dimanche 12 mai 2019 - par Marc Dugois

L’absurdité des raisonnements économiques

Les yeux bandés personne ne voit rien et personne ne s’en étonne. En économie personne ne comprend, y compris ceux qui l’enseignent ou qui l’apprennent et tout le monde feint de savoir ou de s’en étonner ou de jouer à la fausse humilité.

La raison en est pourtant très simple : on a changé le sens du PIB, le produit intérieur brut, en laissant croire que c’est encore un produit alors qu’au départ ce n’est qu’un échange dont un des termes est la monnaie. C’est un achat pour l’acheteur, une vente pour le vendeur. L’achat peut être désiré comme c’est habituellement le cas. Il peut aussi être imposé comme l’assurance de sa voiture ou les frais du compte bancaire obligatoire. Il peut enfin être subi comme les soins ou les réparations après un accident. Dans tous les cas il est comptabilisé dans le PIB que l’INSEE calcule de trois façons différentes : la somme de tout l’argent qui a été dépensé, la somme de tous les biens et services qui ont été vendus en les calculant au mieux, et la somme de toutes les transactions, les trois modes de calculs donnant évidemment la même chose si on ne s’est pas trompé.

Cela avait un sens tant que l’argent dépensé était le fruit d’un travail déjà effectué car si le PIB a toujours été la somme de toutes les dépenses publiques et privées, il était aussi au départ, lorsqu’il a été imaginé après la deuxième guerre mondiale, la somme de tout ce qu’un peuple était capable de produire d’intéressant. L’intérêt était prouvé par une dépense d’argent préalablement gagné.

Cela est resté vrai tant que les prêts étaient des prêts sur gage, réservés à ceux qui avaient obtenu préalablement le gage qu’ils apportaient en garantie.

Mais tout a explosé quand les banques se sont mises par la double écriture (créance à l’actif identique à la dette au passif) à prêter de l’argent qu’elles n’avaient pas. Ne leur coûtant rien, elles se sont mises à prêter non plus sur gage préexistant mais sur richesse future à créer. La fabrication de fausse monnaie légale était enclenchée et s’est emballée à partir du 15 août 1971, lorsque Nixon a déconnecté le dollar de l’or alors que les accords de Bretton Woods liaient toutes les monnaies au dollar.

On a continué à calculer le PIB de la même manière sans rien différencier et le PIB est bien évidemment resté la somme de toutes les dépenses publiques et privées. Mais il a cessé d’être la somme des productions utiles. Par le biais de l’argent emprunté on a additionné aux productions utiles, les production futures que l’on a toutes supposées utiles. On a additionné la réalité et l’imaginaire pour en faire une fausse réalité. Ce décrochage de la dépense et de la production utile n’a jamais été pris en compte par l’économie. Si la réalité et le calcul du PIB sont bien restés la somme de toutes les dépenses publiques et privées, financées de plus en plus majoritairement par l’emprunt, le discours économique, politique et médiatique a continué à considérer le PIB comme un produit et comme une création de richesse.

Le grand écart entre la réalité du PIB, somme de toutes les dépenses, et son interprétation par les économistes comme une création de richesse a sapé à la base l’Union européenne en 1992 avec le traité de Maastricht qui impose un déficit public inférieur à 3% du PIB et une dette publique inférieure à 60% du PIB. Cela avait un sens quand le PIB était une création annuelle de richesse reconnue. Cela n’en a plus aucun depuis que le PIB n’est plus que la somme de toutes nos dépenses. Il suffit de dépenser plus en empruntant pour avoir le droit de dépenser encore plus et d’emprunter encore davantage. Qui osera éclater de rire d’abord et se scandaliser ensuite ?

On a atteint des sommets en appelant croissance économique et carrément croissance tout court, l’augmentation du PIB, c’est à dire l’augmentation des dépenses. Pas un politique nous épargne le rabâchage que seule la croissance nous fera sortir du tunnel. Faut-il être énarque pour comprendre que si l’on règle apparemment en effet beaucoup de problèmes en dépensant de l’argent que l’on n’a pas, cela ne fait que reporter les problèmes en les aggravant. Mais si l’on dit que la dépense est création de richesse, tout devient possible, il n’y a qu’à emprunter. C’est ce que nous faisons sur toute la Terre. Les gouvernements par prudence augmentent tout de même tous (sauf le nôtre) leur budget militaire car l’issue est connue de tous même s’il faut endormir les peuples.

