mercredi 19 septembre 2007 - par N.E. Tatem

Guantanamo Bay : quand le terroriste s’improvise poète, le censeur se plaît à le corriger !

Le censeur n’avait rien à corriger. Comme il n’a pas à utiliser les ciseaux, entre le terroriste et le poète il y a une histoire bien connue : l’horreur et la beauté.


Opération de marketing que seuls des services secrets se disant intelligents (CIA) peuvent imaginer et élaborer la recette et des laborantins doués comme les officiers du Pentagone peuvent combiner, Poems from Guantanamo*1 est une œuvre collective à classer parmi les plus abouties en matière de crime d’édition. Ni pamphlet ni déclaration de repentance et encore moins une poésie accomplie, cette publication, d’écrits des internés dans l’horrible bagne créé par l’administration du pays de l’oncle Sam, est une insulte dégradante pour la poésie et fascisante pour l’humanité. Une horreur intellectuelle qui dépasse de loin le maccarthysme et sa férocité contre l’art et la beauté.

L’absurde quand il habite le slogan ou bien la langue « du bois » avouant son plaisir à se faire lacéré par la scie ainsi que le silencieux ravissement de l’agneau à se faire dévorer par le loup sont des aberrations à toutes pensées libres. Et certainement pas les otages de brimades que constituent les quelques centaines de fanatiques internés à Guantanamo, qui peuvent exprimer héroïquement la liberté. Et comme ils ne prétendent guère éclairer leurs acolytes esclaves du terrorisme, afin de les inciter quelque peu de faire douter que le grand Allah reste une cause immatérielle, outre qu’à l’instar de tous les spirites sectaires et sanguinaires, c’est-à-dire indéfendable. Ces poèmes sont des faussetés pires que les attentats que promettent leurs auteurs.

L’absurde est bête et est odieux, s’il ne pousse pas à la réflexion et la place en but de la stupidité élaborée à dessein !

Ah ! Attendre ! En prison ! Godot dans le théâtre de Samuel Becket ne vient jamais, frappante, l’absurdité ici vaut son pesant d’or. Le poète derrière les barreaux est une image très symbolique. Par contre, le poète qui sort son manuscrit clandestinement à la barbe de ses geôliers a toujours de la sensibilité à dire, pas celui muselé et soumis à ses persécuteurs. L’ingrédient qui a du prisme sur les foules, la poésie sortant de prison peut-elle justifier la manipulation ?

Qui dit mieux en manipulation de com’, que celle dont nous ont habitué les Etats-Unis pour justifier leur monstruosité. De leurs crimes des 4 à 5 millions de victimes de la guerre du Vietnam, les fictions d’Hollywood nous concoctent des héros à la bravoure, toute honte bue, montrée en exemple. En littérature comparative qui analyserait ces poèmes, ils représentent un tract qui concurrence bien un discours de Goebbels. Une vraie caricature de la poésie qui sort des tripes de son auteur pour toucher le coeur du lecteur.

Un avocat répondant au nom de Marc Falkoff, oublieux certainement que la majorité des têtes emprisonnées à Guantanamo, tels les kamikazes du 11 septembre, ne sont pas des cerveaux vides. Elles ont connu l’université, et cela ne leur assure point l’inspiration idoine à une gracieuse versification. Ce membre du barreau reçoit deux poèmes de deux parmi ses 17 clients. Il croit ou rêve trouver un Omar Khayyâm, un Adonis ou un Victor Hugo dans les geôles qui squattent une baie de l’île de Fidel Castro. Il s’improvise éditeur et éditorialiste pour la circonstance. Vingt-cinq autres de ses collègues en reçoivent aussi, sans vraiment croire que l’extraordinaire est arrivé.

Le Pentagone autorise 22 textes, de 17 séquestrés, d’être publiés. Inéluctablement corrigés et traduits au préalable par des mains sans moindre qualification en matière de lecture d’édition que de rafistoler une propagande au service d’une pseudo-démocratie, pourtant citée en modèle, qui n’a rien à cirer de la liberté. La conviction de l’avocat initiateur de l’ouvrage, selon les premières impressions, est d’améliorer la défense de sa clientèle détenue sans procès, sachant qu’aucun prisonnier de Guantanamo Bay n’a commis un moindre méfait à l’égard des Etats-Unis qui les séquestrent.

