samedi 7 octobre 2017 - par Mazdak Teherani

L’omerta doit être brisée sur le massacre de 1988 en Iran

Il y a un peu plus d’un an maintenant, le fils de l’ayatollah déchu Ali Montazeri publiait des documents audio qui incriminaient de nombreux membres du gouvernement iranien pour le meurtre de 30 000 opposants politiques en 1988. Cette révélation a grandement secoué la société iranienne et pour cet affront, Ahmed Montazeri a été condamné à six années de prison en appel pour « propagande contre l’État » et « publication de documents secrets ».

Malgré la disparition inexpliquée de dizaines de milliers de prisonniers politiques, malgré nombre de documents et témoignages rapportant l’horreur de ce massacre, le régime iranien a fait son possible, pendant près de trois décennies, pour dissimuler au peuple iranien l’ampleur de ses exactions, et la plupart des familles sont restées ainsi sans nouvelles de leurs proches.

Alors que l’élection de Hassan Rohani dès 2013 était faussement prometteuse en terme de droits humains, les exécutions capitales, plus de 3000 en quatre ans de mandat, et violations de droits humains de toutes sortes ont gravement empiré. Le dernier rapport d’Amnesty International à ce sujet, le 2 août dernier, souligne notamment à quel point les citoyens iraniens sont empêchés de se battre pour ces mêmes droits de l’homme, faisant état d’une « répression virulente contre les défenseurs des droits humains depuis l'accession d'Hassan Rouhani à la présidence en 2013, diabolisant et emprisonnant les militants qui osent se battre pour les droits des citoyens. »

Amnesty cite entre autres le cas de Raheleh Rahemipour, qui se débattait pour retrouver sa nièce née en prison et disparue après que ses parents, des opposants politiques, aient été exécutés en 1984. Elle a été condamnée a un an de prison pour ne pas avoir respecté l’omerta qui lui était imposée, en manifestant avec une pancarte sur laquelle était écrit « Vous avez tué mon frère. Qu'avez-vous fait de son enfant ?  ». Au regard du droit international, une disparition forcée est considérée comme un crime contre l’humanité, protégé par la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées de l’ONU, en vigueur depuis fin 2010. Souvent, une telle incertitude est plus douloureuse à vivre pour des proches qu’un assassinat.

Condamnés au silence, les iraniens ne cessent pourtant de se battre pour leurs droits, à commencer par celui de se souvenir. Ainsi cette grève de la faim dans la prison de Rajai Shahr à Karaj, suivie par 21 prisonniers d’opinion, qui a duré non moins de 40 jours. Les détenus avaient, à la fin du mois de juillet, été transférés dans des conditions dignes de la torture après avoir commémoré l’anniversaire du massacre de 1988. Un devoir de mémoire qui n’a pas ému les mollahs, pas plus que de voir leurs citoyens dépérir pour demander des conditions d’incarcération humaines (à commencer par des vivres, des médicaments, de l’air, de la lumière…). Leur situation avait profondément ému la diaspora iranienne et une partie de la communauté internationale, et la Rapporteuse spéciale des Nations-Unies pour les droits de l’Homme en Iran, Asma Jahangir, avait exprimé son inquiétude profonde. À la demande d’un grand nombre d’organisations et d’individus militants, cette grève a été temporairement suspendue.

Dans le sillage de la 36e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, et alors que pour la première fois, une courte description du massacre de 1988 a été faite dans le rapport d’Asma Jahangir sur la situation des droits de l'homme en Iran, deux importantes conférences ont eu lieu à ce sujet.

La première, tenue à Strasbourg le 13 septembre au siège du parlement européen et organisée par les Amis d’un Libre et dirigée par Gérard Deprez, a réuni une douzaine d’eurodéputés pour appeler le Conseil de l'Union Européenne, les États membres de l’UE et Mme Federica Mogherini, Haute représentante de l’UE, à mettre fin au silence et à l'inaction à l’égard de la violation des droits de l'homme en Iran. Ils ont également demandé qu’une enquête soit ouverte par les Nations Unies pour confondre les auteurs du massacre de 1988 et les mettre face à leurs responsabilités devant la Cour Pénale Internationale, pour mettre fin à près de trente ans d’impunité, aveu de faiblesse de la part des instances internationales.

La seconde conférence, tenue au siège européen de l’ONU à Genève le 14 septembre, a été organisée par un groupe d’ONG, dont France-Libertés-Fondation Danielle Mitterrand, le Parti radical non violent, transnational et trans-parti, le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP), la Women’s Human Rights International Association (WHRIA) et l’International Educational Developpement (IED).

