L’extrême-gauche européiste et les révolutionnaires qui votent Macron
Le 3 février 2020, j’ai lu avec intérêt un article d’un militant ouvrier qui se fait appeler Eninel (ambigramme miroir de Lenine) et je lui ai fait la réponse suivante à la fois sur son blog chez Médiapart et sur le site intitulé « Arguments pour la lutte sociale » :
« Je comprends que chacun cherche à rassembler ceux qui intuitivement semblent être plus « révolutionnaires » ou plus « à gauche » (comme disent certains) que les autres. J’ai même connu un temps ou (après 1968) cette « unité des révolutionnaires » était le cheval de bataille de LO.
Mais cela ne mène à rien si une unité organisationnelle ne se fonde pas sur un programme. Alors que chacun propose le sien en étant le plus clair possible. Puis qu’on les compare et qu’on en discute alors on verra s’il est possible de faire ressortir un programme commun sur lequel nous pourrions nous regrouper. J’ai déjà exprimé largement mon programme dans les conclusions de mes deux livres : « De François Mitterrand à Jean-Luc Mélenchon » et « Macron Démission – Révolution ». J’essaie de rappeler ici les principaux points :
– Grève Générale avec Comité Central National de grève ;
– Gouvernement des travailleurs ;
– Gouvernement provisoire PCF, PS, FI ;
– FUO pour toutes les élections : un seul candidat ouvrier contre les candidats de la bourgeoisie ;
– Frexit ;
– RIC ;
– Soutien inconditionnel à toute victime de la répression, d’actes arbitraires ou antidémocratiques ;
– Amnistie pour tous les militants condamnés lors des manifestations depuis novembre 2018. Remboursement des amendes qui ont été payées. Indemnisations des militants estropiés.
– Pour le Frexit rassemblons-nous dans un nouveau CNR (Conseil National de la Résistance).
Que chacun fasse ainsi. Que chacun présente son programme puis qu’on en discute et alors nous verrons ce qu’il est possible de faire. Je suis prêt à prendre l’initiative de créer une AGIMO (Avant-Garde Internationaliste du Mouvement Ouvrier) sur un programme de ce type. Dans un premier temps, il pourrait s’agir uniquement d’un groupe informel regroupé autour d’un site web. Chaque militant resterait libre d’agir au sein d’une autre organisation politique s’il le juge bon du moment qu’il œuvre dans le sens du programme qui ressortirait de la discussion. Pour ma part, je milite actuellement au sein de l’UPR en ayant bien évidemment de grandes divergences avec François Asselineau mais j’estime que c’est actuellement l’organisation qui s’oriente le plus vers la constitution d’un nouveau CNR et c’est aussi celle qui est la plus mobilisée pour le Frexit. Il est évident que, sur les autres points, je suis en grandes divergences avec François Asselineau mais mes positions restent conformes à la charte de l’UPR. Je peux y défendre intégralement mes idées. Je peux notamment y vendre mes livres. Je ne mets pas comme condition l’adhésion à l’UPR pour militer au sein d’une AGIMO avec des camarades qui seraient prêts à partager les points de programme que j’ai rappelés ci-dessus.
Jean Dugenêt »
J’ai reçu le 20 février 2020 la réponse suivante de la part des administrateurs du site « Arguments pour la lutte sociale » :
« Cher lecteur,
Les commentaires sont contrôlés à priori sur notre site, histoire de ne pas subir un envahissement ou une colonisation désagréable.
Nous nous interrogeons sur la cohérence de ta pensée politique en voyant que tu prétends faire cohabiter les idées de « mouvement ouvrier » et « d’avant-garde internationaliste » avec la revendication de ton appartenance à l’UPR, organisation nationaliste et chauvine bourgeoise.
Ton enthousiasme pour le Brexit, une opération 100% bourgeoise visant à faire prévaloir les intérêts d’une aile du capital financier et immobilier en GB, la plus parasitaire et la plus spéculative qui soit, opération qui a abouti à une vague de ressentiment anti-immigré et de remontée des groupes racistes, est attristant.