A titre d’exemple intéressons-nous à Jean-Claude Trichet pour ne pas avoir à ressusciter ce pauvre Michel Camdessus.

Jean-Claude Trichet est sans doute actuellement l’expert des experts. Énarque bien sûr, socialiste à 20 ans comme eux tous, conseiller de Giscard à l’Elysée, directeur de cabinet de Balladur au ministère des Finances, directeur du Trésor, gouverneur de la Banque de France, président de la Banque centrale européenne, il a écrit fin 2018 un article étonnant : Un succès historique : l’euro dans lequel il affirme entre autres « La zone euro est un succès en termes de croissance d’ensemble de l’économie réelle, mesurée depuis sa création jusqu’à aujourd’hui ». Il y expose son raisonnement :

Pour que la comparaison entre les États-Unis et la zone euro soit aussi sûre que possible, je m’en tiendrai aux chiffres du Fonds monétaire international. Selon le FMI, le produit intérieur brut par tête de la zone euro était, en 1999, de 22 310 dollars comparé à 34 600 dollars aux États-Unis. Selon les prévisions actuelles, les produits intérieurs bruts par tête en 2018 devraient être respectivement de 42 070 dollars et 62 150 dollars. Les dollars sont les dollars courants sur la période. Ces calculs du FMI suggèrent une multiplication du PIB par tête en dollars courants de 1,89 dans la zone euro et de 1,80 aux États-Unis. La différence, à l’avantage de la zone euro, est modeste et ne suggère pas un avantage significatif, mais cette différence ne confirme évidemment pas l’échec économique souvent mis en avant.

Comme tous les partisans de l’euro, il parle en dollars mais que quelqu’un de réputé intelligent se réjouisse qu’un Européen augmente plus rapidement ses dépenses qu’un Américain laisse pantois et ne s’explique que par la religion imbécile du PIB qui serait encore création de richesses alors qu’il n’est fabriqué que par la montées des emprunts tant publics que privés. Et en effet les Européens tirent encore plus sur la corde que les Américains. J.C. Trichet a-t-il raison de s’en réjouir ?

Il est aussi cocasse d’entendre les économistes libéraux s’offusquer de voir l’État dépenser 47 % de la richesse produite alors qu’il ne fait que dépenser 47% de la dépense globale, les autres 53% étant dépensé par le privé, toutes les dépenses étant de plus en plus financées par l’emprunt qui monte, qui monte, qui monte…

Comprendre que le PIB n’est plus un produit en dépit de son nom et que la croissance n’est que l’augmentation des dépenses financée par la dette, devient le premier devoir de ceux qui s’intéressent au sauvetage de notre civilisation car tout le reste en découle.



103 réactions


  • Vivre est un village Vivre est un village 7 mars 2020 13:35
    Le théorème du lampadaire

    « Le Théorème du lampadaire », de Jean-Paul Fitoussi. Les Liens qui Libèrent, 280 pages, 20 euros. | DR

    Comme aurait dit Coluche, c’est l’histoire d’un mec qui cherche ses clés sous un lampadaire. Question : pourquoi sous un lampadaire ? Réponse : pas parce qu’il les a perdues là, mais parce que c’est le seul endroit éclairé de la rue.

    De cette situation comico-absurde, Jean-Paul Fitoussi a tiré un théorème, qu’il formule ainsi : « Si les objectifs que la politiqueéconomique met en pleine lumière ne sont pas ceux qui importent vraiment pour les sociétés, nous n’aurons aucune chance decomprendre pourquoi le fait de les avoir atteints ne résout nullement le problème initial. »

    La science économique, explique M. Fitoussi, se réduit à ce qu’elle est capable de rationaliser, ou d’éclairer. Le problème est qu’elle se révèle de moins en moins apte à résoudre les problèmes majeurs de notre temps, notamment celui du chômage, et celui de l’environnement.

