Israël-Palestine la guerre sans fin ?
Tout le monde sait comment cela a commencé. Comment ça finira ?
À l’origine, Dieu. Qui aurait dit à Abraham et à quelques autres, Isaac et Jacob, et Moïse, de se rendre à Canaan pour prendre possession du pays où coule le lait et le miel, dans les lieux où vivent des idolâtres, en faisant toutes les abominations odieuses à l’Éternel : Vous détruirez complètement les Hittites, les Amorites, les Cananéens, les Perizites, les Hivites et les Jébusites, comme le Seigneur votre Dieu vous l’a commandé.
Justification inaltérable pour des juifs religieux intégristes qui ont des vues sur ce territoire qui couvre, plus ou moins, Israël, Palestine, Liban, Ouest de la Jordanie et de la Syrie d’aujourd’hui : La Terre promise.
La Terre sainte pour les chrétiens. Une terre sainte pour les musulmans.
Après de multiples persécutions et l’éclosion des nationalismes dans l’Europe de 1848, des personnalités juives, souvent non religieuses, pensent aussi à une patrie pour les juifs où leur sécurité serait assurée. En 1862, Moses Hess, philosophe allemand, proche de Marx, engagé dans les luttes ouvrières en Allemagne, impressionné par le Printemps des peuples et l'unité italienne, propose de créer un État juif socialiste.
Au début des années 1880, la Palestine est peuplée d’Arabes musulmans ou chrétiens et de quelques juifs. Dont le nombre va croître avec les persécutions en Europe et l’influence de l’idéologie sioniste (nostalgie de Sion et aspiration nationale).
La population juive est alors chiffrée à 25 000, 80 000 en 1917, au moment de la déclaration de Balfour, promettant l’instauration d’un foyer national juif, soit 11 % du nombre d'Arabes de la population de Palestine. Un tiers de juifs palestiniens (Yishouw Yashann, vieux peuplement), les autres sont des immigrés plus ou moins récents, à titre religieux, personnel. Les colons d’origine européenne sont moins de 8 %.
En 1922, la Société des Nations (SDN) attribue au Royaume-Uni (1) un mandat sur la Palestine, avec comme objectif la création d’un foyer national pour le peuple juif sur la base du lien historique existant entre le peuple juif avec la Palestine dans le but de reconstruire leur foyer national dans ce pays, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existantes. Le Royaume-Uni doit placer le pays dans des conditions politiques, administratives et économiques qui permettront l’établissement d’un foyer national juif et le développement d’institutions d’autogouvernement, faciliter l’immigration juive et encourager l’installation compacte des Juifs sur les terres.
Le Livre blanc de Winston Churchill, secrétaire aux colonies, précise que cela ne signifie pas, comme l’estiment les sionistes, que la Palestine en entier devrait être convertie en un foyer national juif, mais qu’un tel foyer devrait être fondé en Palestine.
L’interprétation sioniste du mandat entraîne des conflits entre Arabes et juifs et particulièrement la grande révolte arabe, 1936-1939, aux conséquences importantes : démantèlement des forces paramilitaires arabes et arrestation ou exil de ses dirigeants (certains s’allieront aux nazis), renforcement paramilitaire sioniste, avec l’aide des Britanniques.
Les Arabes palestiniens obtiennent, dans le Livre blanc britannique de 1939, une limitation de l'immigration juive, du transfert de terres arabes à des juifs et la promesse de la création d'un État unitaire dans lequel juifs et Arabes partageront un gouvernement qui permette de préserver les intérêts de chaque communauté. Cette proposition est rejetée par la communauté juive palestinienne et ses paramilitaires qui lancent à leur tour une révolte générale interrompue par la Seconde Guerre mondiale.
Déclaration d'établissement de l'État d'Israël ou d'indépendance de l'État d'Israël, par David Ben Gourion, président de l'Agence juive, Premier ministre, le 14 mai 1948, à Tel Aviv.
Refusée par les Palestiniens et les États arabes. C’est le début d’un affrontement avec les Palestiniens, soutenus pour des motifs politiques (nationalisme, solidarité anticoloniale), ethniques (peuples et pays arabes) ou religieux (solidarité musulmane) mêlés, plus ou moins sincères… De leur côté, les pays occidentaux apportent leur aide en toutes circonstances et par tous moyens (pour la France, le nucléaire notamment) à Israël et à ses gouvernements quand ils ne l’utilisent pas : expédition de Suez, alliance de la France, du Royaume-Uni et d’Israël à la suite de la nationalisation du canal de Suez par l'Égypte en 1956.
Finalement, le peuple palestinien est entraîné dans un affrontement où son devenir n’est pas toujours la préoccupation fondamentale des forces qui interviennent.
