vendredi 30 octobre 2015 - par bakerstreet

Guerlédan, la vallée engloutie, la langue bretonne aussi !

  Allez donc faire un tour au lac de Guerlédan pendant qu'il est encore temps ! Aucun risque de voir surgir« Nessie » le monstre du Loch Ness, ou qu’une armoire bretonne vous éperonne en refaisant surface ! C'est qu' on a retiré le siphon ! On peut marcher sans scaphandre au fond, dans un paysage lunaire. « Un grand pas pour moi, même si c’est rien du tout pour l’humanité » !

   Je n’en suis pas encore revenu !

 On l’oublie parfois mais la Bretagne c’est aussi un massif. Pas celui des Alpes c’est sûr, mais tout de même le pays a du caractère, et des dénivelés ! C’est le cas dans ce coin d’argoat, situé entre Morbihan et Cotes d’Armor, où les cyclistes doivent parfois descendre de leur machine, pour monter les côtes. 

Le Blavet, la rivière locale, si elle brille dans le paysage, n’est connue à tort que des bretons.

 Plus loin en aval, à Lanester, elle joue au Mississipi, et s’étale en un large ria fluvial, avant de se jeter dans la mer.

 Mais à Mur de Bretagne, jadis, elle se faufilait entre les montagnes de schistes, et se prenait pour le Colorado. C’est cet endroit qu’avait apprécié à sa juste valeur un préfet, tout acquis à la modernité, juste après la guerre de 14. C’est comme ça que l’idée de barrage est née. Bien sûr, cela a du faire rigoler les gens du coin, du moins au début ! Avant qu’ils s’inquiètent sèrieusement. Casser le cours du Blavet, ils n’y croyaient pas ! Ils devaient penser à une blague d’ivrogne, ou de celles que l’on sortait à les soirs de veillée pour se faire peur.

 Ce site, c’était une sorte de vallée des rois de la haute Egypte celtique . Le barrage, qui devait entraîner la disparition de ses 17 maisons éclusières, était une chose impensable  : La mort assurée du canal de Nantes à Brest, un des poumons économiques de la région. 

 Le canal : C’était plus de 250 maisons éclusières construites sur 370 kilomètres de canaux, un ouvrage pharaonique qui avait déplacé au propre et au figuré des montagnes, dont une de 4kms de long de 23 mètres de hauteur, le tout à la pelle et à la brouette. Cela avait exigé des prodiges d’ingénieries et d’hydraulique, et coûté la vie à des centaines de forçats, et de déserteurs réquisitionnés. 

 Il aura fallu plus d’un demi-siècle, entre 1783, date des premières études, et 1842, pour que « le grand projet des états de Bretagne » ne soit enfin terminé. Une allée princière qui pourrait être ajoutée au patrimoine de l'humanité, et qui fait aujourd'hui le bonheur des randonneurs et des cyclistes. Le canal fut inauguré par Napoléon III et l'Impératrice Eugénie. « L'eau coulant dans le canal, comme le sang dans les veines, va stimuler l'industrie car tout va changer par la navigation. »

http://bit.ly/1M00PSi Un peu d’histoire : Le canal de Nantes à Brest

 Bien sûr, en 1920, les temps avaient changé, le train avait entamé sérieusement l’intérêt du fret des marchandises par le canal. Et l’intérêt stratégique, qui avait incité Napoléon Bonaparte à se lancer dans cette construction, pour échapper au blocus maritime des anglais avait disparu.

 Néanmoins, l’activité économique et culturelle autour du canal était encore considérable. Et on comprend l’émoi de ces éclusiers et de ces mariniers ayant échappé à la boue des tranchées, en voyant une autre forme d’envasement se mettre en place autour de leur vie civile retrouvée. .http://bit.ly/1GGqO0y (Barrage de Guerlédan : Source wilkipédia)

 Guerlédan : Son nom vient du village de Guerlédan (du breton vannetais Gouer ledan, le « ruisselet large ») baptisé en référence à la rivière qui s'élargit à cet endroit.

 Guerlédan, quand j’étais gosse, c’était une forme d’amnésie, le refus de toute nostalgie. Sans doute devait-il exister des réfractaires, mais les années soixante étaient toutes acquises à la modernité, dans l’oubli de la vieille culture bretonne, et de sa langue étrange, bien plus ancienne que le français, mais dont l’usage était devenu comme une honte pour certains.

 Les paysans qui avaient réussi se faisaient construire une maison en parpaing, soit disant « néo-bretonne », avec juste l’entourage de la porte d’entrée faite de pierres de taille.

 Le village d’Astérix avait vendu son âme aux romains, et voilà longtemps déjà que les instituteurs, hussards de la république, n’avaient même plus besoin d’accrocher l’écriteau : «  Défense de cracher par terre et de parler breton  » !

 Ah ! Comme ils étaient fiers de leur barrage de Guerlédan, les Bretons. Ce vaste ensemble hydraulique était censé leur donner une petite autonomie électrique. Finalement, bien peu de contestation. Il aura suffi de faire la promesse fumeuse d’un escalier à péniches, jamais réalisé, pour tromper les récalcitrants. L’ouvrage fut inauguré en 1930 .

   400 hectares de terres, 12 kilomètres inondés dans cette haute vallée du Blavet avec ses fermes, ses vergers, ses arbres et ses chemins creux, et bien sûr ses écluses.

 Il reste quelques témoignages de cette époque, comme celui, bouleversant de madame Simone Le Meur : http://bit.ly/1WgjFpz

 Allez savoir si les concepteurs du projet de la centrale nucléaire de Plogoff n’ont pas été encouragé par cette grande soumission au diktat administratif ? 

  Ce sera une autre histoire, mais pour l’heure, c’était celle de l’inondation : 

 Qui peut imaginer le grand déménagement, les meubles que l’on met dans les charrettes, les vaches que l’on pousse et qui meuglent, le bruit des sabots tapant la dernière fois les pavés, le grand silence de la nature qui attend, les feuilles qui frémissent à la cime des arbres, alors qu’il n’y a même pas un souffle de vent.

 Et l’eau qui monte, centimètre par centimètre, chassant de plus en plus loin le peuple des minuscules. Les mulots, les écureuils, toutes les bêtes à bon dieu, abandonnèrent leurs trésors enfouis aux creux des arbres pour déguerpir.

 Les araignées sont restés accrochées à leur toile au cœur des maisons muettes. Les souris n’ont pas suivi non plus. Le chat les laissera enfin tranquille ! Elles ne savent pas. Elles ne sauront jamais, innocentes des choses du ciel et des hommes. Elles dorment encore d’une sagesse millénaire sous les lattes du plancher.

 L’eau a léché les murs, s’est infiltrée sous les portes sans frapper. Centimètre par centimètre, elle a réalisé en une heure toute cette lente progression qu’une mère attentive avait notée au crayon, sur un montant de porte : Celle de la taille de ses enfants, année après année, jusqu’à la guerre de 14.

 Elle a monté les marches usées, est arrivée au grenier, déterrant les odeurs de paille, puis en deux jours, elle est ressortie par le soupirail du toit, a refermé le couvercle du cercueil.

 Sur les premiers coteaux, elle a envahi à gros bouillons féroces toutes ces ardoisières de légende, ces trous percés dans la roche qui faisaient vivre tant bien que mal les mineurs, parfois des enfants, se faufilant dans des boyaux obscures pour extraire l’ardoise bleue..

http://bit.ly/1POQj2S ( Video : Guerlédan, la vallée perdue)

 Ce sera la couleur du lac. Comme celui de La forêt de Brocéliande plus à l’est où l’on inventa des légendes de chevaliers la table ronde ! Mais celle ci est en train de naître, sans fée Viviane ni enchanteur Merlin. Bien un mois au moins pour que l’eau arrive enfin au niveau maximum, que les turbines ne se mettent en route, tirant leur profit des choses de la mort.

 Finalement cela fera un bien beau site de carte postale. Certains touristes demandent parfois si c’est un lac naturel. C’est vrai en été ces eaux clapotantes et vastes, avec leurs rives arborées, vous font tirer des bords du coté d’un Canada rêvé. Les clubs d’aviron et de kayak se régalent.

