jeudi 10 octobre - par Patrice Bravo

L’Europe en proie à une crise de gouvernance

L'Europe est devenue ingouvernable. Les gouvernements ont du mal à trouver un terrain d'entente, même sur des questions essentielles, sans parler des problèmes les plus brûlants : la lutte contre le nombre croissant de migrants, le conflit en Ukraine et la stagnation économique

Il est dès à présent communément admis que les politiciens peinent à s'entendre sur quoi que ce soit, et encore moins à mettre en pratique leurs accords, écrit le Wall Street Journal (WSJ). Les récents succès du parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) lors des élections ont porté un nouveau coup au gouvernement fragmenté de Scholz. 

La France, qui jouaient pendant des décennies avec l'Allemagne le rôle de locomotive de l'Union européenne, se trouve dans un état similaire de paralysie politique après que les sièges du parlement ont été partagés entre de nombreux partis à l'issue des élections de juin. 

Le président Emmanuel Macron a formé un gouvernement de centre-droit, bien que la majorité des sièges de l'Assemblée nationale ait été remportée par une coalition de partis de gauche. Ce choix rend son gouvernement particulièrement vulnérable face au Rassemblement national d'extrême droite dirigé par Marine Le Pen. L'équilibre pourrait basculer si son parti décidait de voter une motion de censure contre le gouvernement ou de refuser de soutenir le budget proposé. 

La fragmentation et la polarisation politiques ont lié les mains des dirigeants, qui ne peuvent gouverner qu'à travers des coalitions complexes entre partis de gauche et de droite. 

"Les dirigeants ne peuvent pas et ne pourront pas former une majorité autour d'un consensus sur les actions urgentes nécessaires. L'absence de réformes décisives pour lutter contre les causes de la montée du populisme, à savoir l'économie faible et la migration de masse, ne fait que renforcer ce cercle vicieux. En conséquence, l'UE et les gouvernements des pays membres ne remplissent pas leurs obligations envers les électeurs et risquent de prendre encore plus de retard par rapport à leurs concurrents, qui sont les États-Unis et la Chine", explique Mujtaba Rahman, directeur principal du cabinet de conseil Eurasia Group et ancien responsable de l'UE. 

Il s'est avéré très difficile de parvenir à un consensus sur de nombreuses questions. Les pays européens ont eu du mal à augmenter la production d'armes pour répondre aux besoins de l'Ukraine ou encore à s'accorder sur une politique continentale commune en matière de migration. 

Le gouvernement de Scholz n'a pas tenu ses promesses concernant la résolution de la crise du logement, la réduction de la lenteur administrative, l'amélioration des infrastructures et la baisse de la criminalité. 

Le mécontentement des électeurs vis-à-vis des mouvements traditionnels a conduit à une fragmentation progressive des groupes politiques : l'Allemagne compte aujourd'hui sept partis importants, dont trois se trouvent à la périphérie du spectre politique, ce qui complique la formation d'une coalition cohérente, tant au niveau fédéral que dans la majorité des 16 Länder, explique le professeur Manfred Güllner, fondateur de Forsa, l'un des plus grands instituts de sondage allemands. 

L'AfD, parti d'extrême droite, est désormais en deuxième position dans les sondages fédéraux allemands, et dans certaines régions de l'est de l'Allemagne il est même devenu la principale force politique. Ce qui contraint ses opposants politiques à former des coalitions complexes dans le but de l'empêcher d'accéder au pouvoir. Parallèlement, un nouveau parti d'extrême gauche, Alliance Sahra Wagenknecht (BSW), partageant avec l'AfD une position prorusse et une critique de l'Otan, a surpassé les principaux partis lors des récentes élections régionales. 

Selon Manfred Güllner, des processus similaires sont observés depuis longtemps dans de petits pays comme la Suède ou les Pays-Bas, mais la paralysie politique est également devenue une particularité structurelle des plus grands systèmes politiques d'Europe. 

En France, Emmanuel Macron est arrivé à la présidence après avoir créé son propre parti politique. À l'époque, il était perçu comme un leader potentiel de l'intégration européenne, capable de changer à la fois l'Union et son propre pays. Macron a effectivement obtenu certains résultats, tels que la réduction du chômage et l'attraction d'investissements étrangers. 

Cependant, malgré ses promesses de réduire les dépenses publiques, le déficit budgétaire et la dette de la France ont augmenté sous sa présidence. 

À la fin de son deuxième mandat, Macron est devenu, selon l’ancien Premier ministre Manuel Valls, une illustration vivante de la manière dont la France et l'UE sombrent dans le dysfonctionnement. Actuellement, la France traverse une crise de légitimité aux yeux de ses citoyens, habitués à attendre tout et n'importe quoi de leur gouvernement, estime Valls. 