Les défenseurs des droits de l’homme présents à cette conférence ont souhaité s’appuyer sur le dernier rapport de Mme Jahangir pour déclencher une enquête internationale et indépendante de l’ONU. Il est absolument exclu que le régime iranien mène lui-même cette enquête, puisqu’une majorité de responsables de ce crime contre l’humanité y occupent toujours les plus hautes sphères. Pour Rama Yade, ancienne secrétaire d'État aux droits de l'homme engagée pour la liberté en Iran, les considérations politiques et économiques qui bloquent aujourd’hui l’action de la communauté internationale devraient n’être que secondaires, étant donné que des outils existent pour mener à bien une enquête, à commencer par les sanctions économiques.

Aujourd’hui, les instances internationales commencent à peine à parler des exécutions d’opposants politiques en Iran : pour espérer que la situation des droits de l’homme s’améliore un jour au pays des mollahs, l’omerta doit être brisée définitivement, et l’ONU doit agir pour que les crimes contre l’humanité ne restent pas à jamais impunis.



17 réactions


  • Doume65 7 octobre 2017 14:54

    Cet article manque cruellement de mise en perspective et d’explication du contexte.


    • Christian Labrune Christian Labrune 7 octobre 2017 22:55

      @Doume65
      Qu’est-ce que vous voulez dire ? Il y aurait des contextes qui pourraient justifier qu’on massacrât en masse ses concitoyens ? En particulier pour la plus grande gloire de l’islam chiite, peut-être ?


    • Mazdak Teherani Mazdak Teherani 8 octobre 2017 12:54

      @Doume65

       merci à vous, j’en prends note et je tacherais d’y remédier dans mon prochain billet.


    • Doume65 11 octobre 2017 16:44

      @Mazdak Teherani
      Parfait, au futur article, alors.

      PS je ne comprends pas pourquoi un intension de faire mieux la prochaine fois est si mal perçue. Ceux qui ont « moinssé » préfèrent-ils que vous fassiez moins bien ?


  • Alren Alren 7 octobre 2017 16:13

    L’article ne dit pas qui furent les victimes de ces massacres : comme aujourd’hui les défenseurs des droits de l’Homme, de la laïcité de l’État, de l’égalité femme-homme.

    Cela rappelle les massacres perpétrés en Amérique Latine par les Pinochet et autres Videla ...


  • sls0 sls0 7 octobre 2017 18:53

    Ce n’est pas 31 000 morts c’est 89 000 morts selon l’état-major de l’armée française.


    Voilà que je m’emmêle les pinceaux. C’est un rapport de 1949 au sujet de Madagascar.

    La saint Bartélémy, là les chiffres sont plus bas, 30 000 morts et aussi à motif religieux.

    Comme je suis français, je regarde dans mon assiette, entre nous, petits joueurs les iraniens si je les compare à d’autres pays, la démocratie US fait bien plus de dégâts.

    Cela dit coté peines de mort ils abusent, trafic de drogue et c’est la corde. Heureusement que ce n’est pas la même chose aux USA, ça diminuerait fortement les effectifs de la CIA.



    • Christian Labrune Christian Labrune 7 octobre 2017 22:30


      Comme je suis français, je regarde dans mon assiette, entre nous, petits joueurs les iraniens si je les compare à d’autres pays, la démocratie US fait bien plus de dégâts.
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        sls0

      Ca ne vous gêne pas un peu, d’écrire de pareilles conneries ?

    • sls0 sls0 8 octobre 2017 02:18

      @Christian Labrune
      Alors là pas du tout.

      Ce sont des conneries pour vous mais peut être pas pour d’autres.
      En ce moment je relis la thèse de Richard Monvoisin, ça parle d’autodéfense intellectuelle, des biais cognitifs, des arguments moisis, ect... ça m’influence peut être.

    • Julien30 Julien30 8 octobre 2017 16:15

      @Christian Labrune
      L’ethnomasochisme de gauche dans toute sa bêtise. Ca relativise d’un côté les massacres commis ailleurs pour venir au secours notamment des pauvres musulmans opprimés et à tout prix ramener tous les torts du monde au méchant occident qui lui est vraiment très méchant. Ca rappelle les crétins qui quand on leur parle des morts du communisme dévient tout de suite pour vous parler de ceux que provoqueraient le capitalisme.


    • Pierre Sanders Pierre Sanders 8 octobre 2017 18:31

      @sls0

      « Ce n’est pas 31 000 morts c’est 89 000 morts selon l’état-major de l’armée française. »

      Si ça se trouve, l’auteur est lui-même d’origine iranienne, et il nous parle des siens... Du coup, on se demande ce que tes malgacheries viennent faire ici.

