mardi 27 mars 2007 - par Albert Ricchi

L’échelle mobile des salaires : une revendication oubliée

Si ne pas être au chômage constitue une chance pour beaucoup, travailler donne de moins en moins la possibilité de vivre décemment, en particulier pour les salariés les moins qualifiés, en CDD, contrats d’intérim, CNE, travail à temps partiel subi, etc.

Aujourd’hui, la France compte plus de 7 millions de pauvres, au sens des critères retenus par l’union européenne - 60% du revenu médian, soit environ 780 € par mois - et 2 540 000 personnes sont payées au SMIC.

30 % des salariés à temps plein (hors intérim) touchent un salaire inférieur à 1,3 SMIC (moins de 1 630 € bruts par mois). Moins mal lotis, mais loin d’être aisés, près de la moitié de l’ensemble des salariés, soit 8,5 millions de personnes, touchent entre 1,3 et 2 fois le SMIC (soit entre 1 630 € et 2 500 € bruts par mois).

Depuis la suppression de l’échelle mobile des salaires au début des années 80, le niveau réel des salaires baisse régulièrement. Un tel dispositif indexant les salaires sur l’indice des prix et visant à maintenir le pouvoir d’achat des salariés était une vieille revendication du mouvement syndical mais elle ne semble plus aujourd’hui d’actualité, ni pour les organisations syndicales, ni pour les partis politiques...

Chaque année, c’est à peu près le même scénario qui se produit : les pouvoirs publics et le patronat proposent, dans les secteurs public et privé, un pourcentage d’augmentation des salaires inférieur à l’indice des prix, les organisations syndicales soumettant, quant à elles, un pourcentage supérieur.

Puis, dans un second temps, souvent après quelques manifestations ou grèves, les pouvoirs publics et le patronat, faisant mine de reculer, proposent un pourcentage d’augmentation supérieur à celui proposé initialement mais cependant toujours inférieur à l’inflation !

Ce scénario se reproduit ainsi, cahin-caha, depuis le début des années 80, alors que la protection du pouvoir d’achat des salariés devrait dépendre d’un mécanisme précis, s’appliquant de façon automatique chaque année, au même titre que l’indexation de certains avantages sociaux ou prestations familiales.

C’est en 1982, sous la présidence de François Mitterrand, que la gauche a opéré un tournant historique. Voulant lutter contre l’inflation, le blocage des salaires et des prix fut imposé de juin à novembre.

Dans la fonction publique, l’Etat bloqua les salaires qui avaient suivi l’évolution des prix les années précédentes. Il incita ensuite les employeurs du secteur privé à faire de même, en les invitant à faire évoluer les salaires en fonction non de la hausse réelle des prix, mais du taux d’inflation "prévu" par le gouvernement.

Les clauses d’indexation des salaires sur les prix furent une à une retirées des conventions collectives dans les années qui suivirent. Elles étaient de fait considérées comme illégales depuis une ordonnance d’Antoine Pinay en 1959, mais après mai 1968, elles réapparaissaient dans certaines conventions.

Puis les lois Auroux ont réaffirmé leur interdiction dans le Code du travail, article L.141-9 : "Sont interdites, dans les conventions ou accords collectifs de travail, les clauses comportant des indexations sur le salaire minimum de croissance ou des références à ce dernier en vue de la fixation et de la révision des salaires prévus par ces conventions ou accords."

En 1983, Jacques Delors, ministre de l’Economie et des Finances, décida de deux plans d’austérité et le pouvoir d’achat des salariés commença à diminuer régulièrement, l’échelle mobile des salaires ayant été supprimée sans pour autant que le chômage diminue.

Aujourd’hui, outre la revalorisation annuelle du SMIC (3,05% d’augmentation au 01/07/06 donnant 1254 € bruts pour 35 heures hebdomadaires), les salaires évoluent en pratique :

- soit à l’occasion d’une négociation individuelle entre l’employeur et le salarié ;

- soit au cours de négociations conclues entre les partenaires sociaux.

Lorsqu’un accord est conclu, un avenant s’ajoute à la convention collective et s’applique à tous les employeurs concernés, après parution d’un arrêté ministériel. Des accords peuvent également être prévus dans le cadre de l’entreprise. Ils se superposent alors aux conventions collectives, ce qui signifie qu’ils ne peuvent en aucun cas prévoir des salaires inférieurs à ceux déjà fixés par la convention collective.

