mardi 12 novembre 2019 - par Bruno Hubacher

L’émergence de la démocratie

C’est ainsi que le quotidien américain « Wall Street Journal » titre son éditorial du 11 novembre dernier au sujet des événements récents en Bolivie.

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« Les véritables héros de la rébellion populaire contre l’ex président bolivien Evo Morales s’appellent Luis Fernando Camacho de Santa Cruz et Marco Antonio Pumari de Potosi, deux protagonistes qui devraient absolument faire partie du prochain scrutin présidentiel. »

A l’instar du président américain, qui déclara, lors d’un bref instant de lucidité, au sujet du pétrole en Syrie, en citant Jules César, « To the victors go the spoils », le « Wall Street Journal » a le mérite de ne plus faire l’effort de cacher son jeu.

Les « butins » césariens, dans le cas de la Bolivie, sont précisément, d’un côté, la province de Santa Cruz, riche en gisements de gaz, proie à des velléités sécessionistes en 2008, menant à l’expulsion de l’ambassadeur américain Phlip Goldberg pour son rôle dans l’instigation des émeutes, et Potosi, gardienne d’un autre trésor, éminemment plus stratégique, le lithium, une composante essentielle, utilisée dans la fabrication d’ordinateurs, de téléphones portables et de batteries pour voitures électriques, dont la Bolivie partage avec le Chili et l’Argentine 70% des réserves mondiales. 

Le 4 novembre dernier, juste avant le putsch militaire, le gouverneur de la province de Potosi, Juan Carlos Cejas, annonce, avec regret, l’annulation du décret 3738 du 7 décembre 2018, émis par le cabinet ministériel du gouvernement Morales, décret instaurant une « joint-venture » entre « Yacimientos de Litio Bolivianos (YLB) », une entreprise publique, majoritaire à 51%, et la société allemande « ACI Systems », choisie en tant que partenaire stratégique dans l’exploitation et l’industrialisation du gisement de lithium du lac superficiel de sel d’Uyuni, estimé à 10 millions de tonnes. La société allemande projetait un investissement, à terme, de 1,3 milliard USD.

 Le gouvernement bolivien cède ainsi aux pressions du mouvement des droits civiques « Comité civico de Potosi », sous la présidence de l’activiste Marco Antonio Pumari, qui demandait, à part la démission immédiate du président pour fraude électorale présumée, pour l’exploitation du lithium, une augmentation, des 3% de royalties prévus à 11% en faveur du trésor public de la province. Le gouverneur commente la décision gouvernementale de façon sibyllin : « Un jour nous saurons peut-être qui a agi pour le bien de la province. »

Quoi qu’il en soit, l’annulation abrupte du projet n’a pas dû réjouir Peter Altmaier, ministre allemand de l’économie et de l’énergie, qui avait des ambitions pour l’industrie automobile allemande : « L’Allemagne pourrait devenir un important centre de production de batteries pour voitures électriques », un marché actuellement dominé par la Chine avec 50% de part de marché.

Seulement l’ex président bolivien ne l’entendait pas de cette oreille, car celui-ci visait plutôt une production indigène de composantes électroniques contenant l’élixir vénéré. Son gouvernement avait déjà libéré 800 millions USD pour la création d’une future industrie bolivienne du lithium, « capable de fabriquer une Toyota bolivienne propulsée par du lithium. »

Surement aurait-il dû faire, dans un premier temps, quelques concessions au partenaire allemand, car la mise en place d’une logistique importante, inexistante actuellement, compatible avec des considérations écologiques, aurait demandé des investissements colossaux. En effet, dans un premier temps, 80% du lithium extrait était destiné à l’export, vers les usines de Wolfsburg et Munich selon le PDG du partenaire allemand « ACI Group ».

L’émergence de la démocratie veillera sans doute à ce que le partenaire allemand sera remplacé au plus vite.