Il sera difficile de nous faire croire que le slogan « tout le pouvoir aux Tories (conservateurs) ! » soit un mot d’ordre bolchévik. En attendant, avec Boris Johnson, les jours du NHS sont comptés et des centaines de milliers de ressortissants étrangers (citoyens européens ou extra-européens, peu importe, sur ce plan les conservateurs pratiquent l’égalité) sont dans l’angoisse de l’expulsion de masse.
Depuis quelques années, les conservateurs au pouvoir, malgré leur crise interne, ont déjà commencé une politique de remise en cause des droits des personnes en pratiquant l’expulsion vers la Jamaïque ou d’autres iles des Caraïbes de gens installés en GB depuis les années 50 ou 60 et qui n’ont vécu nulle part en dehors de la GB. Groupés sous l’appellation de scandale du Windrush (du nom du paquebot qui amena des dizaines de milliers de Jamaïquains en GB dans les années 40), cette infamie n’est qu’un avant-goût de ce que Bojo et ses ministres vont pratiquer si une riposte ouvrière ne se produit pas.
Alors rêver de dupliquer une telle opération en France sous le label Frexit, non merci.
Au passage, tu évoques le CNR. Il est bon de souligner que si nous profitons de ce qui subsiste des avancées sociales acquises à la Libération, notamment à travers la Sécurité sociale, il est néanmoins bon de rappeler que le programme du CNR ne visait pas le socialisme mais la sauvegarde du capitalisme à travers un ensemble de concessions sociales envers la classe ouvrière et une reconstruction menée dans la paix sociale achetée à ce prix.
Nous gardons en tête la photo de la célébration du Brexit regroupant les formidables amis de la classe ouvrière et de la fraternité internationale des travailleurs que sont Florian Philippot, Asselineau, Nicolas Dupont-Aignan, Cheminade, Jean-Frédéric Poisson, les stars national-populistes issus de la FI, et quelques autres… Libre à toi, de te noyer dans cette fange réactionnaire ! Pour notre part, ces gens-là, leurs idées nationalistes, chauvines, racistes et réactionnaires, les intérêts sociaux qu’ils défendent, ne sont pas de notre monde.
Aujourd’hui, la nécessité, c’est l’unité des travailleurs, pas l’alliance avec leurs ennemis. »
Avec ensuite la précision suivante en date du 23 février 2020 suite à une réaction de Eninel. Je m’excuse auprès de ce dernier mais je choisis de ne pas reproduire ici ses textes pour ne pas être trop long.
« A l’attention du camarade Eninel : tout ce qui est publié sur ce site n’est pas nécessairement de la plume du camarade Présumey. Certes, le camarade est notre plume principale mais tout ce qui n’est pas signé de façon personnelle a été discuté et finalisé de façon collective. Il n’y a pas que les grands hommes dans la vie … »
Voici donc ma réponse à Vincent Présumey et consorts :
Bonjour,
Je ne peux pas répondre à toutes les sottises de votre message du 20 février 2020 car cela serait trop long. Le terme « sottises » ne se justifie que par ma volonté de ne pas rompre définitivement toute possibilité de discussion car il s’agit à mon avis de pire que cela. J’ai peine à croire, mais je l’accepte puisque vous le dites, que cela « a été discuté et finalisé de façon collective » et non pas seulement par Vincent Présumey comme l’a dit Eninel. Les autres sont-ils eux aussi des électeurs d’Emmanuel Macron après avoir été ceux de Jacques Chirac. Je n’en sais rien tout le temps qu’ils restent dans l’anonymat.
Je suis fort aise que votre instance collective s’interroge sur la cohérence de ma pensée bien qu’ils devraient s’intéresser en priorité sur la cohérence des électeurs de Chirac et Macron qui se disent « révolutionnaires », « trotskistes »… Les membres de votre collectif écrivent « libre à toi, de te noyer dans cette fange réactionnaire ! Pour notre part, ces gens-là, leurs idées nationalistes, chauvines, racistes et réactionnaires, les intérêts sociaux qu’ils défendent, ne sont pas de notre monde. » Je crois rêver ! Parlent-ils de Chirac et de Macron… Je n’ai jamais voté pour eux. Mais non ! Ce n’est pas d’eux qu’ils parlent. J’y reviendrai en replaçant cela en contexte.
