mardi 30 octobre 2012 - par Christian Laurut

L’Individu, l’Etat & la Décroissance : Réhabiliter la Responsabilité

La société croissante, qui a élevé le progrès technique et le niveau de vie à des degrés encore jamais atteints, n’en a pas moins fait reculer la responsabilité humaine sur deux fronts : celui de l’Etat et celui de l’Individu.

Par la mise en place d’une prise en charge généralisée et d’une législation omniprésente, cette société croissante a quasiment achevé la phase de déresponsabilisation globale de l’Individu et se prépare à l’étape suivante qui consistera en une infantilisation radicale du même Individu, lui ôtant durablement toute capacité d’action autonome. Déjà réduits à la portion congrue d’une poignée de réfractaires passifs, les zélateurs de la responsabilité individuelle font figure de dangereux anarchistes aux yeux de la multitude accablante des utilisateurs exosomatiques de l’Etat. Car de même que la clef de contact, et bientôt le simple ordre vocal, remplacent le tour de manivelle pour démarrer un moteur d’automobile, éloignant ainsi le pourquoi du comment au regard du consommateur, le moindre problème de la vie courante, autrefois géré au sein de la sphère de responsabilité individuelle, est fondé aujourd’hui à être traité et résolu de façon univoque par le recours à l’Etat. Ce pourvoi systématique, prenant la forme de revendication, d’appel ou de référence à un texte de loi remplace depuis 65 ans environ (c’est à dire depuis très peu de temps) l’exercice autonome de la responsabilité.

Du côté de l’Etat, cette responsabilité a varié de façon inversement proportionnelle à la croissance. Contrairement à l’Etat féodal qui vivait sur son domaine en autosuffisance, l’Etat bourgeois prélève par la force des revenus auprès de ses administrés. A l’opposé de l’Etat féodal qui garantissait lui même la sécurité physique de ses sujets, l’Etat bourgeois se révèle incapable de manier les armes lui même et enrôle de force ses citoyens pour marcher au front.

Bien plus, la principale caractéristique de l’Etat bourgeois est d’échouer dans tout ce qu’il entreprend sans pour autant subir de sanction, puisque les alternances de personnel politique se déroulent généralement sans heurts, témoignant ainsi d’une absence de dissemblance aveuglante entre les sortants et leurs successeurs. Cet Etat irresponsable cumule les dérobades :

 

  1. il se révèle incapable de subvenir à ses besoins par une activité propre et pratique le vol fiscal en toute impunité,
  2. il est convaincu d’inaptitude à la bonne gestion de services publics instaurés dans l’intérêt des populations puisqu’il gère en tout pour tout deux seuls services, La Poste et la SNCF, par ailleurs payants alors qu’il n’aurait pas été déraisonnable de les imaginer gratuits ,
  3. délaissant les difficultés de gestion opérationnelle d’entreprises nationales, il préfère jouer une partie de son larcin à la spéculation boursière en achetant des actions de 1217 sociétés capitalistes répertoriées au RECME (Répertoire des entreprises contrôlées majoritairement par l'État), mais s’avère médiocre trader puisqu’il ne récolte pas plus de 3% de dividendes,
  4. en cas de conflit armé, les chevaliers de l’Etat bourgeois sont rarement à la hauteur de la situation et c’est régulièrement le peuple qui doit payer le prix du sang dans un rituel sans cesse reconduit,
  5. etc…..

Encore plus, délaissant manifestement ses missions régaliennes par trop périlleuses, cet Etat irresponsable se mêle avec empressement de choses plus attrayantes pour lui et concernant la vie quotidienne des gens. C’est ainsi qu’il prétend régler les problèmes d’emploi, développer l’industrie, doper le commerce, contrôler les prix, compenser les inégalités, et bien d’autres choses encore, mais échoue à chaque fois lamentablement car les licenciements perdurent, l’activité industrielle périclite, les échanges s’amenuisent, la hausse des prix persiste, les inégalités s’accentuent, etc… etc…

L’inefficacité s’ajoutant à l’indigence, l’Etat moderne ne protège même plus son peuple et s’enlise dans des actions tant dérisoires que pusillanimes, mais néanmoins soucieuses de flatter le goût du public pour l’événementiel de pacotille, habillant ainsi cet abaissement d’un pagne décoratif pour créer ce que Guy Debord avait nommé la « société du spectacle ».