Si les salaires les plus bas sont automatiquement réévalués en fonction du SMIC, ces augmentations n’entraînent pas, par contre, la réévaluation des salaires supérieurs à cette rémunération minimale. En effet, la loi interdit la réévaluation automatique des salaires en fonction du SMIC ou de tout autre indice. Cette pratique, renouvelée chaque année, tasse de plus en plus les grilles hiérarchiques vers le bas...

Mais la situation des salariés est aussi aggravée par un indice officiel des prix à la consommation qui ne reflète pas la réalité.

Aujourd’hui, en vue des négociations salariales 2007, les directions d’entreprise s’appuient sur le chiffre officiel de l’inflation, environ 1,5%, pour négocier comme d’habitude a minima. En réalité, la hausse des loyers autorisée par le tout nouvel indice de référence des loyers (IRL) est de 3,19% et l’augmentation des prix des produits alimentaires se situe entre 1,7% et plus de 3,6% !

En fait, même si les prix des produits manufacturés restent maîtrisés (diminution de 0,10%), la mesure de l’inflation ne concerne que les prix à la consommation. Cet indice ne dit donc rien, par exemple, de la fiscalité, et gageons qu’entre impôts directs et indirects, la fiscalité augmentera de plus de 1,5% !

Enfin, même pour la consommation, quand un nouveau produit est mis en vente, l’augmentation de prix par rapport au produit ancien n’est pas intégré dans l’indice.

L’indice des prix calculé par l’INSEE est d’autant plus fantaisiste qu’il n’a jamais intégré l’augmentation des prix camouflée par les « arrondis » opérés nettement à la hausse après le passage à l’euro et par un blocage ou une diminution de salaires liés au passage aux 35 heures dans la plupart des entreprises.

Afin d’enrayer l’érosion continue du pouvoir d’achat des salariés, il est donc urgent de réintroduire un système d’indexation des salaires à l’indice des prix, car l’inflation, même si elle est plus faible aujourd’hui que dans les années 80, touche en priorité les salariés et les couches sociales les plus fragiles.

En ayant négligé le problème de la défense du pouvoir d’achat, tous les gouvernements successifs, depuis 1983, ont une lourde part de responsabilité dans les difficultés que rencontrent aujourd’hui des millions de personnes.

Mais ceci n’a pas l’air de sauter aux yeux de nos femmes et hommes politiques...



24 réactions


  • tvargentine.com lerma 27 mars 2007 10:29

    Vous avez oublié les lois 35h version Aubry qui ont vérouillé toute augmentation de salaire avec l’annualisation du temps de travail

    Plus aucunes augmentations de salaire

    Cette lois à véritablement appauvri les salariés !

    Etrange oubli de votre part ?


  • (---.---.62.23) 27 mars 2007 10:39

    Il n’y a AUCUNE raison que les salaires augmentent, d’autant plus qu’il faut rembourser la dette.


  • nessoux (---.---.25.117) 27 mars 2007 10:42

    Depuis la loi sur les 35h les salaires n’augmentent plus. Le salarié est coincé par cette loi et ne peut plus rien négocier.

    Il en résulte un appauvrissement généralisé et de plus en plus de gens qui se retrouvent au SMIC. S’il passe a 1500 euros net, 50% de la population sera au smic. Mauvais pour le moral surtout quand on a fait pas mal d’études supérieures pour en arriver là...


    • (---.---.62.23) 27 mars 2007 10:45

      Enfin ! Ca fait 30 ans qu’on prend des mesures pour réduire les inégalités salariales, et vous vous étonnez que tout le monde termine SMICard ? Mais qu’est-ce que vous croyez ?!?!?!?!?


    • (---.---.12.18) 27 mars 2007 10:56

      Le salarié est coincé par cette loi et ne peut plus rien négocier. C’est n’importe quoi !!!

      Dans notre PME à PARIS intra muros, la direction propose des augmentations de salaire aux employés (hors AM et cadre) sous cette forme. Elle demande de faire 39 H/hebdo sans RTT bien entendu payer un peu plus cher (c’est un peu de l’arnaque au prix de l’heure c’est peu environ 7 euros nets !!!). Le tour est joué. Certains acceptent l’avenant au contrat d’autres non.