 Quand j’étais gamin, j’ai souvent tenté de dessiner des paysages comme celui-ci, en usant mes crayons de couleurs verts et bleus, avec les indiens à plume en pirogue, poussant sur leur pagaie.

 L’hiver, quand vous vous perdez dans la forêt et que vous voyez tout à coup surgir les eaux sombres, c’est à l’Ecosse que vous pensez. Et tout juste si vous n’imaginez pas en frissonnant voir le monstre Messie surgissant des eaux du loch ! Une beauté étrange nimbe ces lieux, et les vieilles légendes vous travaillent l’esprit.

 Les parois schisteuses de falaises se dessinent en ailes de requin, avec des arêtes coupantes, lancées vers le ciel, et on passe du mauve de la bruyère en fleurs au jaune flamboyant des genets, aux premières lueurs du printemps, sans que personne ne pense à une couronne mortuaire posée sur le lac, agrémentée de touffes de fougères.

 Il faut bien que la vie se réinstalle, prenne ses aises, comme l'eau du bassin l'a fait. D’ailleurs les enfants d’éclusiers, ou ceux qu'on appelait "les gueules bleues", n’ont pas eu tous besoin d’aller à Paris pour bosser, faire la bonne d’enfant ou se vendre à la tâche. Ils ont trouvé de l'emploi au pays, dans l’agroalimentaire ou grâce au tourisme : Moniteur de voile, animateur, barman, hôtelier, restaurateur, gardien de camping, crêpier, et même fonctionnaire à l’EDF pour les plus chanceux !

 « Il faut savoir ce que l’on aime…. » C’est un peu le thème de « la montagne » de Ferrat ici, avec le cidre de la vallée qui ne sera plus tiré.

 Tant pis ! C’était une époque qui n’était pas avare en drame, où un coup de pied dans le cul, vous redressait de celui d’avant ! C'était la cellule de soutien psychologique d'alors. On serrait les dents si on en avait encore ! Finalement, c’était toujours un miracle d’être toujours vivant après ces deux guerres.

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 Mes parents étaient très fiers de Guerlédan. Ils n’avaient guère voyagé, et possédaient des extases d’enfants, quand ils en parlaient, comme d’une sorte de lac Leman breton. Dans leurs voix, des notes de passion et d’émerveillement que certains n’auraient plus maintenant, en parlant du bout du monde, et de leurs plages soit disant paradisiaques. C'était une époque où il suffisait parfois de changer de commune, entre arvor et argoat, pour se sentir à l'étranger.

 Mon père était originaire justement du pays d’à coté, un village qui avait fait fortune en se lançant dans l’industrie du tissage. Au grand siècle breton, le chanvre et le lin étaient les deux trames du succès, et les voiles bretonnes, cet or blanc, étaient appréciées de tous les armateurs, de Lisbonne à Anvers. Ce furent des maîtres voiliers bretons qui équipèrent pour l’essentiel, le grand armada espagnol.

 Qui se souvient de cette gloire, que ce pays avait été un pôle économique, une sorte de suisse Atlantique, avant que Louis quatorze ne la ruine, transformant la Bretagne en cul de sac, en marché fermé.

 A cause d’un mauvais traité du roi soleil ! Mais un soleil noir que ce roi !"Du" , pour signifier cette couleur en breton, et pour nommer aussi le mois de novembre ! Un premier barrage économique avait donc ruiné le pays, ses exportations, condamné ses armateurs et ses ports aussi puissants que ceux des pays de la Hanse. Qui se souvient qu’à Anvers, au seizième siècle, les trois quarts des navires étaient Bretons, et que Penmarc’h était le premier port d’armement européen ?

 Mais tout cela était bien retombé ! Notre pauvre duchesse Anne s’était bien fait avoir ! Tout ce qui était resté de l'or blanc des conquérants avait été investi dans les chapelles, les calvaires et les ossuaires, dans ce baroque merveilleux et naïf, qui étonne étonne toujours autant le voyageur.

 C’est qu’on n'avait pas regardé à la dépense pour faire plaisir à dieu ! Mais celui-ci avait bien mal récompensé ses fidèles ! Ce n’était plus qu’un pays de misère dont les parisiens se moquaient autant que de sa langue, aussi vieille que le granit des menhirs. Pourtant le pays continuait à tromper son monde, et la moindre servante, les jours de pardon, endossait un habit de lumière à rendre jalouses les reines ? On y célébrait les saints irlandais évangélisateurs, ceux qui avaient traversé l'océan, sur des vaisseaux de pierre larges comme des menhirs.

 Les gens de passage qui ne connaissaient rien à l'histoire de ce pays du bout des terres mais si près de l'océan immense, s'interrogeaient sur tous ces Macha Picchu de granit sculpté. Il y avait là tant de richesse dans les bannières, les costumes brodés d’or, la coiffe des femmes, et la pierre de dentelle ouvragée, que c'était une grande discordance, avec ce pays si pauvre et reculé.

 Les chapelles étaient si grandes dans le moindre village, qu'on aurait dit parfois des cathédrales.

 Leurs ossuaires macabres faisaient frémir, et les calvaires arboraient des outrances païennes, avec ces saintes vierges qui accouchaient parfois au pied de la croix.

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 Mon père avait appris à nager tout seul dans la rigole d’Hilvern en gardant les vaches, laissant ses sabots cinq minutes dans l’herbe, le temps de se noyer ou d’apprendre à flotter.

http://bit.ly/1N5pCoQ : La rigole d'Hilvern est devenue un atout touristique

 Encore une curiosité cette rivière, un goulet artificiel de 62 kms et construit pour maintenir la pression hydraulique du canal de Nantes à Brest.

 Dans le temps on appelait cette région « la Sibérie bretonne » en raison du peu de chemins qui le desservait Si le canal fut vécu comme un vrai désenclavement, le lac de Guerlédan projetait lui aussi toutes les promesses de la modernité.

 J’en avais entendu parlé depuis longtemps, des toilettes en grand du barrage. Par trois fois ils avaient fait la vidange des eaux pour de longues opérations d’entretien et de réparations sur l’ouvrage. La première fois en 66, la seconde fois en 74, et puis en 85. Nous voilà en 2015 et il se pourrait bien que ce soit la dernière fois qu’on exhume le grand cadavre en long . Les progrès de la maintenance et de la robotique semblent condamner à l’avenir cette opération.

 J’ai été long à me décider. Il a fallu que j’attende les derniers moments, juste avant la remise en eau. Comme s’il y avait quelque inconvenance à aller la bas ! Et à quoi bon, me disais-je, se perdre au milieu de la vase, casser le souvenir des eaux bleues, réouvrir le couvercle du cercueil, déranger les fossoyeurs qui nettoyaient la crypte ?. C’était là des pudeurs que ne partageaient pas la plupart des Bretons, tout à la leur affaire ! http://bit.ly/1N5Tr8O

 J’avais vu la manchette de Ouest-France. C’était là bas tous les dimanches de joyeuses processions d’étonnés auxquelles il ne manquait sûrement que le chant des cornemuses, pour se mettre totalement en émoi !

      Le pays s'étourdit depuis longtemps de ses grandes marches, semées de religiosité et de bondieuseries, d'extases, d'impatience, et de trémulation. On compte ici autant de saints fondateurs prônant l'élévation de l’âme que de champions cyclistes amoureux des côtes, ayant souffert eux aussi cent martyrs ! Tout ce beau monde à la poursuite du Saint-Graal !

 Forcément, on ne sait jamais ce que cela va donner, de la prière ou de la révolution, et les signes de croix prennent vite le chemin des coups de poings ! 

     C'est un drôle de peuple de pèlerins, propre à se faire abuser ou à étonner, qui descendait depuis le printemps en procession dans la cuvette de Guerlédan. 

     Et certains j’en suis sûr par ce dimanche une semaine d'avant le jours des morts, allaient prendre de l'avance, réciter des prières, ou penser au miracle de la mer rouge qui s’ouvrait sur le peuple élu.