D’un point de vue politique, le diagnostic n’est pas plus brillant car, se réfugiant sous le prétexte de la démocratie, l’Etat empile des lois, décrets et règlements les uns sur les autres sans en requérir la validation populaire. Cette dictature de la majorité est en réalité celle d’une oligarchie d’élus faussement disparate et fort peu encline à risquer le verdict populaire plus d’une fois par tranche quinquennale. Si le principe majoritaire peut être contesté en ce sens qu’il réduit le champ de la responsabilité individuelle à celui du plus grand nombre, il présente néanmoins l’avantage d’être porteur d’une certaine logique et d’un principe facilement vérifiable, pour peu bien entendu qu’il soit mis en application dans l’élaboration de la loi. Or l’Etat bourgeois redoute au plus haut point cette épreuve de vérité car il en sort battu à chaque fois, sauf bien entendu lorsqu’il sait habilement habiller la question d’une tautologie qui en garantit le résultat. Il est un fait certain que la plupart des lois ne seraient pas votées si une approbation par référendum était systématiquement prescrite par une Constitution soucieuse de ne pas laisser les pleins pouvoirs réglementaires à une assemblée de potentats tous ressemblants et inamovibles pour cinq ans.

Par cette application d’un principe démocratique volontairement énoncé de manière floue et ambiguë, l’Etat bourgeois élude son rôle face à la collectivité des individus et se garde bien d’engager sa responsabilité sur des projets législatifs même mineurs. C’est ainsi qu’il avance masqué, rétrécissant chaque jour un peu plus l’espace de la liberté individuelle, sans qu’il semble en porter la responsabilité, ni en risquer la moindre désaveu.

La décroissance économique risque de rebattre les cartes du jeu social, en imposant consubstantiellement une décroissance de l’Etat et une réhabilitation de la responsabilité individuelle. Car le constat de ses échecs répétés ne manquera pas de ressurgir au grand jour, plaçant ainsi sur la sellette populaire, l’imposteur étatique ayant vainement promis le maintien d’une croissance durable irrémédiablement démentie.

C’est ainsi que la conjonction des trois éléments suivants :

  1. décroissance d’une économie progressivement sevrée d’énergie fossile et de ressources minérales,
  2. décroissance d’un Etat enfin rétrogradé au rôle d’outil collectif efficace,
  3. croissance d’un Individu enfin affirmé dans sa responsabilité primordiale,

pourrait constituer le ferment d’une Société Décroissante Responsable appelée à gérer la probablement longue et délicate phase d’adaptation au déclin industriel de notre civilisation.



10 réactions


  • Romain Desbois 30 octobre 2012 17:33

    Puisque vous parlez de responsabilité , les seuls à être responsables c’est nous.

    Un altercroissant .


    • al.terre.natif 31 octobre 2012 11:37

      C’est vrai, nous sommes responsables, car nos élus, ces gouvernements successifs, ne sont que nos représentants. Donc leurs actions sont sous notre responsabilité.

      C’est dès le vote que nous perdons tout moyen d’action ! Le vote est une avancée important comparé aux précédents régimes, mais il nous donne une illusion de contrôle, alors qu’en fait c’est simplement un pari, ni plus ni moins. Un pari sur un homme ou un groupe d’homme, le pari qu’ils utiliseront NOTRE pouvoir, celui qu’on leur délègue dans l’isoloir, à bon escient !

      Une fois les élections passées, nous n’avons plus aucun moyen de décider des grandes orientations qui sont prises. 

      Mais nous ne sommes pas responsables de tout ! Notre plus grosse faute est de laisser faire, occupés que nous sommes à gérer les mille problèmes du quotidien... C’est tous les jours qu’il faudrait agir ! Agir pour, et agir contre ! Chacun selon ses convictions profondes, et surtout selon nos 3 piliers : Liberté, Égalité, Fraternité.

      C’est dans l’individu que dois se faire la prise de conscience, et le changement. N’attendons rien des autres que nous ne fassions nous même !


    • Romain Desbois 31 octobre 2012 21:42

      « Une fois les élections passées, nous n’avons plus aucun moyen de décider des grandes orientations qui sont prises. »

      C’est faux , il existe des associations qui se battent pour que les choses progressent.

      Hélas au lieu de s’investir dedans, la plupart des gens s’en servent comme sociétés de service.

      Il est faux que nous n’avons pas de pouvoir.

      « Le monde est dangereux à vivre ! Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. » Albert Einstein


    • al.terre.natif 5 novembre 2012 11:43

      « C’est faux , il existe des associations qui se battent pour que les choses progressent. »

      => elles se battent, mais combien de combats aboutissent ? Combien sont des combats de plusieurs années avant d’obtenir un espoir de résultat ? Le pouvoir de lobby qu’on les associations est ridicule par rapport au pouvoir exercé par les politiques en notre nom.

      Je ne critique pas l’engagement dans l’associatif ! Justement, je pense que le changement viens des gens, qui jour après jour, s’engagent pour leurs valeurs, leurs convictions et les défendent !

      Ce que je dis simplement c’est que notre système de démocratie représentative à une grosse faille : nos représentants nous laissent de moins en moins décider de l’avenir de notre société. Et une fois le vote effectué, nous n’avons pas de pouvoir direct sur la politique : nous ne pouvons pas décider un référendum par exemple, ou bien démettre un gouvernement qui ferait le contraire de ce que le peuple veut vraiment !

