L’horloge de l’Apocalypse : presque une légende urbaine
Je reviens sur « l’horloge de l’apocalypse ». Il ne resterait donc que quelques instants avant la disparition de l’humanité. J’ai déjà exposé ici les raisons de douter de ce concept. Il me paraît important aujourd'hui de compléter la critique.
Qui ?
Cette horloge, en anglais Doomsday Clock, est présentée comme un indicateur planétaire universellement reconnu. Elle est supposée avertir les humains de l’imminence plus ou moins grande d’un danger catastrophique pour la survie de notre espèce. Il faut cependant chercher la valeur réelle de cette supposée information avant de lui accorder un éventuel crédit.
« Les membres du Bulletin se réunissent chaque année pour changer l'heure de l'horloge de l'Apocalypse en prenant en compte la course à l'armement nucléaire, les tensions politiques, mais aussi le péril écologique depuis 2007 ».
La première question est : qui décide de faire avancer ou reculer cette horloge ? Une association de scientifiques atomistes qui compte 18 prix Nobel dans ses rangs. De quoi impressionner le public. Cette association édite un bulletin. Chaque année les membres du bulletin « mettent la pendule à l’heure ». C’est donc un petit groupe de scientifiques (11 selon mon calcul), scientifiques qui terrorisent le monde et lui imposent leur vision par une posture unilatérale, relayée par la presse sans discernement, et sans aucune contre-hypothèse de nature à réfuter les arguments (ce qui est davantage de l’ordre du religieux que du scientifique). Scientifiques dont la posture intellectuelle est uniquement catastrophiste et apocalyptique.
Quoi ?
Deuxième question : quels sont les critères qui déterminent la fin du monde ? Trois sont retenus. Une guerre nucléaire, les dérèglement climatiques et l’émergence des nouvelles technologies comme les nanotechnologies et biotechnologies.
« Aujourd'hui, le réchauffement climatique incontrôlé et une course aux armes nucléaires résultant de la modernisation des énormes arsenaux existant représentent des menaces extraordinaires et indéniables à la survie de l'humanité ».
Les risques liés aux nanotechnologies ont été ajoutés à cet indicateur. Celui-ci est donc le résultat d’un mélange des genres. Par exemple, quel lien y a-t-il entre l’éventualité d’une guerre nucléaire et le réchauffement climatique ? Et que viennent faire les nanotechnologies ici ?
D’abord il est possible que l’humanité survive à une guerre nucléaire même si les dégâts pourraient être terribles. La guerre nucléaire n’est pas automatiquement l’origine d’une disparition de notre espèce. Ensuite le danger climatique pointé par le « clan Doomsday » est le C02. Sans revenir sur la controverse C02, n’y a-t-il pas d’autres dangers au moins aussi graves, comme l’érosion des terres cultivables, l’amoindrissement des ressources en eau potable, les conséquences d’un usage intensif de forceurs de croissance végétale ou de pesticides et autres molécules ? Aucune justification de ce choix n’est avancée par le clan. Le C02 est à la mode : en est-ce la raison ? Enfin où est-il démontré que les nanotechnologies représentent un danger massif et imminent pour l’humanité ? Ces scientifiques, prix Nobel compris, auraient été parmi ceux qui refusaient le train au XIXe siècle. A moins qu’ils ne se foutent ouvertement de nous.
Comment peut-on associer dans la même échelle de mesure une guerre nucléaire, dont les effets sont immédiats et limités, et un changement climatique dont l’effet (s’il est négatif) se produira dans un ou plusieurs siècles ? Comme le souligne l’article du Matin citant le professeur Dominique Bourg (philosophe et professeur à la Faculté des géosciences et de l’environnement de l’Université de Lausanne : « L’horloge agrège dans un indicateur unique des phénomènes qui ne se déroulent pas à la même échelle et dont les conséquences peuvent être très différentes ».
Par ailleurs, la présentation du réchauffement comme une catastrophe éradiquante pour l’humanité n’est en rien démontré. J’ai déjà souligné ailleurs que les périodes plus chaudes ont été associées à la prospérité des groupes humains, et que le passé récent (depuis environ 3’000 ans) a été plus chaud qu’aujourd’hui. Enfin, il n'y a aucun repère de temps et de grandeur sur l'horloge pour évaluer la gravité d'une éventuelle catastrophe en regard du passé.
Pour qui ?
Le philosophe Pascal Bruckner a publié en 2011 Le fanatisme de l’Apocalypse. ADans une interview parue dans un journal papier, à la question : « L’idée même de cette horloge de la fin du monde vous paraît contestable ? » il répond : « Ce qui me frappe, c’est qu’elle usurpe le pouvoir qui était classiquement dévolu à Dieu ou aux dieux. Désormais, les hommes fixent eux-mêmes le moment de leur fin. On voit bien que le but de cette horloge est de placer un pistolet sur la tempe de l’humanité... (...) Tout cela repose sur une pensée religieuse, même si elle est mise en musique par des scientifiques. L’horloge réactive en particulier les vieilles terreurs chrétiennes du Jour ultime. Elle donne une image frappante, mais ce n’est rien d’autre qu’une mythologie.
Aujourd’hui la peur prime sur la raison et les thèmes apocalyptiques prolifèrent. Ils trouvent une résonance parce que notre histoire humaine est balisée régulièrement par ce thème. La punition divine, le Jugement dernier, le Déluge, etc, sont quelques-uns des visages que prend cette morbidité.
Celui ou celle qui veut croire en cette parodie scientifique, en cette nouvelle attitude de type religieux qui accompagne l’écologie, en la prophétisation de la fin du monde, est libre de le faire. Tout le monde peut croire les légendes urbaines.
Au fond, nous sommes des enfants : nous aimons nous faire peur. Mais pendant que nous nous cachons la tête sous l’oreiller médiatique, les décideurs mènent le monde à leur guise.