    "Nous continuons pourtant d’agir, à quelques exceptions près, comme si nous nous trouvions dans le monde d’avant, comme si les crises successives que nous venons de traverser n’étaient que des parenthèses appelées à se refermer au plus vite« , affirme le professeur à l’IEP de Paris, qui trouve désespérant de mettre en parallèle les préconisations de politique économique des années 1980 et 1990, et d’aujourd’hui.  »Ce sont les mêmes", écrit-il.

    IMPASSE

    Pour celui qui est aussi membre du Conseil d’analyse économique auprès du premier ministre, nous sommes dans une impasse. La faute en revient à l’économie dominante, qu’il qualifie de « conte pour enfants ». Elle en revient, aussi, à ceux qui nous gouvernent, qui n’ont pas vu le ver qui était dans la pomme néoclassique.

    Avec la théorie des anticipations rationnelles (qui considère l’inflation comme un leurre), ils ont avalé le poison libéral sans sourciller. Conséquences : les marchés financiers se sont détournés de leur fonction première, le financement de l’économie. Des politiques d’austérité ont été décidées, qui, estime-t-il, n’ont aucune chance d’améliorer les conditions de vie des Européens. La démocratie a régressé.

    Jean-Paul Fitoussi pourfend avec sa verve habituelle et « classiquement » les dogmes de la rationalité des agents, de l’efficience des marchés, et de la neutralité de la politique monétaire. Malgré tout, une inflexion semble s’opérer, par rapport à ses précédents livres.

    Si la théorie néoclassique est désormais une « étoile morte », selon son expression, qui ne permet pas de penser la soutenabilité du développement économique et social, et si le keynésianisme classique a du plomb dans l’aile, nous avançons désormais à tâtons, reconnaît-il mezza voce.

    Le Théorème du lampadaire, de Jean-Paul Fitoussi. Les liens qui Libèrent, 280 pages, 20 euros.

    Philippe Arnaud

    Source : http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/03/25/le-theoreme-du-lampadaire-de-jean-paul-fitoussi-les-liens-qui-liberent_1853662_3234.html#xtor=AL-32280515


  • Vivre est un village Vivre est un village 7 mars 2020 13:38
    Union Européenne : Coup d’état ou entourloupe ?

    TEXTE RÉDIGÉ PAR MARIE-CAROLINE PORTEU

    On peut parler d’entourloupe ou de manipulation , et de déni de démocratie car la Commission Européenne n’a pas à décider pour les peuples .
    On pourra désormais en tout cas parler d’Europe Bananière .. La commission Européenne s’arroge le droit de légiférer dans le fonctionnement du domaine judiciaire, ce qui est totalement en dehors des attributions qui lui sont concédées par les Traités Européens et qui relève totalement de la souveraineté des États Européens . Et de plus , pour être sûre que personne ne soit en mesure de s’y opposer , elle fait en sorte que cette consultation ne soit pas faite dans les langues nationales , en violation totale de toutes les règles de fonctionnement des traités Européens .
     
    On peut dans ce contexte parler de tentative de Coup d’État par des Non élus que sont les technocrates de Bruxelles .
     
     
    la Commission européenne lance aujourd’hui une consultation publique sur la protection des investisseurs et le règlement des différents entre investisseurs et États (RDIE) dans le cadre du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement(TTIP).
     
    Je vous fais grâce du texte totalement abscons qui décrit les modalités de cette consultation .. pour vous en faire une synthèse qui peut se résumer en trois lignes :
    Il s’agit de donner le droit aux sociétés multinationales (dénommées investisseurs) d’attaquer les Etats si elles estiment que les législations nationales vont à l’encontre de leurs intérêts . Les sociétés s’exonèrent ainsi du respect des lois votées démocratiquement par des Parlements élus .. et deviennent par là même supérieures aux ETATS de DROIT ..
     
    Les soi-disant tribunaux et la justice arbitrale qui pourra trancher in fine sur ces litiges seront tout sauf indépendants par définition , et totalement soumis aux lobbys . 
     
