Justice pour tous les martyrs du Kosovo !
JUSTICE POUR TOUS LES MARTYRS DU KOSOVO !
20 ans ! Il aura donc fallu 20 ans, et même un peu plus, pour que le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) inculpe enfin l’actuel président du Kosovo, Hashem Thaci, de crimes de guerre lors du conflit – le dernier conflit armé du XXe siècle en Europe – qui ensanglanta, en 1999, ce même Kosovo, alors objet d’une effroyable guerre de territoire entre Serbes orthodoxes, qui le considèrent historiquement comme leur berceau identitaire et culturel, et Albanais musulmans, qui le peuplent aujourd’hui à une écrasante majorité (90 %).
UN ABJECT TRAFIC D’ORGANES HUMAINS
Certes le TPIY avait-il déjà fait une partie de son travail judiciaire en inculpant très tôt, pour les mêmes méfaits, les dirigeants serbes, dont Slobodan Milosevic, qui y mourut cependant en prison, en 2006, lors de son procès, avant même que le verdict final ne soit rendu. Restait donc, pour que Justice fût réellement accomplie, et qu’elle n’apparaisse pas comme un inéquitable tribunal politique, où seuls les Serbes auraient été systématiquement mis en cause, que les principaux responsables de la partie adverse, les Kosovars, soient désormais placés, eux aussi, sur le banc des accusés. C’est là ce qui vient d’être dûment fait précisément, ce 5 novembre 2020, en inculpant Hashem Thaci, qui était, lors de ce conflit épouvantable, l’impitoyable et cruel chef de la guérilla albanaise, dont le bras armé était la tristement célèbre faction mafieuse de l’UCK (l’Armée de Libération du Kosovo), coupable de centaines d’exactions, dont un abject trafic d’organes humains et une non moins ignoble traite de femmes vouées à la prostitution), à l’encontre de civils serbes, de roms et de tziganes.
Ces terribles crimes de guerre de part et d’autre, et dont je fus parfois moi-même le témoin aussi impuissant qu’horrifié (je crois même avoir été le seul intellectuel au monde à m’être alors rendu physiquement, pendant toute la durée des bombardements de l’OTAN à l’encontre de la Serbie et au péril de ma vie, sur place, de mars à juin 1999), je les ai très vite dénoncés, pour mieux les condamner en toute objectivité, neutralité et impartialité, dans un de mes propres livres sur cette épineuse question. Publié en France aux Editions du Rocher, il a pour titre « Le Testament du Kosovo » et se présente, preuves formelles et documents photographiques à l’appui, comme un véritable, méthodique et incontestable « journal de guerre », qui s’avère également une pièce à conviction pour ce même TPIY !
UN INDIGNE ET INEQUITABLE « DEUX POIDS, DEUX MESURES »
En cette très manichéenne époque de « deux poids, deux mesures » où, depuis la non moins terrifiante guerre de Bosnie (1991-1995), les Serbes étaient systématiquement « démonisés » et les Musulmans, bosniaques ou kosovars qu’ils fussent, unilatéralement « angélisés » au contraire, rares sont cependant ceux qui me crurent alors. Mais, comme le dit un jour, en un mot resté fameux, un certain Edgar Faure, qui fut plusieurs fois Ministre sous la IVe et Ve République française, compagnon de route du général De Gaulle et président de l’Institut International des Droits de l’Homme, « c’est parfois un grand tort d’avoir raison trop tôt » !
Mais, certes, n’est-ce pas le lieu ni le moment ici, en ces circonstances aussi graves et pénibles qu’une guerre où des milliers d’êtres humains trouvèrent une mort aussi atroce, de pavoiser ni de pérorer ou de triompher. Crier « victoire » s’y révélerait même aussi indigne qu’indécent ! Mais, enfin, reste à espérer que ce même Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie, où s’est par ailleurs d’ores et déjà rendu très courageusement, après avoir démissionné de sa présidence du Kosovo, ledit Hashem Thaci pour se défendre, saura aller jusqu’au bout lui aussi, en toute objectivité, impartialité et neutralité, de ce procès qui, à l’évidence, ne fait que commencer.
L’ESPOIR D’UNE JUSTICE CORRECTEMENT RENDUE, POUR UNE PAIX DURABLE
Oui : Justice, dans un souci d’équité universelle et au seul nom des droits de l’homme, pour tous les martyrs, indépendamment de leur nationalité, ethnie ou religion, du Kosovo ! Il en va aussi, en cette conflictuelle région du globe, de la paix : une paix juste et durable, comme le dit le jargon politico-diplomatique !
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
*Philosophe, auteur notamment de « Requiem pour l’Europe – Zagreb, Belgrade, Sarajevo » (Editions L’Âge d’Homme), « Les Ruines de l’intelligence – Les Intellectuels et la guerre en ex-Yougoslavie (Editions Wern, préface de Patrick Besson), « La Philosophie d’Emmanuel Levinas – Métaphysique, esthétique, éthique » (Presses Universitaires de France), « Oscar Wilde » et « Lord Byron » (publiés tous deux chez Gallimard – Folio Biographies), « Le Testament du Kosovo – Journal de guerre » (Editions du Rocher), « Divin Vinci – Léonard de Vinci, l’Ange incarné » et « Gratia Mundi – Raphaël, la Grâce de l’Art » (publiés tous deux aux Editions Erick Bonnier). A paraître : « L’Ivresse artiste – Double portrait : Baudelaire – Flaubert » (Editions Samsa).