Guantanamo Bay : quand le terroriste s’improvise poète, le censeur se plaît à le corriger !
Le censeur n’avait rien à corriger. Comme il n’a pas à utiliser les ciseaux, entre le terroriste et le poète il y a une histoire bien connue : l’horreur et la beauté.


Opération de marketing que seuls des services secrets se disant intelligents (CIA) peuvent imaginer et élaborer la recette et des laborantins doués comme les officiers du Pentagone peuvent combiner, Poems from Guantanamo*1 est une œuvre collective à classer parmi les plus abouties en matière de crime d’édition. Ni pamphlet ni déclaration de repentance et encore moins une poésie accomplie, cette publication, d’écrits des internés dans l’horrible bagne créé par l’administration du pays de l’oncle Sam, est une insulte dégradante pour la poésie et fascisante pour l’humanité. Une horreur intellectuelle qui dépasse de loin le maccarthysme et sa férocité contre l’art et la beauté.
L’absurde quand il habite le slogan ou bien la langue « du bois » avouant son plaisir à se faire lacéré par la scie ainsi que le silencieux ravissement de l’agneau à se faire dévorer par le loup sont des aberrations à toutes pensées libres. Et certainement pas les otages de brimades que constituent les quelques centaines de fanatiques internés à Guantanamo, qui peuvent exprimer héroïquement la liberté. Et comme ils ne prétendent guère éclairer leurs acolytes esclaves du terrorisme, afin de les inciter quelque peu de faire douter que le grand Allah reste une cause immatérielle, outre qu’à l’instar de tous les spirites sectaires et sanguinaires, c’est-à-dire indéfendable. Ces poèmes sont des faussetés pires que les attentats que promettent leurs auteurs.
L’absurde est bête et est odieux, s’il ne pousse pas à la réflexion et la place en but de la stupidité élaborée à dessein !
Ah ! Attendre ! En prison ! Godot dans le théâtre de Samuel Becket ne vient jamais, frappante, l’absurdité ici vaut son pesant d’or. Le poète derrière les barreaux est une image très symbolique. Par contre, le poète qui sort son manuscrit clandestinement à la barbe de ses geôliers a toujours de la sensibilité à dire, pas celui muselé et soumis à ses persécuteurs. L’ingrédient qui a du prisme sur les foules, la poésie sortant de prison peut-elle justifier la manipulation ?
Qui dit mieux en manipulation de com’, que celle dont nous ont habitué les Etats-Unis pour justifier leur monstruosité. De leurs crimes des 4 à 5 millions de victimes de la guerre du Vietnam, les fictions d’Hollywood nous concoctent des héros à la bravoure, toute honte bue, montrée en exemple. En littérature comparative qui analyserait ces poèmes, ils représentent un tract qui concurrence bien un discours de Goebbels. Une vraie caricature de la poésie qui sort des tripes de son auteur pour toucher le coeur du lecteur.
Un avocat répondant au nom de Marc Falkoff, oublieux certainement que la majorité des têtes emprisonnées à Guantanamo, tels les kamikazes du 11 septembre, ne sont pas des cerveaux vides. Elles ont connu l’université, et cela ne leur assure point l’inspiration idoine à une gracieuse versification. Ce membre du barreau reçoit deux poèmes de deux parmi ses 17 clients. Il croit ou rêve trouver un Omar Khayyâm, un Adonis ou un Victor Hugo dans les geôles qui squattent une baie de l’île de Fidel Castro. Il s’improvise éditeur et éditorialiste pour la circonstance. Vingt-cinq autres de ses collègues en reçoivent aussi, sans vraiment croire que l’extraordinaire est arrivé.
Le Pentagone autorise 22 textes, de 17 séquestrés, d’être publiés. Inéluctablement corrigés et traduits au préalable par des mains sans moindre qualification en matière de lecture d’édition que de rafistoler une propagande au service d’une pseudo-démocratie, pourtant citée en modèle, qui n’a rien à cirer de la liberté. La conviction de l’avocat initiateur de l’ouvrage, selon les premières impressions, est d’améliorer la défense de sa clientèle détenue sans procès, sachant qu’aucun prisonnier de Guantanamo Bay n’a commis un moindre méfait à l’égard des Etats-Unis qui les séquestrent.
Vraisemblablement le message, voire la censure la plus illégitime vis-à-vis de la poésie, de l’administration cohérente avec ses injustices, est bien travaillée. Elle croit penser comme le commun de ses sujets, poète ou citoyen. Machiavel ne peut pas faire mieux. Cet avocat et ses confrères sont déjà vus pour être des héros nationaux.
Créateur d’Al Qaeda, du sigle après le 11 septembre dont nous nous apprêtons de vivre le sixième anniversaire, et depuis des lustres des réseaux islamistes djihadistes pour fédérer, surtout en Orient, les ennemis du communisme et orienter leurs instincts. L’administration de la Maison-Blanche ne s’ennuie pas dans la saveur de ses macabres plaisirs de suprématie.
« Les détenus parlent »*2 est un recueil muet. Il ne dit rien parce qu’il n’y a pas de plus plat dans l’art. Il est fait d’un insignifiant alignement de mots, sans moindre lyrisme. Voilà ce qu’on peut lire : L’Amérique craint, l’Amérique fout la trouille/Et pendant ce temps le sang des musulmans coule. Qui est dans la stricte logique des guerres de civilisations. Ou bien : Quel printemps est-ce là/Sans fleurs et avec dans l’air une odeur de malheur. Comme un vendeur de fleurs qui vous assure la joie en lui achetant un bourgeon. Un torturé qui a transité par les prisons de Bagram et de Kandahar écrit... Des larmes brûlantes baignèrent mon visage. Précédant les vers, une courte biographie des détenus donne le ton à mieux appréhender l’humiliation qui ose dire son nom.
*1 : Poèmes from Guantanamo, recueil non encore traduit en français. Publié par University of Iowa Presse, Iowa City, 2007. Sous la direction de Marc Falkoff.
*2 : Sous-titre du recueil.
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