samedi 15 décembre 2018 - par Marc Dugois

L’homme, la richesse et l’argent

Toute civilisation est fondée sur une approche personnelle du beau, du bien et du vrai. Il en découle sa notion de la justice, combinaison du bien et du vrai, sa notion de la clarté, réunion du vrai et du beau, et sa notion de la richesse, alliance du beau et du bien. Toutes les civilisations cherchent à harmoniser ces trois notions, a rendre vraie la richesse, à rendre belle la justice et à rendre bonne la clarté. Elles appellent toutes cela la prospérité du mot prosper qui veut dire en latin heureux.

Tout groupe, famille association oïkos, se fonde sur le donner-recevoir-rendre qui est, comme le disait Mauss, un « fait social total » juridique, économique, culturel, symbolique et religieux. Ce fait social est au service du groupe et le nourrit. L’échange se fait naturellement, la vérification ne se faisant que par la mémoire et la bonne volonté de tous. La mémoire permet de maîtriser la réalité de l’échange dans le temps et la bonne volonté garantit l’action de chacun.

Lorsque le groupe devient trop important, la mémoire devient inefficace et la bonne volonté incertaine. Le groupe devient société et invente la monnaie qui remplace le donner-recevoir-rendre en étant à son tour le « fait social total » de Marcel Mauss, juridique, économique, culturel, symbolique et religieux.

La monnaie (venant de moneo forme causative de la racine men de la mémoire) a l’immense avantage d’être un titre de créance sur le groupe, titre transmissible et reconnu par tous les membres du groupe mais elle a un immense inconvénient : étant un titre de créance elle doit avoir une raison d’être et cette raison d’être est laissée à l’appréciation des fabricants de la monnaie.

Quand ils sont honnêtes intellectuellement ils ne créent de la monnaie qu’après que des membres du groupe soient devenus créanciers du groupe par leur travail. Quand ils le sont moins ils créent la monnaie avant que quiconque ait travaillé pour le groupe et en soit créancier. Dans ce cas ils ne créent pas de la monnaie pour reconnaître une dette déjà existante mais ils inscrivent une nouvelle créance de même montant à récupérer plus tard.

Dans une société cohérente le groupe, par l’intermédiaire de l’État, introduit la monnaie en distribuant à chacun une même quantité de monnaie en reconnaissance de ce que chacun a déjà apporté au groupe. Ensuite il crée de la monnaie chaque fois qu’il reconnait qu’un individu lui a apporté quelque chose. Il crée donc de la monnaie pour payer ses fonctionnaires comme ses fournisseurs. S’il a trop de fonctionnaires ou s’il dépense trop, il crée trop de monnaie qui ne correspond plus à un vrai travail effectué. La monnaie se dévalorise et le groupe entier en pâtit. Si en revanche l’État limite ses fonctionnaires et ses dépenses au strict minimum et à la réalité de l’apport réel au groupe, la masse monétaire n’augmente que très progressivement et la monnaie peut même se revaloriser au bénéfice de tous. L’État est responsable devant son peuple de sa gestion.

Dans une société incohérente la monnaie n’est plus créée pour reconnaître une dette pour un travail utile déjà effectué mais elle est un prêt, donc accompagnée d’une créance de même montant sur celui à qui le groupe a fait ce prêt. On va inventer, pour justifier cette création monétaire non causée par un travail utile déjà effectué, l’idée de travail utile à effectuer. La création monétaire n’a plus de frein naturel puisqu’elle n’est plus qu’un prêt. On la justifie par les notions fumeuses de création de richesses et d’investissement et dans la réalité elle ne fait que dévaloriser la monnaie et entraîner une hausse permanente des prix. L’État se désengage de sa gestion, laisse aux banques la création de la monnaie et aux entreprises l’exclusivité de l’utilisation des énergies individuelles. Il ne sert plus à rien si ce n’est à faire le beau et à utiliser à mauvais escient la violence légitime qui lui a été confiée. Ainsi naissent les révolutions.

Dans l’attente de cette révolution et l’incohérence régnant, l’État va nier les races, les différentes civilisations, les différences entre l’homme et la femme avec leur complémentarité. Il va faire de la morale pour exister et se donner une raison d’être puisqu’il a abandonné la sienne. Il va à l’extérieur essayer de faire payer sa propre incurie aux autres civilisations en inventant et en sacralisant le commerce international et les causeries entre soi. Il va à l’intérieur tel Don Quichotte attaquer le tabac, l’alcool, la vitesse, la fessée et toutes les formes de violence sauf la sienne. Il va survaloriser les entreprises pour que, par leurs productions elles fassent circuler l’argent en distribuant l’argent de leurs clients à leurs fournisseurs, à leurs salariés, à leurs actionnaires et à l’État, tout en les accusant de laisser des gens au chômage comme si leurs rôles étaient celui de l’État de veiller à ce que chacun soit utile au groupe. Il va faire croire que dépenser de l’argent créé par les banques, c’est créer des richesses. Bref il va tout faire pour engendrer cette révolution qu’il redoute et qui naît de sa propre incohérence.

