jeudi 17 mars 2011 - par Paul Villach

Guérini et Europe-Écologie : la belle franchise du porte-parole socialiste

Le titre de l’émission d’Hubert Huertas dans les « Matins de France Culture  », « En toute franchise », s’irise parfois d’une réjouissante ironie. Peut-on en vouloir à l’invité ? Il obéit au principe qui régit la relation d’information : venu pour faire sa propre promotion, il ne va tout de même pas livrer volontairement une information susceptible de lui nuire. Le masochisme a des limites.

La réponse de Benoît Hamon, porte-parole du Parti Socialiste, à la dernière question qui lui a été posée, mercredi matin 16 mars 2011 en est un bel exemple. Mais à vouloir éviter Charybde, il est tombé dans Scylla (1).
 
Le refus d’Europe-Écologie de reconduire M. Guérini à Marseille
 
Le journaliste lui a demandé son point de vue sur la décision prise par Europe Écologie-Les Verts de ne pas voter pour le Parti Socialiste si son candidat à la présidence du Conseil général des Bouches-du-Rhône était M. Jean-Noël Guérini, président sortant (1). Devant son invité qui a d’abord fui le problème, le journaliste a dû revenir à la charge.
 
L’esquive de Benoît Hamon
 
Benoît Hamon a d’abord esquivé la question de deux façons :
 
- La tautologie
 
Il s’est d’abord contenté par une jolie tautologie de feindre d’enregistrer cette décision : « Ce sont les positions d’Europe-Écologie-Les Verts  », a-t-il répété. La belle affaire ! Qui a jamais douté que les positions d’Europe-Écologie soient les positions d’Europe-Écologie ? La tautologie signifie toujours plus qu’elle ne le laisse paraître. « Un sou est un sou » est une formule qui indique qu’on est attentif à la dépense. B. Hamon, lui, exprime son désaccord mais sans vouloir en donner d’abord les raisons, trop embarrassantes sans doute.
 
- Le leurre de l’insinuation venimeuse par allusion et le leurre de diversion
 
Puis jouant du leurre de l’insinuation par allusion  il a poursuivi : « ou (c’est la position), a-t-il corrigé, de Mme Vichnievsky qui s’intéresse à la ville de Marseille, si je ne me trompe ». Un raisonnement venimeux est ainsi insinué selon lequel le refus de voter pour M. Guérini s’expliquerait par la seule ambition de Mme Vichnievsky de briguer la mairie de Marseille. À l'insinuation s'ajoute donc un leurre de diversion pour faire oublier le problème. Mais l’attaque personnelle est un aveu de faiblesse
 
La solidarité de M. Hamon envers M. Guérini
 
Il faut rendre justice au journaliste qui a trouvé les trois leurres un peu grossiers pour justifier la décision d’Europe-Écologie. Il a donc poussé son invité dans les cordes : « Qu’est-ce que vous en dites à part que c’est leur position ? »
 
 - Le bégaiement par tautologie
 
Dos au mur, B. Hamon a commencé par bégayer par une nouvelle tautologie , preuve de son embarras : « Eh bien écoutez ! a-t-il dit. J’en tire comme conséquence que voilà une position qui est une position qui… » C'est entendu, une position est une position !
 
- Le leurre de l’insinuation par sous-entendu
 
Pas question pour lui, cependant, de nommer les graves raisons de la décision écologiste ! L’auditeur qui n’est pas au courant du problème doit se satisfaire à nouveau du leurre de l’insinuation mais par sous-entendu : « (…) voilà une position qui est une position, a-t-il fini par prétendre, qui se fonde sur absolument rien, en tout cas pour ce qui concerne la Justice, ni même une audition, ni même chez les gendarmes ni même une audition chez les juges. Il n’y a rien du tout, de la part d’une ex-juge, si je ne me trompe, Mme Vichnievsky. »
 
- La mise hors-contexte
 
Ce rapprochement insolite opéré entre le nom de M. Guérini et les procédures judiciaires évoquées n’est compréhensible que replacé dans son contexte. Or, M. Hamon prend soin de mettre hors-contexte ce rappel de la présomption d’innocence déduite fort justement de toute absence de décision judiciaire à l’encontre de l’intéressé et même de toutes procédures engagées. Car, en dehors de ce contexte judiciaire, il existe un rapport interne d’Arnaud Montebourg, secrétaire national chargé de la rénovation du parti, daté du 8 décembre 2008 et adressé au Premier Secrétariat du PS qui n’a pas réagi. Il a fait l’objet d’une divulgation dans l’hebdomadaire Le Point, le 2 mars 2011. Et en réponse aux soupçons portés contre lui, A. Montebourg a adressé à la Première Secrétaire, le 6 mars 2011 une lettre confirmant les termes de son rapport.
 
