L’Emission politique, Gilets jaunes et grand débat : Le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple !
L’Emission politique sur France 2 (25 janvier), qui s’inscrivait dans le cadre du Grand débat national organisé pour répondre au mouvement des Gilets jaunes, est passée tragiquement à côté du sujet. Si la question des inégalités est importante et la crise de la représentation aussi, le sentiment abyssal de ne pas être entendus, et donc de fracture pour les Gilets jaunes, vient d’ailleurs.
Emmanuel Macron a été élu sur le "ni droite ni gauche", sur le dégagisme, et contre le FN. Si ce fut un marché de dupes, c’était avant tout le symptôme d’une situation qui avait atteint le bout du bout, il ne manquait qu’une allumette pour enflammer la mèche, et ce fut à la fois la fin de l’ISF et la taxe sur les carburants, révélant au grand jour une sorte de contradiction antagonique entre des parties bien différentes de notre société. Un cadeau de plus aux riches et un coup tordu de plus contre le peuple, ces taxes ne pouvant pas être plus inégalitaires, qui représentent beaucoup pour les petits salaires et rien pour les nantis. Sorte de condensé d’une situation qui perdure depuis le désenchantement des années Mitterrand et d’un PS qui avait promis un monde meilleur, en mettant derrière lui le peuple, pour le trahir ensuite et initier « la rigueur » (1983) autrement dit l’austérité, qui est devenue la principale activité des gouvernants depuis, avec en toile de fond une Europe libérale au service de la mondialisation de l’argent-roi.
Un Grand débat plein d’illusions qui sous-estime les attentes et l’état de rupture
Si aujourd’hui, le Grand débat donne le sentiment qu’il ne servira à rien, c’est parce que les moyens du contrôle de ce qui sera décidé ou promis, seront encore entre les mains de ceux qui sont au service de donner cent fois plus aux riches qu’aux autres, pour être à leur place de responsables politiques, et n’apparaissent que comme les gestionnaires des portefeuilles d’actionnaires qui les commandent derrière tout un système à étage avec son filtre médiatique surpuissant. C’est dans ce sens que les choses sont corrompues et semblent insolubles, et qu’il y a rupture.
La question des salaires est importante, du pouvoir d’achat, mais on sent bien que cela est aussi en deçà des attentes, car ce ne sont pas des mesures conjoncturelles qui sont attendues mais un nouveau plan d’ensemble en termes de réponse économique et sociale globale, qui relève donc des grands choix politiques qui orientent notre société.
On parle de crise institutionnelle, et il est vrai qu’avec le quinquennat du mandat présidentiel qui fait que les députés sont élus juste après lui et pour la même durée, on a encore renforcé le sentiment que tout était bouclé par l’élection présidentielle, et ainsi de désappropriation du politique, avec une représentation nationale qui n’est plus que l’ombre d’elle-même.
Bien sûr que la question de la représentation est un problème, lorsqu’il existe des situations comme celles de partis, et osons le dire, comme le FN, quoi que l’on puisse penser des idées qu’il charrie, qui a une représentation à l’Assemblée nationale qui n’a rien à voir avec la réalité des votes des citoyens en sa faveur. Et donc, la solution avancée serait une dose de proportionnelle, mais c’est encore l’arbre qui cache la forêt.
On voudrait tout renvoyer au local quand le peuple veut reprendre la main sur le destin de la Nation
Selon d’aucuns dans le débat, on crèverait du Jacobinisme, c’est-à-dire de la centralisation. On en vient à nous dire que si on devait permettre l’existence d’un référendum du type Référendum d’initiative citoyenne (RIC), ce serait bien, mais à l’échelle locale… Mais bien sûr ! Comme ça on laisserait tranquille le personnel politique parisien continuer de décider d’en haut de toutes les grandes questions touchant à la Nation et au projet de société. On voit combien, on n’a là rien compris, car c’est précisément sur le destin de la Nation que les Gilets jaunes expriment le besoin du peuple de reprendre la main, sur sa société, sur sa République.
Il ne faut pas plus de décentralisation, comme certains le proposent au nom de plus d’égalité territoriale, qui a toute les chances de ne pas plus servir que la décentralisation précédente, car c’est fondamentalement plus un système politique à la remorque d’une logique économique injuste qui est en cause, qui anéantit progressivement le rôle d’un Etat porteur de l’intérêt général.
