mercredi 4 mars 2015 - par Serge ULESKI

Homeland... quand la CIA fait son cinéma

 Homeland, une série télévisée américaine créée par Howard Gordon et Alex Gansa en 2011, attaque sa 4e saison. Bien que cette série, y compris ses derniers épisodes, soient téléchargeables sur Internet sans difficulté (en VF et en VOST), c’est Canal+ qui a l'exclusivité de sa diffusion.

 Mais alors… qu’est-ce que c’est que cette série Homeland ? Que peut-on écrire à propos de cet objet si facile à identifier !

La question mérite d’être posée.

 

 Homeland, c’est d’abord et avant tout, une histoire américaine d’agents américains de la CIA qui, du Pakistan à l’Afghanistan en passant par l’Irak, passent le plus clair de leur temps à jouer aux gendarmes et aux voleurs, flingue d’une main (ou aux commandes d’un drone), et l'Ancien testament de l’autre ; en effet, une seule loi dicte leur conduite : la loi du talion.

La spécificité de Homeland en tant que « chroniques d’une cour d’école de niveau primaire à l'heure de récré », est la suivante : tout ce beau petit monde agents de la CIA joue le plus souvent seul ; par conséquent, ils sont à la fois les gendarmes et les voleurs, policiers et voyous sauvages et barbares.

Al-Qaïda, Talibans, services secrets pakistanais... tout le monde est là : il ne manque personne.

 

 Sans projet, ni stratégie (comment du reste pourraient-ils en avoir !), et bien que les cibles à abattre par ces pompiers-pyromanes professionnels - cibles qualifiées d’enfoirés et de salopards ou d’encul.., c’est au choix, à longueur d’épisodes - soient remplacées dans l’heure qui suit leur exécution punitive, avec Homeland, c’est l’Amérique qui rend une justice quasi divine… transcendantale, assurément ! Pour preuve : cette justice vient d’en haut, toujours ! Du haut d’un drone ou d’un F16 !

Homeland serait une série « commandée et financée » par la CIA, qu’elle ne s’y prendrait pas autrement pour nous expliquer à quel point nous devons tous notre sécurité (entre deux attentats bien sentis quand même, et quelques otages exécutés !), nous les Occidentaux et les autres aussi, les quelques sept milliards d’être humains que compte notre planète, à cette Agence car Homeland est un véritable hymne à la CIA, à son personnel, leur sacrifice et leur engagement sans faille.

Oui la CIA, cette Agence qui depuis les années 50 a violé toutes les lois internationales qu’il est possible de violer ainsi que toutes les constitutions et toutes les règles les plus élémentaires de la démocratie… comme respecter le résultat des élections dans un pays tiers ; responsable aussi cette agence d’un nombre incalculable d’atteintes aux droits de l’homme - assassinats, torture d’opposants - et autres crimes de guerre.

 Homeland est une série qui vous explique le plus sérieusement du monde, avec des acteurs bien décidés à vous en convaincre, que les USA sont allées en Afghanistan pour sauver la veuve et l’orphelin ; défendre le droit des petites filles d’aller à l’école et plus globalement et généralement, dans le but de venir en aide à une population (qui n’avait pourtant rien demandé) dirigée à coup de fouet d’un bras ferme et d’une main qui jamais ne tremble : le fouet de la Charia.

Homeland vous invitera avec insistance (des fois que …) à comprendre ceci : la sécurité des USA repose sur ses capacités à assassiner ici et là, des opposants férocement hostiles à l’occupation de leur pays, et plus encore lorsque les occupants sont des occidentaux.

