mardi 8 janvier 2013 - par Gérard Luçon

« J’suis l’poinçonneur du Gallois »

ou la compétitivité vue par un nul !

De mes études de mathématiques j’ai gardé une certaine sensibilité pour ce nom : Gallois.

C’est que ce n’était pas n’importe qui, l’Evariste ! Talentueux en mathématiques au point de n’être pas compris ou bien de voir ses écrits disparaitre ; révolutionnaire, amoureux, il en mourra d’ailleurs à 21 ans au cours d’un duel. Voir lien http://www.math93.com/index.php/histoire-des-maths/les-mathematiciens/148-galois-evariste

Alors quand j’ai entendu qu’on donnait à un dénommé Louis Gallois la charge de faire un rapport sur „l’Etat de la Gaule”, je me suis dit que nous allions avoir quelque chose de bonne facture ....

D’un autre côté quand j’ai compris que ce n’était pas un Louis d’or et que sa tâche consistait en définir la compétitivité, je me suis rappelé cette chanson de Serge Gainsbourg „le poinconneur des Lilas”. Vous vous souvenez ce gars qui faisait un métier banal et qu’on a finalement remplacé par une machine en lui disant que la mécanisation, ce bienfait des temps modernes, allait lui apporter du bonheur, du bien-être, du temps libre.

Alors parlons en de la "Compétitivité", sujet d'actualité s'il en est :

- parlons de nos vendeurs, ces commerciaux de haut vol qui ne savent pas vendre, qui confondent service et servitude, qui donnent l'impression, lorqu'ils vendent, qu’ils "s'abaissent" au niveau inférieur de client, et qui pensent que la corruption est la meilleure technique de vente ;

-parlons de ces vendeurs qui pensent que vendre c'est suivre le Président de la République lors de ses visites à l'étranger en lui laissant le soin de proposer des TGV, des Airbus, Mirages, Rafales, ou autres centrales nucléaires. Inutile de rappeler le lamentable épisode avec Kouchner et Sarkozy vendeurs de nucléaire à Khadafi !

-parlons de ce superbe ministère du commerce extérieur dont on n’entend jamais parler, lequel est assisté dans chaque ambassade par un "conseiller économique et commercial" qui commerce peu, et par un corps de "conseillers du commerce extérieur" (nous pouvons en avoir plusieurs dizaines par pays, Nigéria par exemple), nommé par le gouvernement sur proposition des ambassades, dont l'activité principale est de débattre entre eux qui sera le Président du groupe des conseillers et le futur titulaire de la prochaine distribution de Légion d'Honneur,

- parlons de „notre” système d'assurance, la COFACE, qui ne protège pas les PME qui désirent s'établir à l'étranger, et d’une structure internationale, UBI France, qui prétend aider elle aussi ces entreprises, sauf si elles sont à capitaux mixtes. C’est ainsi qu’en 2006 on m’a refusé l’accès à un séminaire préparatoire à l’exposition universelle de Shanghai car ma société n’avait que 10% de capitaux français (le reste étant des capitaux roumains), donc elle ne pouvait être présente aux séance d’information pour répondre aux appels d’offres menés dans le cadre de cette exposition. On m’a donc renvoyé ma cotisation de participation. Circulez, y-a rien à voir ! Vous avez dit Europe ???

-et puis parlons du fait que s'expatrier de France est synonyme de se dévoyer ou d'être un nostalgique de la colonisation, ou pire, d'être un fainéant qui va gagner beaucoup d'argent à ne rien faire en exploitant l'indigène, et en faisant suer l’burnous.

La compétivité avec l'étranger n'est pas uniquement une question de coût du travail, même probablement pas du tout, c'est aussi savoir vendre, se préoccuper de la réputation du pays, ne pas démolir via nos médias (qui dans ce cas de figure sont tout sauf patriotes) un fabricant automobile dont le nom Peugeot est quand même synonyme d'automobile en Afrique anglophone (prononcée "pijote").

La compétitivité c'est aussi rappeler quelques grands noms de boîtes françaises opérant avec succès à l'étranger : Michelin, Lafarge, L'AirLiquide, Sodexho, Airbus, Aéroport de Paris,.... plus celles qui sont devenues internationales telles Schlumberger, Comex, Forex, sans compter Hermès, Chanel et les autres.

Parce que la résultante de ces erreurs et âneries est douloureuse :

-Quand les clients potentiels étrangers perçoivent les Français comme des gueulards qui descendent dans la rue à tous propos, pour se lamenter de leur niveau de vie considéré comme le plus haut au monde par les citoyens des autres pays, comme si avoir une vraie protection sociale était une honte ;

-Quand nos médias anonnent à longueur de temps que les 35 heures (une idée de Dominique Strauss-Kahn) c’est contre la compétitivité. Eh oui, mesdames et messieurs, dans ma société, en Chine, on travaille 48 heures par semaine, ça c’est de la compétitivité ! Et c’en était encore plus quand des gosses étaient envoyés travailler à la mine, en France, dès l’âge de 14 ans. Confondre durée hebdomadaire de travail et rendement !!!!