Je peux vous donner des éléments d’appréciation sur la cohérence de ma pensée. Je vous invite d’ailleurs à lire mes deux livres « De François Mitterrand à Jean Luc Mélenchon » et « Macron démission – Révolution » et à m’indiquer les éventuelles incohérences que vous pourriez y trouver. En matière de politique d’émigration, considérant sur ce point, comme sur beaucoup d’autres, que l’ennemi principal est dans notre propre pays, j’ai cru bon de me prononcer avant tout sur la politique de la France plutôt que sur celle de l’Angleterre. J’y dénonce notamment les centres de rétention qui n’ont pas leur équivalent en Angleterre et qui ont été mis en place par les socialo-communistes sous Mitterrand. Je parle de cette époque où les lambertistes n’étaient pas très bavards sur le passé pétainiste de Mitterrand ni sur son passé de bourreau des nationalistes algériens et de guillotineur (notamment de Fernand Iveton). J’aimerais beaucoup, par respect pour les migrants, que la politique de la France soit la même que celle de l’Angleterre. Ce ne serait certes pas le paradis ni en France ni en Angleterre mais les migrants n’éprouveraient pas le besoin de passer en Angleterre pour y trouver les droits qui leurs sont refusés en France et je crois que cela va durer après le Brexit et avec Johnson. On en reparlera.
Ces « révolutionnaires » qui votent pour Macron et ne se battent pas pour le Frexit pensent-ils faire une révolution socialiste dans une France sous domination de l’OTAN et de l’UE et qui n’aurait donc pas à se libérer de cette tutelle ? Autant faire des révolutions socialistes dans des pays colonisés sans les libérer du joug du colonialisme ou commencer en Russie par faire la révolution prolétarienne d’octobre 1917 pour faire ensuite la révolution bourgeoise de février 1917. Il va falloir relire « La Révolution Permanente » de Trotski et « Les Thèses d’Avril » de Lénine.
Au vu du peu de consistance des arguments avancés contre moi je dois rappeler qu’il est possible pour un marxiste de parler de nation et de peuple. Ces notions amalgament évidemment capitalistes et ouvriers. Elles sont indispensables pour parler d’indépendance nationale, de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, de Brexit, de Frexit, de CNR… De cela il est possible aussi de discuter sereinement.
Je parle en effet d’un nouveau CNR et je sais très bien que le programme du CNR n’était pas le « programme de transition » de Léon Trotski. J’estime seulement qu’aujourd’hui, comme pendant l’occupation allemande, la question de l’indépendance nationale est de première importance. Bien évidemment l’indépendance nationale n’est pas le socialisme. La rupture avec la tutelle de l’OTAN et de l’UE serait cependant aussi importante dans le changement de l’équilibre mondial que la libération de 1945. Ce serait assurément le déclenchement d’une vague révolutionnaire sur toute l’Europe. Ce n’est que dans cette perspective que peut actuellement se construire une force révolutionnaire.
Je ne peux que répéter à l’égard de votre collectif que ce que j’ai déjà écrit par ailleurs :
« Je suis absolument certain que ceux qui ne se battent pas pour le Frexit ne sont pas trotskistes. Je suis absolument certain que ceux qui ont couvert le mouvement des gilets jaunes d’insultes et de calomnies ne sont pas trotskistes. Ceux qui n’ont pas compris que la stratégie du soutien inconditionnel est indispensable pour défendre les libertés démocratiques ne sont pas trotskistes. Je suis certain aussi qu’il faut pour le Frexit ne pas hésiter à se battre aux côtés de tous ceux qui veulent libérer la France de l’emprise de l’OTAN, de l’UE et de l’Euro. Il s’agit ni plus ni moins de construire un nouveau CNR. Les gauchistes et les sectaires qui veulent paraître purs et durs en refusant d’emprunter cet indispensable pont n’ont en fait nullement l’intention de passer sur l’autre rive. Ceux-là non plus ne sont pas trotskistes. Ce sont des révolutionnaires de la phrase dont l’attitude a été stigmatisée par Trotsky lui-même dans le programme de transition :