L'Europe, quant à elle, ne parvient pas à résoudre ses problèmes, même face au conflit en Ukraine. Deux ans et demi après le début de l'opération militaire russe, l'UE n'a toujours pas honoré sa promesse de fournir un million d'obus à Kiev et n'a pas réussi à empêcher Moscou d'accroître sa production d'armements. Les stocks militaires de la France, de l'Allemagne et d'autres pays sont presque épuisés, et il n'y a aucun signe d'une augmentation significative de leurs capacités de défense. 

"La situation actuelle en Europe en matière de production militaire, même face à une menace existentielle ressentie émanant de la Russie, est un véritable cirque. Il n'existe pas de majorité capable de résoudre les problèmes clés, or la légitimité d'un État repose sur sa capacité à agir, qui fait aujourd'hui cruellement défaut", a déclaré le politologue bulgare Ivan Krastev. 

Certains pays d'Europe de l'Est, où les gouvernements réussissent à former des majorités significatives, obtiennent de meilleurs résultats. Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, longtemps en conflit avec d'autres dirigeants de l'UE et ayant, selon ses dires, construit un "État illibéral", attire des investissements étrangers en offrant des allégements fiscaux et en coopérant avec la Chine.

Alexandre Lemoine

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6 réactions


  • tashrin 10 octobre 10:23

    Elle l’a jamais été

    C’est bien pour ca qu’on en a extrait toutes les mécaniques democratiques, puisque dans sa définition meme elle portait les germes de cette ingouvernabilité

    ouvrir la circulation des personnes et des marchandises sans harmonisation interne en matière sociale et fiscale...

    aucune protection aux frontieres exterieures, ni économique ni migratoire...

    un assemblage de pays aux stratégies, cultures et interets divergents...

    une prise decision à l’unanimité !

     de grandes orientations prises par une minorité de personnes représentatives des interets privés qui les emploient et sans concertation avec es peuples qui le subissent

    et quand par le plus grand des hasards on demande leur avis aux gens et qu’ils le donnent, on en tient pas compte et on fait quand meme

    Ce machin piloté par et pour les interets US n’a pas d’autre vocation que celle là... Et elle fait bien le job... 60 ans plus tard, on est ruinés, exsangues, et ils nous font bouffer leur boeuf aux hormones en le faisant passer par le Canada

    Ce truc finira en dictature veritable (et non plus seulement larvée) ou disparaitra


    • tashrin 10 octobre 19:16

      @tashrin
      En me relisant je trouve un truc très drôle, c’est que j’aurai pu écrire quasi le même commentaire en parlant du nfp
      Mouahaha


  • leypanou 10 octobre 12:20

    Parallèlement, un nouveau parti d’extrême gauche, Alliance Sahra Wagenknecht (BSW), partageant avec l’AfD une position prorusse et une critique de l’Otan

     : il me semble qu’à la différence de Die Linke, équivalent de LFI, BSW est contre l’immigration tous azimuts que la leader LFI aux Européennes justifiait par « l’Occident est responsable du réchauffement climatique qui a forcé ces gens à émigrer », logique lumineuse dont l’écologie politique est coutumière.


  • Com une outre 11 octobre 06:03

    Première remarque, le gouvernement français n’est pas centre-droite mais pleinement à droite.

    En deux, ce n’est pas une crise de gouvernance qui secoue l’Europe mais une crise existentielle. L’UE est un ratage complet parce qu’elle s’est orientée dans une direction politico-financière que personne ne veut, je parle des citoyens européens. D’où sa dérive totalitaire, seul moyen d’imposer ses vues. Vivement sa disparition.


  • Le Projet de loi de finances 2025 avec quelques détails chiffrés communiqués par le ministère des Armées :
    – Avec une hausse de 3,3 Md€ de la mission « Défense » hors pensions (elle passe de 47,2 Md€ en 2024 à 50,5 Md€, soit +7%), le projet de loi de finances (PLF) 2025 respecte à l’euro près la trajectoire prévue par la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 pour la mission «  Défense » hors pensions ;
    – 2025 sera une année charnière de mise en œuvre de la LPM et du réarmement, avec des livraisons d’équipements emblématiques (ex : 14 RAFALE, plus de 300 véhicules SCORPION, des missiles ASTER pour les frégates) ;
    – Ce seront plus de 10 Md€ qui seront consacrés aux grands programmes d’armement, un peu plus de 9 Md€ pour l’activité des forces ;
    – La programmation 2025 marque aussi « notre agilité » (pour reprendre les termes du ministère) face à un contexte géostratégique qui bouge constamment, avec des efforts nouveaux financés sous enveloppe en faveur de l’IA, des munitions et de la fidélisation des effectifs du Ministère  ;
    – A noter un durcissement des soutiens opérationnels, l’affermissement des services de soutien et le renforcement du service de santé.


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