Quant aux acteurs qui sévissent dans Homeland, et deux d’entre eux en particulier, deux farfadets sortis tout droit d’un lavage de cerveau dans un centre de formation de la CIA :

homeland,howard gordon,alex gansa,cia,nsa,les talibans,afghanistan,irak,pakistan,al-qaïda,politique,actualité,géopolitique,moyen-orient,série téléMandy Patinkin alias Saul Berenson : transfuge de la série « Esprits criminels », Berenson c’est la main qui tue et qui ferme les yeux de celui qu’elle vient de tuer, et qui, avec un regard de chien battu sorti de sa niche pour prendre un peu l’air, prépare déjà son prochain forfait…

 

 Claire Danes alias Carrie Mathison : bi-polaire, langage châtié, ne doutant de rien, jamais, il lui arrive de tomber amoureuse même si elle offre volontiers son cul pourvu la cause en vaille la peine, hésitant toutefois à noyer son chérubin âgé de quelques mois dans une baignoire au moment du bain…

Face à ces deux protagonistes piliers sans lesquels tout l’édifice de la CIA s’effondrerait à en juger par ce qui leur est demandé comme implication et ce que ces deux acteurs acceptent de nous donner à voir et à entendre, force est de conclure ceci : seuls les acteurs américains sont capables d’un tel investissement, d’une telle empathie avec un sujet qui impliquerait ce que tous croient relever sérieusement de la sécurité des Etats-Unis d’Amérique (The United States of America – il faudrait pouvoir l’écrire avec l’accent américain !) 

Voyez Clint Eastwood, Morton Friedman, Mel Gibson, Denzel Washington ! Et un ancien, sans doute le pire de tous : Harrison Ford.

Car, plus patriotique qu’un acteur américain, vous ne trouverez pas ! Et quand on sait qu’il n’y a pas de sécurité possible aujourd’hui pour les « salauds d’Etat » au nom de la raison du même nom, qui a dit qu’après les journalistes, les plus c… et les plus veules ce sont les acteurs de cinéma et de télé, américains de préférence (1) ?

 Dans Homeland, chaque action meurtrière (assassinats, enlèvements, manipulations) commise par nos héros agents de la CIA que la morale et une tête bien faite reprouveraient sans hésiter, est contrebalancé par un acte commis par « le camp d’en face » jugé très certainement plus répréhensible encore par un téléspectateur moyen, très moyen, quidam de l’audiovisuel. Chaque acte « hors la loi » trouve, côté CIA, sa justification dans l’argument du moindre mal ou encore « d’un mal pour un bien » (2). C’est à la fois le procédé utilisé par tous les criminels acculés car… démasqués (dans la vraie vie, voyez les arguments d’un Papon ou d’un général Aussaresses de la guerre d’Algérie… et d’autres encore), et c’est aussi (dans les fictions) un procédé perfide qui permet de s’acheter une bonne conscience et de l’afficher auprès d’un public constitué de pauvres bougres (3) qui n’ont pas idée, européens de préférence, si on oublie le premier public de cette série : une audience américaine.

 Que cette série puisse rencontrer un tel succès aux Etats-Unis ne surprendra personne. En revanche, ici en France, l'enthousiasme qui accompagne la diffusion de la série sur Canal+ et sa rediffusion sur la TNT, montre le niveau d’ignorance auquel l’immense majorité des clients des chaînes privées (et publiques) est parvenue ; désinformée, dépolitisée, dé-conscientisée, cette population en revanche people-isée comme jamais, incarne toutes les raisons au monde de désespérer de l’avènement d’une quelconque prise de conscience à la fois humaniste et politique - géo-politique, devrions-nous dire ! - qui verrait les responsables des politiques de l’Otan sous commandement américain des 20 dernières années dans cette région (bientôt l’Europe avec l’Ukraine ?) traînées devant une cours pénale internationale pour crime de guerre, voire… crime contre l’humanité.

 

 Homeland peut s’apprécier à l’aune de deux ou trois critères ; ou pour le dire autrement : « Dites-moi qui vous êtes et je vous dirai quelle idée vous vous faites de Homeland ! ».

Quel est votre niveau de conscience ? Etes-vous informé ? Beaucoup, un peu ou pas du tout ? Etes-vous capable d’établir un lien de cause à effet ? Avez-vous une bonne mémoire ?