« Ils piétinent sur place, se contentant de répéter les mêmes abstractions vides. Les événements politiques sont pour eux une occasion de faire des commentaires, mais non d'agir. (…) Dans la politique pratique, les sectaires s'unissent à chaque pas aux opportunistes, surtout aux centristes, pour lutter contre le marxisme. »
De fait, les sectaires qui me critiquent appellent le plus souvent à voter pour des adversaires du Frexit (FI, NPA ou LO, quand ce n'est pas, ni plus ni moins, Chirac ou Macron). Au bout du compte, je me demande s’il reste des trotskistes en France. »
Faute de pouvoir répondre à toutes vos accusations, je vais me contenter ici de répondre au dernier paragraphe :
« Nous gardons en tête la photo de la célébration du Brexit regroupant les formidables amis de la classe ouvrière et de la fraternité internationale des travailleurs que sont Florian Philippot, Asselineau, Nicolas Dupont-Aignan, Cheminade, Jean-Frédéric Poisson, les stars national-populistes issus de la FI, et quelques autres… Libre à toi, de te noyer dans cette fange réactionnaire ! Pour notre part, ces gens-là, leurs idées nationalistes, chauvines, racistes et réactionnaires, les intérêts sociaux qu’ils défendent, ne sont pas de notre monde. »
Ainsi, à l’issue d’une réflexion collective, personne dans votre collectif ne s’est aperçu que cela ne me concernait pas du tout. La réunion dont il est fait état ici n’était pas une réunion de l’UPR. Elle n’a pas été préparée par l’UPR. Elle n’a pas été convoquée par l’UPR. Voir notamment la vidéo sur YouTube intitulée « Retour sur la grande soirée du Brexit » :
« On avait organisé cette soirée en précisant bien qu’il ne s’agissait pas d’une soirée UPR. Nous avions choisi un local qui, contrairement à certaines calomnies qui circulent sur la toile, n’était pas au siège de l’UPR (…) J’avais invité de nombreuses personnalités de tout l’échiquier politique sauf les personnalités les plus farouchement pro-européennes (…) J’avais invité toutes ces personnalités en espérant que, le temps d’une soirée, on pourrait mettre de côté tout ce qui les sépare pour célébrer ce grand jour que constitue un grand peuple, le peuple britannique, qui recouvre la liberté (…) »
Il me semble que c’est suffisamment clair. Cette « fête » a été organisée par François Asselineau et ses amis. Il est vrai que le « on » qu’il emploie est indéfini mais il dit clairement que « il ne s’agissait pas d’une soirée UPR ». Cela a été dit avant la réunion, pendant la réunion et après la réunion. C’est François Asselineau qui a invité les personnalités de son choix à partir de son « carnet d’adresse personnel ». Je n’ai pas participé à cette réunion. Mais j’ai encore quelques remarques à faire au sujet de la forme. Comme le disent des camarades de « La Commune » à propos de ceux qui « ne cherchent pas à débattre » : « ils assènent, invectivent, amalgament, prennent tout le monde de haut ». Il n’est tout de même pas difficile d’être clair et précis. Pourquoi, par exemple, cette expression : « les stars national-populistes issus de la FI » ? Il me semble qu’il n’y avait qu’une seule personne venant de la FI : Djordje Kuzmanovic. Il n’est pas difficile de donner son nom et vous pouvez soit ne pas ajouter de commentaires soit justifier vos commentaires (les stars national-populistes issus de la FI). Dans le même ordre d’idée vous pouviez ne citer aucun nom ou les citer tous car, vous laissez la désagréable impression que ce n’est pas le hasard qui guide votre sélection. Vous aviez aussi la liberté de faire un choix mais, dans ce cas, l’honnêteté imposait de le dire. Parmi les « quelques autres » dont vous parlez, sans donner les noms, se trouvaient notamment Gilles Casanova, Pierre Levy et Philippe Pascot que vous amalgamez ainsi à « cette fange réactionnaire ! Pour notre part, ces gens-là, leurs idées nationalistes, chauvines, racistes et réactionnaires, les intérêts sociaux qu’ils défendent, ne sont pas de notre monde ». Allez donc le leur dire plutôt que de faire des amalgames !