Vraisemblablement le message, voire la censure la plus illégitime vis-à-vis de la poésie, de l’administration cohérente avec ses injustices, est bien travaillée. Elle croit penser comme le commun de ses sujets, poète ou citoyen. Machiavel ne peut pas faire mieux. Cet avocat et ses confrères sont déjà vus pour être des héros nationaux.

Créateur d’Al Qaeda, du sigle après le 11 septembre dont nous nous apprêtons de vivre le sixième anniversaire, et depuis des lustres des réseaux islamistes djihadistes pour fédérer, surtout en Orient, les ennemis du communisme et orienter leurs instincts. L’administration de la Maison-Blanche ne s’ennuie pas dans la saveur de ses macabres plaisirs de suprématie.

« Les détenus parlent »*2 est un recueil muet. Il ne dit rien parce qu’il n’y a pas de plus plat dans l’art. Il est fait d’un insignifiant alignement de mots, sans moindre lyrisme. Voilà ce qu’on peut lire : L’Amérique craint, l’Amérique fout la trouille/Et pendant ce temps le sang des musulmans coule. Qui est dans la stricte logique des guerres de civilisations. Ou bien : Quel printemps est-ce là/Sans fleurs et avec dans l’air une odeur de malheur. Comme un vendeur de fleurs qui vous assure la joie en lui achetant un bourgeon. Un torturé qui a transité par les prisons de Bagram et de Kandahar écrit... Des larmes brûlantes baignèrent mon visage. Précédant les vers, une courte biographie des détenus donne le ton à mieux appréhender l’humiliation qui ose dire son nom.

*1 : Poèmes from Guantanamo, recueil non encore traduit en français. Publié par University of Iowa Presse, Iowa City, 2007. Sous la direction de Marc Falkoff.

*2 : Sous-titre du recueil.

Pour écrire et publier un article de cyberpresse avec ARGOTHEME, dans son organe POPULISCOOP ou - Scoop Populaire-
http://www.argotheme.com/organecybe...



7 réactions


  • Briseur d’idoles 19 septembre 2007 18:18

    Les otages musulmans de Guantanamo ne sont pas des terroristes, mais en partie des Résistants musulmans et des combattants de l’armée régulière afghane d’un gouvernement légitime (taliban)écrasé par les « coalisés » !


    • N.E. Tatem N.E. Tatem 20 septembre 2007 12:05

      Salut de N.E. Tatem.

      Les détenus par les Etats-Unis à Guantanamo sont de nationalités diverses. Parmi les européens : 10 à 20 français ont été déjà libérés, 5 à 10 anglais etc... C’est un ensemble de mercenaires ramassés par des réseaux que finançait surtout le fameux Benladen et sous la protection de la CIA. Plus de 500marocains, +1000algériens, +2000égypriens, +3000séoudiens, +3000yéménites etc... Une majorité d’arabes mais l’enssemble du monde musulman avait donné des soldats pour combattre le COMMUNISME dans le monde et surtout en Afghanistan.

      Ils ont d’abord travaillé sous les ordres des intégristes comme Hikmetyar et Massoud (que l’occident considère un héros) etc... Quand les Talibans, avec l’aide iranienne, ont pris le pouvoir, les mercenaires étrangers (aujourd’hui internés à Guantanamo) les ont salués

      Ces réseaux faisaient des entrainements au Soudan et transitaient par Peshaward. En recrutant des jeunes partout avec l’aide de la CIA et avec des finances séoudiens dont le meneur N°1 c’est le fameux Oussama Benladen. Les Soudan (le régime de Omar El bachir) a joué un grand rôle.

      Certes ces prisonniers n’ont rien commis contre les USA, plutôt ils ont longtemps servis leurs projets mais constituent maintenant une menace contre toute l’humanité.

      Cordialement.


    • Fares 23 septembre 2007 05:05

      @ l’auteur :

      Je suis d’accord avec la plupart des choses que vous dites. Mais le problème c’est que vous rédigez à l’imparfait, comme s’il s’agissait d’une situation révolue.

      Les mouvements islamistes extremistes étaient des atouts de la politique extérieure des Etats-Unis il y a 20 ans. Et ils le sont toujours aujourd’hui.

      Meme si le sort des prisonniers de Guantanamo est terrifiant (voir documentaire de Channel 4 : http://souk.zeblog.com/246774-channel-4-guantanamo-guidebook/ ). Les prisonniers de Guantanamo sont des victimes colatérales, pour l’exemple.