En gagnant la guerre de 1948, Israël conquiert 26 % de territoires supplémentaires par rapport au plan de partage de 1947. De 700 000 à 750 000 Arabes fuient ou sont expulsés de leurs terres, Exode palestinien, la Nakba (désastre ou catastrophe), créant une population de réfugiés tandis que, dans les années suivantes, les communautés juives des pays arabes les quittent, certaines multi-millénaires comme en Irak ou en Égypte, et que beaucoup de leurs membres se réfugient en Israël. Une série d'opérations est programmée comme au Yémen (opération Tapis volant) ou en Irak (opération Ezra et Néhémie).
Le peuplement juif de la Palestine.
Sans reprendre toutes les persécutions, innombrables, dont ont été victimes les juifs de l’Oural à l’Atlantique, certaines ont un rôle dans la création de l’État d’Israël.
À partir de 1882, le nombre de juifs de Palestine augmente par vagues successives, le plus souvent à la suite de violences antisémites dans des pays européens. Après des pogroms en Russie, première alya, 1881-1890, les Amants de Sion, pour le renouveau du peuple d'Israël par le retour vers Sion et la reconstruction de sa patrie. Parmi eux, Eliézer Ben-Yehoudah, père de l’hébreu moderne.
À cette époque, les notions d’alya politique et de sionisme sont très minoritaires chez les juifs malgré de nombreuses persécutions sur un fond d’antisémitisme multiséculaire. Beaucoup croient l’assimilation possible dans les démocraties. C’est le cas de Theodor Herzl. Qui rejoindra le sionisme et prendra la tête du congrès mondial sioniste en 1897.
Theodor Herzl, né en 1860, à Vienne, est confronté à l’antisémitisme et à l’intégration dans les sociétés européennes. Pour lui, l’assimilation, les idéaux de la Révolution française, l’égalité des droits de tous les citoyens triompheront. Le retour en Palestine est un mythe. |
Au cours de la première moitié du XXème siècle, les persécutions se succèdent en Europe. Jusqu’à l’Holocauste, la solution finale nazie.
Les vagues d’immigration se suivent de l’Empire russe, d’Europe centrale ou orientale. Deuxième alya (1903-1914) avec notamment Ben Gourion. Troisième alya (1919-1923) après la déclaration de Balfour et la Révolution soviétique, Quatrième alya (1924-1928), provenant essentiellement de Pologne. Enfin, Cinquième alya (1929-1939) : 180 000 juifs d’Europe centrale et orientale. Environ 50 000 d’Allemagne, d’Autriche au pouvoir des nazis. Un accord est même conclu entre l’OSM et le Reich pour le transfert de fonds des migrants et l’arrivée de jeunes juifs allemands en Palestine (1933-38)
1946 à 1948, les autorités britanniques s’opposent à l’arrivée de juifs en Palestine et les internent dans des camps à Chypre. Épisode illustré par Exodus.
Cette immigration entraîne une augmentation importante de la population juive de Palestine.
Pendant les années 1931- 1942, la population de la Palestine augmente de 56 %, de 30 % pour les musulmans, 42 % pour les chrétiens, 29 % pour les autres et pour les juifs de 176 %.
Sur la période, 1914-1947, la population passe de 525 000 musulmans, 60 000 juifs et 70 000 chrétiens à 1 181 000 musulmans, 630 000 juifs et 143 000 chrétiens : soit un doublement du nombre de musulmans et de chrétiens et une multiplication par dix de celui des juifs.
Le partage de la Palestine.
Le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale de l’ONU (2) vote, par 33 voix pour, 13 contre, 10 abstention, la résolution 181, plan de partage de la Palestine peuplée de deux tiers d’Arabes et d’un tiers de juifs en 2 États séparés, arabe et juif, et une zone sous régime international avec 106 000 Arabes et 100 000 juifs, comprenant les Lieux saints, Bethléem et Jérusalem.
- L’État juif, 14 000 km2, 558 000 juifs et 405 000 Arabes, en 3 parties : la plaine côtière, le long de la frontière syrienne et le désert du Néguev ;
- L’État arabe, 11 500 km2, 804 000 Arabes et 10 000 juifs en 4 parties : la zone autour de Gaza, la ville de Jaffa, les montagnes de Judée et de Samarie, la majeure partie de la Galilée au Nord.
Ainsi, 2 % des juifs se retrouvent soumis à la législation arabe et 31 % des Arabes à la législation juive.
Les États-Unis (ÉUA) ont exercé de très fortes pressions notamment sur le Liberia, Haïti et les Philippines qu’ils forcent à changer de position à la veille de la décision finale (aussi sur la France). Le secrétaire américain à la défense écrit dans son journal que les moyens de coercition exercés sur ces pays confinaient au scandale.
