Il y a bien un lien entre la surpopulation et la « sursuicidité »
La France est le mauvais élève de l’Europe pour le nombre de suicides dans ses prisons. Depuis le début de l’année, une quarantaine de suicides de détenus ont été recensés et neuf suicides de surveillants. Patrick Marest, président de l’Observatoire international des prisons, dénonce -sur Mediapart- des conditions de détention qui font fi de « la dignité humaine », et « l’allongement infinie des peines ».
La France est montrée du doigt, en Europe, pour le taux de suicide dans ses prisons. Les détenus s’y suicident deux fois plus qu’en Espagne, en Suède ou l’Italie.
" Le mouvement est reparti à la hausse, depuis trois ans, alors que l’on est rentré dans une phase de surpopulation endémique. Avec une augmentation de 20% des suicides en 2008 (115 cas recensés par l’administration). Pire, le premier trimestre de 2009 indique un doublement des morts suicidaires par rapport à la même période de l’année précédente. Ce qui semble indiquer que le taux de suicide s’affole quand la surpopulation est à son comble."
En même temps, certains pays européens ont des taux d’incarcération plus forts que la France mais recensent moins de suicides...
"Ce sont aussi des pays où l’on ne laisse pas l’administration pénitentiaire restreindre les droits des détenus à sa guise, selon ses critères et ses objectifs. Où ne règnent pas l’arbitraire ou le pouvoir discrétionnaire laissés à l’administration française. Où l’on a pris des mesures pour éviter que la prison ne fabrique des récidivistes et où l’on privilégie la réinsertion des détenus dans la société."
"Une bonne proportion des suicides interviennent dans les quelques jours qui suivent l’incarcération. Le premier contact avec le milieu carcéral, c’est : « Tu te déshabilles, tu écartes les jambes et les bras, tu te baisses, tu tousses. » C’est ce qu’on appelle la fouille intégrale. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on est déshabillé pas simplement de sa montre et de ses affaires mais aussi de sa dignité."
"Quand on songe que les effets psychologiques et physiques de l’emprisonnement sont irréversibles au bout de quatre ans – tous les sens s’atrophient alors, sauf l’ouïe –, vous imaginez l’état du psychisme. Or, on est entré dans une période d’allongement infini des peines et ce type de condamnés l’ont bien compris. Ils ont parfaitement saisi qu’ils sont les premiers visés par la récente loi de rétention de sûreté. Que la période ouverte en 1981 avec l’abolition de la peine de mort s’est refermée. Et que cette époque où on leur garantissait l’espoir de sortir, un jour ou l’autre, c’est terminé."
La France consacre 34 € par an et par habitant à son système pénitentiaire, l’Italie 47, l’Angleterre 54. Si l’on ne retient que la prise en charge quotidienne d’un détenu, cela coûte 112 € en Belgique, 124 € en Angleterre et seulement 77 € en France. Acceptons-nous de dépenser plus pour améliorer la prison réelle ?
" En France, la conception de l’enfermement reste de l’ordre de la poubelle sociale. D’autres pays investissent ce temps, financièrement en misant leur argent sur tous les aspects de réinsertion et de prévention de la récidive – pas sur la sécurisation à tous crins des établissements. D’autres encore privilégient le fait d’envoyer moins de gens en prison mais de les sanctionner autrement. Ce qui coûte d’ailleurs moins cher et qui est couronné par des taux de récidive moindres."
"En France, on dépense plutôt les budgets à construire de nouvelles prisons avec des grilles et des miradors de plus en plus hauts. La portion congrue est laissée à l’éducation, à la culture, aux activités ou à l’alimentation, des détenus. Tout cela révèle que notre système carcéral est totalement anachronique."