mardi 8 février 2022 - par Gérard Luçon

L’Ukraine vue autrement (2)

La Saint Jean ukrainienne {JPEG}

Voici la suite de l’article L’Ukraine vue autrement (1) (lien en bas de cet article) dans lequel je tente cette fois-ci d’apporter des éléments concernant les peuples habitant ce pays et la « volatilité » des frontières.

Commençons par la carte actuelle de l’Ukraine avec en bleu clair la zone « rebelle » et en hachuré (rayures rouges) la Crimée rattachée à la Fédération russe par référendum en vertu du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ; rattachement non reconnu par nombre de pays de l’ONU en vertu de l’intangibilité des frontières. Ce qui signifie que les Lois internationales se contredisent entre elles et que l’on priorise droit des peuples versus intangibilité selon ses intérêts ou ceux d’organismes supranationaux ! On peut noter la longueur de la frontière commune Ukraine-Russie, à laquelle s’ajoute celle Biélorussie-Ukraine.

Dans cette carte n’est pas mentionnée la Transnistrie, une bande « pro-russe » à l’est de la République de Moldavie.

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Voici le résultat des élections de 2010 ayant opposé Timoshenko (en jaune les régions où elle état devant son advesaire) à Yanoukovitch (en bleu celles où ce dernier gagné), ce qui permet la localisation des russophones/russophiles. On remarquera surtout que les russophones occupent tout le littoral maritime Mer Noire et Mer d’Azov, et donc qu’une partition ethnique de l’Ukraine aurait comme conséquence que l’Ukraine « stricto sensu » n’aurait plus d’accès à la mer …

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Voici la carte de la Grande Roumanie (période 1920-1940) où l’on constate que la Roumanie à l’époque avait au nord-extrême-ouest la Tchécoslovaquie et au nord-ouest la Pologne comme pays voisins ! On peut aussi remarquer que durant cette période ce qu’on appelle la Bucovine du Nord, fortement roumanophone, faisait partie de cette Grande Roumanie, ainsi que l’actuelle République de Moldavie alors appelée Bessarabie, et aussi toute la zone limitrophe de la Mer Noire au sud d’Odessa, alors appelée Dobrogea.

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Et voici une carte de la même période concernant la Transnistrie telle que reconnue par l’URSS. Transnistrie signifie de l’autre côte du Dniestr, fleuve que les roumains appellent Nistru ; elle est alors nommée RASS Moldoveneasca (République Autonome Socialiste Soviétique de Moldavie). Nous pouvons également remarquer que l’Ukraine est une RSS sans statut de République Autonome. J’ajouterai une petite remarque concernant le Dniestr : quand la Roumanie a déclaré la guerre à l’URSS, le Maréchal Antonescu s’en est entretenu avec le roi Mihai 1er, lequel a pris acte et lui a dit « să nu treceți Nistru » (ne franchissez pas le Dniestr)…Antonescu ne l’a pas écouté, ce qui a coûté très cher au peuple roumain notamment à Yalta, quand Churchill et Roosevelt ont offert la Roumanie à Staline, en échange de la Grèce.

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La nouvelle Serbie

C’est une partie de l’histoire méconnue que ces serbes, fuyant l’Empire Ottoman et le royaume d’Autriche-Hongrie, et accueillis par le Tsar en plein centre de l’actuelle Ukraine dès 1752, et aussi dans les républiques autoproclamées de Lougansk et de Donetsk. Beaucoup de villes de cette Nouvelle Serbie ont des noms de villes de l’actuelle Voïvodine, située en Serbie. Quant à la Slavo-Serbie c’est un territoire de la Rusie impériale qui a existé de 1753 à 1764.