A propos sommes-nous plutôt dans une société cohérente ou incohérente ?



25 réactions


  • Le Gaïagénaire 15 décembre 2018 15:21

    @Marc Dugois, 
    Incohérence totale de la société et même dans votre texte :

    « Dans une société cohérente le groupe, par l’intermédiaire de l’État, introduit la monnaie en distribuant à chacun une même quantité de monnaie en reconnaissance de ce que chacun a déjà apporté au groupe. »


    Je suggère le changement suivant : ...en reconnaissance de ce que chacun est un esclave jeté dans le groupe sans son consentement préalable, peu importe ce qu’il apportera ou pas dans l’avenir comme personne libre.


    Votre préambule devient ainsi plus cohérent.


    • Marc Dugois Marc Dugois 15 décembre 2018 16:21

      @Le Gaïagénaire
      Je parle dans cette phrase de l’introduction de la monnaie dans un groupe, introduction qui n’est quasiment jamais étudiée.

      C’est surtout la suite qui est importante sur la création monétaire qui, pour être cohérente, doit toujours être une dette que le groupe reconnait avoir vis-à-vis du porteur de la monnaie. C’est ce qui est complètement oublié.

      Quant à votre phrase elle montre bien la difficulté de l’harmonie entre l’individuel et le collectif.


    • Le Gaïagénaire 15 décembre 2018 18:30

      @Marc Dugois 15 décembre 16:21

      « ...dette que le groupe reconnait avoir vis-à-vis du porteur de la monnaie » du simple fait d’y être né libre et non, comme actuellement, esclave du groupe.


    • Marc Dugois Marc Dugois 15 décembre 2018 19:00

      @Le Gaïagénaire

      Je ne crois pas que le groupe qui fait les routes et les hôpitaux, rende esclaves les individus. Il peut en revanche être fort mal dirigé et mal organisé. C’est tout le débat politique actuel.


    • Le Gaïagénaire 15 décembre 2018 23:35

      @Marc Dugois 15 décembre 19:00

      https://dictionnaire.reverso.net/francais-definition/esclave
      5   au sens figuré  quelqu’un qui est entièrement soumis à quelqu’un ou à quelque chose et qui en dépend 

      Comme tous les « enfants » non-désirés, non-voulus du monde. Pourquoi les « esclaves » se reproduisent-ils ? Castoriadis postule que pour eux c’est la normalité.


    • Marc Dugois Marc Dugois 16 décembre 2018 06:59

      @Le Gaïagénaire

      C’est ce qu’Etienne de La Boétie a parfaitement étudié (à 18 ans !!!) dans son « Discours de la servitude volontaire ».

      Personnellement je postule que la responsabilité se construit sur 3 pieds, la liberté, la compétence et l’engagement. Je suis triste quand je vois un gouvernement envisager de donner le droit de vote aux débiles mentaux alors qu’il faudrait aller au contraire vers le permis de voter avec des questions à choix multiples simples, genre :

      Qui fait les lois ?

      Le Gouvernement
       Le Parlement
       Le Président


    • Le Gaïagénaire 16 décembre 2018 15:50

      @Marc Dugois  16 décembre 06:59

      Ni La Boétie, ni Montaigne, ni même Rousseau ne pouvaient se concevoir comme les esclaves de leur mère idéalisée, et ce n’est pas un blâme, ni Marc Dugois.

      C’est un tabou même chez Sophocle.

      Cordialement


  • Francis, agnotologue JL 15 décembre 2018 15:27

    Bonjour Marc Dugois,
     
    Ne dit-on pas « qui trop embrasse, mal étreint » ?
     
    à vouloir tout expliquer, vous en arrivez à tout mélanger. La création monétaire est une chose bien délicate en soi, sans qu’il soit besoin de faire appel aux genres, aux races, religions et chapelles. Enfin, je trouve.


    • Marc Dugois Marc Dugois 15 décembre 2018 16:26

      @JL
      Il est vrai que je suis convaincu que tout est lié et que ce que je crois être une folie actuelle libérale libertaire n’a été rendue possible depuis le 15 août 1971 que par une création monétaire illusoirement compensée par la création de richesses futures.