    Il s’agit donc de faire de l’Europe une République bananière ou l’intérêt des puissants aura force de LOI quelque soient les législations nationales ..Il est bien évident que cela concernera avant tout des domaines comme l’environnement , les OGM , les modes d’exploitation énergétiques , la santé, l’agriculture , le clonage  .. 
     
     
    En dehors de l’invraisemblable reniement démocratique de ce projet , les modalités de la soi-disant consultation de la société civile sont dignes D’UBU Roi :
     
    Une consultation "en ligne" qui exclut par définition tous ceux qui ne sont pas des fanatiques d’internet .. et qui pourraient préfèrer se faire un jugement sur des données écrites et accessibles à tous , permettant l’ouverture de débats et de questions ..
     
    Cette consultation sera assortie de contraintes démentes du style : vous avez 90 Minutes pour prendre connaissance du questionnaire et y répondre , les réponses et les questions ne pouvant être sauvegardées !!!
     
    Tips for completing the questionnaire :
    The questionnaire is quite long and detailed. Before activating the link to complete the questionnaire, we strongly recommend that you first print out the notice and the consultation document.
    We recommend that after reading the notice and the consultation document you draft your replies separately off-line and then copy/paste them or/and upload them into the respective fields in the questionnaire. Each field has a maximum capacity of 4000 characters – equivalent to about one and a half pages of text.
    Important : For technical reasons the questionnaire must be completed and submitted within 90 minutes. You cannot save your answers in the questionnaire and come back to them later. If the questionnaire is closed without being submitted, all data will be lost.
     
    http://trade.ec.europa.eu/consultations/index.cfm?consul_id=179
     
    La forme de cette consultation est déjà en soi proprement hallucinante dans un mode de fonctionnement démocratique , mais il y a pire .
    Les textes actuels sont tous en Anglais . 
    Et si un petit paragraphe explique que les pays doivent traduire ces textes dans leurs langues nationales et qu’un délai de 90 jours sera appliqué à partir de la traduction , le paragraphe suivant contredit totalement cette affirmation puisqu’il est écrit que la Dead Line  d’utilisation de cette consultation sera le 21/06/2014
     
    The deadline for submitting input and comments using the questionnaire is 21/06/2014. For additional questions please contact :
    [email protected]
     
    Cette phrase à elle seule dément tout nouveau délai . Car si vraiment ,  cette consultation devait être traduite dans les langues nationales , conformément aux traités Européens , le document de synthèse stipulerait que la date du 21/06/2014 s’applique par voie de conséquence à la Grande Bretagne et à l’Irlande et à nul autre pays , puisque ce document est rédigé en Anglais et en Anglais seulement .
     
     
    Les technocrates de Bruxelles et ceux qui leur dictent leurs manipulations éhontées piétinent tous les jours nos lois , nos fondements démocratiques, la séparation des pouvoirs et sont en train de transformer cette Europe démente en République bananière soumise aux seuls intérêts d’une toute petite caste de vampires dénommés « investisseurs » .
     
    Nous devons bloquer cette nouvelle escroquerie des peuples Européens par tous les moyens ..
     
     
    http://europa.eu/rapid/press-release_IP-14-292_fr.htm
    http://trade.ec.europa.eu/consultations/index.cfm?consul_id=179
    http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2014/march/tradoc_152280.pdf#Question…


  • Vivre est un village Vivre est un village 7 mars 2020 13:39
    André Orléan à Jean Tirole : « Avoir le Nobel, ce n’est pas disposer de la vérité »
    15 mai 2015 Par Hubert Huertas et Laurent Mauduit

    « À quoi servent les économistes s’ils disent tous la même chose » ? C’est la question posée par le Manifeste pour une économie pluraliste publié cette semaine. André Orléan, directeur de recherche au CNRS, qui a dirigé l’ouvrage, est l’invité d’Objections.

    https://www.mediapart.fr/journal/economie/150515/andre-orlean-jean-tirole-avoir-le-nobel-ce-nest-pas-disposer-de-la-verite?onglet=full


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