Voici une carte aux bons soins de Par Original uploader and author was PANONIAN at en.wikipedia — Transféré de en.wikipedia à Commons., Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3598573

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La Podolie  : région du centre-sud de l’actuelle Ukraine, au nord du Dniestr, et regroupant notamment des populations polonaises, slaves, roumaines…

 

Voici une carte réalisée par Par Alex Tora — Own work by uploader (based on Енциклопедія українознавства (у 10 томах) / Головний редактор Володимир Кубійович. — Париж, Нью-Йорк : « Молоде Життя », 1954—1989.), CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=6440062

 

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La Vollénie  : ou Volinya, région qui empiète sur les territoires actuels de l’Ukraine, la Biélorussie et la Pologne

 

Voici une carte de cette région, aux bons soins de By Original version (ukrainian) : Alex ToraEnglish translation : KaterBegemot - File:Ukraine-Volhyn.png, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7729700

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Pour conclure : j’espère qu’après la découverte de ces cartes, et après avoir lu l’article mentionné ci-dessous (et qui parle aussi des Tatars, des Cosaques), vous en arrivez à la même sensation que moi, à savoir que l’Ukraine actuelle est une mosaïque de peuples dont certains se sont battus les uns contre les autres et qui ne se sont pas tous réconciliés. Qu’également des pays limitrophes ont envie de récupérer dans leur giron leurs ouailles : la Pologne avec la Galicie, la Vollénie et une partie de la Podolie ; la Hongrie et la Tchéquie avec leurs villages situés de l’autre côté de la frontière ; la Russie avec ses 10 à 12 millions de russophones installés dans l’est et le sud. Seule la Roumanie semble avoir oublié ses plus de 400.000 ex-ressortissants, au grand dam des partisans et nostalgiques de la Grande Roumanie.

En photo de présentation „La nuit de Jean-Baptiste”, aussi appelée Koupala, équivalent de notre Fête de la Saint Jean (merci Alexandru pour cette trouvaille).

 

Le lien vers le 1er article :

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-ukraine-vue-autrement-1-239156

 



14 réactions


  • xana 8 février 2022 11:03

    Merci Gérard Luçon pour cet exposé.

    En fait quand on a un peu étudié l’histoire pratiquement tous les peuples sont formés d’une mosaïque de populations différentes depuis des milliers d’années.


    • Gérard Luçon Gérard Luçon 8 février 2022 11:27

      @xana
      Pour moi qui y ai vécu et connais « un peu » en Chine je suis impressionné de voir comment ce pays a su intégrer ses 56 minorités tout en respectant leurs différences, pareil pour le Sénégal ... alors que l’Ukraine (et beaucoup de leaders européens) sont dans le rejet de l’autre, dans la défiance, le dénigrement ... de fait c’est un des échecs majeurs de cette UE, ne pas avoir été capable de construire une identité européenne !


  • Gorg Gorg 8 février 2022 14:06

    @ L’auteur,

     Merci pour votre article Gérard. Il ne m’apprend rien que je ne savais déjà mais vous avez le mérite d’avoir mis tout cela en forme... Ça confirme bien que ce pays devrait être fédéralisé... il n’est plus viable en l’état... il y a trop de disparité entre les origines des peuples qui le compose...


    • Gorg Gorg 8 février 2022 14:11

      @Gorg
      J’ajouterais que le plus édifiant est la carte des élections de 2010. on voit bien que l’Ukraine est divisée en deux, entre pro-Occidentaux et pro-Russes...
      Et en 2014, la moitié pro-occidentale, poussée par les amerloques, la pologne et les pays baltes, a, par un coup d’état, imposé sa volonté à l’autre moitié...


    • Gérard Luçon Gérard Luçon 8 février 2022 14:22

      @Gorg
      Après le « Maidan » j’ai écrit plusieurs articles sur A-vox, mais c’est récemment, en découvrant par hasard la carte de la Nouvelle Serbie (je cherchais des infos sur le parti Nlle Serbie !!!) , que je me suis dit que ce serait peut-être utile de rendre « visuels » ces découpages ethniques/géographiques.


  • DACH 10 février 2022 11:21

    Merci pour ces judicieux rappels d’histoires. Tous les pays rassemblent des peuples divers qui parfois font nation. Or les pressions russes de diverses formes contre l’Ukraine font accroître un patriotisme ukrainien y compris russophone qui dessert les ambitions de V Poutine. 