-Quand les dirigeants syndicaux se présentent comme des célébrités peu soucieuses des quelques syndiqués qui leur restent et qu'ils sont supposés représenter, alors que les ouvriers français sont considérés comme les plus productifs (par heure) au monde par l'ONU.

-Quand nos verts „écolos” se présentent comme des super scientifiques universels mais se comportent comme une cinquième colonne au service des Russes, Algériens et autres fournisseurs de gaz et de charbon, alors que nous pourrions augmenter notre propre production d'énergie donc améliorer notre compétitivité en améliorant notre indépendance, et en plus réduire notre consommation, car eux non plus n’ont pas bien lu, ou pas bien compris, les lacunes et enjeux du rapport Gallois. Au passage ils servent aussi Total, Shell et autres qui peuvent continuer à importer des hydrocarbures produits à bas prix en Afrique et au Moyen Orient et qu'ils vendent à fort prix en France. Ce n'est pas par hasard que les Qataris s'intéressent tant à la France. Alors oui, limiter les gaz fossiles, c’est une bonne idée, même une excellente idée, mais pas au prix de reporter leur utilisation jusqu’au moment où ce seront des pays étrangers qui seront propriétaires des gisements et des moyens de production, et qu’ils nous vendront nos propres réserves. Et nos courageux dirigeants ont trouvé la solution avec ces écolos, on les calme en leur refilant un ou deux ministères ... et en allant forer „ailleurs”. Mais après tout si les allemands ont choisi de faire faire les panneaux photovoltaiques en Chine, c’est bien parce que cette production est éminemment polluante et qu’ils ne voulaient pas se retrouver avec les poussières de silice sur leur territoire. Autant copier sur eux, puisque ce sont nos „professeurs” en économie.

Et puis, comme j’ai parlé de la Chine et des chinois, un pays et des gens que j’aime énormément car eux sont patriotes : vendre c'est aussi et d'abord une image et une propagande.

Les Chinois l'ont bien compris : ils vantent les mérites de nos écoles de commerce : HEC, ESSEC,.... sachant fort bien qu'elles produisent des diplomés incapables de vendre, donc qu’ils ne sont pas des concurrents dangereux. Mais ces mêmes Chinois occultent nos scientifiques et ingénieurs qui pourraient les concurrencer sans difficulté. Il manque 10.000 ingénieurs par an en France mais nos filières commerciales fournissent sur bande roulante des futurs chômeurs totalement invendables, et SciencePo comme l’ENA nous fournissent de futurs dirigeants du pays, et qui sans ces filières seraient eux aussi au chômage.

Et il serait temps de comprendre que cela aussi c'est de la compétitivité, de la part des Chinois, à savoir éliminer la concurrence à la source, ou la neutraliser. Du style „continuez, chers amis français, à former des glands et des inutiles, et merci par avance pour votre persévérance !”

Eh oui monsieur Gallois, la compétitivité que vous défendez est celle du plus petit dénominateur commun (PPDC), celle de la stagnation économique, et non pas celle du PGCM, celle de la relance et des nouvelles technologies ! Nous sommes effectivement bien loins d’Evariste.

C’est celle du nivellement par le bas, du bataillon de soldats en guenilles mais dont aucune tête ne dépasse, c’est celle d’un pays que notre haute administration et nos dirigeants ont vendu aux cabinets d’affaires (voir Le Monde Diplomatique Janvier 2013 „quand les avocats d’affaires écrivent les Lois”, pages 1, 20 et 21). A ce sujet je voudrais rappeler que les termes nationaliser et privatiser viennent respectivement de nation et de privé, donc par extension „mettre au service de la nation” et „mettre au service du privé”.

Et pour en revenir au nivellement par le bas, j’en veux pour preuve cet immense, énorme oubli dans votre „rapport” (ou alors j’ai sauté une page) : aucune mesure fiscale pour soutenir les individus ou les entreprises qui investissement dans les nouvelles technologies, aucune réduction sur l’achat de matériaux isolants, modernes.

C’est comme si, à l’instar des gouvernants qui se sont succédés pour nous faire acheter à crédit des voitures et laissé leur nom à la postérité sous forme de sobriquets, telles les juppettes ou les balladurettes, et ont eu comme résultat l’achat de voitures étrangères avec le soutien des banques privées, vous n’aviez pas compris qu’on peut aussi aider l’économie française, et accessoirement les français, en prenant des mesures relancant l’économie du pays en interne et non pas en baissant les cotisations salariales pour mieux vendre à l’étranger. Voir l’article du Monde Diplomatique de novembre 2012 intitulé „vous avez dit”baisser les charges” ?”, dans lequel on voit toute la phraséologie déployée par les sociaux démocrates du PS pour reprendre aux ouvriers la part de leurs propres cotisations toujours au nom de la sacro-sainte compétitivité.