Tout ce que vous dîtes-là est d’autant plus hors sujet que, dans la proposition que j’ai faite, il n’était pas du tout question de l’UPR. Je n’en ai fait état que parce que j’estime qu’il faut en toute chose être le plus clair possible et j’ai donc signalé que, bien que ce ne soit pas ma proposition du moment, j’étais adhérent de l’UPR. C’est bien sûr un choix que j’assume et qui peut être critiqué. Je sais le défendre. Mais, cela ne doit pas interdire de répondre à ma proposition. Pour toute réponse, je n’ai reçu qu’une série d’invectives ce qui interdit la discussion entre militants que je propose. Vérité et clarté sont d’ailleurs l’essentiel de ma proposition car je demande à chaque militant d’exposer son programme simplement en donnant la liste des propositions qu’il peut être amené à faire selon les circonstances et chacune de ses prises de position afin qu’en toute clarté nous puissions en discuter.
Je constate, bien que vous ne soyez pas bavard à ce sujet, que Vincent Présumey préconise parfois de voter pour Chirac et Macron. Cela fait donc partie de ses propositions. Est-ce pour ne pas avoir à en parler que vous préférez vous exprimer collectivement ou êtes-vous tous d’accord sur ce point ?
Loin d’essayer d’être le plus clair possible, loin de répondre à la question posée, vous préférez au terme d’une mûre réflexion collective, asséner, invectiver, amalgamer, prendre tout le monde de haut... Mais vous ne vous contentez pas de cela. Vous concluez : « Aujourd’hui, la nécessité, c’est l’unité des travailleurs, pas l’alliance avec leurs ennemis ». Je ne vais pas laisser des électeurs de Chirac et Macron m’accuser d’alliance avec les ennemis de classe. Ceux qui veulent essayer ont tout intérêt à se mettre au clair avec leur passé et à me montrer la voie à suivre par leur exemple avant d’essayer de me donner des leçons car toute ma vie je suis resté digne et l’ennemi de classe m’a fait payer et me fait encore payer mon combat pour la cause des exploités. Ainsi mon compte Facebook est « temporairement verrouillé » depuis la mi-novembre c’est-à-dire depuis la mise en vente de mon livre sur Macron. Eux, savent reconnaître leurs ennemis. Ainsi, quand j’ai fréquenté l’université, j’ai protesté en 2002 quand des personnes ont illégalement utilisé les listes de diffusion universitaires et scientifiques pour diffuser l’appel à voter Chirac que vous avez défendu. Dans la liste des signataires de cet appel se trouvait notamment Michel Broué qui, lui aussi a voté pour Macron en se pinçant le nez et en appelant cela « voter contre Le Pen ». Face à mes protestations, il a fallu que je précise que je ne défendais pas la respectable orientation d’Arlette Laguiller mais plutôt celle de Pierre Broué le père de Michel. Le responsable de la diffusion a alors pris contact avec mon directeur de thèse pour engager un processus de répression contre moi. J’évoque indirectement cela dans mon livre « Macron démission – protestation » à propos du « Pénélope-Gate » (page 151) :
« Regardez-donc à l’université comment sont choisis les maîtres de conférences ou au CNRS comment sont choisis les ingénieurs de recherche. Les femmes, les maîtresses, les enfants, les gendres et les brus des « gens en place » ont une priorité absolue et ce n’est pas pour quelques mois que sont ainsi recrutés des incapables. C’est pour toute une vie que sont ainsi payées des personnes pour faire de la recherche alors qu’elles n’en feront jamais. Pour faire néanmoins avancer la recherche ces « gens en place », tel que Bernard Victorri qui fut directeur adjoint du CNRS et s’est particulièrement illustré dans ce domaine, font marner des thésards qu’ils sacrifient comme de la chair à canon. Ces pratiques sont tellement habituelles qu’aucun recours ne peut aboutir et qu’en conséquence les victimes ne sont jamais indemnisées. »
Inutile de préciser que je n’ai obtenu ni poste de maître de conférences ni poste d’ingénieur de recherche. Y a-t-il une relation de cause à effet ? Là où bien d’autres ont trouvé profit du système qu’ils dénoncent, j’ai été sanctionné et je suis encore sanctionné. J’ai d’ailleurs aussi dans un autre livre et sous un autre nom écrit ceci :
« il faut reconnaître (qu’en plus) ils ont fait par la suite beaucoup d’études pour arriver au niveau Bac+8. Regardons-y de plus près. Savez-vous qu’il est tout à fait possible d’être recruté comme enseignant-chercheur dans une discipline sans jamais y avoir fait d’études ? Il y a un cas bien connu car il a déjà été révélé plusieurs fois. Il s’agit de l’historien Benjamin Stora qui n’aurait sans doute jamais pu faire de carrière universitaire s’il n’avait été recruté comme maître de conférences en sociologie par son ami en politique Pierre Fougeyrollas. Nous disons bien, et il faut le souligner, que cet historien a été recruté par piston sur un poste de sociologie. Qu’est devenu l’étudiant anonyme de sociologie qui, en toute équité, aurait dû avoir ce poste ? Il reste à ce sujet un petit pan de l’Histoire que Benjamin Stora n’écrira pas… »
En fait ce n’est pas comme maître de conférences mais comme assistant en sociologie qu’il avait été recruté par piston. Comment Fougeyrollas, Benjamin Stora et tous les lambertistes peuvent-ils à la fois se prononcer pour des règles d’impartialité lors des recrutements de la fonction publique et s’accommoder entre copains de ces ignobles magouilles dont je suis l’une des victimes ? Que serait aujourd’hui Benjamin Stora sans cette tricherie ?