Ont voté pour : 33 États.
- 29 États de culture chrétienne de l’Ouest : Australie, Belgique, Bolivie, Brésil, Canada, Costa Rica, Danemark, Équateur, ÉUA, France, Guatemala, Haïti, Islande, Liberia, Luxembourg, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Nicaragua, Norvège, Panama, Paraguay, Pérou, Philippines, République dominicaine, Suède, Tchécoslovaquie, Union sud-africaine, Uruguay et Venezuela ;
- 4 de culture chrétienne de l’Est : Biélorussie, Pologne, Ukraine, URSS
Ont voté contre : 13 États.
- 9 États de culture musulmane : Afghanistan, Arabie saoudite, Égypte, Iran, Irak, Pakistan, Syrie, Turquie et Yémen ;
- 2 pays avec des religions dominantes : Inde (musulman-hindou), Liban (musulman-chrétien) ;
- 2 de culture chrétienne : Cuba et Grèce.
Se sont abstenus : 10 États.
Argentine, Chili, Chine, Colombie, Éthiopie, Honduras, Mexique, Royaume-Uni, Salvador, Yougoslavie.
Le Siam n’a pu prendre part au vote.
Arthur Koestler a dit, à propos de la déclaration de Balfour (3 : une nation promettait solennellement à une seconde nation le pays d’une troisième.
Le jugement de Koestler peut être élargi en considérant l’adoption de la résolution qui n’est plus seulement une promesse. L’ONU, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, donne une couverture légale à la dernière aventure coloniale européenne du XX° siècle.
Les communautés juives approuvent la partition, soutenue par l'Agence juive rejeté par la droite nationaliste sioniste, Parti révisionniste, Irgoun, Lehi.
Les Arabes palestiniens et l'ensemble des pays arabes, favorables à l’instauration d'un seul État arabe sur toute la Palestine la rejettent sauf le parti communiste qui s'aligne sur Moscou.
Le lendemain du vote, la guerre éclate entre les deux communautés palestiniennes juive et arabe.
Des États, dont certaines puissances colonialistes, de culture chrétienne et antisémite depuis des siècles, à l’origine des persécutions qui ont donné naissance au sionisme en Europe battent leur coulpe sur la poitrine des Palestiniens chargés de la pénitence et se donnent habilement l’absolution.
Absolution pour avoir popularisé pendant des siècles la culpabilité des juifs déicides qui pèse lourdement sur l’antisémitisme européen, propagé largement par l’église catholique même si les protestants, notamment Luther, n’en sont pas indemnes.
Il a fallu plusieurs siècles et l’Holocauste pour que l’Église catholique prenne conscience de son rôle et reconnaisse que, si des juifs étaient responsables de la mort du Christ, ce n’était pas tous les juifs. Certains avaient suivi le Christ. Et tous les juifs, ni d’alors, ni depuis, ne pouvaient être tenus pour responsables. Un temps bien long pour abolir une culpabilité collective à perpétuité. (Nostra Aetate, 1965)
En janvier 1933, il y avait 523 000 juifs en Allemagne. En septembre 1939, 282 000 l’avaient quitté et 117 000 l'Autriche nazifiée : 95 000 pour les États-Unis, 60 000 la Palestine, 40 000 la Grande-Bretagne, 30 000 la France, 75 000 les Amériques Centrale et du Sud, 18 000 pour Shanghai, sous occupation japonaise.
En octobre 1941, l'émigration des juifs d’Allemagne est interdite. Ils étaient 163 000. L'immense majorité est assassinée durant la Schoah.
Jusqu’en 1941, la politique allemande encourage officiellement l'émigration juive. L'arrivée au pouvoir des nazis entraîne une vague d'émigration importante (37 000-38 000 personnes), vers les pays voisins (France, Belgique, Pays-Bas, Danemark, Tchécoslovaquie et Suisse).
Après l’Anschluss, annexion de l'Autriche en mars 1938, et malgré la difficulté de trouver une destination d'accueil, 36 000 Juifs quittent l'Allemagne et l'Autriche en 1938 et 77 000 en 1939.
La Nuit de Cristal se déroule du 9 au 10 novembre 1938 et la journée qui suit : 267 synagogues et lieux de culte détruits, 7 500 commerces et entreprises gérés par des juifs saccagés, une centaine de juifs sont assassinés, des centaines d'autres se suicident ou meurent des suites de leurs blessures et près de 70 000 sont enfermés dans des camps de concentration. Le but de cette violence, accélérer l'émigration….
Conférence d’Évian de juillet 1938.