      Alors, t’es gentil, tu prends ta petite pelle et ton petit sceau en plastique, tu descends dans le square et tu vas te couvrir la tête de sable en mémoire de Malgaches morts en l’an 1949.

      P.S. - Tu peux aussi prendre ton assiette


  • Christian Labrune Christian Labrune 7 octobre 2017 22:51

    à l’auteur,
    Je n’étais pas au courant des démarches de ces ONG. Celles que vous citez ne m’inspirent pas une bien grande confiance, on les a déjà vues à l’oeuvre, mais ce serait quand même mieux que rien.
    Trump devrait refuser, dans les jours qui viennent, de contresigner au nom de l’Amérique, le document qui attesterait que, pour lui, les accords sur le nucléaire ont été respectés. Ce serait une décision courageuse. Même si c’est surtout le peuple iranien qui souffre des sanctions, et qui ne le mérite certes pas, il aurait fallu maintenir et même durcir le processus, jusqu’à ce qu’un vaste mouvement populaire fasse tomber ce régime pourri bien pire encore que le précédent. Lors des élections de 2009, l’Amérique aurait pu aider l’opposition a renverser le régime ; elle sait faire ça, mais Obama, au Caire, aura préféré distiller son discours à l’eau de rose avant de soutenir durant des années, partout au Moyen-Orient, les Frères musulmans, ce qui aura eu les conséquences que l’on sait.

    Aujourd’hui, c’est l’Europe qui a pris le relais de cette trahison ignoble : on ménage un régime auquel durant huit années encore, on va pouvoir vendre toute sorte de choses qui seront très utiles, plus ou moins directement, à son effort militaire. Jusqu’à la fin de l’accord, c’est-à-dire jusqu’à la guerre, les actionnaires des grandes entreprises intéressées à ce commerce pourront engranger des bénéfices. Après nous, le déluge. C’est ce que doit penser un Macron qui recevait naguère en grande pompe à l’Elysée le Pétain du Liban à la botte du Hezbollah.
    La levée des sanctions aura permis à Rohani d’accorder une rallonge de 520 millions de dollars à la recherche sur les missiles balistiques, et de gratifier le Hezbollah de 800 millions de dollars pour ses bonnes oeuvres. Le peuple iranien peut-il être réellement complice d’une pareille politique dont il finira par être la première victime si le conflit se mondialise ? J’en doute un peu. il serait intéressant que dans un prochain article vous nous éclairiez sur ces questions. 


    • Mazdak Teherani Mazdak Teherani 8 octobre 2017 12:51

      @Christian Labrune

      merci de votre intérêt pour ce sujet, que j’essaierais de développer ultérieurement...


    • rerdine rerdine 9 octobre 2017 10:20

      @Mazdak Teherani
      parle nous des tueries du shah d’Iran avec sa fameuse « savac » sponsorisé par la CIA
      « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil . »
      chat échaudé ne craint pas . . . . ?


    • Doume65 17 octobre 2017 13:45

      @Christian Labrune
      « Trump devrait refuser, dans les jours qui viennent, de contresigner au nom de l’Amérique, le document qui attesterait que, pour lui, les accords sur le nucléaire ont été respectés. Ce serait une décision courageuse. »
      Ce serait surtout un mensonge. Un truc très courant chez les dirigeants étasuniens. Si c’est ta panacée...


  • soi même 8 octobre 2017 00:07

    A l’auteur il serait temps que tu séchés tes larmes , la révolution Iranien est la réponse à la savak du Shad d’IRAN de Mohammad Reza Chah Pahlavi.


    • Pierre Sanders Pierre Sanders 8 octobre 2017 18:37

      @soi même

      « ...la révolution Iranien est la réponse à la savak du Shad d’IRAN... »


      Et voilà qui nous rappelle le jeu trouble de Giscard, avec l’ayatollah Khomeiny.

    • gaijin gaijin 10 octobre 2017 09:10

      @Pierre Sanders
      jeu trouble ? rien de trouble français anglais et ricains se tiraient la bourre pour déstabiliser le régime du shah et a voir le contrôle de l’iran. khomeiny était l’homme des français
      bon une foi au pouvoir il nous a un peu claqué la porte dans la figure et été un des premiers promoteurs de l’islamisme radical ......
      en chanson :
      https://www.youtube.com/watch?v=8kd1jbd17dI

      toute ressemblance avec des évènements actuels étant bien entendue un pur hasard .....


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