J’ai donc cité les noms de trois personnes qui sont liées pour le meilleur et pour le pire : Michel Broué, Vincent Présumey et Benjamin Stora. Je précise que je n’ai aucun doute sur la probité de Michel Broué qui était un mathématicien reconnu avant de se mêler de politique et je n’imagine pas un moment que Pierre Broué ait usé de son influence pour pistonner son fils. Vu les mœurs qui se pratiquent dans les procédures de recrutement à l’université cela mérite d’être souligné.
J’ai par contre quelques questionnements en ce qui concerne le parcours politique de Michel Broué. Je me souviens avoir participé à un meeting de soutien à Léonid Pliouchtch qui se tenait à la mutualité. Michel Broué était à la tribune puisqu’il était à l’initiative de sa libération. J’ai beaucoup de respect pour son action à ce sujet au sein du « Comité des Mathématiciens ». Il y avait eu des actes de violences dans la salle. Je n’avais pas vu précisément ce qui s’était passé mais j’ai appris par la suite que des sympathisants de Balazs Nagy s’étaient fait tabasser par le service d’ordre de l’OCI pour leur interdire de s’exprimer. Je m’étais fait accompagner par un groupe d’instituteurs et, en bon militant de l’OCI, je m’étais senti obligé de leur justifier cette violence en la mettant sur le dos d’inévitables staliniens qui ne pouvaient pas supporter que ce meeting remette en question la politique répressive de l’URSS. J’ai eu tort. La responsabilité de cette violence incombait à Lambert. Je me suis fait son complice. Michel Broué était obligatoirement lui aussi plus ou moins complice et probablement plus que moi.
Depuis il est président de « la Société des Amis de Médiapart ». Cela pose d’autres questions puisqu’à ce titre il collecte le fric que verse notamment Xavier Niel qui fit de la prison en étant accusé de proxénétisme. J’explique cela en détail dans mon livre « Macron démission – Révolution » p. 118 et 119. Xavier Niel n’est pas seulement à la tête d’une grande fortune salement acquise, il est surtout le gendre putatif du nec-plus-ultra du capitalisme mondial : Bernard Arnault. J’ai écrit un billet à ce sujet intitulé « Bernard Arnault : première fortune mondiale ». Par ses fonctions de président des Amis de Médiapart, Michel Broué cautionne peu ou prou les discours d’Edwy Plenel qui calomnie François Asselineau en le traitant de xénophobe. Voir la vidéo de YouTube intitulée : "Pour Edwy Plenel (Médiapart), Asselineau est xénophobe". Voir aussi mes commentaires à ce sujet dans mon article « Partisans ou adversaires du Frexit : lesquels sont des nationalistes ? (1ère partie) ». Il n’est pas question pour moi de faire des amalgames mais en choisissant ainsi d’être président des Amis de Médiapart Michel Broué joue un rôle dans le système des médias qui défendent tous l’Union Européenne, censurent les partisans du Frexit, dénigrent François Asselineau en le calomniant et m’interdisent l’accès à un réseau social (Facebook) afin que je ne puisse pas vendre mon livre sur Macron.