  • DACH 10 février 2022 11:42

    Une source différente des nôtres va également dans le sens que l’Ukraine commence à faire nation. Causeur du 10/02/22

    l existe un véritable sentiment national ukrainien, même là où la langue russe est majoritaire

    Il suffit de consulter le site des Affaires étrangères russes, ministère sur lequel règne l’indéboulonnable Sergueï Lavrov, pour constater l’attention soucieuse portée à toutes les minorités russophones qui vivent au-delà des limites de la Fédération de Russie. La fermeture d’une école russophone à Tallinn ou Narva est vécue comme un drame national. Les Russes des périodes impériales, tsariste puis communiste, n’avaient jamais expérimenté la situation de minorité, c’est plutôt eux qui étaient maîtres chez les autres. L’effondrement de l’URSS a inversé la situation et presque toutes les frontières russes sont bordées de pays où vivent des minorités russophones, 26% en Estonie par exemple. Contrairement aux pays baltes, l’Ukraine n’oppose pas un peuple autochtone et une minorité russe. Ce pays est plutôt un subtil dégradé, de Lviv à l’ouest où l’ukrainien est langue maternelle et la religion uniate, rattachée au catholicisme, jusqu’à Kharkiv à l’est où l’on ne parle que russe et où l’on ne prie qu’orthodoxe.

    Tout est écrit en ukrainien et tout est parlé en russe !

    Je me suis trouvé au milieu, à Kiev en 2001, on y parlait russe mais la plupart des habitants comprenaient l’ukrainien et le considéraient comme un amusant patois folklorique. J’ai même rencontré des gens scandalisés de devoir renseigner certains documents officiels en ukrainien, comme si en Dordogne on obligeait soudain les contribuables à rédiger leur déclaration d’impôt en occitan. Depuis l’ukrainien a progressé dans l’usage parlé et écrit de Kiev, un bon exemple en est le prénom du chef de l’Etat, un ancien Vladimir devenu Volodymir.

    À lire aussi, Gil Mihaely : L’Ukraine n’est plus la “Petite Russie”…

    Ces russophones de l’étranger provoquent en Russie une émotion attendrie, ce sont des “frères”, comme étaient les Alsaciens-Lorrains d’avant 1918 pour la génération de ma grand-mère qui chantait “Frères chéris d’Alsace”. “La question des minorités russes est vitale pour la popularité du président Poutine” déclare Cyrille Bret à Atlantico le 8-12-2017 et il ajoute : “La protection des familles russo-ukrainiennes, des russophones et de la culture russe occupe une place importante dans l’attitude de la Russie à l’égard de l’Ukraine”. C’est entendu, les Russes aiment passionnément leurs frères russophones installés à l’étranger. Mais ceux-ci aiment-ils passionnément la Russie ? Les russophones des pays baltes ont pris goût à la démocratie et à la prospérité européennes et ils sont peu pressés de rejoindre le giron moscovite et la férule poutinienne. Les tensions linguistiques paraissent apaisées et le site de Sergueï Lavrov ne peut plus les monter en épingle.

    Qu’en est-il en Ukraine ? Je me trouvais en septembre 2021 à Kharkov, dont le nom officiel est maintenant Kharkiv, la grande ville de l’est de l’Ukraine. Je m’amusais à sonder mes interlocuteurs, y compris les rencontres de café, en leur disant : “C’est agaçant pour quelqu’un qui a étudié le russe au lycée, dans votre ville tout est écrit en ukrainien et tout est parlé en russe”. Facile de distinguer les deux, l’ukrainien est écrit en cyrillique auquel on a rajouté un “i” latin qui n’existe pas dans la graphie russe. On m’a chaque fois répondu que c’était normal, que l’ukrainien était la langue de l’Ukraine, et personne ne m’a déclaré son amour pour la langue russe et la Russie. J’en ai déduit la naissance d’un sentiment national ukrainien, même dans une ville russophone de l’est, renforcé sans doute par la proximité inquiétante d’un front de guerre. Rappelons que la terrible famine organisée par Staline en Ukraine, le Holodomor de 1932-33, a frappé aussi bien les populations de langue russe ou ukrainienne. L’appartenance linguistique n’est pas un gage d’unité éternelle, l’Alsace a quitté son contexte germanique par amour pour la France de la Révolution et de l’Empire, les Berbères juifs d’Algérie ont fait de même, conquis par la générosité du décret Crémieux et la grandeur de la culture française.

    A lire aussi, Harold Hyman : Poutine est-il encore un grand stratège ?


