dimanche 15 novembre 2020 - par Florian Mazé

HOLD-UP, un excellent reportage… qui ne sert à rien

 

J’ai visionné le reportage-fleuve, si célèbre aujourd’hui, qui fait une synthèse remarquable de tout ce que le grand public devrait savoir sur la crise du coronavirus. Et pourtant… Je n’ai pu m’empêcher de ressentir une certaine déception. Une impression similaire à celle que j’éprouve en écoutant les révolutionnaires de salle des profs que sont mes collègues. Cette œuvre, malgré d’indéniables qualités journalistiques, n’est nullement gênante pour ce qu’on appelle le Système, nullement dangereuse, en France, pour la dictature sanitaire macronienne, nullement menaçante pour ce que les complotistes appellent le Nouvel Ordre Mondial. Pourquoi ? Parce qu’elle méconnaît la cause des causes : les masses adorent et chérissent leur servitude ; elles sont même disposées à se battre, non pour renverser la tyrannie, mais pour la conforter.

Très rapidement, le reportage nous installe dans une atmosphère d’extrême gauche, où l’on met en accusation les multimilliardaires et leurs valets politiques ou scientifiques corrompus. Du reste, l’une des dernières intervenantes est Mme Monique Pinçon-Charlot, une proche du Parti Communiste et de la France Insoumise, qui, d'ailleurs, a fini par renier sa propre intervention, au motif que l’emploi du terme « holocauste » pouvait choquer certaines sensibilités. Pour ma part, avec cet esprit malséant et mal-pensant qui fait mon charme, je déclarerais volontiers qu’une sociologue proche de la France Insoumise est aussi crédible pour critiquer le Système qu’un islamo-gauchiste boutonneux des beaux quartiers parisiens pour combattre les terroristes ou qu’un Dupond-Moretti pour réprimer la délinquance… Mais passons.

 

Le reportage est riche d’interventions, c’est indéniable. Mais, comme dans toute bonne production journalistique, on ne connaît pas l’intimité politique des intervenants. On ne sait pas d’où ça parle, comme disaient autrefois les psychanalystes. En ce qui me concerne, c’est la seule chose qui m’intéresse.

 

Combien de souverainistes authentiques, de nationalistes lucides, de patriotes éclairés parmi eux ? Je l’ignore. Combien d’entre eux ont voté Macron ou Biden aux dernières élections ? Je l’ignore. Combien d’entre eux ont déploré les effets dont ils chérissent les causes ? Je l’ignore. Combien, même, se sont acoquinés autrefois avec les pouvoirs publics ou privés ? Je l’ignore. Combien sont des fans inconditionnels de la société ouverte, de la post-démocratie libérale-libertaire, du droit-de-l’hommisme bêlant, des licornes roses et du monde des Bisounours ? Je l’ignore. Combien sont prêts à beugler pour la centième fois « Vous n’aurez pas ma haine » après un attentat ? Je l’ignore. Combien estiment qu’un gouvernement populiste, en matière de gestion de la crise sanitaire, aurait fait pire qu’un gouvernement mondialiste ? Je l’ignore. Combien supposent que des Obama, des Biden ou des Harris auraient davantage protégé le peuple américain que Donald Trump face à la Covid 19 ? Je l’ignore. Combien se plaignent du totalitarisme des masques obligatoires, mais se foutent éperdument que des patriotes soient lourdement condamnés pour avoir dit trois mots sur les migrants ? Je l’ignore.

 

Je suis certain, en tout cas, d’une chose. Il est pratiquement impossible que ces braves gens soient vraiment différents des honorables enseignants qui peuplent ma salle des profs. Du reste, il y a, parmi les intervenants, beaucoup de professeurs et d’érudits philosophes, fort savants et fort généreux. Des maîtres de sagesse, certains à la limite du gourou, qui parlent avec le même vocabulaire douceâtre, le même ton bêlant, moralisateur et « indigné » (cela ne vous rappelle rien ? — Stéphane Hessel) que mes chers collègues. Si j’étais psychanalyste, je dirais ceci : bon nombre d’entre eux, peut-être tous, refoulent leur inconditionnelle et totale approbation du Système et la travestissent en indignation, un peu comme le névrosé déguise l’irrépressible attrait sexuel qu’il ressent pour une personne sous des dehors de haine inextinguible. Et, de ce point de vue, je n’ai pas noté de dissemblance entre les intervenants du reportage et les indignés de salle des profs.

 

En gros, le coronavirus, ça fait mal, mais c’est moins grave que le populisme. Les attentats islamistes, ça fait mal, mais c’est moins grave que le populisme. Les complots des grands comploteurs, ça fait mal. Mais, même les complots, le Grand Reset, Bill Gates, Jacques Attali et tout le tralala, c’est tout de même moins grave que le populisme… C’est toujours de cette façon, et depuis des années, et sans aucun espoir de changement que raisonnent mes savants collègues. C’est le discours de leur inconscient, de leurs entrailles, de leur moi profond. Ils préféreraient tout perdre plutôt que de renoncer à leur vision du monde. Et pourquoi voudriez-vous que les intervenants de HOLD-UP soient si différents de mes chers collègues, lesquels pensent exactement la même chose, à quelques détails près, que les intervenants de HOLD-UP ?

Ainsi, donc, HOLD-UP ou pas, la France souffrira encore probablement longtemps du coronavirus. En 2022, un pouvoir à la Macron, ou à la Mélenchon, ou une synthèse des deux sera, comme d’habitude, plébiscité par la masse, par l’immense majorité, par ceux-là mêmes qui, aujourd’hui, en salle des profs ou ailleurs, ressentent des orgasmes crépusculaires au fond de leurs petites culottes depuis l’élection de l’ectoplasme Joe Biden. Ce nouveau pouvoir, identique à l’ancien, ou plutôt pire, remettra un petit coup de dictature sanitaire, sans compter les autres tours de vis. Et, de nouveau, comme le Goldstein de 1984, le populisme servira de repoussoir à ce nouvel ordre établi déjà si ancien. Peut-être même que certains intervenants de HOLD-UP seront récupérés, recyclés, réembauchés par cet ancien nouveau pouvoir.

Accuser les grandes oligarchies de vouloir asservir les masses, c’est comme accuser les vignerons de promouvoir l’alcoolisme.

J’adore les rebelles. Ils sont contre le Nouvel Ordre Mondial. Tous contre. Tout contre.

 




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