  • LE CHAT LE CHAT 27 mars 2007 11:38

    s’il n’ y avait que les 35h pour appauvrir les salariés ! la valeur des allocations familiales en francs constant a diminué d’au moins 25% depuis les années mitterand . tu parles des faibles salaires , mais pour les familles nombreuses , c’est également l’appauvrissement , car 2 smics divisés par 6 , 7 ou 8 , ça fait plus grand chose par personne à charge .Cela s’additionne avec la flambée des loyers et du fuel domestique .Je ne sais pas comment les gens font dans le reste du pays , mais ici dans les BDR,les gens renoncent à se servir du chauffage centrale et se chauffent brièvement avec les petits rechauds à pétrole . On le voit à la multitudes de bidons vides dans les bennes à ordures ... On parle de 30% de ventes de fioul domestique en moins , l’hiver clément n’est pas la seule raison ! les français sont de plus en plus fauchés ! smiley


    • Fred (---.---.155.75) 27 mars 2007 11:43

      Enfin quelque part il faut etre un peu inconscient pour avoir 4-6 enfants avec 2 SMICs.


    • Nathanael (---.---.252.222) 27 mars 2007 11:49

      Tout à fait d’accord... se plaindre que les allocs ont baissé.... certaines familles voient dans les enfants une possibilité de faire rentrer de l’argent dans le foyer... Mais après on voit le résultat

      Mais ce qui nous appauvrit le plus, c’est surtout l’augmentation faramineuse des charges qu’on peut dire fixe (loyer, életricité, gaz, eau) et ça ne cesse d’augmenter...


    • (---.---.12.18) 27 mars 2007 11:54

      investissez dans les tentes DECATHLON il y a du fric à faire !!! Je rigole bien sûr


    • Briseur d’idoles (---.---.168.138) 27 mars 2007 11:54

      Ah bon, les « aides sociales » (aumônes !) versées aux plus démunis, te spolient aussi ? smiley


    • LE CHAT LE CHAT 28 mars 2007 09:31

      @fred

      François Bayrou , ayant débuté comme jeune prof agrégé et ayant eu 6 enfants serait donc un inconscient pour toi ? en as tu ,toi des enfants ?


  • alberto alberto 27 mars 2007 11:49

    Oui, bien vu Albert l’historique de cette affaire !

    Si je peux me permettre d’en remettre une petite couche : je me souviens que jusqu’en 1980, une des revendications des syndicats, mais acceptée en général favorablement par l’opinion pubique, était :« la réduction de l’échelle des salaires ».

    1981, la gauche arrive au pouvoir, il se passe ce que vous décrivez dans votre article et la réduction de l’échelle des salaires passe à la trappe dans la pseudo indifférence des syndicats, qui bizarrement n’ont jamais repris cette revendication depuis !

    Et il est arrivé ce que l’on sait, en fait de réduction on a eu droit à une explosion de l’échelle des salaires, les dirigeants des nouvelles entreprises nationalisées ne se privant pas d’y contribuer, avant d’en remettre une couche avec l’attribution des stocks-options pour les plus méritants, c’est à dire eux-mêmes...

    Depuis, les salaires du plus grand nombre ont été d’un côté tirés vers les bas suivant le processus que vous décrivez, les autres, ceux des les élites auto-proclamées, tirés vers le haut suivant le processus que je décris, les classes moyennes écartelées au passage, et, mondialisation aidant, aujourd’hui nous en sommes là où vous le décrivez dans votre article.

    A suivre...


    • LE CHAT LE CHAT 27 mars 2007 15:50

      @ALBERTO

      Je n’ai pas la chance de pouvoir m’augmenter de 70% en une fois !je n’aurai pas de stock options ni de golden parachute ! BEN CHAT ALORS ! smiley


    • alberto alberto 27 mars 2007 16:40

      Le Chat : tu ne serais donc qu’un pauvre chat...pelé ? Bon, mais c’est quand même mieux que d’être un chat...viré !

      Bien à toi : alberto.


    • LE CHAT LE CHAT 27 mars 2007 17:24

      @alberto

      les chats sont condamnés à être des vagabonds , les riches sont eux des pas chats smiley


    • Ayest 13 décembre 2012 11:25

      La CGT revendique toujours la réduction de l’échelle des salaires, de 1 à 5 pour être précis.

      Quant à l’échelle mobile des salaires, jetez un oeil à ça : 
      Comme quoi, il y a beaucoup d’idées reçues quand on parle « des syndicats ».