      Cette fausse monnaie trop facilement créée a fait sauter tous les freins de bon sens en laissant croire que tout était possible.


    • Francis, agnotologue JL 15 décembre 2018 18:31

      @Marc Dugois
       

      Je pense que vous évoquez là ce sont ce qu’on nomme des bulles ?
       
      ’’une création monétaire illusoirement compensée par la création de richesses futures. ’’
       
      A mon avis, dans cette phrase, ce qui est important ce n’est pas le principe de la création monétaire, c’est le mot illusoire.
       
      Et même sur ce mot il y aurait beaucoup à dire.
       
      Pour la monnaie, à savoir un objet destiné à faciliter le troc dans l’espace et dans le temps je ne connais que deux possibilités : soit on utilise un objet de transition qui possède une valeur intrinsèque tel que métaux précieux, objet d’art, etc. soit on utilise des créances une reconnaissance de dette, un bon à payer, un billet de banque ... dont la valeur repose sur la confiance que l’on accorde à l’émetteur des créances.
       
       Je ne vois pas d’autre alternative.


  • Marc Dugois Marc Dugois 15 décembre 2018 19:12

    C’est en effet la création de richesse qui est totalement illusoire et générée par la publicité et les médias.

    Le lien avec la monnaie vient du fait que la monnaie évalue la richesse et que la fausse monnaie actuelle fait croire à une fausse richesse.

    La monnaie n’est pas du tout destinée à faciliter le troc qui est un échange matérialiste inconnu dans un espace cohérent comme une famille, une tribu ou une association. La monnaie remplace le donner-recevoir-rendre « fait social total » comme l’appelait l’anthropologue et professeur au Collège de France Marcel Mauss.

    Mais vous avez raison pour moi sur un point : il faut avoir confiance en l’émetteur de la monnaie pour qu’il ne crée cette créance sur le peuple qu’après avoir constaté la réalité de la dette du groupe. Nous en sommes très loin aujourd’hui puisque les banques créent la monnaie sur de prétendues richesses futures qui ne sont qu’un mythe et font simplement monter la dette.


  • monde indien monde indien 16 décembre 2018 18:55

    Je suis très ignorant en matière d ’ économie et d ’ argent ; mais bon , chacun a sa petite idée , même sur le mystère universel . 

    Il me semble que la base de la communauté ( humaine , animale , universelle ... ) est l ’ égalité et la fraternité ( même si tout semble me donner tort ) . La liberté en découle . 

    N ’ a-t-on pas installé l ’ argent dans le cadre du marché . 

    Avant le marché il y avait la distribution . 

    L ’ institution du marché a éloigné la communauté humaine de la fraternité et de l ’ égalité . Sans-doute y a-t-elle perdu aussi sa liberté . 

    Cordialement , 

    http://mondeindien.centerblog.net/ 


    • Marc Dugois Marc Dugois 16 décembre 2018 19:08

      @monde indien

      Je crois qu’avant la monnaie il n’y avait ni le troc comme faussement enseigné dans les universités, ni la simple distribution comme vous semblez le penser car dans tout groupe cohérent, c’est le donner-recevoir-rendre de Marcel Mauss qui se vit comme on peut le vérifier dans toute famille où il n’y a ni troc ni distribution sans apport de tous.

      Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme et la monnaie ne devrait que transporter une énergie déjà dépensée dans l’intérêt du groupe, ce qui en limite à l’évidence la quantité.

      Ce qu’on appelle les marchés ou le système bancaire c’est un monde qui crée de la monnaie sans limite sur la seule base que cette fausse monnaie créera des richesses, ce qui est faux mais formaté dans les esprits. C’est en effet une source de drames qui arrivent...


    • Francis, agnotologue JL 16 décembre 2018 19:12

      @Marc Dugois
       
       je pense que le troc n’est pas exclusif du donner-recevoir-rendre, de la même façon que plusieurs monnaies peuvent cohabiter.
       
      Troquer avec les uns, donner-recevir-rendre avec les autres, je trouve ça très cohérent.


    • Marc Dugois Marc Dugois 16 décembre 2018 19:35

      @JL

      Vous avez entièrement raison, le donner-recevoir-rendre est dans l’espace cohérent, et le troc est avec l’extérieur.

