vendredi 8 décembre 2017 - par hommelibre

Johnny : encore un attentat au cancer

À chacun son tour. C’est le sien. Pas de décès mythique à la James Dean au volant d’une voiture rapide. Pas de crash en hélico comme Daniel Balavoine. Pas dans son bain, comme Clo-Clo. Mais la même année que Chuck Berry, pionnier du rock.

Est-ce à lui Chuck, auteur du très célèbre Johnny B. Good, que le rocker français doit son prénom ? Qu’importe : Johnny a construit son mythe sur l’exceptionnelle durée de sa carrière et sa capacité à endosser presque tous les styles de chanson.

Ah que, le bougre avait de l’énergie ! Il savait allumer le feu. Il avait aussi la voix de l’emploi, et les looks, et les attitudes sur scène. Johnny était devenu un monument vivant. Un visage digne des sculptures du Mont Rushmore. 

Johnny, on n’est pas obligé de tout prendre. Son répertoire est assez vaste pour combler les anciennes groupies échevelées devenues des grands-mères attentionnées. Les garçons, qui eux cassaient les fauteuils du Palais des Sports à Paris, touchent paisiblement la retraite.

Jean-Jacques Goldman disait de lui : « Il y a dans l’affection très profonde du public pour Johnny Hallyday un phénomène qui va au-delà des classes sociales. Le comprendre nous éclairerait probablement sur nous, les Français. »

Le géant belge disait aussi de lui-même :

« Et puis, j’ai vite construit ma vie tout seul. Je suis parti de la maison à 16 ans, quand j’ai commencé à chanter, à gagner mon argent. J’ai toujours fait mon métier. Et je suis très complexé et timide. Je doute toujours de moi. »

Dans sa légende il y a cette enfance, sur laquelle il était revenu avec philosophie :

« Vous savez, je n’aime pas trop parler de ma vie. Je ne peux pas dire que j’ai eu une enfance heureuse, mais je m’en suis sorti. Mon père est parti quand j’étais un bébé. Il m’a abandonné pendant que ma mère travaillait. Il m’a sorti de mon lit d’enfant, il m’a laissé sur une couverture sans vêtements, il a emporté mon lit pour le vendre et se payer à boire, c’était un alcoolique. Je ne lui fais pas de reproches, parce que si j’avais été choyé par un père, je ne serais peut-être pas devenir ce que je suis. Pendant des années, j’ai toujours désiré une vie de famille et je ne suis jamais arrivé à la construire… » 

Jojo ne se roulera plus sur la scène en mangeant son micro. Ses fans sont devenus plus calmes, moins démonstratifs. Les papys qui admiraient sa performance peu conventionnelle, et dérangeante pour les bourgeois de l’époque, ont aujourd’hui trop d’arthrite pour goûter l’acrobatie.

Le rock lui a donné une identité. Aujourd’hui il laisse des millions d’orphelins. Et quelques veuves éplorées. Ça fait une grande foule, ça. Il y aura cette semaine des rétrospectives à ne plus savoir où mettre les yeux. Les jours les plus Johnny sont devant nous. Ce sera l’ultime mesure de sa popularité.

Et voilà. L’histoire d’une vie hors normes s’achève. Dernier voyage pour la vedette yéyé et jour de deuil pour sa petite famille. Même lui n’était pas immortel. Pierre Desproges aurait peut-être dit : « Encore un attentat au cancer. »

Adieu Johnny. Tu es enfin délivré de tes promesses.

– Ah que quoi, déjà fini ?

 

 



20 réactions


  • Yanleroc Yanleroc 8 décembre 2017 19:36

    « Goldman « Il y a dans l’affection très profonde du public pour Johnny Hallyday un phénomène qui va au-delà des classes sociales. Le comprendre nous éclairerait probablement sur nous, les Français.  »


    Excellent ! ( j’ en ai marre de l’ expliquer pour ce soir)

     »Les jours les plus Johnny sont devant nous.."
    Plus mystérieux mais intéressant, tu penses à quoi ?

    • Yanleroc Yanleroc 8 décembre 2017 22:23

      @pipiou, bah, Johnny c’ est Johnny, point !


      Sur le bizness, on verra comme le disait l’ homme aux mille facettes, si les fans se laissent prendre au piège mercantiliste ou pas..(je ne le sens pas..)

