vendredi 16 décembre 2011 - par Ronny

Il faut flinguer l’euro !

Sous ce titre quelque peu provocateur, ne se cache pas un souhait politique, mais une volonté de certains acteurs financiers d’en finir avec la monnaie unique européenne.

Beaucoup a déjà été dit sur le poids des évaluations des agences de notation. On se contentera de rappeler ici qu’aucune des « big three » , qui réalisent 94 % du chiffre d’affaires de la profession, à savoir Moody's, Standard & Poor's et Fitch, n’avait anticipé la chute d’Enron, noté AAA encore 4 jours avant sa chute, ni celle de la banque américaine Lehman Brothers, également notée AAA juste avant sa faillite. Il est donc légitime de se demander si l’évaluation que font ces agences des dettes souveraines est bien sérieuse. Ainsi si l’on examine le montant des dettes de plusieurs pays, a rapporté à la production annuelle du pays (PIB), quelques surprises apparaissent. Le Japon, pays le plus endetté au monde, présente un ratio d’endettement de plus de 220%, celui-ci atteignant presque 100 % aux États-Unis (bien qu’un habile calcul récent ait tenté de le faire redescendre autour de 87%), 90 % au Royaume-Uni, 85 % en France et en Allemagne.

Ces valeurs ne peuvent donc justifier à elle seule l’annonce de certains de ces agences de notation en regard de la probable dégradation prochaine du AAA français et allemand. L’examen des taux de chômage ne fournit pas non plus d’explications claires à la dégradation spécifique du tandem franco-allemand, alors que la note du Japon (AAA) que celle du Royaume-Uni (AAA) que celle des États-Unis (AA+) reste stable.

Faut-il donc chercher des explications ailleurs ? Possible. Ainsi, plusieurs économistes nous ont indiqué récemment l’achat massif d’euros, dans le cadre de ventes à terme, par des fonds de pension américains et britanniques, au cours des six derniers mois. Ces achats à terme ont été réalisés en spéculant sur une baisse sensible du cours de l’euro, sans doute en lien avec la crise des dettes grecque et portugaise.

Bien que très imparfaits, les accords européens sur les fonds de réserves destinés à amortir les conséquences pour l’euro des dettes grecques et portugaises ont limité la chute des cours de l’euro vis-à-vis d’autres monnaies. Ainsi, les mêmes économistes interrogés plus tôt nous ont indiqué que le cours de l’euro actuel était très supérieur au cours auquel les fonds de pensions vont devoir les acheter au terme des contrats d’achats passés, probablement entre la mi et la fin décembre. Il faut donc, pour que ces fonds de pensions ne perdent pas d’argent, et si possible qu’ils en gagnent, que l’euro baisse, et qu’il baisse vite…

Dans ce contexte, on comprend donc tout l’impact qu’aurait une dégradation concomitante de la note des dettes des deux poids lourds de l’UE et de la zone euro que sont la France et l’Allemagne. Celle-ci entrainera forcement une chute sensible de l’euro, ce qui permettra aux fonds de pensions de pouvoir rentrer dans leur fonds.

Il reste à comprendre quel pourrait être l’intérêt des agences de notation dans ce circuit. Il est simple. Celles-ci sont tout d’abord anglo-saxonnes, et financées par les investisseurs : ainsi, et de façon très simplifiée,  une banque ou un fond de pension  qui souhaite investir dans de la dette polonaise demandera, contre monnaie sonnante et trébuchante, une évaluation de cette dette, et donc une notation du pays concerné. Le cercle est donc bouclé : les fonds de pensions qui ont investi en spéculant sur une baisse de l’euro peuvent très bien demander aux agences de notation d’évaluer de façon très sévère le risque associé aux dettes françaises et allemandes, le payement de ce service créant un lien de dépendance et constituant un véritable conflit d’intérêt, dont feront les frais les Etats concernés, et à travers eux leurs concitoyens. En tout état de cause, il faut en effet que l’euro baisse, et qu’il baise vite !

La dégradation des notes française et allemande, certes liés à une dette que l’actuel gouvernement a laissé filer en rapport avec une réduction des recettes fiscales au profit des catégories socio- professionnelles les plus riches, sera en conséquence payée au moins deux fois par les classes moyennes. La première au travers des réductions d’impôts, dont elles n’auront pas bénéficié, et dont elles auront même pâti au travers de la dégradation des services publics « justifiés » par le célèbre « les caisses sont vides » lancé par M. Fillion voilà quelques années ; la seconde au travers des augmentations d’impôts et des baisses de revenus que la dégradation de la note engendrera, couplées au renchérissement des produits importés, dont les produits pétroliers et certains produits de hautes technologie, même si ces derniers ne font pas l’objet d’achats si fréquents…



8 réactions


  • Asp Explorer Asp Explorer 16 décembre 2011 07:45

    Le fait que les USA, le Japon ou les Etats-Unis soient criblés de dettes ne change rien au fait que la France ne mérite plus son AAA. La vraie question est : pourquoi a-t-on encore ce AAA alors que nous sommes en déficit depuis 37 ans. C’est donc avec retard, mais de façon tout à fait pertinente, que les agences de notation s’apprêtent à dégrader notre pays. Je vous rappelle qu’à son entrée en fonction il y a 4 ans et demie, François Fillon s’était alarmé du fait que la France était virtuellement en faillite... puis il a passé les années suivantes à creuser la dette.