Bien au contraire de tout renvoyer au local, il s’agit sans doute de retrouver un sens commun qui rassemble autour d’une grande cause, et c’est plus d’égalité qui est demandé partout, par exemple lorsque l’on réclame plus de service publics. Nous avons justement la chance de disposer d’un « Etat-unitaire » qui veut dire que chaque loi adoptée s’applique partout sur le territoire et pour un même peuple et pas en fonction de tel ou tel particularisme régional ou autre (une loi-un territoire-un peuple), qui permet à chacun de disposer des mêmes droits partout. Faire autrement serait une marche en arrière toute de l’histoire. La liberté c’est avant tout l’égalité, sans quoi il n’y a aucune fraternité possible. C’est cette République égalitaire qui nous a apporté nos plus beaux acquis sociaux, dans le prolongement du souffle historique de 1789 et de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.
Le grande cause climatique au-dessus de tout, un instrument de dépossession du peuple
On met en avant la question du climat et de la transition climatique pour la mettre sur le même plan que les revendications des Gilets jaunes. On dit même vouloir imposer par voie de justice au gouvernement cette question comme au-dessus des autres, en considérant qu’il n’en fait pas assez, agitant le risque d’une mort collective à brève échéance si on n’agissait pas. Pourtant nous sommes l’un des pays qui en font le plus dans le monde dans ce domaine, quand nous ne représentons rien au regard des grands pollueurs que sont les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, qui en quelques minutes (rejet de CO2) anéantissent tous nos efforts en la matière. Et il faudrait encore se serrer la ceinture pour faire plus ? C’est absurde ! Nous sommes en plein fantasme en réalité sur ce sujet, nous le voyons bien ici, qui a surtout été un formidable argument pour justifier toutes les hausses dans tous les domaines, dont celles qui ont déclenché la crise des Gilets jaunes. L’unité autour d’une "économie décarbonée" serait la solution pour redonner du sens commun, c’est-à-dire cette cause qui serait au-dessus des partis et de toutes les autres décisions, et qui donc est une usurpation de la démocratie, et de la souveraineté du peuple. D’autant plus qu’il n’existe aucun contre-pouvoir pour dire, si les prédications mortifères de certains scientifiques ne sont, ou non, que des projections hasardeuses ou encore que l’Homme serait la cause de tout, ce que précisément contestent d’autres scientifiques dont les médias ne veulent pas entendre parler. Lorsque l’on interdit tout contre-pouvoir dans n’importe quel domaine, c’est qu’il y a un loup. D’autant plus qu’une fois encore ici, au nom d’une écologie sacralisée, on a fabriqué un instrument supplémentaire de dépossession du peuple, de sa faculté à se faire son opinion et de décider, un instrument supplémentaire de domination.
« Arrêtez de vouloir faire notre bonheur malgré nous » au nom de ça, dira une « Gilet jaune », évoquant l’abaissement de la vitesse à 80 km heure sur les routes départementales, et les taxes écologiques sur les carburants. Une autre « Gilet jaune » dira, que s’il n’y a rien dans l’assiette de ses enfants, la question du climat n’a aucun sens. « Remettons l’humain au cœur du débat », donnant une leçon de vie à une certaine bourgeoisie politique, élitiste et médiatique, qui cherche dans la peur du changement climatique la grande cause ou nourrir une bonne conscience de continuer à faire fructifier ce système que dénoncent les Gilets jaunes.
Les migrants, la solidarité et la souveraineté du peuple
La peur des migrants serait le problème, dit un maire, il faudrait être plus solidaire, donc ouvrir les frontières, c'est-à-dire en finir avec elles. Mais si les migrants viennent sur notre territoire, c’est bien parce qu’il y a des frontières à l’intérieur desquelles il y a mieux qu’ailleurs. Il ne faut donc pas prendre les Français sur ce sujet pour des idiots. Emmanuel Macron se vante que la France accueille de façon inconditionnelle les migrants, avec des dépenses en augmentation (plus de 2 milliards). Mais ne pas accepter d’accueillir de façon inconditionnelle, c’est considérer que l’on doit pouvoir accueillir correctement en respectant certains équilibres qui tiennent au fait de former des citoyens et de ne pas simplement en faire des exploités. Être solidaires passe par faire de ceux qui veulent vivre en France des citoyens responsables. Là encore, avec l’accueil inconditionnel qui signifie la fin des frontières, ce serait faire que la Nation n’ait plus de sens, car les frontières c’est la souveraineté, et c’est une fois de plus dire au peuple qu’il n’existe plus. Rappelons ici que la liberté pour le peuple, face au despote, c’est de s’élever en corps politique souverain, pour décider tous ensemble à égalité, en lieu et place d’un seul. C’est pourquoi on a aboli la monarchie.