5 réactions


  • Rantanplan Andy Capp 12 novembre 2019 17:45

    « Autrement dit, on a compris en Irak que les États-Unis veulent la démocratie s’ils peuvent la contrôler. Et c’est bien ça. La démocratie, c’est un système où vous êtes libre de faire tout ce que vous voulez tant que vous faites ce que nous vous disons. »

    La Doctrine des bonnes intentions (2005) - Noam Chomsky


  • Samson Samson 13 novembre 2019 00:37

    « Le 4 novembre dernier, juste avant le putsch militaire, le gouverneur de la province de Potosi, Juan Carlos Cejas, annonce, ... l’annulation du décret 3738 du 7 décembre 2018, émis par le cabinet ministériel du gouvernement Morales, décret instaurant une « joint-venture » entre « Yacimientos de Litio Bolivianos (YLB) », une entreprise publique, majoritaire à 51%, et la société allemande « ACI Systems », choisie en tant que partenaire stratégique dans l’exploitation et l’industrialisation du gisement de lithium du lac superficiel de sel d’Uyuni, estimé à 10 millions de tonnes. »

    D’après une dépêche de reuters citée sur Zerohedge.com, « YLB », une entreprise d’état bolivienne consacrée à l’exploitation du lithium a aussi conclu en février un accord avec le groupe chinois « China’s Xinjiang TBEA Group Co Ltd » pour l’investissement de 2,3 milliards de dollars dans le développement de l’exploitation du lithium sur le long terme.

    Le rétablissement de la « démocratie » en Bolivie devrait sans surprise permettre d’éviter que de telles ressources échappent définitivement à la prédation des entreprises occidentales pour de surcroit prioritairement bénéficier au citoyen bolivien par le développement des infrastructures du pays !

    Ceci dit, si même Evo Morales est maintenant réfugié au Mexique et tant armée que police garantissent le coup d’état, encore faut-il qu’ils arrivent à y soumettre l’ensemble de la population, ce qui est encore loin d’être gagné.

    Si même le putsch a été relativement violent, la réaction de la population risque de l’être bien plus : les citoyens boliviens, et tout particulièrement de souche indienne, sont très attachés tant à Evo Morales - premier président indigène du continent depuis la conquista, ce qui constitue déjà un symbole puissant qu’aux réformes (enseignement, santé, accès à l’énergie, ...) dont a bénéficié à une immense majorité de la population qu’il a sorti de l’extrême pauvreté.

    Pas sûr qu’ils s’en laissent spolier si aisément, ni de leur liberté, et prions pour qu’il n’y ait trop de sang versé !


  • Spartacus Lequidam Spartacus 13 novembre 2019 01:06

    Tellement habitués a accuser les Americains que les gauchistes ne s’informent même pas des réalités.

    Une pourriture de bolchevique est chassé. mais comme il ne reste aucun parti de droite, Morales ayant incendié et menacé tous ses opposants, il sera remplacé par un autre pourri gauchiste...

    Et c’est pas les Américainsou Allemand qui ont provoqué le bordel.

    Un dictateur socialiste qui fraude (pléonasme) les élections pour être un autocrate à vie est chassé, les gauchistes sont en pleur de leur autocrate perdu.

    Il est ironique de pleurer sur la « démocratie », avec une pourriture comme Morales, qui vole et fraude un 4eme mandat alors qu’un référendum précédent, les gens avaient refusé de modifier la constitution qui interdit un mandat de plus.


    • Hervé Hum Hervé Hum 13 novembre 2019 17:10

      @Spartagugus

      Il est ironique de pleurer sur la « démocratie », avec une pourriture comme Morales, qui vole et fraude un 4eme mandat alors qu’un référendum précédent, les gens avaient refusé de modifier la constitution qui interdit un mandat de plus.

      C’est vrai !

      Tout comme il est vrai qu’en occident, il est inutile de voler un mandat, puisque toute la classe politique est d’accord sur l’essentiel. En occident, l’enjeu est seulement de savoir lequel aura le privilège d’appliquer la même politique de fond, mais avec quelques divergences de forme. Faut bien donner l’illusion !

      aussi, continu de vociférer après les socialistes et autres communistes français !


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