    La différence fondamentale entre la France et d’autres états, tout aussi, voire plus endettés, c’est que nous n’avons pas de marge de manœuvre. Les prélèvements obligatoires sont parmi les plus élevés du monde, les augmenter n’aurait pour résultat que de ruiner l’économie réelle et de faire fuir les capitaux. Diminuer les dépenses est difficilement envisageable dans un pays où on a habitué la population à vivre aux crochets de l’Etat pour tout et n’importe quoi. Nous n’avons, dans la pratique, aucun moyen de réduire le déficit, et a fortiori, de commencer à rembourser cette dette (pas même la dévaluation, vu que nous nous sommes sottement débarrassés notre monnaie au profit du deutschmark).


  • Ronny Ronny 16 décembre 2011 10:10

    Attention :

    Une erreur de copier coller m’a fait attribuer la note AAA au Japon alors qu’il est noté Aa3, ce qui signifie que sa dette est toujours de haute qualité et que le pays est évalué comme étant toujours « solvable ». Désolé de cette bourde électronique qui ne change rien au fait que nous sommes bien soumis à une pression des fonds de pension américains et britanniques.

    Je ne suis pas souvent d’accord avec Mme. Parisot mais doit reconnaître qu’elle a dit la même chose ce matin sur France Inter....


  • miha 16 décembre 2011 12:13

    Bon, je ne suis pas économiste (d’ailleurs, ils font tellement de c-nneries, que je n’ai pas de complexes à avoir vis à vis d’eux), mais je ne comprends pas en quoi c’est intéressant d’acheter de l’euro en masse si on prévoit la baisse de sa valeur ????

    quelque chose m’échappe, là...


    • Ronny Ronny 16 décembre 2011 12:42

      Bonjour

      L’idée st la suivante : vous vendez pour 100 euros que vous ne possédez pas au jour j, avec une promesse d’achat de 100 euros plus tard pour couvrir votre vente. Si le jour de votre vente, votre monnaie que l’on va appeler le carambar vaut 1 euro, la vente vous aura rapporté 100 carambars.

      Entre temps, si l’euro monte et que le jour où vous devez en acheter 100 comme prévu, il vous faut 120 carambars, vous êtes perdant de 20 carambars.

       A l’inverse, si vous arrivez à faire chuter l’euro, et qu’il ne vous faut plus que 80 carambars pour racheter 100 euros, vous êtes gagnant de 20 carambars...

      Pigé smiley ?


  • Dornach Dornach 16 décembre 2011 12:21

    Pour répondre à vos interrogations :

    http://wp.me/p1WnGr-3X


  • orage mécanique orage mécanique 16 décembre 2011 14:06

    En tout état de cause, il faut en effet que l’euro baisse, et qu’il baise vite !

    coquille ? au vu de votre explication claire et concise (et même si nous nous faisons un peu « baiser » )


  • BA 16 décembre 2011 15:05
    Pour sauver les Etats européens surendettés, les dirigeants européens ont créé un machin vide : le FESF.

    Le FESF emprunte des milliards d’euros sur les marchés internationaux. Ensuite, le FESF reprête ces milliards d’euros aux Etats européens surendettés.

    Problème : les juristes du FESF ont demandé qu’une phrase d’avertissement figure dans la brochure de présentation du FESF. 

    Les juristes du FESF ont demandé qu’une phrase avertisse les éventuels prêteurs qu’il y avait un risque d’éclatement de la zone euro.

    Mais les dirigeants du FESF ont réfléchi. Les dirigeants du FESF ont pensé que cette phrase d’avertissement risquait de faire peur aux investisseurs internationaux. Les investisseurs internationaux auraient pu ne pas prêter au FESF par peur de perdre leur mise.

    Résultat : les dirigeants du FESF ont demandé que la phrase d’avertissement soit supprimée de la brochure de présentation du FESF.

    Je trouve cette information ahurissante.

    Vendredi 16 décembre 2011 :

    Le Fonds de secours de la zone euro (FESF) a nié aujourd’hui vouloir mettre en garde des investisseurs contre un éclatement de l’Union monétaire. 

    Le Fonds européen de stabilité financière va ainsi supprimer du document de présentation de sa prochaine émission obligataire une clause informant les investisseurs de la possibilité d’un éclatement de la zone euro, un sujet devenu sensible, a-t-on appris aujourd’hui de source proche du FESF.

    Le Financial Times avait rapporté hier que le projet de prospectus mentionnait explicitement le risque de voir l’euro disparaître ou cesser d’être une « monnaie légale » à part entière. 

    Une source du FESF a dit à Reuters que cette clause avait été ajoutée au document par des juristes, mais qu’elle n’avait pas été approuvée par la direction de l’institution et qu’elle ne figurerait pas dans la version définitive du texte. 

    « La phrase avertissant du risque d’éclatement de la zone euro figurait entre crochets dans le projet et elle va être retirée », a déclaré la source.




  • ddacoudre ddacoudre 16 décembre 2011 19:26

    bonjour romy

     nous en lisons des choses, intéressant mais elle me revoie à ce que l’on pensait à l’époque de l’entrée en monétérisation

    je rappelle : avec la monétarisation le risque existe que ces méthodes soient confisquées par des experts, au nom de leur complexité (réelle), et que, dans ces conditions, les enjeux deviennent opaques pour la plupart des acteurs, dépossédés des moyens de jugement, incapables de faire valoir leurs préférences sur une base informée.
    ddacoudre.over-blog.com .
    cordialement.


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