lundi 7 septembre 2020 - par CLAIRVAUX

L’ensauvagement : polémique dans le champ lexical

Il suffit de pas grand-chose pour émouvoir le Landerneau politico-médiatique qui, plutôt que d’appréhender la réalité, préfère se livrer à des querelles lexicales oiseuses. Et il en est toujours ainsi quand il s’agit de nommer la délinquance et la criminalité en hausse qui gangrènent notre pays. Hausse qui, malgré les statistiques officielles, est niée par le Garde des Sceaux lui-même, Eric Dupond-Moretti, qui ne peut s’abstraire de son tropisme d’avocat indulgent envers les criminels et méprisant vis-à-vis des victimes.

Ceux qui nient la réalité de l’insécurité préfèrent faire allusion au « sentiment d’insécurité », histoire de noyer le poisson, en la réduisant à un pur « phantasme » (Dupond-Moretti). On se souvient de Lionel Jospin, Premier ministre tartuffe, et de l’affaire « Papy Voise » en 2002. Certains louent Jospin d’avoir refusé à l’époque de débattre sur le terrain de l’insécurité, par sens de l’Etat. En réalité, Jospin tenait l’insécurité pour une fable médiatique.

A quoi Marlène Schiappa a répondu : « Le sentiment d’insécurité, c’est déjà de l’insécurité. »

Car, pour tout bon rousseauiste et hugolien qui se respecte, la faute de la criminalité incombe avant tout à la société, l’excuse sociale éculée étant toujours brandie face à cet « ensauvagement » qui a fait couler récemment des litres d’encre.

Si la gauche bien-pensante et les écologistes (EELV) à la barre de plusieurs municipalités ont tendance à minimiser, voire ignorer les dégâts de la délinquance (Eric Piolle, maire de Grenoble ; Pierre Hurmic, maire de Bordeaux, qui se dit enfin « préoccupé »), d’autres personnalités du même bord ne pratiquent pas le déni systématique. Ainsi, le socialiste Michaël Delafosse, maire de Montpellier, et Bernard Cazeneuve qui s’inquiète de la montée du communautarisme et de l’insécurité en France.

Pour les belles âmes de Boboland qui résident dans les quartiers favorisés, placent leurs gosses dans les écoles privées, tout en souhaitant toujours plus de migrants pour garder leurs moutards et faire leur ménage, vider leurs poubelles et curer leurs chiottes, cachez ce terme qu’elles ne sauraient prononcer.

Pouah, fi donc ! Un terme véhiculé et revendiqué par l’extrême-droite, donc à bannir pour éloigner d’une conscience humaniste un lexique délétère. En évitant de prononcer certains mots, on croit se soustraire à l’aveuglante réalité qu’ils dépeignent. Comme ces gens qui répugnent à évoquer le mot de « cancer », croyant ainsi éloigner d’eux par magie infantile la redoutable maladie.

Et quand bien même, le mot aurait-il fait florès par le biais de l’extrême-droite, serait-il inapproprié pour autant ? Souvenons-nous de l’expression fameuse de Fabius de 1984 : «  Le Front National pose les bonnes questions, mais apporte de mauvaises réponses. » Poser les bonnes questions, ce qui n’est le cas de tout le monde, c’est déjà beaucoup. Quant aux bonnes réponses, on les attend toujours des gouvernements successifs depuis 40 ans !

Déjà le terme de « sauvageons » employé par Chevènement, ministre de l’Intérieur, avait fait tiquer les oreilles sensibles. Etymologiquement, «  sauvageon » renvoie à un jeune arbre venu spontanément sans culture et, par extension, qualifie un enfant sans éducation, livré à lui-même. Plutôt bien vu, non ? Ce terme sera repris en 2016 par Bernard Cazeneuve (PS), autre ministre de l’Intérieur.

Même si le terme « ensauvagement » a été repris par Laurent Obertone dans La France Orange mécanique, et dans la foulée par Marine Le Pen, la paternité en revient à la politologue Thérèse Delpech (1948-2012) dans son ouvrage publié en 2005 : L'ensauvagement : essai sur le retour de la barbarie au XXIe siècle. Elle analyse la brutalité des relations internationales et la déliquescence des rapports sociaux qu’elle met sur le compte de la surdité humaine : « Une sauvage indifférence aux êtres humains, telle est la plus importante régression du XXe siècle. »

Thérèse Delpech installe l’idée que les esprits et les gouvernements sont indifférents aux souffrances d’autrui, car entre l’homme et l’Histoire, elle estime qu’il n’y a qu’un dialogue de sourd. Parce que les hommes et ceux qui les représentent ne savent plus distinguer le juste de l’injuste, le beau du laid ou le bien du mal. Cette inversion des valeurs entraîne, dans tous les domaines, des dégâts irréparables, et en politique, elle est destructrice.