      C’ est la communion de ses fans et affiliés qui est bonne pour la Résonance de Schumann

  • Taverne Taverne 8 décembre 2017 23:55

    Puisque l’article nous convie à faire quelques petites blagues :

    - Vous savez pourquoi Johnny se fait inhumer et non incinérer ? Pour éviter qu’au moment décisif, les employés des services funéraires crient « allumez le feu ! »

    - Vous savez pourquoi il a prénommé son fils David ? Parce qu’il aime les motos Harley et parce que le prénom David sonne.


  • Christian Labrune Christian Labrune 9 décembre 2017 08:58

    @Homme libre,

    J’ai vu et entendu ces derniers jours Johnny Hallyday vivant en regardant au hasard des chaînes d’information. Il aura fallu qu’il meure, le pauvre, pour que je puisse me faire une petite idée de ce qui a dû forcément bouleverser les vieux de ma génération lorsqu’ils étaient jeunes.

    Je m’étais promis, et au moins une fois avant de mourir, d’écouter aussi la musique des Rolling stones dont je n’ai toujours pas la moindre idée. C’est un pan de la culture qui m’est aussi étranger que ce football dont on entend parler constamment et que j’ai encore le plus grand mal à distinguer du tennis. Je crois savoir qu’on y poursuit inlassablement un ballon ovale sur un terrain trop petit et absurdement limité, mais c’est à peu près tout. Je pense donc que je me dispenserai d’une nouvelle avancée, même fort modeste, dans le continent pour moi inexploré du rock’n roll.

    Ces derniers jours, j’écoutais surtout des cantates de Buxtehude, et son oeuvre pour l’orgue qui est considérable, quelquefois même plus intéressante pour moi que celle de Bach. Je trouve que c’est assez différent de l’art de Johnny Hallyday, si différent qu’il me serait même assez difficile d’entreprendre une comparaison. Trop de choses m’échappent encore dans les profondeurs spéculatives de l’art contemporain. J’espère qu’on ne m’en voudra pas si je dis que je préfère retourner, aujourd’hui encore, à mes musiquettes baroques.
     


    • Christian Labrune Christian Labrune 9 décembre 2017 12:16

      @Padehic
      Quand Boulez est mort, ça n’a pas affecté beaucoup de monde, et on n’a pas expliqué aux Français dans leur ensemble qu’ils venaient de perdre un héros national. Les media, ces derniers jours, auront fabriqué un phénomène d’identification assez préoccupant, et beaucoup de gens qui détestent la musique populaire font semblant désormais de s’y intéresser, par pur conformisme, comme ces intellectuels médiatisés soucieux de ménager leur popularité, qui prétendent s’intéresser au football parce qu’ils n’ont pas le courage de dire que ces activités d’abrutis les dégoûtent profondément.
      Je n’ai évidemmnent rien contre le pauvre homme qui vient de mourir, et assez douloureusement semble-t-il, mais je trouve grotesque qu’on fasse croire que les Français en seraient au même point que les Coréens après la mort de Kim Il-sung. Il ne méritait probablement ni cet excès d’honneur ni cette indignité.


  • philippe baron-abrioux 9 décembre 2017 09:46

    @l’auteur ,

     Bonjour ,

     il semble que l’ampleur de l’hommage rendu aujourd’hui à cet homme n’ait qu’un seul équivalent dans l’histoire de notre pays ; c’était l’hommage rendu par le peuple en 1885 à ......Victor Hugo .

     il y a là sans doute matière à réflexion .

     permettez moi de ne pas faire état de la mienne ici .

     bonne fin de journée à tous !

     P.B.A

     

     


    • mmbbb 9 décembre 2017 10:22

      @philippe baron-abrioux il y eut aussi PIAF Edith .


    • philippe baron-abrioux 9 décembre 2017 11:26

      @mmbbb

       Bonjour ,

       par « chance » , nous avons notre Jupiter qui saura sans doute nous délivrer une oraison funèbre à la hauteur d’un Bossuet du siècle .

       comparaison n’est (vraiment) pas raison mais il faut bien supporter ce qu’on ne peut empêcher , y compris ce qui relève et ressemble de plus en plus au narcissisme le plus total .

       «  les dieux sont tombés sur le tête » , et les dieux et les idoles foisonnent en ce moment, même dans une république qui se revendique, si souvent et si fort, Laïque .

       merci pour votre réponse et bonne fin de journée !

       P.B.A .