 Les pays du présent se potentialisent avec ceux du futur, et ceux qu’on dit morts marchent tous les jours à vos cotés, même si l’on tente plus ou moins de leur faire barrage. 

http://bit.ly/1GvtGOi :Le plus grand lac de Bretagne est à sec (France info)

 Je ne sais ce que Vialatte aurait pensé de ça, en arrivant sur le bord de ce cratère vide, comme un volcan d’auvergne éteint, lui qui avait donné sa définition de l’autochtone.

 " ....Ou alors allez en Bretagne, puisqu’il faut aller en vacances. C’est une race prodigieuse, ils ont inventé le lit clos. Et c’est pourquoi ils naissent dans des placards, vivent en mer et meurent dans l’alcool. A moins qu’ils ne meurent en mer et vivent dans l’alcool. Il leur arrive pourtant de mourir dans un placard. Comme ils sont nés. Mais un placard plus grand. Parce qu’ils ont grandi entre temps. Tels sont les mœurs étonnantes des Bretons… »

 J’ajouterai que le Breton aime bien la mort, le beurre salé, les galettes à l'andouille et le mont saint-Michel, qu’ils ne pardonnent pas aux normands d’avoir récupéré ! Et puis la vase, naturellement, ainsi que les rassemblements de toutes espèces : Les fest-deiz, les fest noz, les pardons, les courses cyclistes, les parades, et même les enterrements.

 Ils tiennent leurs morts à l’œil, et font au moins autant confiance à leurs émotions qu’à leur intelligence pour éviter qu'ils ne se réveillent.

 C’est pour ça que Guerlédan à sec les fascine. Ils y trouvent une humidité propice à développer leur imaginaire fertile

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 Jusqu’à là j’ai écrit assez vite, mes deux mains sur le clavier ont progressé sans problème. C’est qu’ils étaient encore en pays connu ! Maintenant il n'est pas dit que des forces obscures s'emparent de mes doigts comme elles se sont emparées la bas de mon esprit. C’est une sensation étrange qui vous pénètre quand vous vous enfoncez en ces lieux obscurs où il faut vous déshabiller de votre intelligence habituelle, pauvre bouée crevée qui ne vous servira pas à grand chose pour avancer au pays des ombres !

 Premier étonnement, c’est de constater que la vie en quelques mois, à recommencé à coloniser le fond du lac. La vase luisante s’est fait oublier. Les verts et les ocres, les terres de sienne et les couleurs de terre brûlée, ou indigo, explosent dans un déluge de feu de dieu.

 Nous voici sur l’ancien chemin de halage menant à la maison éclusière en ruine que l’on devine au loin. Des arbres fantomatiques continuent à se dresser dans une prairie rouge, aux couleurs saturées, presque un siècle encore après leur immersion.

 Je pense à des choses confuses, aux personnages des calvaires de granit couverts de lichen, à une ambiance de rêve, un de ceux dont on se rappelle avec grand mal au réveil ; à cet Orphée parti chercher son Eurydice aux enfers.

 Qu’est-il arrivé ici ? Je ne sais plus la cause de cette catastrophe aberrante, semblable à celle dont je lisais naguère la description dans les livres de science fiction. Sommes-nous dans le futur ou dans le passé  ? Même si j'ai imaginé des images, je n’ai jamais envisagé que ça pouvait être ainsi ! Même en ayant lu « La route », ce livre crépusculaire de Cormac Mac Carthyhttp://bit.ly/1Whi5ny

 Voir Guerlédan vidée de ses eaux est une expérience forte, et les paysages qui se déploient sont tout autant développés à l'extérieur, qu'à l'intérieur de nous. C'est peut être ça, un lieu de mémoire : Un endroit qui au-delà des mots vous saisit, vous met en présence de l'ineffable. 

 Est ce là, près de ce haut rocher, la barque du vieux Charon, qui menait les ombres errantes au pays des ténèbres. Mais de quel droit cette végétation têtue a t’elle décidé de reprendre ses aises, composant un tapis vert, un green de golf pour les poissons, au-delà de toute logique ? Personne ne lui a donc dit que les jours sont comptés, qu’elle doit être folle d’agir ainsi !

 Mais il y a trop de contrastes aveuglants, de lumières somptueuses, froides et tranchantes comme dans un tableau de Turner, pour que cet endroit accepte de rentrer dans une case, une tombe qu'on pourrait fleurir.

 Et puis qu’est ce que la mort ? Il faudrait demander à l’ankou justement qui passe incognito, des lunettes de soleil sur le nez, qui fait des photos comme un parfait touriste en vacances, et même un selfie, pour mieux tromper son monde. Que savons-nous de toutes ces manigances, et de ces pas de danse, pour nous entraîner comme si de rien était sur le bord du vide ?

 J’étais bien bête d’avoir rêvé de ne rencontrer personne, d’avoir voulu être seul en ces lieux, comme si je visitais le mont saint Michel ! On pourrait ici l'enfouir, mais à l’envers, la pointe en avant, l’ange Gabriel s’enfonçant dans la vase comme la figure de proue d'un vaisseau fantôme. C’est vrai, beaucoup de gens sont venus ici, en ce jour crépusculaire et ensoleillé d’automne. 

 Et à marcher avec eux, on se croirait un peu dans une église où l’on pourrait rire, et s’extasier de la lumière qui descend des vitraux. J'ai améné notre pique-nique dans un panier d'osier, à l'ancienne, et les promeneurs me regardent amusés, me demandent si la récolte de champignons a été bonne. En certains lieux, il est bon de donner prétexte aux autres de vous aborder. Et il est vrai que nous sommes sans cesse ce que les lieux nous font !

 Les gens ont ils tous éteints leur portable, ou ne capte t’on pas en cet endroit ? Même les jeunes n’ont plus l’oreille ou les yeux collés à cette prothèse.

 C’est que d’étranges frissons vous parcourent. On ne sait d’où elles viennent, on ne sait où elles vont. Il y a ici un réseau tellurique venant d’un opérateur inconnu, et qui émet en pirate pour ceux qui écoutent qui déploient leurs antennes.

 Une vieille borne kilométrique est restée plantée comme un vieux menhir, continuant d’indiquer la route, entre Nantes et Rennes, via le canal, fidèle à ses principes.

 L’écluse, apparaît tout autant intacte. Même si elle a renoncé depuis longtemps à retenir quoi que ce soit, débordée par les 55 millions de mètres cubes d’eau qui passent dans son ciel habituel comme une horde de nuages, avec ses vols de poissons argentés.

 Tout de même, elle a gardé toute sa fierté minérale et son front de pierres compactes, parfaitement scellées. Les joints n’ont pas bougé. La main puissante d'un homme la caresse. Un beau travail tout de même que faisaient ces forçats.

 Le Blavet qui a retrouvé son cours initial, l’espace d’un été, est revenu tout petit garçon au fond du lit, entre les jambes ouvertes de l’écluse, comme au bon vieux temps maternel !

 La maison éclusière n’est plus qu’une ruine à ciel ouvert. Certains ont écrit leurs noms sur les décombres. Une petite fille est toute contente de voir son prénom « Léa », inscrite tout en haut du fronton, comme s’il y avait là un signe des dieux.

 Un vieux four à pain est toujours là, presque indemne, et comme un garçon monte dessus, son père lui dit de descendre immédiatement, car il risque d’endommager l’ouvrage.Et on ne sait pas si on peut rire de cela, ou s’émerveiller d’une si beau conseil, d'une si belle prévenance ! C’est une grande curiosité de tous, pour les choses du fond, et du haut, qui règne en ces lieux, une sorte d’esprit fait de communion et de respect. Qui oserait casser une des branches d’un arbre, dressées vers le ciel, pourtant si minces parfois qu’on se demande comment elles tiennent, aussi fragiles qu’une dentelle pétrifiée par le froid.

 La vie finalement ne tient pas à grand chose. Comme dirait Schopenhauer ou je ne sais qui, dont je mets le nom en avant pour être pris vraiment au sérieux. Pour que la vie soit meilleure, ajoutons-y du respect, l’attention, la mémoire, la culture, l’un ouvrant ses écluses vers l’autre, dans cette mécanique savante des fluides.

 Les écluses, on n’en arrive jamais à bout. J’adore leur chemin de bassins construits sur une logique sans faille, les coups de manivelle de la gardienne, les explications des parents à leurs enfants regardant les péniches monter et descendre, avant de glisser sur l’eau, aériennes. 