Entendons-nous bien ! Michel Broué est libre d’être plus ou moins européiste, opposé au Brexit et au Frexit comme Vincent Présumey si j’ai bien compris. Il est libre aussi de détester le « militant de la bourgeoisie » François Asselineau et de préférer les glorieux « militants ouvriers » comme François Mitterrand ou Ségolène Royal. Je n’ai pas perçu précisément leurs positions sur ces sujets. Cela faisait partie de ma démarche initiale de faire en sorte que chacun s’exprime clairement sur ces questions pour que nous puissions en discuter sereinement. Mais je parle ici d’autre chose. Je parle de démocratie. Je les accuse de participer peu ou prou à cette censure.
J’en appelle en effet au soutien inconditionnel à toute victime de la répression, d'actes arbitraires ou antidémocratiques. C’est un principe sur lequel pour ma part je ne transige pas. Voir à ce sujet le chapitre « Soutien inconditionnel » dans mon livre « De François Mitterrand à Jean-Luc Mélenchon » et mon article « Soutien inconditionnel à Jean-Luc Mélenchon et à la France Insoumise ». J’ai cru comprendre, à propos des attaques subies par Jean-Luc Mélenchon que la position de Médiapart était bien différente de ce qui devrait être maintenant une tradition de tout le mouvement ouvrier, depuis l’expérience de la montée du fascisme en Allemagne. Je crois savoir ce que dirait le regretté Pierre Broué à ce sujet. Je vous demande de dénoncer la censure dont les partisans du Frexit sont l’objet. Ils n’apparaissent quasiment jamais à la télévision qui est, toutes chaines confondues, unanimement européiste alors qu’il est raisonnablement admis qu’une moitié des français est pour le Frexit (exemple de l’Angleterre et référendum en France de 2005). Les vrais démocrates doivent se prononcer à ce sujet même s’ils sont européistes.
Il faut que chacun soit conscient de ses actes et je ne saurais trop inviter Michel Broué à réfléchir à la portée de ce qu’il fait aujourd’hui comme il faut qu’il réfléchisse à la portée de ce qu’il a fait avec les lambertistes. C’est le lot commun des militants ouvriers de faire des erreurs et de revenir sur les actions du passé pour essayer de ne pas se tromper sur le moment présent. De ce point de vue, le témoignage de Pierre Salvaing sur son expérience du lambertisme est ce que j’ai trouvé de plus honnête. Je m’efforce de faire comme lui et je n’en entends pas beaucoup d’autres parler de leurs erreurs du passé. Je reprends à mon compte d’ailleurs ce qu’il dit sur ce que doit être la méthode de discussion et sur l’analyse qu’il fait de la difficulté qui doit pour cela être surmontée.
« Les déchirements des courants inspirés du « trotskysme », conséquence générale de l’écrasante pression du stalinisme sur le mouvement ouvrier dans son ensemble, ont fait longtemps oublier ce que pourtant Trotsky lui-même avait institué comme méthode de discussion : le respect de points de vue différents, voire divergents, débarrassés des accusations sempiternelles que la nécessité de se défendre du stalinisme avait fait naître : « Pour le compte de qui travailles-tu, camarade ? »
C’est donc pour le meilleur et pour le pire que sont rassemblés Michel Broué, Vincent Présumey et Benjamin Stora et il ne faut pas s’étonner que je sois amené à parler des trois.
Pour le meilleur, ils ont cosigné un article en défense des trotskistes mille fois calomniés par les staliniens et une mille-et-unième fois par le psychanalyste Jacques-Alain Miller qui a écrit une ignominie sous le titre « Le bal des lepénotrotskistes »,
Pour le pire, ils ont été tous les trois des électeurs de Chirac au second tour des présidentielles de 2002 et des électeurs de Macron au second tour des présidentielles de 2017. Je pense qu’il est possible d’en discuter sereinement mais cela est mal parti.