Selon les réponses, pour un Américain, un sioniste, un Juif, un Israélien et/ou un imbécile, c’est à l’ombre de la bannière étoilée ou du drapeau israélien, planté au beau milieu de son salon, qu’il regardera, exalté, cette série Homeland aux cris de « Israël vaincra ! » et « God bless America ! », un pack de bière à ses pieds.

En revanche, un Musulman, un Arabe, un téléspectateur en liens affectifs avec une région qui s’étend disons de la Libye à l’Afghanistan… prendra très vite la décision de jeter son téléviseur par la fenêtre aux cris vengeurs de : « Bande d’encul.., allez donc tous vous faire foutre ! » avant de lancer à la cantonade : « Allahou akbar ! »

Et les autres, ni Arabe, ni Juif, ni Musulman, ni Américain, ni rien, c’est-à-dire tout, entre deux éclats de rire et une grimace, adresseront un doigt d’honneur ou une quenelle, à cette série, et ce dès les premiers épisodes, avant d’aller se ressourcer auprès d’un Kubrick ou d’un Coppola ; deux réalisateurs qui ont toujours su que le patriotisme d’Etat est le refuge des crapules, et plus encore, lorsque ce patriotisme vit et prospère sur le dos de la justice et du droit des Peuples à disposer d’eux-mêmes.

 

***

 

 Un détail, un dernier. Oh, trois fois rien ! 

 Homeland est inspirée d’une série… israélienne : Hatufim (en hébreu : « Enlevés »), créée par Gideon Raff et qui a fait, dit-on, pleurer les chaumières.

On ne se refait pas. Jamais !

 

 

1 - La série nous accordera toutefois un ou deux moments d’émotion purs, profonds, aux ressorts indiscutables, où, par exemple, le personnage de Carrie, sous LZD, croit reconnaître hallucinée, Brody, l’être aimé décédé, auprès d’un gradé pakistanais ; un vrai moment d’émotion où la raison des sentiments triomphe, authentique, propre, dissociée même de ce à quoi cette série malhonnête sur le fond, hystérique dans la forme, exige que nous adhérions ; une émotion dont les producteurs de cette série n’auront jamais besoin d’avoir honte car pour le reste...

2 - Le bien ? Oui, le bien ! Comme continuer de décider qui vivra, où, comment et dans quelles conditions : sous une tonne de bombes ou bien les pieds en éventail au bord d’une piscine.

3 - Génération Canal+ : haussement d’épaule, dérision et déculturation. L’ignorance ce n’est pas le retour de la barbarie mais bien plutôt le retour insidieux d’une bêtise insondable ; c’est Sacha Guitry parodié par Jamel Troisbouzze : et là, on touche le fond du fond… tout au fond.

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Pour prolonger, cliquez : Coalition Obama pour l'Irak : les pompiers-pyromanes. 



12 réactions


  • Nicolas_M bibou1324 4 mars 2015 16:05

    Série télévisée ... attend je réfléchis ... ah oui, la télé, cette espèce de boite à propagande qu’il est indispensable que tout bon citoyen ait chez soi. C’est bien vous êtes un bon petit toutou, vous vous forcez à regarder la boite.


    Et au fait, qui vous a forcé à regardé cette série déjà ? Ah oui, vous même. Ben si vous n’êtes pas heureux de son contenu, je vous propose de vous en prendre au fautif.

    • Serge ULESKI Serge ULESKI 4 mars 2015 16:58

      @bibou1324

      Il faut rester vigilant... en veille... qu’est c e qu’on donne à voir, à entendre et à comprendre... à qui, comment et où


    • Enabomber Enabomber 5 mars 2015 14:31

      @bibou1324
      Rien ne distingue en effet cette série de tout le reste de l’arsenal de propagande des idées de nos maîtres. La frontière n’existe pas entre divertissement et diversion. Malgré toutes ses protestations de liberté de choix, celui qui regarde Bruce Willis défendre la loi et l’ordre ne pourra s’empêcher d’en adopter insidieusement les valeurs.