Comme si le but suprême de nos dirigeants actuels et passés était d’arriver au même score que l’Allemagne, 7 millions de gens payés 500 euros par mois et ne cotisant plus pour leurs futures retraites. Quel progrès !

Alors monsieur Gallois, de grâce, reconnaissez que vous avez fait un énorme contresens, pour un pays comme la France être compétitif signifie être en avance dans le bien-être de ses citoyens, et pas aligner nos avantages sociaux sur ceux de la Patagonie septentrionale ou du Sud Soudan, en laissant les pays émergeants nous dépasser allègrement avec des taux de croissance à donner le vertige au général Carambar du pouvoir d’achat et autre Hutin décomplexé qui prétendent sauver l’Europe et l’Euro depuis 2008 en criant „la dette, la dette, la dette”, imitant de manière triste la formule d’un général d’un autre temps et d’une autre envergure, Charles de Gaulle. (voir le monde diplomatique de juin 2012, article intitulé „la dette, quelle dette ?”.

Merci à mon oncle Claude, ingénieur en retraite, pour son importante contribution.



8 réactions


  • Robert GIL ROBERT GIL 8 janvier 2013 18:01

    Le rapport Gallois, d’un ancien patron de la SNCF et d’EADS, épaulé par un responsable de l’UMP dans son travail « d’expert », a été applaudi par le MEDEF qui n’en peut plus de satisfaction : normal, c’est un rapport de patron pour les patrons ! Ces 20 milliards d’exonération de cotisations sociales pour le patronat ouvrent la voie à un véritable hold-up sur la partie de nos salaires versée directement par les employeurs, pour assurer à chacun des services sociaux de qualité. Et Gallois voudrait nous faire avaler cela au nom d’un prétendu « pacte social » et de la « solidarité nationale »  ! Il parle même de « patriotisme », un vocabulaire qui rappelle le temps des guerres : c’est en l’occurrence une vraie guerre sociale qui est ainsi lancée contre les classes populaires.........

    voir : GALLOIS, LE PERE NOEL DU PATRONAT !


  • paul 8 janvier 2013 20:30

    Gallois, fait penser à l’autre tête d’oeuf Lenglet qui diffuse la bonne parole dans les médias .

    Les gouvernants, Hollande comme sarko, utilisent des « experts » pour justifier les mesures d’austérité i-né-vi-ta-bles . Genre : c’est pas moi qui le dit, c’est l’autre, le spécialiste .

    L’expert va t-il soulever la question : au cours des trente dernières années, qu’est ce qui a le plus, augmenté, les salaires et cotisations sociales, ou les profits ? Non !
    C’est le contraire, c’est le salarié et sa protection sociale qui sont responsables du manque de compétitivité . D’où baisse des charges et des dépenses publiques, relèvement de TVA, ect ...Et depuis que les socios-libéraux sont labellisés de gauche, il n’y a pas à réfléchir ...On a voté pour la peste ou le choléra ?


  • Jean Marie Thiboult Jean Marie Thiboult 8 février 2013 10:57

    Et vous vous souvenez d’Evariste ? Le mathématicien qui chantait ou le chanteur qui aimait les maths ? 


    Vous me donnez l’idée d’aller écrire une autre élucubration musicale et nostalgique sur ce personnage attachant que j’ai vu sur scène en 1974 (je crois) dans un festival celtique à Moëlan sur Mer.

    Je verrai si cette fois j’obtiendrai l’agrément des modérateurs.

  • Gérard Luçon Gérard Luçon 8 février 2013 13:01

    je me souviens .... je vais voir si je retrouve qqch sur lui !


  • Jean Marie Thiboult Jean Marie Thiboult 9 février 2013 10:36

    Je vais en faire autant pour écrire un article.

    Pour l’heure, j’en ai écrit sur la musique bretonne et sur les Blues Brothers, mais ça ne semble pas être la tasse de thé des modérateurs.


  • Gérard Luçon Gérard Luçon 9 février 2013 12:15

    tiens , a part cette pourriture de cohn bendit, les autres affiches restent d’actualite ...

    http://www.dailymotion.com/video/xdj3mw_evariste-la-revolution_music

     


    • jaja jaja 9 février 2013 12:21

      J’ai vu Evariste chanter à la Mutualité dans les années 1970 lors d’un meeting de la Cause du peuple ou du Secours rouge... On ne peut pas dire que c’était un franc succès pour lui...

      Je suis heureux de savoir que le bonhomme a d’autres ressources.


    • Gérard Luçon Gérard Luçon 9 février 2013 12:42

      il chantait ausi bien qu’Antoine .... mais il n’y avait pas de place pour les deux


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