Le terme d’ensauvagement, repris par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, a fait s’étrangler notre Dupond-Moretti national et le député Aurélien Taché, tendance islamo-gauchiste.

"Nous assistons à une crise de l'autorité. Il faut stopper l'ensauvagement d'une certaine partie de la société. Il faut réaffirmer l'autorité de l'État, et ne rien laisser passer", avait alors dit le ministre de l'Intérieur à la veille d'un déplacement à Nice sur le thème de l'insécurité.

"Je crois qu'il a tout à fait raison de l'utiliser ce terme et ça ne me dérangerait pas de l'utiliser", a répondu le 31 août 2020 Marlène Schiappa, ministre déléguée à la Citoyenneté sur France Inter. "Je crois que c'est le rôle du ministre de l’Intérieur d'avoir des mots forts et d'être offensifs, a-t-elle ajouté.  S'il y a bien une personne en France dont on attend qu'elle regarde la situation avec lucidité et qu'elle soit combative, c'est le ministre de l'Intérieur."

Il est patent que Marlène Schiappa a mis un peu de vin sécuritaire dans son breuvage féministe.

Selon certains observateurs, cet « ensauvagement  » serait la conséquence ultime d’un individualisme poussé jusqu’à ses extrêmes limites.

Selon Paul-François Paoli (Aux sources du malaise identitaire français) : « Ce phénomène (l’ensauvagement) est avant tout l’expression d’une dégénérescence de l’individualisme. Si bien qu’aujourd’hui, de nombreux individus n’acceptent plus de limites à leur souveraineté individuelle. »



15 réactions


  • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 7 septembre 2020 10:45

    Ce qui fait tiquer les bonnes âmes, c’est le terme de « sauvage » qui fut appliqué aux indiens d’Amérique du nord et , en y ajoutant « bon » aux peuples africains (les bons sauvages de Rousseau). Parler d’ensauvagement, ce serait ravaler une certaine partie de notre population au rang de primitifs sans foi ni loi... Bref, parler d’ensauvagement, ce serait faire preuve de racisme !


    • Trelawney 8 septembre 2020 16:42

      @OMAR
      car la majorité des délinquants et malfaiteurs sont d’origine afro-maghrébine
      Vous faites un procès d’intention. Je cite plus bas trois exemples tirés sur l’actualité récente, avec 3 personnes inculpés bien françaises.
      L’ensauvagement, c’est le refus délibéré de se conformer à notre société évoluée en commençant par refuser la fraternité l’un des 3 mots de notre devise républicaine et ça n’a rien à voir avec les origines étrangères de l’individu. Car l’immense majorité des migrants quittent leur pays d’origine pour s’installer dans un pays plus évolué socialement. Et pour eux, respecter les règles sociales de ce pays est une bénédictions.


  • Trelawney 7 septembre 2020 11:11

    Parler d’ensauvagement, ce serait ravaler une certaine partie de notre population au rang de primitifs sans foi ni loi... Bref, parler d’ensauvagement, ce serait faire preuve de racisme !

    C’est de cela que l’on parle et de rien d’autre. L’ensauvagement, c’est lorsqu’un chauffard multi-récidiviste alcoolisé au dernier stade tue un cycliste en ville. Ou qu’un individu tabasse à mort un chauffeur de bus, ou qu’un pompier se fait cracher dessus par le blessé qu’il est sensé soigné etc.

    Ce n’est pas faire preuve de racisme que de dire qu’à cause de l’ensauvagement (je l’aime bien ce mot) le sentiment de fraternité n’existe plus dans notre république.


    • eddofr eddofr 7 septembre 2020 15:05

      @Trelawney

      Parler d’ensauvagement ce n’est pas faire preuve de racisme, mais c’est utiliser un langage qui porte en lui une connotation raciste et donc prêter le flan à des accusations de racisme.
      C’est donc donner du « grain à moudre » aux indigénistes, racialistes et autre communautariste et alimenter le « délire de persécution » que les délinquants brandissent pour excuser leurs méfaits.

      La société dans son ensemble devient de plus en plus cruelle, indifférente, violente et agressive (en résumé une société fondée sur la prédation).
      Forcément, si tout « glisse » vers la violence, les plus violents glissent vers la violence extrême et gratuite.

      Quitte à inventer un mot, j’aurai plutôt choisi la « prédatisation de la société » pour décrire ce qui se passe aujourd’hui.

       


  • saint louis 7 septembre 2020 14:10

    Apparemment la cible des autorités serait plutôt le bon peuple de France qu’il faut absolument mettre au pas a à coup de 135 euros.

    On en serait même à penser que les « sauvages » font partis du plan quand on constate l’introduction illégal massif et les faibles mesures pour les « tenir ».


    • eddofr eddofr 7 septembre 2020 15:39

      @saint louis

      Pourquoi le « bon » peuple ? Il y aurait un « mauvais » peuple ?