 J’ai toujours aimé les rivières éclusières, les fleuves impassibles de Rimbaud, les canaux extatiques et souriants, toute cette alliance savante de la nature et de l’homme, qui rendait une certaine harmonie et un équilibre consenti de l’un vers l’autre ; en de savants échanges.

 J’ai toujours aimé les paysages aimables et domestiqués, où il fait bon d’amener son panier de pique nique à l’heure du midi, et s’allonger dans l’herbe.

 Bien sûr, en toute choses, il faut des couloirs à poissons, qui permettent l’exode fabuleux des saumons et des esturgeons.

 Qu’ils aillent se reproduire dans le fleuve amour, avant de revenir au pays, l’esprit riche de sagesse et de raison, pour le reste de leur âge, comme dans le beau poème de Maxime Du Bellay.

 Pour les barrages, c’est une autre histoire. Il apparaissent comme des diktats absolus, des frontières intangibles, qu’elles finissent par détruire la vie et ses mouvements naturels.

 Au café du commerce, à Mur de Bretagne, les cartes postales ont lentement tourné sur le présentoir. Du noir et blanc, aux fil des années, elles sont passées au technicolor, avant que les clients se fassent plus rares. Bientôt on n’en vendra plus. Les gens n’écrivent plus. Il semble que la pratique se perde.. Peut être que les portables et tous ces SMS, ont fait eux aussi office de barrage et changé les pratiques séculaires.

 C’est comme la vieille langue bretonne. Encore une histoire de barrage en béton qu’on a posé un jour dans la vallée, avec la consigne de ne laisser filer qu’un filet d’eau !

 Si on faisait la vidange, l’expertise, on verrait encore de belles choses qui ne demanderait qu’à repartir. Alors on démonterait l’ouvrage de béton qui la retient, et on reconstruirait ce lent chemin d’écluses, qui permet de monter d’une culture à l’autre.

 Une langue, c’est la musique d’un peuple, et s’en estropier c’est se condamner à ne plus bien danser, à perdre un peu le sens de l’histoire, à se laisser submerger par les eaux

 .L'éternelle querelle des langues régionales (source : Le journal Libération) :« Nos voisins européens s’appliquent à sauver leurs langues lorsque nous les laissons mourir, quand nous ne les aidons pas à mourir », accusent Urvoas et le patron des députés PS, Bruno Le Roux, qui ont fait voter une proposition de loi sur la charte européenne des langues régionales en 2014 : ils citent la bonne santé du catalan et du basque côté espagnol ou du gallois, quand "la survie du breton est menacée".

 A ce jour, vingt-cinq Etats ont pourtant ratifié cette charte, dont dix-sept membres de l'Union européenne. Huit autres l’ont signé mais n'ont pas encore procédé à la ratification, dont deux membres de l'Union européenne : la France et Malte http://bit.ly/1O57Aoe

  Ainsi, si grâce à l’Espagne, le basque est reconnu, et si d’autres langues minoritaires comme le romani, le ruthène, l’aragonais, le lapon, le yiddish, le tatare le sont aussi, comme tant d’autres, le breton, seule langue non latine de notre pays, et dont les racines celtiques sont les mêmes que notre vieux gaulois, est toujours considéré comme une curiosité de seconde zone, à qui il faut faire barrage. http://bit.ly/1XwiKUK

 Le journal Libération avait bien raison d'être dubitatif : L’affaire a été vite expédiée. Un après-midi de discussion au Sénat, ce mardi, puis la droite, qui y est majoritaire, a fait voter une motion de procédure pour couper court au processus de ratification de la charte européenne des langues régionales. Eloignant, au passage, la perspective d’un Congrès à Versailles et d’une réforme constitutionnelle sous ce quinquennat. Ce qui semble ravir d'ailleurs la plupart des élus de tous bords. http://bit.ly/1N7i592

 Pas un mot dans les médias ou si peu, sur les manifestations qui se sont déroulées en France à cet égard C'est une chape de plomb, un silence assourdissant quand on parle des langues régionales . A ce propos il semble bien que nos politiques de tous bords communiquent entre eux par le langage des signes, et nous réservent un bras d'honneur.

 Il est triste de constater, que, dans un pays qui se gargarise de patrimoine et de droits de l’homme, on fasse tout pour pousser sous le tapis de l’histoire ce haut sujet sensible, pourtant bien le lieu de rencontre de ces deux valeurs.

 Quand la langue bretonne sera définitivement morte, on la fera entrer dans un écomusée. Puis on installera à grand frais un administrateur parisien à sa tête. Des subventions pleuvront pour ériger quelques hardies œuvres contemporaines dans le parc de la fondation : Mur des lamentations Bretonnes, accumulations de menhirs en stuc, ou quelque vagin de la reine, comme on en voit à Versailles, pour nous montrer leur cul ! Tout cela pour nous signifier qu’ils s’occupent bien de nous, et savent ce qu’il convient d’aimer et de faire, et surtout dans quelle langue le dire !

 Mais à quoi ça sert de se lamenter, je vous le demande ! Mieux vaut faire barrage aussi à sa colère à ses sentiments si l’on veut survivre.

 Et mettre un bâillon sur la bouche, s’indigner sur les vrais sujets d’actualité, être de son temps comme on disait dans le temps, dans la langue qui convient à ces bons messieurs de Paris !

 « Il n’est de bon bec que de Paris !  » Comme disait jadis François Villon .http://bit.ly/1KCVWsX

 Ah, vite, que l’eau remonte, pour que l’on continue à ne rien voir, et qu’on puisse continuer à faire du pédalo sur les eaux du lac de Guerlédan, faisant des ronds, comme ceux des chapeaux Bretons !



40 réactions


  • Gasty Gasty 30 octobre 2015 12:50

    Quel magnifique récit ! Merci l’auteur.

    Maintenant que l’eau monte, il faut s’en aller. Pas plus tard qu’hier, j’ai vu des bretonnes quitter les lieux.


    • bakerstreet bakerstreet 30 octobre 2015 13:04

      @Gasty

      Merci
      Mais vos Bretonnes semblent plutôt craindre un danger qui tomberait du ciel. ?.
      J’y retourne demain quand même, malgré les risques, intoxiqué par l’ambiance. Mais je serais sur mes gardes, surveillerais de bâbord et de tribord. Moi que n’est malheureusement pas été assez vigilant dans mon texte. Car évidemment la borne n’indique pas la route de Nantes à Rennes...
      Pourquoi repère t’on nos fautes quand on ne peut plus les rattraper, quand les amarres du bateau sont rompues ?
      Néanmoins les chemins de halage sont nombreux dans la région, et on ne se lasse pas de leur compagnie.

    • Fergus Fergus 30 octobre 2015 23:15

      Bonsoir, bakerstreet

      Je me joins bien volontiers à Gasty pour souligner l’exceptionnelle qualité de cet article et la grande richesse des volets abordés.

      J’ai failli aller voir le lac de Guerlédan cet été, mais j’en ai été empêché. Dommage car j’aurais aimé revivre ce que j’avais vécu en Auvergne lors de la mise à sec du lac de barrage de Grandval (Cantal) et la résurgence du village disparu de Mallet, ou de cette mine de plomb naguère désaffectée où il m’arrivait dans mon enfance d’aller fouiner en quête de cristaux de galène. Cette expérience cantalienne m’a inspiré en 2009 un article dédié aux villages submergés : Le village englouti.

      Un grand merci pour cette balade bretonne.


    • bakerstreet bakerstreet 31 octobre 2015 00:47

      @Fergus
      Bonsoir 

      Dommage pour vous. 
      Je ne me serais pas rendu compte de ce que je perdais si je ne m’y étais pas rendu, comme aurait Lapalisse. 
      Mais enfin vous avez des expériences similaires. Je vais aller voir votre lien et descendre par l’échelle de corde. Dans l’espoir de pouvoir trouver la sortie à temps car demain, je repart à Guerlédan, à l’heure où blanchit la campagne. 
      Et j’emmènerais un casse-croûte tout de même. 
      Victor Hugo en aurait fait des tonnes en cet endroit. Des vers, et des dessins à l’encre ! J’ai cru reconnaître l’endroit où il était assis, comme à Jersey, sur un rocher. 
      Ou alors à Guernesey ?...On dirait que les lieux se téléphonent les uns aux autres, que des télépathies se forment. 