    • chantecler chantecler 10 février 2022 11:58

      @ Dachau ,
      Poutine est il encore un grand stratège ?
      Je vais te répondre, sans lire ton lien car je sais par avance qu’il est pourri : oui, même s’il emmerde les sionistes , car apparemment il a compris et vous aussi qu’il avait compris .
      Donc vous allez tout faire pour le dégager ?
      Ben , je vous souhaite bien du plaisir .
      Car il est loin d’être con , et certains goys aussi, qui réalisent la merde que vous projetez d’instaurer pour développer votre misérable projet ..
      A propos , bien le bonjour à Massada, dit le serpent venimeux ,ton clone , qui a pointé son museau ce matin .
      Ce qui me confirme que je suis sur la bonne piste ...
      En fait les axes principaux et invariants , de la géopolitique mondiale .


    • DACH 10 février 2022 12:08

      @chantecler=Quel charabia amusant de cour d’école... Manque le bac à sable antisémite... Jubilatoire de vous voir perdre vos combats années après années. Votre ignorance des pays arabes est merveilleuse car à vous tapez sur la tête va finir par cous donner des maux de tête ! Quant à V Poutine il ne vous a pas pris pour allié mais pour un qualificatif à la Michel Audiard !!!


    • DACH 10 février 2022 12:18

      @chantecler= Que savez-vous de Dachau ? Allez-voir sur place pour faire baisser votre antisémitisme sans colonne vertébrale ! 


    • Gérard Luçon Gérard Luçon 10 février 2022 15:53

      @DACH
      merci pour ce commentaire .... quelques remarques :
      -Harold Hayman est celui qui sur BFM TV parlait du Mali sans le connaitre et en écorchant les noms ?
      -un des grands problèmes quand on parle de la Russie c’est que beaucoup de gens mélangent (de nos jours) Russie Tsariste et URSS, et que peu de gens connaissent l’histoire tourmentée de ces pays de l’est, 
      -ce que vous appelez « holomodor » est en fait la grande famine qui a touché toutes les régions agricoles de l’URSS, et donc pas seulement les gens vivant en Ukraine, une des « grandes réussites » de la NEP !

      Sinon ce que vous décrivez de l’ambiguïté du sentiment « ukrainien - russe » est un constat que j’ai aussi pu faire mais que je décrirais différemment !


    • DACH 10 février 2022 16:23

      @Gérard Luçon=Bonjour, oui pour HH, la culture anglo saxonne jamais à l’aise avec les langues étrangères... sur BFM ou CNEWS ? Votre approche sans idéologie précontrainte aidera à ouvrir les yeux sur une situation politique et humaine complexe puis qu’elle se joue sur plusieurs étages. Bon courage. Cidessous une partie de l’analyse d’un de nos membres partenaires.

      Pourquoi la Fédération de Russie n’attire-t-elle pas les anciens pays européens de l’est ?

      La majorité des ukrainiens, acteurs politiques compris, regarde davantage vers l’ouest que vers l’est ou le nord. Cette préférence manifeste s’agrège au sentiment national, le patriotisme ukrainien. Certes, il y a le souvenir de ce que les Russes leur ont infligé au 20ème siècle. Mais c’est du passé, et pourtant cela se traduit par des envies légitimes d’adhérer à l’Otan. Quand toute une population constate ce qui se passe autour de ses frontières, les préférences naturelles suivent. Le couple politique « niveau de vie + libertés », dont libertés de circuler et libertés d’opinions, est irrésistible. Pourtant à l’ouest, tout ne marche pas à l’idéal, mais visiblement mieux qu’à l’est. La Russie n’est pas en situation de concurrencer l’Europe en matière de niveaux de vie et de libertés. C’est l’humiliation cachée que vit V.Poutine. Les dirigeants occidentaux savent tout cela.

      =


    • Gérard Luçon Gérard Luçon 10 février 2022 16:54

      @DACH
      mon article est « un peu » la suite d’un autre (du même titre avec (1), qui était la traduction (faite par moi) de quelque chose que j’ai trouvé sur une revue chrétienne othodoxe roumaine, donc intéressant car c’est une approche historique « étrangère » et religieuse ... on y mentionne une frontière qui à un moment a été « naturelle », le Dniepr ; 
      pour le niveau de vie, la Roumanie (que je connais très bien et dont je parle couramment la langue) découvre peu à peu les défauts de cette UE qui n’a pas permis de relever le niveau de vie des roumains : le salaire minimal en poche (impôts déduits) est de 1.524 Lei soit 311 euros ... l’essence est à 1,3 euros le litre !


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