Aux États-Unis, l'afflux de migrants juifs allemands et autrichiens est important mais en vertu de la législation de 1924 sur les quotas par nationalité, ne sont autorisées que 27 000 entrées par an pour les Allemands et les Autrichiens : fin juin 1939, 309 000 juifs allemands, autrichiens, tchèques ont déposé une demande…
En pleine crise économique, devant un antisémitisme très répandu, un sondage de l’époque par le magazine Fortune indique que 83% des Américains étaient opposés à un allégement des restrictions dues à la législation sur les quotas, Franklin D. Roosevelt propose une conférence internationale à Évian en juillet 1938, peu après l'Anschluss, pour faciliter l'émigration des réfugiés politiques.
Cette conférence réunit 32 pays, 9 européens, 20 latino-américains et 3 du Commonwealth. L'Italie refuse d’y participer. L’URSS, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, l’Afrique du Sud envoient des observateurs.
Tous les pays présents refusent de recevoir de nouveaux réfugiés : la Grande-Bretagne refuse même d'en accueillir en Palestine alors sous mandat britannique craignant des troubles avec la population musulmane. La France fait de même. La Suisse ne peut plus accueillir de réfugiés autrichiens et a rétabli le système des visas avec l’Autriche. L’Australie ne veut pas importer un problème racial…
Seule la République dominicaine propose d'accueillir 100 000 réfugiés juifs contre des subventions : 800 seulement seront accueillis.
Alors que de nombreux juifs sont arrêtés et internés en camp de travail forcé. Que les lois sont devenues plus sévères pour émigrer, cette unanimité montre aux juifs l’intensité du rejet dont ils sont victimes.
Golda Meir, pour l'Agence juive, assiste aux séances publiques, seules ouvertes aux ONG.
La grande majorité des pays qui ont participé à la Conférence d’Évian, qui ont refusé d’accueillir quelques dizaines de milliers de juifs fuyant les persécutions nazies, ont voté pour reconnaître la création de l’État d’Israël, 6 se sont abstenus dont le Royaume-Uni, seul Cuba a voté contre.
Aller-retour avec le Saint-Louis.
Dans une situation de plus en plus difficile, en mai 1939, près d’un millier de juifs embarquent à Hambourg sur le Saint-Louis (4), paquebot transatlantique allemand, munis d’un visa touristique ou d’un permis d’immigration à Cuba.
Arrivés à Cuba, débarquer leur est interdit. Après le refus des ÉUA et du Canada de les recevoir, le Saint-Louis revient en Europe. Ses passagers débarquent à Anvers et sont répartis entre le Royaume-Uni (288 passagers), la France (224), la Belgique (214), les Pays-Bas (181). Que sont-ils devenus ?
Deux autres bateaux ont connu la meme mésaventure. Le Flandre, français, 104 passagers à bord repart pour la France. L’Orduña, britannique, poursuit sa route et 72 passagers trouvent un port d'accueil à Panama, dans la zone du canal.
Plus de 60 ans après la Conférence de Berlin (1884-85) pour établir les règles officielles de la colonisation en Afrique, Israël est le dernier exemple d’une décision coloniale européenne, au milieu du XX° siècle. À l’approche du déclin des empires coloniaux européens.
Les États partagent la terre de Palestine qui ne leur appartient pas en un État, Israël, peuplé par une immigration récente, européenne, colonisatrice à leur image. Colonie sans métropole mais avec le soutien des occidentaux, politique, économique, financier, militaire.
Et la Palestine avec une population autochtone spoliée de sa terre.
La mèche est allumée. Le conflit israélo-palestinien, au départ conflit entre deux peuples pour la même terre, se révèle de plus en plus, faute de solution, d’espoir, de compromis, comme un affrontement guidé par des forces de plus en plus extrémistes, souvent religieuses, ce qui ne peut que rendre les compromis beaucoup plus difficiles.
1 - En 1922, le Royaume-Uni, à son apogée, est la première puissance mondiale, avec un quart de la population mondiale, environ quatre cents millions d'habitants et une superficie de 33,7 millions de km² (environ 22 % des terres émergées). Le plus grand empire jamais créé au cours de l'histoire.
2 - L’Assemblée générale de l’ONU ne comptait en 1947 que 57 États, 193 aujourd’hui, la grande majorité était alors sous domination coloniale.
3 - La déclaration Balfour est mal reçue dans le monde arabe. En contradiction avec cette promesse, les Britanniques avaient déjà promis à Hussein ben Ali, chérif de La Mecque, la création d'un grand royaume arabe unitaire sur le Moyen-Orient (1915-1916). Pour obtenir l’aide militaire des nationalistes arabes contre l'Empire ottoman.
4 – Ironie. Louis IX, Saint Louis, roi de France, mort à Tunis lors de la IXème Croisade, a instauré en 1269 le port de la rouelle pour les juifs à la demande du pape Alexandre III.