samedi 19 septembre 2020 - par Le Cri des Peuples

Hiroshima, un crime de guerre ‘humanitaire’ annonciateur de la doctrine militaire américaine

Les États-Unis ont bombardé le Japon en 1945 pour démontrer leur puissance à l’URSS. Il s’agissait d’intimidation et non de dissuasion, et c’est toujours le cas aujourd’hui.

Par Scott Ritter

Scott Ritter est un ancien officier du renseignement du corps des Marines américains. Il a servi en Union soviétique comme inspecteur de la mise en œuvre du traité INF, auprès du Général Schwarzkopf pendant la guerre du Golfe et de 1991 à 1998 en tant qu’inspecteur des armes de l’ONU.

Source : RT, 6 août 2020

Traduction : lecridespeuples.fr

Alors que le monde repense à la décision des États-Unis de larguer deux bombes atomiques sur le Japon à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les 6 et 9 août 1945, la réalité est que l’entreprise nucléaire américaine reste la plus grande menace pour la paix mondiale.

Il y a 75 ans cette semaine, deux bombardiers américains B-29 « Superfortress » ont quitté l’île de Tinian, dans la partie la plus septentrionale des îles Mariannes, à environ 1 500 kilomètres au sud de Tokyo, armés de l’arme la plus récente et la plus horrible du monde : la bombe atomique. Le 6 août, un B-29 surnommé « Enola Gay » a largué une seule bombe contenant 64 kilogrammes d’uranium hautement enrichi au-dessus de la ville japonaise d’Hiroshima. La bombe, surnommée « Little Boy », a explosé avec la force de 15 kilotonnes de TNT. Au moins 66 000 personnes ont été tuées sur le coup, avec 69 000 autres blessées, dont beaucoup sont mortes par la suite de leurs blessures.

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Le Boeing B-29 « Enola Gay » le 6 août 1945, au cours des dernières étapes de la Seconde Guerre mondiale, est devenu le premier avion à larguer une bombe atomique.

Deux jours plus tard, un deuxième B-29, surnommé le « Bockscar », a largué une bombe contenant 6,4 kilogrammes de plutonium au-dessus de la ville de Nagasaki. Cette arme, surnommée « Fat Man », a explosé avec une force de 21 kilotonnes, tuant quelque 39 000 Japonais sur le coup et en blessant 25 000 autres, dont la plupart, comme ceux blessés à Hiroshima, sont décédés plus tard des suites de leurs blessures.

Les historiens américains ont âprement débattu de la moralité de l’action de larguer des armes qui pourraient détruire une ville et sa population en une seule explosion. Au fil des ans, un consensus a été atteint qui justifie l’horreur de l’utilisation de la bombe atomique au motif qu’elle aurait contribué à raccourcir la guerre avec le Japon et, ce faisant, aurait sauvé des centaines de milliers de vies américaines qui auraient été perdues lors d’une invasion des principales îles japonaises, voire la vie de millions de Japonais, qui seraient morts en défendant leur patrie [on peut affirmer avec un assez haut degré de certitude que les vies non-américaines ne pesaient guère dans la balance, comme le démontrent les bombardements intenses contre les villes allemandes & japonaises].

L’un des problèmes de ce récit [en plus de son caractère hautement spéculatif] est qu’il fournit une image inexacte de ce qui s’est réellement passé. Certes, les pertes estimées dans le cas d’une invasion du Japon étaient terribles, du moins à en croire les estimations soient valables. Cependant, la réalité était que le Japon était sur le point de se rendre, et que si, au lieu d’exiger une reddition inconditionnelle, les États-Unis avaient offert des conditions reproduisant l’arrangement d’après-guerre finalement conclu par le général MacArthur (le maintien de la famille impériale et un minimum d’auto-gouvernance japonaise), il y a tout lieu de croire que les Japonais se seraient rendus sans que les États-Unis aient recours à une coûteuse campagne de conquête.

La réalité est que le cercle restreint de Truman, y compris le secrétaire d’État James Byrnes et le secrétaire à la guerre Henry Stimson, étaient en faveur de larguer la bombe atomique sur les villes japonaises non pas tant parce que cela raccourcirait la guerre actuelle avec le Japon, mais principalement parce que cela aiderait à dissuader l’Union soviétique.

Byrnes croyait que « la Russie pourrait être plus gérable » dans une réalité d’après-guerre façonnée non par la possibilité théorique d’une bombe atomique, mais par la capacité destructrice démontrée de la nouvelle arme. Comme le général Leslie Groves, le directeur militaire du projet Manhattan qui a produit les deux bombes américaines, l’a fait savoir aux scientifiques impliqués, « tout le but de ce projet était de soumettre les Russes ».

Cette distinction est essentielle pour comprendre le rôle joué par les armes nucléaires dans la posture et la politique nucléaires américaines aujourd’hui. Les doctrines, comme les organisations et les personnes, sont fortement influencées par les circonstances de leur naissance. Il y a une énorme distinction entre le calcul requis pour justifier l’utilisation d’une arme dans le but de raccourcir une guerre et de sauver des vies, et celui utilisé pour chercher à intimider un futur adversaire potentiel en démontrant la capacité destructrice d’une arme à travers l’anéantissement de deux villes et de leurs populations respectives, qui sans cela n’auraient pas dû être la cible de cette destruction.

