lundi 22 novembre 2010 - par Gabale

Karachi et la raison d’Etat

L’affaire Karachi commence à alimenter les passions de toute part depuis notamment la déposition de Charles Millon, ancien ministre de la défense du gouvernement Juppé.

Je ne vais pas ici revenir sur les faits.

Je me contenterai de vous renvoyer à un bref résumé de cette ténébreuse affaire ou bien à l’article de Wikipédia beaucoup plus complet.

A ce jour, il existe de forts soupçons concernant le versement de rétrocommissions destinées au financement de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995.

Le nom de Nicolas Sarkozy, à l’époque ministre du budget, a été également cité au dossier.

Cependant, je me demande si on n’est pas en train de donner aux familles des victimes de faux espoirs sur la résolution de cette affaire.

Ce que je crains, c’est que le volet politique franco-français (à supposer qu’il ait une réelle consistance) ne finisse par réduire à néant toute investigation concernant les bénéficiaires des commissions (lesquels doivent savoir évidemment beaucoup de choses sur les destinataires des rétrocommissions) et les commanditaires de l’attentat.

Pour autant que je puisse en juger, j’ai malgré tout l’impression que l’on vit dans l’illusion d’un dénouement plus ou moins rapide de cette affaire qui a déjà buté sur la raison d’Etat.

Qu’est-ce que la raison d’Etat ?

C’est une notion qui désigne l’intérêt de tout Etat à s’affranchir de la morale et du droit, ou de tout autre impératif, lorsqu’il poursuit un objectif supérieur considéré comme essentiel pour sa continuité, sa stabilité, voire sa survie.

Elle est cette raison mystérieuse inventée par la politique pour autoriser ce qui se fait apparemment sans raison.

Dans cette stratosphère particulière, il n’y a donc guère de place pour les procédures, les principes démocratiques, l’éthique et le respect des libertés fondamentales.

La politique s’y exprime dans tout son cynisme et toute sa violence.

Parfois, la raison d’Etat est « localisée » dans certains documents classés « secret défense ».

Le plus souvent, elle plane au-dessus de tous. Chacun y pense sans toutefois la nommer.

Elle est même confortée par la Constitution qui confère une immunité pénale absolue au chef de l’Etat le temps de son mandat (sauf en cas de haute trahison). Ce qui à mon avis rend assez vaine l’audition de Nicolas Sarkozy réclamée par les familles des victimes de l’attentat de Karachi.

Alors certes le financement occulte présumé d’une campagne électorale ne relève pas a priori de la raison d’Etat.

En revanche, si ce financement occulte présumé est susceptible d’éclabousser directement le pouvoir exécutif en place, et plus particulièrement le président de la République en fonction, il y a dès lors matière pour que cette raison d’Etat fasse obstruction à l’enquête au nom de la stabilité et des intérêts du pays.

Surtout si ce financement a partie liée avec le domaine militaire et la vente d’armes à des pays étrangers.

Bien sûr, cela ne veut pas dire qu’on ne saura jamais la vérité un jour.

La vérité sera éventuellement connue, mais beaucoup plus tard lorsque tout danger pour l’Etat sera écarté.

(billet initialement publié sur Gabale.fr)



4 réactions


  • juluch 22 novembre 2010 11:38

    d’accord avec vous.


    Je pense que l’on saura la vérité que dans quelques années.....

    Mais, c’est certainement pas les gouvernants Français qui ont procédé à cet attentat !!
    C’est bien semble t’il, des Pakistanais.

    Même, si la corruption est vrai, la responsabilité du Pakistan est surement avérée aussi !

    • Shaytan666 Shaytan666 22 novembre 2010 18:15

      La vérité vous ne la saurez jamais, dans le cas contraire la France ne vendrait même plus un lance-pierre à l’étranger.


  • Airbus Airbus 23 novembre 2010 10:29

    Bonjour à tous, chers lecteurs

    de justice nous n’en n’avons plus dans ce pays, au dernier classement nous sommes derrière l’Azerbaidjan. Il faut comptez sur les autres pays pour nous sortir de ce qui est déjà le plus grand scandale d’état et peut-être bien toute l’histoire de france. Pays des libertés, aidez-nous.

    Ministre de l’intérieur : repris de justice
    Ministre de la défense : repris de justice
    Ministre de la culture : présumé pédophile
    Ministre de la justice : mise en cause par le pole financier de Lyon,

    la liste est sans fin.

    Quand au soit disant président qui accuse un journaliste d’être pedophile et qui résidive en disant ’ami pédophile à demain’, je ne comprends pas qu’il n’y est toujours pas de demande de destitution...N’est-ce pas le même qui accusait depuis NY DDV sur une intime conviction...

    Journaliste de tous pays, il faut aidé cette France...


  • alberto alberto 23 novembre 2010 12:58

    A l’auteur : oui, vous avez raison, les pères de la constitution de la Vème République ont oublié de prévoir une procédure « d’empêchement » telle qu’elle existe dans celle de États-Unis.

    Car quand un président couvre de tels manquements aux conflits d’intérêts aussi bien en ce qui le concerne lui personnellement, mais aussi ses ministres, et sa famille, et ses copains et ses lèche-culs c’est la voie ouverte vers une dictature, où là tout est évidement permis à ceux qui dirigent l’État.

    Cette absence de garde-fou constitutionnel est dramatique, car depuis De Gaulle, pour qui cette constitution avait été taillée sur mesure, nous avons pu assister peu à peu au relâchement des mœurs présidentielles avec une dérive de plus en plus rapide vers des pratiques quasi mafieuses...

    C’est mon opinion et je la partage !

    Bien à vous. 


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