      Ca sera le dernier jour avant la remontée des eaux. 
      Mais comment prendre la mémoire en photo ?

    • bakerstreet bakerstreet 31 octobre 2015 01:10

      @Fergus
      Je viens de lire votre bel article qui a beaucoup évidemment à voir avec le mien. Une des photos qui clôt votre récit étant presque un copié collé de celle que j’avais jointe ( les végétaux repoussant sur le sol lézardé du lac vide) : les traumatismes étant les mêmes, et le lien que j’ai mis sur Madame le Meur, cette octogénaire, est bouleversant, surtout quand elle parle de la bonne odeur des hommes bleus, ces ardoisiers dont la poussière des ardoises colorait la peau. 

      Je me permet de le remettre ici pour ceux qui seraient passés à coté : http://bit.ly/1WgjFpz
      C’est un peu le syndrome de la boule de verre, une histoire figée, mais plongée au fond des eaux. Je sais que certains se sont passionnés pour ces villageois traumatisés par la disparition de leurs racines, d’un socle identitaire dans le sens le plus terrien, et en ont fait un sujet de thèse.
      Il y a là la présence de la mort, pas seulement métaphorique, mais au contraire dans toute la puissance de son empreinte, car ne s’attaquant pas qu’à vous, mais à la terre, votre village, tout ce que vous êtes susceptible de transmettre. Un barrage, c’est cela, « l’ethnocrime »de la transmission ! Notons que le barrage de Guerlédan, qui était susceptible dans les projets de suffire à la consommation électrique de la région, ne pourrait de nos jours, qu’ alimenter une ville de 15000 habitants.....

    • Fergus Fergus 31 octobre 2015 07:59

      Bonjour, bakerstreet

      Je ressens à peu près la même chose que vous. Sans doute Est-ce le sort commun de tous ceux qui ont connu une expérience analogue. Merci pour ce lien très intéressant.

      Pour ce qui est de Guerlédan - qui m’était un peu sorti de la tête, je l’avoue -, je vais avoir une séance de rattrapage dans quelques jours à l’occasion d’un déplacement en pays bigouden. Merci de m’avoir fait penser à faire cette visite. A ce propos, où se situe le meilleur point de vue (je disposerai de peu de temps) ?


    • bakerstreet bakerstreet 31 octobre 2015 19:09

      @Fergus
      Les photos que j’ai jointes à l’article, où l’on voit le cratère autour du barrage, et la barque ainsi que l’écluse, ont été prises à partir du rond point du lac, où se trouve un parking à proximité. Facile d’accès, à proximité de Mur. Aujourd’hui je suis allé à Trégnanton, qui offre une vallée plus resserrée, et des impressions et des images toutes aussi enthousiasmantes, surtout par cette belle journée d’été indien. On y voit davantage de maisons, et d’arbres, ainsi que les ruines d’une carrière d’ardoises. Par contre éviter l’anse de Sordon longue d’accès, le parking étant très éloigné. Je ne sais pas quand ils vont remette en eaux, vu la pluviométrie inexistante.


    • Fergus Fergus 31 octobre 2015 19:40

      @ bakerstreet

      Merci pour ces précisions.

      Bonne soirée, et encore félicitations pour ce superbe article.


  • Pie 3,14 30 octobre 2015 16:50

    Un bel article fouillé et bien illustré.


    Je suis tout à fait d’accord avec vous concernant les langues régionales. Le jacobinisme français par la voix du Sénat a encore frappé.

    • bakerstreet bakerstreet 30 octobre 2015 17:39

      @Pie 3,14
      Mon idée première était de me limiter aux canaux, et au barrage. Mais le sujet de la langue, allez savoir pourquoi s’est imposée, autant dans la cause de la métaphore que de l’actualité....Il est surprenant de constater que cette question essentielle soit déprogrammée des urgences à rétablir, par le fait d’une bande de vieillards jacobins bidouilleurs, cramponnés à des peurs, et à des certitudes d’un autre temps.....Les langues régionales, mais il est déjà difficile déjà d’admettre ce mot, ce sous clivage, entendu que chaque langue représente en elle même l’universalité, la richesse, et la diversité du monde, semblablement à chaque fractale....

      Comment peut on voir un danger dans la richesse....Comment peut on croire qu’on ira mieux en s’amputant d’un membre ?...Les comparaisons de cette ethnocide linguistique nous ramènent au moins cent ans en arrière, avant levi-strauss, à l’époque de la colonisation, sûre de ses valeurs premières, de son positivisme. 
      Comment ose t’on parler encore de notre pays comme celui des droits de langue, quand on nie la langue historique d’une population. On a fait le musée des arts premiers du quai Branly à seule fin de spectacle et de bonne conscience. Pendant ce temps là on assassine les plus grands trésors, ceux de la transmission, et de ses codes. ..Il n’y a pas qu’à Palmyre que se trouvent les barbares.Les indiens d’Amérique semblent mieux traité dans leurs réserves à ce sujet.
      On ironise sur nos colons qui apprenaient aux africains le français, et l’histoire de France, mais on continue à faire la même chose en 2015 en France, aux populations indigènes. Car évidemment on peut très bien maîtriser plusieurs langues, et la preuve a même été faite, que d’avoir deux langues vermiculaires dés la naissance vous ouvrait tout un monde mental, conceptuel, d’horizons différents...Les sciences cognitives et la simple observation ont pourtant validé cette évidence, mais les marquis de Paris s’ intéressent davantage aux cadavres, surtout embaumés, avec une étiquette dessus. La vie semble leur faire peur..
      On en est là dans notre beau pays, à faire des barrages en tout sens, tentant de détourner l’eau pour qu’elle arrive avant tout à Paris...Mais les barrages, ça n’a qu’un temps, et l’eau est bien plus maline que la force qu’on lui oppose. .

    • Pie 3,14 30 octobre 2015 17:51

      @bakerstreet

      On oublie souvent que la majorité des hommes sur terre maîtrise deux ou trois langues. C’est déjà le cas des indiens et des chinois auxquels on peut ajouter une bonne partie de l’Asie du Sud-Est et de l’Afrique.
      Les nouveaux nés apprennent la langue vernaculaire et la langue nationale en même temps. Se greffe parfois une langue régionale au sens large en plus.

      Ce bilinguisme est un atout pour l’apprentissage des autres langues. 

      Les jacobins ont peur que le ciel leur tombe sur la tête s’ils favorisent ce qui est la norme dans bien des régions du monde. Comme si la nation se résumait à la seule pratique du français.

    • bakerstreet bakerstreet 30 octobre 2015 18:14

      @Pie 3,14
      C’est vrai, la France est une triste exception. La plupart des autres peuples européens maîtrisent eux aussi plusieurs langue sans aucun problème ; nos pays limitrophes sont là pour nous le prouver. 

      Nous sommes victimes à la fois d’un positivisme culturel, qui pense que le français reste la plus belle langue, par le fait historique et colonisateur qu’à tenu la France. 
      Autant persuadé par notre passé Jabocin que changer un diktat décrété à la révolution, était mettre en danger l’unité du pays. Une vieille peur sans doute encore plus ancienne, puisque les rois successifs se sont tous acharnés, mis à part quelques exceptions, à vouloir normaliser leur peuple sous l’ordre catholique. 
      Louis 14 s’illustra encore une fois par sa bêtise, appauvrissant la France de toutes les manières possibles, économiquement, et démocratiquement, par l’annulation de l’édit de Nantes. 
      D’une certaine façon, nous pouvons considérer que nos dirigeants ont repris cette névrose familiale, incapable d’analyser ses causes, et encore moins de les dépasser. Il faudrait y mettre de l’intelligence et de l’écoute. Nous sommes dans un pays où deux mots de notre vocabulaire n’ont aucune traduction dans les autres langues. Ce sont les mots « intellectuel », et "province...Cela illustre assez la condescendance de l’un vers l’autre, dans une posture restée identique en rapport avec l’ancien régime.
      Nos enfants en payent le prix fort. 
      Il ne faut pas aller chercher plus loin la cause de notre nullité, malgré les années passées à rabâcher les verbes irréguliers en anglais, ou les déclinaisons allemandes. 
      Mais nos enarques ont la solution : Il suffit d’alourdir un peu plus le bateau pour qu’il flotte. Tout cela est vraiment admirable. 