Il n’est pourtant pas nécessaire d’être un spécialiste de l’histoire du mouvement ouvrier pour lire ce que dit la Wikipédia sur la page consacrée à « L’élection présidentielle allemande de 1932 ». Pour « barrer la route à Hitler » les Présumey et autres Besancenot de l’époque appelaient à voter pour Hindenburg « en se bouchant le nez ». Un an plus tard, se bouchant le nez à son tour, Hindenburg offrait la direction du Reich à Hitler. La similitude est totale avec la situation actuelle. Quelle différence y-a-t-il entre Macron et Le Pen pour ceux qui sont derrière Macron (Bernard Arnault, Xavier Niel…) ? Dans les circonstances de 2017 c’était le Macron qu’ils ont fabriqué qui leur convenait le mieux mais ils sont prêts à le changer avec Le Pen si les circonstances l’exigent pour sauver l’UE et tout leur système d’exploitation. Voter pour Le Pen ou Macron c’est voter pour le même camp. Ce n’est pas, ce ne sera jamais mon camp. Ce n’est pas moi qui propose la collusion avec l’ennemi de classe du mouvement ouvrier.
Sur cette question, je ne peux pas faire mieux que de citer Pierre Broué qui écrivait le 28 avril 2002 :
« Entré à l'hôpital pour une opération au lendemain du premier tour, je découvre en sortant que des camarades que j'estime ont jeté par-dessus bord idées et principes et appellent à voter Chirac ! J'avoue avoir reçu ce coup en plein visage et en tituber encore. Mon fils Michel m'offre de m'aider matériellement à exprimer mon point de vue. J'accepte.
Je vais être brutal. Ces derniers jours, dans mon état semi-comateux, ne me récupérant que par morceaux, je me suis cru en août 14. Je ressens l'attitude de ces camarades, et notamment ceux de la Gauche socialiste (dont je ne suis pas et n'ai jamais été), comme un coup de schlague, une humiliation, une initiative très grave. Je suis trop fatigué pour écrire un vrai texte mais je vais essayer d'énoncer des repères.
1. Il n'y a pas de problèmes français. C'est guignolesque d'expliquer que ce vote Chirac deviendra un référendum contre Le Pen. Nous sommes dans le monde et ce que nos concitoyens du monde apprennent, c'est ce que disent leurs journaux : "Les démocrates se rangent derrière Chirac." C'est grave, une vieille du goulag, une hija argentine, me demandent comment c'est possible… et mes amis d'Algérie.
2. J'affirme que la plupart de vos arguments (je m'adresse à ceux qui veulent voter pour Chirac) relèvent de l'épicerie. Ce ne sont pas les totaux de voix qui comptent mais la création, les manifestations, les réunions, les prises de parole, autrement dit la solidarité, l'élan, la ténacité et l'attachement au monde du travail : je n'oublie pas celui qui m'a dit, quand j'ai quitté l'hôpital : "Il faut dire à Jospin qu'on l'aime." Se cracher les uns sur les autres, même si on a raison dans sa rogne, cela ne profite qu'à Chirac et Le Pen. Il faut s'abstenir de violences verbales sans renoncer au débat et à la critique.
Marx et Ledru-Rollin,Trotsky et Hindenburg.
3. Déjà, Marx refusait le vote pour Ledru-Rollin et Trotsky celui pour Hindenburg. Honnêteté et courage. Vous qui dénoncez l'escroc et le super-menteur et qui avez de jeunes enfants, vous le leur dites comment, que vous votez pour lui ? Je crois que, dans votre désarroi, vous cherchez désespérément à gagner… du temps."
4. On ne gagne rien à se renier. Il faut marcher de l'avant, faire un Premier Mai grandiose, aider la jeunesse à renouer avec les traditions qu'elle cherche. Michel écrit qu'il appelle à voter Chirac, " la rage au cœur ". Dans le mien, mes camarades, il n'y a pas de rage, mais nos espoirs, nos rêves, ce monde nouveau que vous voulez et qui sera vôtre, les jeunes, et toute l'amitié et l'amour qu'on a pour vous, connus ou inconnus.
Et même nos amours mortes et celles qui n'ont pas pu éclore. Non, on ne va pas se masquer pour combattre.
Dans les yeux, face à face, s'il vous plaît, et tête haute.
Bulletins blancs ou nuls !
Vive la vie ! »
Je considère ce texte comme son testament politique. Au même titre que le testament de Lénine, il permet aujourd’hui d’identifier les renégats.
Yours for the révolution. La tête haute et le poing levé !
Jean Dugenêt