L’obligation de regarder la France en face et dans les yeux
Avant le mouvement des Gilets jaunes on ne parlait que de la France des quartiers populaires au sens d’immigrés, qui auraient été les seuls à avoir des difficultés, comme s’ils ne bénéficiaient pas des mêmes droits que partout. On a vu ainsi remplacé ce discours bipolaire, opposant les quartiers au reste de la société considérée implicitement comme riche, par la mise au centre des débats de cette France périphérique et rurale jusque-là invisible pour certains, sous la pression de manifestations et parfois de violences. Cette France des petites classes moyennes et des travailleurs pauvres, que l‘on éreinte depuis des années et des années, jusqu’à mettre les familles, les gens qui en font partie, en danger, en péril ! Il n’était que temps de changer de sujet et de commencer à regarder pour de bon la France en face et dans les yeux. 59% des Français continuent soutenir ce mouvement !
Le peuple au nom duquel tout se fait dans la République doit en prendre les clés
En réalité, tout est fait au nom du peuple dans nos institutions mais en pratique de moins en moins pour lui, et c’est ce décalage qui est arrivé à un point de paroxysme, parce que l’on est en France, et que depuis la Révolution française, comme l'exprime un certain Rimbaud dans l’un de ses plus beaux poèmes, "Le Forgeron", qui y est consacré, « Le peuple n’est plus une putain », considéré comme telle par les rois jusque là ; et d’un point de vue plus freudien, que sa place est inscrite en profondeur dans notre inconscient collectif et qu’ainsi y toucher c’est s’exposer à des réactions, souvent violentes, révolutionnaires.
C’est un tout qui est remis en cause, avec ce retour du peuple dans le politique, face au sentiment du risque de revoir se profiler une société d’Ordre et de castes.
La seule façon de garantir le moindre changement aujourd’hui, de faire revenir la confiance entre l’Etat et les citoyens, c’est de rendre le pouvoir au peuple sinon, rien. Voilà où nous en sommes à l’image d’une démocratie servant par trop de paravent à un système d’exploitation injuste, qui dit fonctionner sur la valeur travail et qui fabrique des travailleurs pauvres qui ne peuvent vivre de leur travail. La seule certitude que les choses fonctionnent pour le peuple au nom duquel on dit tout décider dans notre République, c’est que ce soit lui sous le contrôle duquel tout se décide à présent. Le citoyen doit véritablement devenir celui qui fait les lois auxquelles il obéit ! C’est une immense responsabilité, qu’illustre très bien le Référendum d’initiative citoyenne, qui n’est que le début des inventions institutionnelles qui doivent permettre de changer la politique, en la faisant réellement pour le bien du peuple. Au contraire de réduire la représentation nationale, comme le veut le président de la République avec sa réforme institutionnelle, ce dont il s’agit, c’est de l’élargir en lui donnant une assise populaire, large et articulée avec l’ensemble du corps des citoyens, rassemblés en assemblées locales, à l’image de la solidarité qui s’est construite sur ces carrefours de France.
Il faut aussi, pour déjouer les aventures dans lesquelles certains voudraient nous entrainer, et en rêvaient déjà bien avant ce mouvement, ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Nous disposons avec cette « République indivisible, laïque, démocratique et sociale » (Art. 1er, de la Constitution) qui est la nôtre, d’un cadre de liberté unique au monde, avec des droits et libertés politiques, civiles, économiques et sociaux, sans commune mesure. C’est en poussant au bout le sens de cette République que tout peut devenir possible, y compris cette souveraineté du peuple qui y est proclamer pour appliquer enfin la formule : « Gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » (Art. 2, de la Constitution)
Guylain Chevrier