    • Pomme de Reinette 30 octobre 2015 18:33

      @bakerstreet

      Pourquoi les français ont du mal avec les langues étrangères ?
      J’y vois deux raisons
      - la première, parce qu’on l’empêche de parler sa langue régionale, donc il fait de l’obstruction parce qu’il est déjà assez dépaysé dans la langue « officielle »
      - la deuxième, parce que le français est une langue riche, complexe et difficile à maîtriser (si on veut bien la parler) et que ça laisse peu de place à l’apprentissage de plusieurs autres langues.

      A mon sens, il vaut mieux bien parler une seule langue, plutôt qu’en baragouiner vaguement des dizaines ... sauf si on est globe-trotter professionnel.

      Et compte tenu de l’appauvrissement terrifiant de l’usage du français (il faut lire les « gros titres » de la presse = c’est édifiant le nombre de coquilles, de contresens, de fautes de français ... !), je serais plutôt pour que l’Ed. Nat se concentre davantage sur l’apprentissage du français !


    • bakerstreet bakerstreet 30 octobre 2015 19:05

      @Pomme de Reinette
      Bonjour

      Un élément est essentiel dans l’apprentissage d’une langue, ce sont les phonèmes,. J’ai ouïe dire que le nombre de ces particules sonores des langues, selon leur richesse, qui sont différentes de l’une à l’autre, indépendamment de la complexité, induisent une plus ou moins grande facilité à apprendre une langue nouvelle. 
      Ce qui n’est pas trop étonnant ou illogique ; on ne reproduit bien, que ce que l’on connait ; sinon on ne le reconnait pas...Le Portugais et certaines langues slaves sont riches en phonèmes, le français qui est une langue nasale, sans accent tonique, non...Elle est même très pauvre à ce sujet, ne nous en déplaise, nous qui nous prenons orgueil un peu stupidement parfois de ses mérites, reprenant là aussi une attitude historique de mépris sur les autres, parlant « des patois ».
      C’est Etiembe éminent spécialiste qui développait cette thèse, et je veux bien y souscrire....Il y a ainsi des schémas neurologiques qu’on ne peut nier. 
      Bien fait pour nous, on a trop longtemps joué aux malins avec cette langue, sans doute admirable par certains aspects, mais qu’on admire mieux encore quand on va voir ailleurs, comme pour toute chose. C’est tout simplement dommage et stupide de penser qu’une langue puisse représenter un danger, alors que c’est juste le contraire, d’abord pour le relativisme culturel, l’ouverture innée aux phonèmes qui feront que vous apprendrez une troisième langue sans problème si vous en possédez deux à la naissance.
      Quand à l’apprentissage du français, je veux bien croire qu’il soit difficile à ceux qui s’exercent à la tache, du moins dans certains quartiers. Pas forcément un problème de nationalités différentes, mais d’envie, et de message clair. Les codes se brouillent, les messages deviennent hésitants. Parfois on tente de rattraper les choses, donnant de grands coups de volants. L’envie préside à tout. Comment rétablir la fièvre d’apprendre, comme dirait Gide. Les nourritures terrestres ne sont plus ce qu’elles étaient. Mais la nostalgie est tout autant mauvaise conseillère.

    • Pomme de Reinette 30 octobre 2015 19:40

      @bakerstreet

      Tout à fait pertinent Baker ce que vous pointez sur les phonèmes : une langue c’est, avant de savoir l’écrire, une affaire de sons. C’est pour ça que les langues régionales et les patois sont si importants : pour la diversité des accents et des sonorités qu’ils introduisent dans le « bain de langue » française.
      La langue de Rabelais par ex. est beaucoup plus riche sur le plan sonore, et même lexical, que notre français d’aujourd’hui. Plus imagée aussi.
      C’est bien le message que j’ai entendu dans votre beau texte.
      Et si, justement, pour faire aimer la langue, et donner envie d’en arpenter les paysages, il ne fallait justement pas repasser par ces parlers divers qui habitent secrètement la langue ?
      De Rabelais à Pagnol, en passant par toutes les nuances des régions et des époques ?
      Voilà qui serait moins lisse et moins aride qu’une langue uniforme, et donnerait peut être envie à chacun d’y voyager avec son propre baluchon.


    • Fergus Fergus 30 octobre 2015 23:25

      Bonsoir, Pomme de Reinette

      Heureusement pour le breton, il reste des ilôts de résistance, et pas seulement de la part de vieux nostalgiques. J’ai même un neveu qui fait sa scolarité dans une école Diwan du Finistère, et quant à moi, bien que non-breton, j’ai quelques notion de la langue et suis un familier de la toponymie ce qui ne manque pas d’enrichir mes randos dans cette superbe et attachante région.

      Ar wech all !


    • Pomme de Reinette 31 octobre 2015 10:19

      @Fergus

      Mais bien sûr que cela n’a rien à voir avec la « nostalgie », ces parlers régionaux c’est de la vie et de la mémoire qui se transmet tout simplement. Et c’est important pour les gens, surtout à l’heure de la « mondialisation » qui uniformise et dépersonnalise.

      En tout cas, je suis contente d’avoir appris deux expressions, en occitan et en breton, sur ce forum : adishatz (au revoir) et Ar wech all (à la prochaine)

      Merci Fergus !


    • bakerstreet bakerstreet 31 octobre 2015 19:15

      @Fergus
      Je pense moi aussi évidemment que la cause n’est pas perdue. Une relève solide s’organise, et les écoles diwan font un boulot étonnant. Et puis les israéliens ont bien réussi à imposer l’hébreu, une langue que l’on pensait morte, par une politique volontarisme. Il y a que ceux qui pensent à l’échec qui le trouvent. 


    • Fergus Fergus 31 octobre 2015 19:43

      @ bakerstreet

      Pour ce qui est de l’hébreu, il convient de relativiser : cette langue est celle de la religion juive et tous les israélites en apprennent au moins les rudiments lors des enseignements à la synagogue. Cela a sans aucun doute facilité les choses pour permettre une résurgence de cette ancienne langue dans le quotidien.


    • Pomme de Reinette 31 octobre 2015 19:49

      @Fergus

      Tout à fait Fergus, les gens qui lisent le livre dans le texte ont toujours compris ce qu’ils lisaient, ainsi que les paroles des prières.
      Sans compter que les judéo-langues vernaculaires étaient entre-tissées de mots hébreux, et écrites dans la belle écriture carrée hébraïque.

      Les langues d’amour ne disparaissent jamais, quand bien même les « pouvoirs publics » s’acharnent à les mettre sous le boisseau.


    • bakerstreet bakerstreet 30 octobre 2015 18:27

      @Sarah


      « Heureux coup d’arrêt » Dit-il....Sans commentaire sur la pertinence du bourreau, satisfait devant l’échafaud dressé.....Mais la lutte n’est pas terminé !
       L’eau est plus maline qu’un mur de ciment !
      Ce type a un problème avec les langues régionales. C’est il fait mordre par un chien breton ou occitant ?
       Il y a ceux qui font 50 articles pour nier le réchauffement climatique, .Il y a ceux qui font 50 articles sur le loup, voulant éradiquer les quelques zombies qui ont réussi à survivre....
      Les langues « dites régionales », se sont à peu près ça aussi, quelques vieux loups solitaires qui se cramponnent courageusement...
      .En Bretagne dans les années 70, 80, une famille de militants a donné à ses enfants des prénoms bretons. L’état Jacobin a refusé de verser les allocations familiales au prétexte que ce n’était pas des prénoms français....Je crois me souvenir que c’était une famille très nombreuse,d ’une dizaine de gosses....C’est dire la force qui a pesé depuis tant et tant d’années pour éradiquer l’usage de la langue..Elle est maintenant en très grand péril, malgré la présence de gens admirables, et des écoles « Diwan », dont les résultats sont enthousiasmants. Pas étonnant, puisque ce sont des passionnés.