Celui-ci dresse, en effet, un tableau sordide du fonctionnement de la fédération PS des Bouches-du Rhône. On l’a présenté dans un article récent (2) : « certaines pratiques » sont dénoncées comme « incompatibles avec l’idéal socialiste et en infraction directe et frontale avec les statuts du parti » : elles « (le) déshonorent, lit-on, et rendent impossible l’adhésion à (ses) valeurs, (ses) projets et (son) idéal ». Parmi les cinq accusations gravissimes portées, on relève, par exemple, « une démocratie pluraliste inexistante » où « le Conseil général (est) une machine à distribuer des postes d’élus et d’employés, (utilisée) comme instrument clientéliste ».Ou encore, il est question d'« un système de pression féodal reposant sur l’intimidation et la peur », « substituant aux règles de pluralisme appartenant à la tradition du parti celle d’un clientélisme féodal où la soumission et le culte du chef ont désormais cours  ».
 
« En toute franchise », M. Hamon aurait au moins pu mentionner la décision de la direction du PS d’envoyer sur place une commission d’enquête… à la demande de M. Guérini qui par ailleurs a porté plainte contre M. Montebourg. On voit que la décision du parti écologiste s’appuie sur des arguments mais que M. Hamon a choisi de masquer à ses auditeurs !
 
Or, entre le rapport d’A. Montebourg et la réponse « en toute franchise » de M. Hamon ou celle de la direction du PS, on est tenté, dans le doute, de faire confiance au premier. On suppose que M. Montebourg, avocat de profession, a pris soin de réunir sinon des preuves, du moins un faisceau de présomptions sérieuses et concordantes de ce qu’il avance, comme il le confirme dans sa lettre du 6 mars. Est-ce donc par la dénégation des faits que le PS croit pouvoir convaincre ? On comprend, en tout cas, la décision de Mme Vichnievsky de ne pas contribuer à la reconduction d’une équipe de candidats qu’en juge expérimentée – comme le rappelle justement B. Hamon - elle qualifie, avec prudence par euphémisme, de « contestables ». (1)
 
 
(1) Laurence Vichnievsky (EELV) : « Je n’appellerai pas à voter pour des candidats contestables  ». Et parlant de M. Jean-Noël Guérini : « Je me demande même si il doit rester Président du Conseil Général », La Provence, 9 février 2011.
 
 (2) Paul Villach, « Qui donc a divulgué le rapport Montebourg sur la fédération PS des Bouches-du-Rhône ? », AgoraVox, 7 mars 2011.
 
(3) Extraits de l’émission « En toute franchise  » animée par Hubert Huertas, mercredi 16 mars 2011, au cours des « Matins de France Culture  ».
Hubert Huertas.- Dans les Bouches du Rhône, Europe Écologie a dit que si le candidat du Parti Socialiste était Jean-Noël Guérini, ils ne voteraient pas pour le Parti Socialiste.
Benoît Hamon .- C’est les positions d’Europe Écologie-Les Verts ou de Mme Vichnievski qui s’intéresse à la ville de Marseille si je ne me trompe pas.
HH .- Ça se pourrait bien ! Qu’est-ce que vous en dites à part que c’est leur position ?
B. H. .- Eh bien écoutez ! J’en tire comme conséquence que voilà une position qui est une position qui se fonde sur absolument rien, en tout cas pour ce qui concerne la Justice, ni même une audition, ni même chez les gendarmes ni même une audition chez les juges. Il n’y a rien du tout, de la part d’une ex-juge, si je ne me trompe, Mme Vichnievsky. »


4 réactions


  • Gabriel Gabriel 17 mars 2011 10:26

    La politique « Par Tisane » fait dormir , mais surtout nous Emm...


  • LE CHAT LE CHAT 17 mars 2011 14:27

    quand on voit comment « l’aile gauche » du PS peut être aussi pourrie et langue de bois que le reste , on se dit que tout est à jeter !


  • dogon dogon 17 mars 2011 15:43

    Un nouveau « parrain » à Marseille ?
    Du clientélisme, de l’intimidation et de la peur ?

    Donc, à « l’ouest, rien de nouveau » !


  • Taverne Taverne 17 mars 2011 15:49

    « Un Vert est un Vert » est une tautoécologie.


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