Les Américains aiment embrasser le récit de l’utilisation des deux bombes atomiques qui ont visé Hiroshima et Nagasaki comme un acte humanitaire pervers, selon lequel « Nous avons dû tuer des centaines de milliers de personnes pour en sauver des millions. » Vu sous cet angle, la possession continue d’armes nucléaires par les États-Unis serait un mal nécessaire, car leur existence contribuerait à empêcher, par la dissuasion, l’emploi futur de ces terribles armes de destruction massive.

Mais lorsqu’on considère les choses à travers une lentille qui reflète la réalité de la genèse de la bombe atomique, à savoir qu’il s’agissait d’une force d’intimidation dont la puissance devait être démontrée par le meurtre de centaines de milliers de personnes, la plupart étaient des civils qui autrement aurait survécu, la bombe atomique et sa progéniture n’apparaissent plus un mal nécessaire, mais plutôt comme le mal pur personnifié.

Les États-Unis luttent depuis longtemps avec la nécessité d’équilibrer la notion de « guerre rendue facile » par l’existence d’armes nucléaires et la tentation de les utiliser qu’une telle philosophie favorise d’une part, et la dure réalité des représailles des autres puissances nucléaires s’ils devaient céder à la tentation de les utiliser d’autre part. Le fait qu’au fil des ans, les États-Unis aient envisagé d’utiliser des armes nucléaires pour résoudre de rudes conflits non nucléaires (la Corée, le Vietnam et l’Irak viennent à l’esprit) ne fait que souligner le fait que l’intimidation, et non la dissuasion, est leur principale valeur.

Le fait que les États-Unis continuent de concevoir et de déployer des armes nucléaires sur la base de leur « utilisabilité » devrait envoyer un frisson dans l’échine de chaque citoyen américain, et même de chaque citoyen du monde. Cela est particulièrement vrai maintenant, étant donné l’ambivalence actuelle des États-Unis à l’égard du type de contrôle des armements qui contribuait auparavant à réduire le risque de conflit nucléaire involontaire. Au cours des 20 dernières années, les États-Unis se sont retirés du Traité sur les missiles anti-balistiques et du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, et sont sur le point de permettre au nouveau Traité de réduction des armements stratégiques d’expirer sans remplacement.

Au lieu de redoubler d’efforts pour tenter de relancer le contrôle des armements, les États-Unis semblent concentrés sur le fait de jouer les gros-bras en déployant de nouvelles ogives à « petit rendement » sur des missiles balistiques lancés par sous-marins (SLBM). Évoquons également les tests aéronautiques et le développement de têtes nucléaires plus destructrices pour les missiles balistiques intercontinentaux Minuteman III, armés de trois multiples véhicules de rentrée pouvant être ciblés indépendamment, malgré le fait que la force opérationnelle Minuteman III soit déployée avec une seule ogive.

Les politiciens et les planificateurs militaires américains peuvent chercher à apaiser un monde inquiet en insistant sur le fait que ces actions, et d’autres semblables, ne visent qu’à renforcer la capacité de dissuasion de l’entreprise nucléaire américaine. Mais le monde ne doit pas être dupe. Il y a 75 ans, les États-Unis ont assassiné des centaines de milliers de Japonais dans le seul but d’intimider la Russie. Un exercice récent impliquant le SLBM « à faible rendement » récemment déployé, dans lequel le secrétaire à la Défense a pratiqué les procédures de largage des armes dans un scénario impliquant le ciblage des forces russes en Europe, doit être considéré à l’ombre de cette histoire. L’intimidation, et non la dissuasion, a été, est et sera toujours le moteur de l’arsenal nucléaire américain. Comme pour toute terreur de cour de récréation, le problème n’est pas de savoir si les États-Unis utiliseront ces armes, mais quand.

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13 réactions


  • zygzornifle zygzornifle 20 septembre 2020 09:13
    un crime de guerre ‘humanitaire’

    On attend toujours le crime de paix .....


    • Daniel PIGNARD Daniel PIGNARD 20 septembre 2020 09:18

      @zygzornifle
      C’est Pearl Harbour qui est le crime de paix.


    • Daniel PIGNARD Daniel PIGNARD 21 septembre 2020 11:49

      @OMAR
      N’est-ce pas l’Irak qui avait envahi le Koweit et avait allumé tous les puits de pétrole ? Vous appelez cela de la paix ?
      N’est-ce pas l’Irak qui prétendait avoir un canon surpuissant pour tirer sur Israël ?


  • Daniel PIGNARD Daniel PIGNARD 20 septembre 2020 09:17

    « il y a tout lieu de croire que les Japonais se seraient rendus sans que les États-Unis aient recours à une coûteuse campagne de conquête »

     

    Eh bien non, les Japonais ne se sont pas rendus après la première bombe mais seulement après la deuxième, et là c’était du ferme, tandis que vous vous basez sur une spéculation.

    Et puis ne fallait-il pas leur faire payer Pearl Harbour où la guerre n’était même pas déclarée ?