    • bakerstreet bakerstreet 30 octobre 2015 18:43

      @bakerstreet

      J’ai retrouvé un lien intéressant à ce sujet de prénoms.
      L’affaire en fait était plus ancienne, bien qu’il me semble que jusqu’à la fin des années 70 au moins, des militants furent vraiment considérés comme des indiens s’ils ne voulaient pas appeler leurs gamins Nicole et François


  • Pomme de Reinette 30 octobre 2015 18:47

    En tout cas, chapeau (breton et bigouden !) à l’auteur, pour cet article superbement écrit et illustré  !


    • bakerstreet bakerstreet 30 octobre 2015 19:15

      @Pomme de Reinette
      Merci. C’est vrai, la langue est venue ensuite, mais la ballade à primé pour le prétexte et le motif premier. J"espère donner à certains, s’ils ne la connaissent pas, l’envie de visiter cette région.

       Le canal de Nantes à Brest offrant pour les cyclistes un moyen formidable de découverte ! ¨
      Pas de bagnoles, et une multitude de petits villages avec un patrimoine souvent étonnant, et peu connu !
      Je l’ai refait en tandem l’an passé, enrichissant le parcours de voies vertes : Ainsi,, en une semaine, tranquille, vous pouvez aller de Nantes, jusqu’à Brest, ou Morlaix, sans voir une voiture, ou presque.
       Bientôt, vous verrez, les américains vont nous tomber dessus !. 
      Voilà qu’ils ont classé l’Auvergne en numéro 5 au classement des régions à visiter, au niveau mondial ! 


    • Pomme de Reinette 30 octobre 2015 20:43

      @bakerstreet

      Ils sont marrants les américains, alors qu’ils ont chez eux d’immenses étendues sauvages encore quasi inexplorées, faut qu’ils viennent dans ces petits coins de France, qui résistent encore et toujours à l’envahisseur ...
      Faut croire que ce sont aussi les gens qui font tout : leur histoire, leur culture. Pas seulement les beaux paysages.
       smiley


    • bakerstreet bakerstreet 31 octobre 2015 00:30

      @Pomme de Reinette
      C’« est vrai mais les paysages les plus grands et les plus larges ont leurs limites. C’est justement de ne pas être bridé par une culture. Je parle de racines, ce truc atavique un peu déplaisant parfois dans ses excès, surtout quand on le manipule, mais qui représentent pour l’individu un socle, une explication.

       Mais je dis des évidences. En tout cas, la recherche des racines en Europe pour beaucoup d’américains est une réalité ; parfois un peu fantasmé ! Car combien veulent se persuader qu’ils ont des origines nobles, ou un passé familial fait d’héroïsme. La généalogie les passionne et le retour au pays des ancêtres de même. Mais la réalité révèle parfois en même temps que le retour au pays bien des surprises.Dans les montagnes noires ( nom un peu ampoulée pour quelques collines) il y eut un bureau d’air France jusque dans les années 80, beaucoup d’anciens émigrants rentrant souvent en Bretagne, ou en partant...
      .On peut lire aussi »satori à Paris" de Jack Kerouac. Dernière livraison de l’écrivain en bout de course, alcoolique, et qui a pris un avion pour la France, afin d’éclaircir ses origines Bretonnes. J’avais lu le livre, quelque peu déjanté mais sympathique, et un article sur la généalogie de sa famille, qui a été fait bien plus tard par des spécialistes, qu’il n’a pas pu trouver en tous cas dans les différents café de Brest. 
      JACK KEROUAC SUR LA ROUTE D’HUELGOAT
      Mais je viens de découvrir ce lien intéressant à propos d’un livre que je ne connais pas mais qui semble relater l’histoire, bien moins reluisante qu’il se l’était imaginé. Car ceux qui partaient au loin étaient parfois condamné par l’ostracisme. 


    • Pomme de Reinette 31 octobre 2015 10:05

      @bakerstreet

      C’est tout à fait vrai Baker.
      Le fait est que la plupart des américains, hormis les amérindiens, ont tous les racines « ailleurs », même si cela est de plus en plus lointain ...
      C’est peut être pour cette raison que ce sont très souvent des gens assez ouverts et curieux des autres ....
      La même chose s’est produite lors de la découverte de l’Amérique du Sud à l’époque de l’Inquisition Espagnole et Portugaise : nombreux sont ceux qui ont pris les bateaux pour échapper au bûchers !. Il y a des histoires et des trajectoires tout à fait fascinantes qui ont été retracées à ce propos (voir N. Wachtel).

      Merci pour le lien à Kérouac, je ne savais pas qu’il avait des origines bretonnes !
      Il y aurait à dire sur ce qui a poussé la « beat generation » sur les routes .....


       


    • bakerstreet bakerstreet 31 octobre 2015 22:23

      @Pomme de Reinette
      De même le lien avec la perte de la culture ou le reniement produit bien souvent une société névrosée, avec toutes les conduites addictives qui vont avec...On peu penser aux inuits ou aux indiens, mais aussi à pas mal de peuples européens. En Bretagne, ou en Irlande l’immigration importante, la perte des repères culturels et de la langue, ont catalysé l’alcoolisme, qui était déjà bien existant dans la fête. 

      Pour ce que je sais de Kerouac, dans une histoire familiale compliquée, où la perte d’un frère l’a affecté durablement, la recherche identitaire l’a questionné pendant des années. Et sans doute l’a t’elle poussé sur la route, après avoir défaussé de sa culture française, pour se précipiter dans le grand mythe américain, et la route lui a permis de s’étourdir autant que le faisait l’alcool. 
      En retour du refoulé, les questions identitaires ont fini par se focaliser sur des racines lointaines, en Bretagne, forcément magnifiées, et représentant un imaginaire précieux, la source d’un mythe qu’il n’arrêtait pas d’interroger. 


    • Pomme de Reinette 2 novembre 2015 17:48

      @bakerstreet

      Oui. Mais c’est aussi ce qui a fait de lui un écrivain et un poète magnifique, qui a parlé au coeur de toute une génération, et on ne l’a pas oublié !


  • bakerstreet bakerstreet 30 octobre 2015 19:29

    Sinon, je me permettrais de donner deux conseils de lecture d’ouvrages assez différents, pour ceux qui s’intéressent à la culture bretonne, à deux époques différentes.

    - « Composition Française », de Mona Ozouf 


    • Pie 3,14 30 octobre 2015 20:13

      @bakerstreet

      J’ai entendu Mona Osouf parler sur une radio de cet ouvrage pendant une heure et je m’en souviens comme d’un grand moment.

      Historienne spécialiste de la Révolution française, féministe de longue date, elle avait le don de raconter son histoire singulière en la replaçant sans cesse dans le mouvement général des évolutions historiques.

      Fille d’un militant de la langue bretonne mort très tôt dont l’engagement était né à l’Ecole Normale où le mépris de la culture régionale était la règle, elle racontait le parcours compliqué d’une orpheline d’instituteurs laïques, élevée avec une grand-mère maternelle pétrie de culture bretonne et les exigences d’une réussite scolaire républicaine exemplaire.

      Elle regrette sans aucun doute le vote du Sénat contre l’adoption de la charte en faveur des langues régionales déjà adoptée par la plupart des pays européens.

    • Pomme de Reinette 30 octobre 2015 20:20

      @Pie 3,14

      j’en reviens pas de ce vote de ces vieux barbons barbants de sénateurs ...
      En plus, cela va complètement à l’encontre du principe tant prôné d’exception culturelle française ...
      C’est incompréhensible !


    • Pie 3,14 30 octobre 2015 21:29

      @Pomme de Reinette

      C’est la force des jacobins dans ce pays. Le pangermanisme ne s’est pas crée contre les cultures régionales. On a seulement décrété que tout cela était terriblement allemand au XIXè. Le résultat aujourd’hui est un pays réellement fédéral, respectueux des régionalismes.
      La France est hydrocéphale avec une capitale qui a longtemps décidé de tout. Rien de bon ne pouvait venir de la province et surtout pas ses langues. Le résultat est un pays fier de sa culture mais incapable de respecter les cultures régionales.

      En 2015, cela fait pitié.