      Les Etats-Unis ne cherchent pas à combattre les mouvements islamistes armés, sinon ils n’auraient jamais permis que soit organisé un pont aérien pour transférer les « combattants d’Al-Quaida » de l’Afghanistan vers le Pakistan (Pakistan qui comme chacun sait est « le grand allié de la guerre contre le terrorisme »).

      Tout comme il y a 20 ans, les mouvements islamistes armés ne sont pas un problème : ils sont un atout, ils sont un outil. Qui peut croire que « Al-Quaida » est un problème pour les Etats-Unis, alors que l’Arabie-Saoudite et le Pakistan sont considérés comme « de précieux alliés dans la guerre contre le terrorisme » ?


  • Lambert85 Lambert85 20 septembre 2007 10:52

    Snif snif, vous aller me faire chialer ! smiley


  • dom y loulou dom 30 septembre 2007 14:09

    d’humain encore l’apparence lambert69 ?


  • Jacques Lohier 2 avril 2009 00:49

    Apparemment le livre est également sorti en traduction française dans une maison d’édition belge
    http://www.biliki.com/index.php?biliki=les-poemes-de-guantanamo

    Je l’ai lu en anglais et je trouve qu’au-delà de quelques critiques sur ce genre d’opération (nullement marketing mais plutôt lié à la poésie de détenus qui serait à developper en France), les poèmes sont bouleversants. Evidemment, ce ne sont pas des poètes qui sont à Guantánamo mais des enfants, des adolescents, peut-être guerriers (mais j’aimerais qu’un juge le dise au moins). Ce que vous écrivez en réponse à la première intervention est subjective, ne se base que sur des éléments qui à mon sens sont "secret défense" et que vous puissiez ainsi en parler me semble pour le moins étrange.
    En tous les cas, un livre comme celui-là... je vais essayer de me le procurer en français, est un livre historique qui va permettre aux générations futures de ne pas oublier.


    • N.E. Tatem N.E. Tatem 2 avril 2009 11:30

      Salut.

      Ce ne sont pas des enfants, et encore moins des enfants de coeur. Ils sont majeurs par émancipation, du fait des degrés de gravité de leurs actes. La loi les qualifie ainsi. Quand une personne dépassant 10ans d’âge et commet un crime (même un simple mariage) comme un adulte, elle est qualifiée selon une appréciation juridique.

      J’ai cité les réseaux qui recrutaient à travers le monde des djihadistes anticommunistes, avec le soutien de la CIA, à l’époque où le PC afghan de Nadjiboullah était au pouvoir. A l’époque, des centres d’entraînement ont été créés au Soudan, en Arabie Séoudite et au Pakistan. 

      L’occasion m’a été donnée de connaître personnellement 2 jeunes, de 23 et 27 ans quand ils ont rejoints le Djihad en Afghanistan. L’un a été formé à la guerre au Soudan puis a transité par Peshawar. Le second a été directement instruit, pendant 8 mois à la guerre, à Peshawar. Tous les 2 sont maitenant des repentis. L’un d’eux a tenté de continuer sa carrière de militant armé (ou combattant) de l’islamisme en Algérie. Puis il a rendu les armes, à l’âge de 33 ans. Le premier maintenant en France ou en Angleterre a passé 2 ans Afghanistan, mais il s’est diificilement retiré en rentrant en Europe via la Bosnie...

      En parler du secret défense n’est pas illégal. Vous croyez qu’il y a de l’étrange, ne vous étonner pas !

      Sur Agoravox, j’ai publié un sujet parmi vraiment les premiers à l’avoir diffusé en France sur l’attaque israélienne contre un site syréen soupçonné d’être un centre nucléaire. Je me suis basé sur une dépêche de Reuter qui a été mise en ligne à 10 heures du matin, à 11 heures j’avais terminé mon modeste papier et l’ais proposé à Agoravox. A 12 heures, il était déjà en ligne. En effet le secret défense que Reuter avait investi, croyant bien faire et ce qui est juste d’ailleurs, repose sur des réalités dont celle que je me suis fait de la transmettre aux lecteurs.

      Le secret défense n’a rien d’impénétrable. Justement les citoyens lecteurs doivent tous savoir !

      Cordialement.


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