  • FYI (---.---.195.55) 27 mars 2007 16:33

    Et le PS s’étonne que plus personne ne les supporte désormais smiley

    Si le PS ne passait pas le 2nd trours, se serait un juste retours des choses smiley


  • (---.---.42.13) 27 mars 2007 18:02

    Dans les aides qui diminues, vous oubliez les bources pour les édudiants qui augmentent trés lentement, plus lentement que le ticket de restaurant universitaire... donc ils faut de plus en plus fournir de sa poche pour étudier, et tous n’on pas le temps de travailler (certain on 8 heures de cours par semaines durant 9mois, d’autre 45 durant 10mois (suivit de 2 mois de stage non rémunéré...), et les « aides » sont identiques. Mais ceci est un autre débats.

    Toujours est d’il que moi je rentre juste dans le marcher du travail en temps d’ingénieurs. et j’ai droit a 1700€ brut, dans 5 ans je suis au SMIC... YOUPIIII smiley


    • cdg (---.---.228.110) 27 mars 2007 20:27

      1700 brut ? t es paye sur 15 mois ou tu t es fait arnaquer ?

      un conseil cherche ailleurs ! Si tu parle allemand je te conseille de chercher ici, c est nettement mieux paye et tu n est pas traite comme de la merde comme en france


  • Milla 27 mars 2007 18:41

    @ l’auteur

    L’augmentation des salaires est un faux problèmes qui d’ailleurs nous entrainent dans la boucle inflationniste, c’est le niveau de vie qu’il faut diminuer...les économies d’échelles le permettent mais les prix continuent d’augmenter, voilà le problème.

    Milla

     smiley


    • LE CHAT LE CHAT 28 mars 2007 09:34

      @MILLA

      là je suis entièrement d’accord avec toi , c’est aussi le consumérisme excessif qui crée de nouveaux besoins inutiles et donc contribue à l’endettement des ménages


  • Rocla (---.---.196.63) 27 mars 2007 18:47

    C’ est décidé , pour faire des économies d’ échelles je vais prendre l’ ascenceur .

    Rocla


  • patdu49 patdu49 8 avril 2007 13:00

    prennons un revenu NET de 1300€ NET (35% au dessus du smic)

    un logement decent : 400€

    taxes habitation (et fonciere si accession propriété) + redevance télé : 35€

    impot sur le revenu : 75€

    assurance habitation : 6€

    assurance maladie complementaire : 20€

    edf gdf et autres energies (bois, fuel, gaz citerne, bouteilles de gaz) : 60€

    eau : 10€

    budget voiture, 50 bornes/jours env en bossant à 25 bornes + trajets extra professionels (amortissement + entretien + carte grise + controle technique + carburant) code barem urssaf voiture moyen de game 0,30€ du kilomètre. soit par an disons : 18250 bornes soit 456€ par mois

    communication (tel fixe et/ou portable et/ou internet) : 45€ (sans portable)

    Alimentation (+ restauration sur place si emploi ne laisse pas le choix) : sandwich midi boulot + boisson 45 semaines à 5 jours par an à 5€ = 1125 : 12 = 93€ + courses bouffe, lessive, apéro, PQ, etc maison : 200€

    allez on fait déjà un sous total voir on on en est :

    oups 1400€ déjà ...

    zut alors manque déjà 100€ et pourtant j’ai pas compté :

    vetements, chaussures, linge de maison (couette, draps housse etc), achats entretien renouvellement electromenagers et divers (lave linge, cafetiere, vaisselle, téléviseur, refrigérateur, four etc tondeuse à gazon, taille haie ...), coiffeur, carte bleu, achat et renouvellement mobilier (matelas, sommier, table, chaises, meubles de rangement), gros entretiens (chauffes eau, chaudieres, revetements sol et mur etc, toitures, portes, fenetres etc ), frais medicaux non remboursés (dentaires et lunettes etc , petite pharmacie sans ordonnance etc), Equipements loisirs (ordinateur, hi fi, appareils photo, magnetoscope, lecteur dvd etc) , tabac, journaux, revues, livres, cd, dvd , pratique de sports (licences, equipements..) , apporter un bouquet de fleur à un proche hospitalisé, offrir un petit cadeau à ceux qu’on aime, fêtes, anniversaires, noel ou simplement juste pour le plaisir d’offrir , se faire un cinoche ou un restau de temps en temps, imprévus, perte ou vol de papiers, pv etc, prendre une semaine ou 2 de vacances dans l’année pour vraiment changer d’air ...


  • GenerationMarine 4 avril 2011 17:00

    Marine Le Pen propose, elle, de revenir à cette échelle mobile des salaires ! Tous l’ont peut être oublié, mais pas elle visiblement !


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