  • Jonas 21 septembre 2020 07:48

    « Le Cri des peuples » émanation du régime criminel des mollahs dans son ignorance crasse , oublie , que l’armée japonaise avait utilisé , les pires massacres et à occuper plusieurs pays d’Asie , faisant plus de 20 millions de morts. La prise de Nankin en Chine , par son horreur dépasse tout, entendement sans parler des centaines de milliers de femmes kidnappées pour « réconfort » de l’armée certaines encore en vie aujourd’hui demandent réparations. 


    Par ailleurs , le porte-parole du régime criminels des mollahs,«  Le Cri des peuples » veut jouer à « l’humanitaire » alors que son régime , se classe juste derrière la Chine par le recours a la peine capitale. 251 , exécutions en 2019. Et la semaine dernière , le jeune lutteur NAVID AFKARI , a été exécuté , sur la base d’aveux extorqués sous la torture., comme cela se fait couramment par le régime 

    Dans toutes les villes d’Iran , le grand peuple iranien , manifeste contre le régime , et à travers cette exécution , condamnée par toutes les organisations internationales des « droits de l’homme » , le régime criminel des mollahs cherche à faire peur sans succès. 


  • Jonas 21 septembre 2020 10:33

    «  L’office du régime criminel des mollahs » Le Cri des peuples« doit expliquer la justice humanitaire de son régime. 

    << Une jeune fille iranienne de 16 ans, après des mois d’abus sexuels , est balancée par son oncle du 11eme étage, pour l’avoir dénoncée. La mère de la victime , BARIHA RAHMANI, s’exprime après que l’oncle ait été libéré sous caution deux semaines après le meurtre.

     » Il a jeté ma fille par la fenêtre devant mes yeux , puis a placé son corps dans mes mains. Il a maintenant été libéré sous caution , et menace mon fils en lui disant  c’est ton tour maintenant  j’ai peur pour moi et mes enfants .

    Dites- moi ,dans quel pays du monde , lorsqu’un meurtre a eu lieu et que toutes les preuves indiquent qu’il s’agit bien d’un meurtre , l’accusé est libéré sous caution deux semaines plus tard ? « . 

    Madame Bariha Rahmani, dans le pays du régime criminel des mollahs , et du » Cri des peuples".



  • titi titi 21 septembre 2020 14:51

    @L’auteur

    « Les États-Unis ont bombardé le Japon en 1945 pour démontrer leur puissance à l’URSS. »

    Déjà vous n’en savez rien.

    Ce n’est pas parce que c’est la théorie répétée en boucle par vos amis qui partagent votre idéologie que c’est la vérité.

    Du coup tout l’article est à l’avenant.


    • titi titi 21 septembre 2020 16:36

      @titi

      J’ajoute que des crimes de guerre il y’en a eu de tous les côtés dans cette guerre.

      y compris les russes, qui ont pratiqué une politique de terreur basée sur le viol systématique des femmes allemandes.
      et y compris les francais, malgré le peu d’actions sur lesquels ils ont été engagés.


    • Jonas 22 septembre 2020 10:57

      @titi

      Il faut rappeler , que le président Giscard d’Estaing a sa part de responsabilité en hébergeant , l’ayatollah Khomeiny. Comme celle du grand philosophe français Michel Foucault , qui chantait les louanges du régime, sans savoir qu’entant qu’homosexuel , il aurait était exécuté, s’il avait eu la mauvaise idée , de vivre quelques mois dans le pays des mollahs. 

      Pour ceux qui connaissent la réalité du régime criminel des mollahs , il faut rappeler , au« Cri des peuples » le paillasson du régime , le massacre du Parti communiste , le Toudeh dès la prise du pouvoir par Khomeiny . Bien que le Toudeh ait contribué à la chute du Chah.

      1)Le régime de Khomeiny, avait accusé immédiatement le Toudeh  de trahison et d’espionnage et  2000 , dirigeants et cadres sont arrêtés , certains sont exécutés sans procès d’autres jugés  a la stalinienne, c-à-d , avec diffusion télévisée des « aveux » et notamment de son leader Nourredine Kianouri avec d’autres dirigeants du Comité Central. A ces responsables politiques il faut ajouter plusieurs centaines milliers de simples , adhérents et militants , pourchassés, emprisonnés puis tués.  

      2)L’autre massacre par le régime criminel des mollahs , est celui de l’année  1988. juste après la fin de la guerre contre l’Irak , le régime criminel a mis à mort des milliers de prisonniers politiques. Des commissions de la mort composées de quelques juges , ont rejugés les détenus , qui avaient déjà été condamnés et qui purgeaient leur peine. A l’époque , même l’ayatollah Montazeri , qui était le successeur désigné de Khomeiny, s’était révolté contre ces jugements expéditifs. On décompte , plus de 30 000 exécutés , par le régime des mollahs. 
      En 2019, Amnesty International , avait publié un rapport , sur le carnage de 1988, par le régime criminel des mollahs, selon , cette ONG, le régime criminel des mollah est confronté à une crise d« impunité » et de l’absence de responsabilité pour les exécutions et les disparitions de 1988. 


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