnies sur leurs aéroports, les collectivités locales paient, et paient cher. Ces villes et régions ont déroulé le tapis rouge à ces soldeurs aériens dans l’espoir de doper leur développement économique et ont largement ouvert les cordons de la bourse...de leurs administrés. Les montants perçus par EasyJet et Ryanair pour desservir quelques-uns des aéroports français « décentralisés » sont balaises : 2,1 millions d’euros d’aides diverses en trois ans obtenus de la chambre de commerce de Tours ; 4 millions d’« aide marketing » à Carcassonne, rehaussés d’une participation au budget de l’aéroport de 3 millions d’euros. Á Nîmes, ce sont 4 millions d’euros qui ont été versés à la compagnie irlandaise ; à Beauvais-Tillé, on cite le chiffre de 7,4 millions...

Mais ce n’est là qu’une partie de la manne publique qui alimente les réservoirs du low cost. Pour accueillir Ryanair, l’aéroport doit aussi subventionner chaque ouverture de ligne (entre 200.000 et 500.000 euros par an, dégressifs sur une durée maximale de trois ans) et réviser radicalement à la baisse ses sources de revenus : taxes d’atterrissage et d’embarquement, services au sol, bagages, personnel d’accueil, etc. Autre combine juteuse, le versement de ce que ces compagnies pirates appellent des « aides marketing ». Un terme mystérieux qui désigne les publicités que les exploitants des aéroports qui reçoivent les avions de ces compagnies bas-coût ont obligation de prendre sur le site internet de ces compagnies ! Et à des tarifs plus qu'exorbitants. C’est du racket. Additionnées, les sommes expliquent l’insolente santé de ce type de compagnies — et la débâcle financière des aéroports.

Mais ces collectivités locales commencent à l'avoir en travers car la plupart des investissements réalisés ne sont pas rentables, voire largement déficitaires. Pis : les contrats qui lient les gestionnaires d’aéroport à ces compagnies aériennes sont léonins, voire illégaux. Ils laissent notamment au transporteur la liberté de fermer les lignes selon son bon vouloir, sans avoir à rembourser les aides perçues pour les ouvrir — alors que les gestionnaires, eux, s’engagent pour cinq, dix, voire quinze ans... Naïveté ou magouilles de la part de ces décideurs locaux ?

Ainsi, lorsque un mien ami – bobo nanti bien sympathique qui a les moyens de payer son billet au prix normal – se paie du bon temps au soleil en payant quelques dizaines d'euros pour aller se la faire belle au Maroc, c'est vous, c'est moi, ce sont des gens qui ne prennent jamais l'avion qui paient son voyage !

La lutte des pilotes d'Air France peut dès lors être regardée différemment.



9 réactions


  • bourrico6 24 septembre 2014 14:20

    Pas sur que tous les CdB soient à 17000 euros non plus.

    Pour la magie du « seul modèle viable »
    Les pilotes de ces compagnies doivent financer eux même leur qualifications.
    Certains doivent même payer pour travailler, et donc accumuler des heures de vols.
    Le personnel navigant se démerde en tout point, si l’avion est dérouté, il se démerde, pour se loger, il se démerde, à ses frais bien sur.
    Et s’il embarque après avoir dormi 4heures dans un hôtel pourri, personne ne dira rien.
    Les passagers aussi se démerdent d’ailleurs, ils en ont pour leur argent. smiley

    Au passage, c’est pas Ryanair qui se lance dans le transport de « classe affaire ? » smiley

    Enfin, tout va bien tant que les avions sont neufs, car plus un avion est ancien, plus il coûte cher à entretenir et à faire voler.
    En clair, les marges diminuent avec le temps.
    Or les actionnaires ne veulent pas voir leur dividendes suivre la même courbe... dilemne.
    Dilemne qui fut résolu dans certains cas en rognant sur la maintenance et sur le personnel.
    Jusqu’à l’accident qui fait mettre la clef sous la porte.
    Pour Ryanair, le problème est contourné par l’achat d’une nouvelle fournée de 737 tout neufs... financé au moins en partie par de l’argent public ? smiley


  • bernard29 bernard29 24 septembre 2014 14:31

    Ca n’explique pas pourquoi il n’y a que les pilotes qui sont en grève. Pourquoi n’y a t’il pas une assemblée générale des salariés d’Air France ? il me semble que ce sont bien les petits salariés qui auraient le plus à souffrir non ? 

    Alors pour le moment, les pilotes avec leurs costumes de militaires galonnés, me font doucement rigoler.