    • bakerstreet bakerstreet 30 octobre 2015 23:13

      @Pie 3,14
      On ne peut dire mieux de quelqu’un ayant si brillamment réussi, à cheval sur deux cultures, la qualité de l’une potentialisant certainement l’autre. 

      Remarquons que son intérêt pour l’histoire n’est pas étranger non plus à celle de sa famille !

      Les choses se tiennent et se potentialisent. Il n’y a pas que sur un bateau qu’on tire à profit des bords.
      On a autant intérêt à tirer autant profit du courant que des vents pour avancer. 

      C’est ce que ne semble pas comprendre les détracteurs, au champ visuel bridé par leurs œillères d’inquisiteurs bornés.
      Des gens qui ne connaissent que les bateaux à moteurs, ou qui adorent faire ramer les autres !

  • Agafia Agafia 30 octobre 2015 20:12

     smiley Merci Bakerstreet pour cette belle découverte. 


    Mettre votre prose talentueuse au service d"un article, en voilà une idée qu’elle est bonne ! ^^ Grand plaisir de vous lire. smiley

    La Bretagne et ses mystères, ses légendes, sa beauté sauvage... J’aime...

    Je vis sur les rives du lac Léman, et saviez-vous que dans les villages de montagne, de très nombreux Haut-Savoyards sont mariés avec des Bretonnes ?
    Apparemment, il existe une compatibilité entre les natifs de ces deux beaux pays. 

    • bakerstreet bakerstreet 31 octobre 2015 00:07

      @Agafia
      Bonsoir et merci à vous 

      La plupart du temps j’écrit mes articles à partir d’une révolte ou d’une inspiration subite. Je n’aurais pas pensé que la visite de ces lieux m’aurait autant ébranlé. Des choses obscures couvent en nous, et ne s’épanchent qu’à l’occasion d’événements particuliers, et leur ampleur est d’autant plus étonnante qu’on y est pas préparé. Les eaux c’est sûr charrient avec elles de grands secrets. 
      Les Bretons sont partout, et les Bretonnes aussi. C’est un pays que les gens aiment, mais dont ils se séparent, la plupart du temps, pour des raisons économiques, et maritimes, car il est vrai que le pays vous fait. L’eau les attire toujours, les aspire et les rejette ailleurs, et il n’y a sûrement rien d’étonnant à ce qu’on en voit sur les bords du Léman.
       Il y a sans doute des lieux bien plus déplaisant que ce beau lac, ayant retrouvé toute sa limpidité, et dont le mot enfant, m’enchantait déjà, à l’égal d’autres noms exotiques, tel Valparaiso.
       Il existe bien des points communs entre les habitants des vallées alpestres et ceux de vallées toutes aussi enclavées en Bretagne, du moins dans le temps. La Bretagne a été pendant longtemps une région dont le pouvoir se méfiait, en raison de quelques révoltes, et d’une mauvaise réputation, bien usurpée d’ailleurs. 
      Mais il est vrai que le pays est parfois déconcertant ; cela vient peut être d’une culture contrariée, que même les bretons eux mêmes considèrent toujours avec ambivalence, quoique beaucoup moins au temps présent. Mal en comprendre les causes condamne à l’excès, d’un coté comme de l’autre, en de bons retours du refoulé. 
      Mais toute une génération s’est amputée elle même de sa langue, a refusé la transmission ; Il y a là un crime, dont il est toujours mal vu, d’explorer les racines, que l’on se place d’un bord ou de l’autre, la culpabilisation et le refoulement étant à l’oeuvre. 
      On en voit les effets ensuite autant sur un individu que sur un état. Il ne faut pas aller chercher ailleurs cette rigidité d’un autre temps, ce déni culturel de Paris jacobin.
      Les mécanismes de défense ont évolué, mais le résultat est le même. . 
      Les villages et les clans entretenaient entre eux une certaine compétition, un clivage, qu’on a pu retrouver longtemps ici entre école privée, ou laïque, dite « du diable ». C’est dire les conflits, et la place de l’église, qui a fortement diminuée maintenant. 
      Ces émulations créaient parfois des choses remarquables. Il ne faut pas chercher ailleurs la proximité des beaux enclos paroissiaux et des calvaires, dont le dissémination s’établit dans des zones géographiques circonscrites. 
      C’est dans les îles que l’on peut sans doute retrouver le plus ce qui caractérisait certaines vallées alpestres, ou des villages du bout du monde : Ile de Groix, par exemple face à Lorient ; Quelques noms de famille qui reviennent beaucoup. On donnait aux Groisillons le noms de greks, rapport au nom de la cafetière en breton ( grek) les îliennes ayant toujours une cafetière sur le feu pour réchauffer les pécheur...Cette petite ile de 8kms sur 3 a gardé un clivage identitaire, entre le bourg, et locmaria, situé de l’autre coté. Dans les années 80 ayant travaillé au foyer de personnes âgées, une vieille femme me racontait le passé de l’ile, et le fait que le clivage continuait toujours à s’établir, même dans le foyer. 
      Ainsi me disait-elle,« il y a ici que des marins parmi les hommes. Mais je suis sûr que si certains issus du bourg ont été au bout du monde, ils n’ont jamais foutu les pieds à Locmaria »

  • damocles damocles 31 octobre 2015 10:33

    Bonjour et merci pour ce texte à la fois poetique ,nostalgique, instructif et « politique » ou plutôt « militant » en faveur des langues regionales , mais vous dîtes « le breton seule langue non-latine de nôtre pays », sans être specialiste , je crois que le basque aussi est une langue non- latine ....


    Bien que je n’ai jamais vu d’affiche comme celle qui illustre vos propos , en Corse aussi on nous interdisait de parler corse à l ’ecole.

    J’ ai même entendu raconter que certains instituteurs donnaient un bâtonnet de bois (sorte de temoin comme aux courses de relais) à l’eleve qui parlait corse à la récré et celui -ci devait le transmettre à celui qui avait parlé corse apres lui ,ainsi de suite ,et le dernier qui avait le bâtonnet ecopait d’une punition..
    .
    Je suppose que mon grand-père qui etait instituteur devait lui aussi interdire aux eleves de parler corse à l’ecole ...mais a moi , il me parlait souvent corse , surtout quand je l’accompagnais cuellir les fruits , jardiner ou nettoyer les oliviers avant la recolte...

    • bakerstreet bakerstreet 31 octobre 2015 18:46

      @damocles
      Bien sûr vous avez raison, mes excuses aux basques, leur langue restant d’origine mystérieuse, il me semble. Ce mépris attaché à la langue, cette volonté d’en faire un objet de répulsion et une sorte de barbarisme honteux, n’est sûrement pas exclusif qu’à la Bretagne. Les gens qui la prônaient ne partaient pourtant pas de mauvaises intentions. Pour eux il était évident, mis à part quelques militants éclairés qui étaient taxés de passéistes, que la vieille langue devait être liquidé. Il est vrai que ceux qui ne maîtrisaient pas le français, la langue des clercs, devenaient exploitables ; incapables de défendre leurs intérêts auprès des homme de lois par exemple. 

      Beaucoup pensent que cela était un fait de colonisation, limité à l’outre mer, mais cette rigidité et cette intolérance s’est bien mise en place et a d’abord était expérimenté d’abord dans nos provinces.
      Les romains n’ont surement pas procédé autrement, à l’époque des gaules...Les gaulois honteux de leur langue l’ont oublié. Sauf en Bretagne, pays peu romanisé, et qui échappera même au grand empire de Charlemagne. Bien peu de conquérants se sont risqués dans ce pays, difficile d’accès, sans court d’eau important, et qui est un cul de sac Pour cette raison,, il restera longtemps autonome et verra de plus sa langue celtique renforcée aux sixième siècle, par l’arrivée massive de migrants gallois fuyant les saxons. On estime que pas loin de 500 000 immigrèrent en Bretagne, à peu près le tiers donc de la population. Ce n’est pas pour autant que la Bretagne était un pays fermé, puisque maritime. La mer restera sa grande chance, et le seizième siècle est considéré comme l’age d’or breton.

  • bakerstreet bakerstreet 19 février 2016 12:16

    Guerlédan, la vallée engloutie :http://bit.ly/1Wvx5iN


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