  • MisterA 4 mars 2015 17:04

    « Homeland est inspirée d’une série… israélienne : Hatufim (en hébreu : « Enlevés »), créée par Gideon Raff et qui a fait, dit-on, pleurer les chaumières. »


    Eh oui on fait de bonnes séries en Israël. 

    • agent ananas agent ananas 4 mars 2015 19:57

      Eh oui, on fait de bonnes séries en Israël.

      Avec le Mossad comme conseiller technique, ils ne doivent pas être à court d’idées...


  • agent ananas agent ananas 4 mars 2015 20:00

    Chez nous on a « Hollande »... Mais il ne fait pas le même audimat. smiley


  • SamAgora95 SamAgora95 4 mars 2015 23:30

    Les Russe devraient investir dans la réalisation de films de qualité pour contrebalancer cette propagande à sens unique, qui dure quand même depuis prés d’un siècle ! 


  • Trelawney 5 mars 2015 08:27

    Aux USA, les différentes armées produisent des films ou séries télévisées pour se faire de la publicité. C’est le cas de JAG ou NCIS produit par la Navy. Top gun produit par l’armée de l’air, Battle of Los Angeles avec des extraterrestres (c’est d’un risible) produit par les marines etc. Le message est clair : les services gouvernementaux et les armées ne sont pas blanc bleu, mais ils vous protègent et c’est l’essentiel. Alors engagez vous !

    Je me souviens d’une série TV des années 60 : « les envahisseurs »où des extraterrestres avaient envahis la terre. Ils avaient pris forme humaine et s’infiltraient partout. Et tous ces envahisseurs ressemblaient à s’y méprendre aux agents du FBI. Les auteurs de cette série avaient le sens du décalage


  • Le p’tit Charles 5 mars 2015 08:43

    C’est une fiction simplement....et dansons sous la pluie...c’est pour montrer la solidité des réverbères quand il pleut.. ?..ça change des conneries françaises... !

    Encore un boeuf...

  • kalachnikov lermontov 5 mars 2015 13:43

    Tu vas virer paranoïaque, Uleski. Faudra faire comme Carrie, un peu de jazz et deux-trois pilules en cas de crise.

    La saison 1 d’’Homeland’ était top, pas du tout caricaturale et manichéenne. A titre d’exemple, Brody est un héros américain ; militaire, il été enlevé et séquestré durant x temps, au Moyen-Orien ; là, une huile muslim nommée Abou Nazir l’a retourné ; il est devenu muslim lui-même, va commettre des actes terroristes aux usa, etc.
    Avec ça, on apprend comment fonctionnent les services, tous les coups tordus, les actes illégaux, la compétition entre mouvances au sein de la cia (les ultras et les modérés), etc.
    Le personnage de Saul connait une évolution ; au fur et à mesure qu’il prend les commandes de l’Agence, il se transforme en véritable fumier.

    Le problème de ces séries est qu’elles dégénèrent du fait de l’écriture. Une certaine routine s’installe, on tourne vite en rond. Puis, les multiples intrigues plombent le tout : ici, la guerre contre le terrorisme et ses multiples implications ; + love story de Brody et Carrie ; + les pbs d’ado de Dana ; + les pbs psychiatriques de Carrie ; etc, etc.

    c’est la même pour ’house of cards’. Super première saison et dégénerescence ensuite.

    Idem pour ’rectify’. Et bien dommage. (histoire d’un type condamné ado pour viol et meurtre et qui parvient à sortir du couloir de la mort. Intrigue poicière, donc, l’enquête est non close et en m^me temps le retour du type parmi les vivants).

    Je crains que cela ne fasse de même avec ’the affair’ (une histoire d’amour passionnel et de crime). Et c’est bien dommage encore.


  • CorsairePR CorsairePR 6 mars 2015 15:31

    Je suis un peu étonné de la surprise de l’auteur, je veux dire il n’est pas spécialement nouveau qu’Hollywood fasse de la propagande pour son pays...

    Préférez les séries anglaises qui sont plus savoureuses ou même mieux les animes japonais ;)


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