       


    • Christian Labrune Christian Labrune 9 décembre 2017 12:29

      @philippe baron-abrioux
      Pour une fois, je serai d’accord avec vous.
      J’ai souvent écrit sur ce site qu’avec Macron nous étions entrés dans une république d’opérette avec un président qui me rappelle tel chanteur assez ridicule, séducteur des rombières incultes, dont le nom que j’ai oublié apparaissait souvent sur les affiches du théâtre du Châtelet.

      Cela se confirme de plus en plus. Quand j’étais gamin, il était de bon ton de se moquer d’un autre du même tonneau dont j’ai retenu le nom : Tino Rossi. Eh bien, il est de retour, ce marchand de guimauve. La France décérébrée a bel et bien roulé dans le caniveau.


    • Enabomber Enabomber 9 décembre 2017 15:00

      @Christian Labrune
      Je préfère l’uniforme chatoyant à brandebourgs de la république bananière d’opérette, au costard devenu étendard du mérite, de la nôtre.


    • philippe baron-abrioux 9 décembre 2017 18:10

      @Padehic

      Bonjour ,

       pour répondre à votre question , à ma connaissance , il est hautement improbable qu"un mort puisse faire preuve de narcissisme .

       trouvé ?

       bonne fin de journée !

       P.B.A .


  • cevennevive cevennevive 9 décembre 2017 12:33

    Bonjour hommelibre,


    La plupart d’entre nous qualifient Johnny de « Roi du Rock ». Sans doute nous a-t-il donné une image du rockeur.

    Mais pour moi, il fut le précurseur de la country music. Beaucoup de ses chansons sont des versions françaises de la country. Et Johnny Cash, dont j’adore les chansons, a été souvent son modèle.

    Johnny Cash a eu, lui aussi, une vie « hors normes ».

    Et puis, cette mort de Johnny, provoquée par le cancer, m’a un peu déchiré le coeur. La mort de mon compagnon qui lui ressemblait un peu, du même cancer, la réminiscence de mon adolescence, où, pensionnaire dans un collège, nous écoutions du Johnny sur un vieux tourne disque, l’image d’une nouvelle liberté, d’une autre façon de vivre, etc... Tout cela m’a attristée.

    La vie nécessite la mort. Je vois que la plupart d’entre nous le comprennent aujourd’hui.

    Bien à vous.


  • Le Comtois 9 décembre 2017 16:48

    Rocker ou pas, peu de chanteur auront eu une carrière comme lui et un public aussi fidèle. Alors les pseudos intellos qui ne peuvent comprendre cela, ils n’ont pas les méninges si développées qu’ils le pensent.


    Moi je dis, chapeau Monsieur Johnny, votre dernière et triste prestation aura réuni en direct et sur les écrans des millions de personnes, ce qui reconnaissez le, n’est pas à la portée de tout le monde...

    • Fpc ! 9 décembre 2017 20:17

      Je vous rassure : 


      il paraît que la nature a horreur du vide
      ... et que cela marche aussi dans l’autre sens !

      On devrait donc vous le trouver rapidement, votre substitut d’opium populaire !

    • Le Comtois 9 décembre 2017 21:48

      @Fpc !

      j’étais loin d’être un fan, mais j’ai horreur des mauvaises langues et des pseudos intellectuels qui critiquent tout, d’ou ce message. Populaire ce n’est pas un gros mot non plus, même si dans la bouche de certain, peuple ressemble à du vomi...

    • cevennevive cevennevive 10 décembre 2017 09:17

      @Le Comtois, bonjour,


      Parfaitement en accord avec vous !

      De même les esprits chagrins (et même un peu abjects) qui trouvent anormal que Johnny soit inhumé ailleurs qu’en France !

      Mais ceci est une décision de la famille ! Cela ne regarde pas ce « peuple » dont vous parlez plus haut...

       

    • gaston gaston 10 décembre 2017 11:27

      @cevennevive Bonjour , en ce qui concerne son inhumation , je crois même que c’est SA décision !


  • gaston gaston 10 décembre 2017 11:30

    Je ne suis pas fan de Johnny ,mais je crois qu’on peu le respecter pour l’ensemble de sa carrière , quand à tout le tapage fait autour de sa disparition et qui concentre presque toutes les critiques , ce n’est surement pas lui qui a demandé tout ça !


  • Le421... Refuznik !! Le421 10 décembre 2017 16:10

    Question fondamentale et existentielle :
    Ça va durer encore longtemps ?
    Signé : Ceux à qui on ne donne pas le choix.


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