      Nous avons encore le pouvoir du lobby, mais avec tellement moins de moyens que les lobbys du système, que notre voix est ridicule, notre pouvoir une simple illlusion.

      « Le monde est dangereux à vivre ! Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. » Albert Einstein

      Je pense que par le vote nous regardons et laissons faire ! Par le vote nous avons l’illusion de décider, d’agir, mais nous ne choisissons que la couleur du taxi, nous n’en prenons jamais le volant !


  • AVANT DE DEMANDER AUX CITOYENS D’ ETRE PLUS RESPONSABLES ET MOINS ASSISTES...
    IL FAUDRA éliminer 90% des « élus »

    650000 ELUS 577 DEPUTES...36600 COMMUNES UN MILLE FEUILLES DE 8 COUCHES DE LA COMMUNE A LA CEE...........

    550000 ELUS LOCAUX AUTANT QUE LES 26 AUTRES PAYS DE LA CEE ENSEMBLE

    Y A PAS UN TRUC
    ..........
    -des élus lobbystes...labos...banques...armes...pétrole.MERDE !!!! ILS SONT ELUS POUR ETRE NOS REPRESENTANTS PAS CEUX DES GRAND GROUPES DONT LES LOBBYSTES PROFESSIONNELS ONT TABLES OUVERTES ET BADGES PERMANENTS AU PALAIS BOURBON.et au senat...bien sur

    VOILA ON A LES ELUS QU ON MERITE APRES 14 ANS D’ IMMOBILISME AVEC CHIRAC ET 5 ANS DE GRAND N’ IMPORTE QUOI DE SARKO 1ER

    DEBOUT CITOYENS VIDONS LES...CES VOYOUS


    • Romain Desbois 30 octobre 2012 18:57

      pas d’accord.

      Quand Dassault est élu , c’est de la faute à qui ?

      De plus le présentateur du 20 h de TF1 ou France2 gagne au moins quatre fois ce que gagne un élu.


  • CITOYENS DE TOUS LES PAYS ECOUTEZ LES DONNEURS DE LECONS...ET LES LOBBYSTES

     ELUS...........INFANTILISEZ VOUS faites plaisir a mr laurut.

    - 1 on vous deresponsabilise
    -2 L ’état vous assiste trop
    -3 on vous infantilisera.

    C EST DEJA FAIT...NOUVEL ORDRE MONDIAL EN PLACE...LOBBIES BANCAIRES MEDICAUX...LABOS......PETROLE...ARMEMENT
    BIG BROTHER VOUS SUIT A LA TRACE GRACE A VOTRE CB OU PORTABLE...il savent combien de fois vous faites pipi chaque jour...

    faisons 1 test....demander un gros crédit sur internet....ou un voyage de reve a « tahiti » LA SEMAINE SUIVANTE 10...20.30 BANQUES ET AGENCES DE VOYAGES VOUS ASSAILLERONT DE PROPOSITIONS PLUS OU MOINS HONNETES

    DEMANDER UN GROS RACHAT DE CREDIT NOUVEAU SUR 30 ANS VOUS REVIENDRA A 250% DU CAPITAL REPRIS....


  •  C BARRATIER C BARRATIER 30 octobre 2012 19:12

    C’est vrai que la droite au pouvoir a réussi à affaiblir assez des services publics pour les rendre détestables, mais nous avons aussi connu des gouvernements qui amélioraient tout, en particulier en 1945, mais déjà en 1936...et surtout lors des Révolutions qui ont chassé les aristos prétendus supérieurs.

    Aujourd’hui nous gardons encore notre Sécurité sociale, nos hôpitaux peuvent encore être réhabilités. Nous avons laissé dénationaliser des entreprises qui marchaient bien, nous ont donné Ariane, Airbus, le TGV....les restes d’EDF assurent encore en cas de neige ou grand vent (Aux USA après une tempête, les sociétés toutes privées ne garantissent rien.)

    Ceux qui ont emmené le monde au libéralisme sauvage destructeur des capacités des Etats sont ceux qui aujourd’hui reprochent aux gouvernements d’être paralysés par le libéralisme. Devant nous, donc, la nécessaire révolte....

    Voir en table alphabétique des news :

    Libéralisme : Bonjour les dégâts

     http://chessy2008.free.fr/news/news.php?id=27



    • lulupipistrelle 31 octobre 2012 12:58

      Le problème en France est qu’il faut une faillite nationale -la guerre, la défaite, la reconquête- pour faire évoluer la société...mais le nouveau modèle devient sacré ,interdit de le repenser pour tenir compte du contexte qui change, des évolutions quelles qu’elles soient : technologiques, démographiques, économiques etc...jusqu’à la prochaine cata.


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