      Le commerce internationale ne devrait être que du troc qui donne la vraie valeur des monnaies entre elles. En revanche dans une nation, toute la politique devrait être de rendre l’espace cohérent et d’y faire vivre le donner-recevoir-rendre, ce qui devrait forcer le pouvoir à respecter la constitution qui dit que « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ». N’est-ce pas une demande naturelle et pourtant insatisfaite ?


    • Francis, agnotologue JL 16 décembre 2018 19:58

      @Marc Dugois
       
      bitcoins, monnaies locales, euros, dollars, yens, ..., bénévolat, d-r-r, troc, tout ça coexiste de nos jours.


    • Marc Dugois Marc Dugois 16 décembre 2018 20:17

      @JL

      C’est extrêmement provisoire et cette coexistence n’existe que par une incompréhension quasi totale de ce qu’est la monnaie. Les faux débats universitaires entre la monnaie-signe et la monnaie-marchandise empêchent de voir que les monnaies remplacent en même temps le donner-recevoir-rendre à l’intérieur de l’espace cohérent et le troc à l’extérieur, ce qui crée une mélasse où personne ne peut y retrouver ses petits.

      L’or monte et les monnaies sont toutes à l’agonie. Nous allon
      s assister à leur décès.


    • Francis, agnotologue JL 16 décembre 2018 20:34

      @Marc Dugois
       
       Ah ! j’avais oublié l’or. Au temps pour moi.


    • monde indien monde indien 17 décembre 2018 13:25

      @Marc Dugois  La distribution n ’ est pas chose simple , comme vous semblez le croire  elle a pourtant existé dans des petites sociétés ( tribales )  elle suppose sans doute qu ’ existe le donner-recevoir-rendre . Mais elle tient compte que chacun ne peut pas donner autant . Mais que chacun doit recevoir la même part de bien être . 
      La base du marché n ’ est pas précisément la monnaie , mais exactement l ’ échange ( le troc ) qui ne tient plus compte de l ’ autre , mais qui laisse place ( droit ) à l ’ abus de celui qui profite de l ’ état nécessiteux de ceux qui malheureusement s ’ y trouvent . 
      C ’ est le contraire de l ’ empathie . C ’ est le droit d ’ abus de faiblesse . 
      Deux conceptions radicalement opposées . L ’ une qui cherche une véritable communauté véritablement humaine . L ’ autre qui ne croit qu ’ au chacun-pour-soi , à l ’ homme loup pour l ’ homme . 


    • Marc Dugois Marc Dugois 17 décembre 2018 14:51

      @monde indien

      Je suis totalement d’accord avec vous. Je n’avais pas compris que ce que vous appeliez la distribution c’est ce que Marcel Mauss appelle le donner-recevoir-rendre et qui est qualitatif en non quantitatif. C’est ce qui existe dans une tribu, une famille ou une association.

      L’autre façon d’échanger, héritée du troc, n’a de sens qu’entre personne que rien ne lie. Cela devrait être le commerce international mais en aucun cas ce qui se vit dans une même nation qui se donne une devise.


    • monde indien monde indien 17 décembre 2018 18:36

      @Marc Dugois . Merci pour votre gentillesse de me répondre . Qualitatif et quantitatif , les deux ont leur importance . Ce qui importe est sans-doute d ’ avoir une relation humaine , une relation de communauté humaine ( ce qui implique aussi le respect et la défense de l ’ individualité de la personne ) . 
      Quant au « commerce » international ( voir l ’ étymologie du mot commerce ) , à notre époque il n ’ y a pas de raison de ne pas envisager celui-ci « en bonne intelligence » ? Le mot fraternité de notre devise nationale n ’ y a-t-il pas toute sa place ? 
      Bien à vous , 
      http://mondeindien.centerblog.net/


    • Marc Dugois Marc Dugois 17 décembre 2018 19:17

      @monde indien

      Bien sûr que les deux ont leur importance mais le plus important est la cohérence.

      Or il est devenu classique de vouloir imposer la cohérence de sa civilisation à toute la Terre. C’est la nouvelle forme de colonialisme qui nous revient dans la figure comme un boomerang. Se considérer comme le centre de l’univers a toujours été la constante de toutes les civilisations et nous utilisons nos avancées technologiques pour tenter d’imposer nos notions du bien,du beau et du vrai à toute l’humanité alors que nous sommes de moins en moins sûrs de nous.


  • monde indien monde indien 17 décembre 2018 20:21

    Bien d ’ accord avec vous . Le respect des autres peuples est une question d ’ économie , bien-sûr , mais pas que . Le respect des cultures est indispensable aussi . Alors dans ces conditions nous pouvons nous enrichir mutuellement . 


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