    Quant aux aides données aux compagnies low cost pour desservir les aéroports régionaux, vous ne pensez pas

    1) c’est aussi parce que pour le service public il n’existe que Paris. Air France ou ex « Air Inter » s’en foutent pas mal de l’aménagement du territoire . Pour Air Inter aussi il fallait faire des Pieds et des mains et des aides pour desservir tel ou tel aéroport.

    2) qu’en France, tout le monde est assisté. Il n’y a pas une profession qui ne touche pas quelque chose . même « Johnny » quand il fait un concert en province il demande des subventions.


  • Nicolas_M bibou1324 24 septembre 2014 15:34

    Il y a quelque chose qui me chagrine dans votre article : vous parlez d’aides des collectivités. 4 millions par ci, 7 millions par là.


    Bon autant dire, rien du tout. Vous savez combien coûte un kilomètre d’autoroute ? En moyenne, 6,2 millions d’euros.

    Vous savez combien de passagers transporte Rayanair ? 76 400 000 par an, selon les chiffres de 2011. Multipliez ceci par le prix moyen du billet d’avion, on vague facilement dans les milliards récupérés par Ryanair grâce aux prix des billets. Contre quelques malheureux millions pour les collectivités.

    Et les collectivités, elles ont quoi en échange ? 41,7 milliards d’euros.

    Alors faite le calcul : payer quelques ridicules millions d’euros à des compagnies qui de toute façon ne sont pas à ça près, pour que la collectivité locale s’enrichisse, n’est-ce pas rentable ?

  • Hermes Hermes 24 septembre 2014 15:49

    Bonjour, des informations trop méconnues. Merci.


  • Trelawney 24 septembre 2014 16:05

    Beauvais-Tillé, on cite le chiffre de 7,4 millions

    Est-ce que seulement vous connaissez le chiffres d’affaires des parking autour de Beauvais Tillé ?

    A cela vous ajoutez les nuits d’hôtels autour de cette aéroport, l’attrait économique pour une société d’avoir ses locaux pas très loin d’un aéroport qui dessert toute l’Europe et vous comprendrez que même si la CCI du coin ainsi que la région Picardie paie la somme que vous dites. C’est pinuts par rapport aux retours sur investissement.

    Easy jet c’est 4.5 milliards d’euro de CA par an. Ryanair itou. Si on fait l’addition des subventions local et régional on arrive à peine à 150 millions en comptant large. Si Ryanair et Easy se prennent respectivement la moitié de cette somme, ca fait à peine 2% de leur CA en comptant large. C’est donc un revenu marginal.

    Un petit détail pour situer une compagnie comme Easy jet. Au niveau capitalisation boursière, c’est deux fois Air France. Qui c’est le grand et qui c’est le petit ?

    Un autre petit détail : Easy jet par son système d’achat en leasing et l’un des plus gros client Airbus. Ils n’ont que des avions neuf parce que moins énergivores et plus facile à réparer.


    • titi titi 24 septembre 2014 18:04

      « Un petit détail pour situer une compagnie comme Easy jet. Au niveau capitalisation boursière, c’est deux fois Air France. Qui c’est le grand et qui c’est le petit ? »

      Une telles différence en si peu de temps, c’est la preuve qu’Air France a complétement loupé le coche, et est sur un modèle économique obsolète.


  • Ruut Ruut 25 septembre 2014 16:19

    La délocalisation des emplois du personnel d’air France est une honte innommable.
    Mais que la direction soit délocalisée et non le personnel, cela ferait plus d’économies.

    La délocalisation est une insulte a l’ensemble du peuple de France, mais hélas l’effet réel de la politique de nos gouvernements économiquement incompétents.


    • titi titi 25 septembre 2014 19:34

      Donc vous vous engagez à ne prendre que des avions Air France dans le cas où vous devriez prendre l’avion !! Et ce malgré l’écart de prix entre Air France et les autres compagnies.

      Bravo.

      Mais vu les résultats des EasyJet, Ryanair, etc.... ce n’est pas ce qu’ont choisi les Français.


  • Ruut Ruut 25 septembre 2014 16:28

    Une grève n’est entendue que si elle coûte de l’argent.
    Si elle ne coûte rien, les grévistes n’auront rien. (sauf pas de salaire et un risque de licenciement)
    Pour le moment seul les pilotes ont un impacte donc ils sont les seuls a pouvoir sauver leur entreprise d’une mauvaise décision.

    Il est évident que la direction compte utiliser sa filière low cost dans le futur pour neutraliser les effets des grèves futures et donc toute tentative future de sauvetage de l’entreprise.

    Il se passe la même chose dans le monde automobile pour les anciennes marque Françaises, qui n’ont plus rien de Français et dont les produits ne sont plus de qualité.


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