      Le peuple de France, tout simplement ...

      Sinon votre deuxième phrase a comme une odeur :
      Associer « sauvages » avec « introduction illégale massive » (j’ai corrigé l’accord de genre) dans la même phrase, ça c’est xénophobe, et probablement raciste.


    • saint louis 7 septembre 2020 19:24

      @eddofr
      Dans mon message, il faut y voir, non pas du premier degré, mais plutôt une forme de caricature sur certaines réalités observés.
      En tout cas merci pour les corrections.


  • eddofr eddofr 7 septembre 2020 15:53

    Il faut remettre de l’ordre dans la société.

    Mais l’ordre ce n’est ni la violence de l’état, ni même la « force » de l’état.

    L’ordre c’est la force de la loi, égale pour tous, appliquée pareillement pour tous, infaillible, incorruptible et proportionnée.

    Un seul vieil escrocs libéré pour raison de santé et qu’on voit danser dans la rue, fait bien plus de mal à l’ordre que quelques centaines de voyous qui brûlent des voiture. Et je ne parles même pas du brave citoyen qui ne porte pas masque (éventuellement, il vient juste de se faire tester négatif ...)


    • Buzzcocks 7 septembre 2020 16:46

      @eddofr
      Sans parler du ministre de l’intérieur qui échange des pipes contre des appartements, la crédibilité du mec est nulle. Pas plus que Bardella l’employé fictif donneur de leçons, ou son gang mafieux multi condamné pour emploi fictifs, fausses factures, détournements de fonds publics.


    • Fergus Fergus 8 septembre 2020 09:23

      Bonjour, eddofr

      Un grand merci pour vos trois commentaires que je partage totalement !


  • zygzornifle zygzornifle 7 septembre 2020 16:25

    Pour ensauvager il fallait qu’avant cela ne soit pas sauvage ce qui n’est pas le cas .

    Dans les année 1970 quand j’étais ado en cité c’était déjà pareil mais a cette époque les journalopes de BFMerde n’existaient pas et les chaines de télé en faisaient pas leurs choux gras , même pas une ligne a la fin du journal alors que parfois il y avait des morts entre bandes rivales , des rivalités pour avoir la main mise sur des quartiers , la drogue , la prostitution de mineures , les armes et a l’époque aussi des pièces de bagnoles ... 

    Rien n’a changé sauf que maintenant on ose l’étaler comme une belle tartine de merde , dans notre société c’est vendeur ....


  • Octave Lebel Octave Lebel 7 septembre 2020 18:50

    Ce serait bien que nos bienfaiteurs des médias amis de la démocratie et de la paix sociale au lieu de faire de la recherche sémantique comme des sauvages nous invitent à lire un document très simple et très clair dans lequel les mots veulent dire ce qu’ils disent et les chiffres parlent du réel.

    Un éclairage des plus instructifs : l’Avis du Conseil National des Villes sur "les émeutes urbaines de novembre 2005"

    http://www.ville.gouv.fr/IMG/pdf/emeutes-urbaines-novembre-2005_cle71b7bc.pdf

    Ils pourraient faire ensuite un débat sur « Pourquoi les recommandations faites n’ont pas été suivies d’effets ? »


    • eddofr eddofr 8 septembre 2020 14:34

      @Octave Lebel

      Merci pour ce lien.

      Au niveau d’une population, quelle qu’elle soit, le taux de criminalité est toujours inversement proportionnel au niveau de vie et d’intégration.
      Pour résoudre le problème de la criminalité dans les citées, il faut régler le problème des citées (enclavement, exclusion, chômage, désintégration, désenchantement).

      Même si individuellement chaque délinquant est évidemment seul et entièrement responsable de ses choix, comportements et actes et doit en répondre et en subir toutes les conséquences pénales.


    • Octave Lebel Octave Lebel 8 septembre 2020 18:45

      @eddofr

      Entièrement d’accord.
      Je pense que ce sens commun est beaucoup plus répandu que ne le laissent paraître beaucoup d’élus et de responsables de médias.


  • saint louis 9 septembre 2020 21:09

    Je viens de lire un recueil sur les faits divers des 100 dernières années dans mon (petit) département rural.

    A part quelques jolis crimes bien sordides, le reste des faits divers frôle le ridicule, style adultères, bagarres de soir de fête dû à l’alcool et vols insignifiants.

    C’est à ce demander pourquoi avoir édité ce recueil quasiment vide d’intérêt de cette région de France si respectueuse des valeurs acquises.

    Aujourd’hui sur le même secteur

    en une année on pourrait remplir un catalogue bien plus saignant.

    Comme quoi la civilisation fout le camps dû aux mentalités décadentes et l’éducation altérés des « ensauvagés » et des aussi une belle part des autres.


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