La 5ème République, un trou noir démocratique ! Suite 3
Désarmer les classes moyennes.
En règle générale, la Ploutocratie est patiente et têtue. Ce qu’elle ne peut faire aujourd’hui, elle le fera demain, après-demain !
Dans l’émotion et l’enthousiasme populaires de l’après-guerre, peu de Français, (sinon les initiés au cœur des affaires,) se doutaient qu’une immense toile d’araignée se tissait dans laquelle beaucoup se firent prendre et se perdirent.
Le Grand Patronat considérait qu’en 1936, sous le Front Populaire, il avait beaucoup concédé « sous la pression ». Il attendit donc le moment le plus favorable pour récupérer ses billes, une fois refermée la parenthèse de l’État Français et de la deuxième guerre mondiale.
1945, 1958, 1962, ce fut le grand retour de la Haute Finance flanquée de ses politiciens et presse les plus serviles. Une vue d’ensemble de ce phénomène de contrôle de la vie publique par l’interventionnisme d’une ploutocratie puissante, nous permet de mesurer l’ampleur des très nombreuses mesures en sa faveur. La 4eme république divisée ne représentait pas le champ d’action idéal pour mener à bien ce lent petit travail de sape. Trop instable. Tout en faisant mine de soutenir les « conquis » sociaux nés de la Résistance mis en place par le CNR, dès 1945, la Ploutocratie s’évertuait à porter sur ces avancées sociales, les coups de boutoir nécessaires à son écroulement. (On le verra notamment avec les ordonnances Jeanneney, sur la Sécurité Sociale). Ces ordonnances ont porté un premier sale coup au fonctionnement de la Sécu, en attendant les suivants...
Mais en 1958, de Gaulle, pressenti et poussé en avant par les plus engagés des ploutocrates veillant au grain - ayant auparavant bien étudié le profil et le caractère du Général, ses faiblesses, ses qualités - réclamait les « pleins pouvoirs », ce, à quoi s’opposèrent peu de parlementaires de l’opposition. De Gaulle constituait un « joker » indéniable pour apporter à la ploutocratie, sur un plateau d’argent, tout ce que réclamaient ardemment la Haute Finance, le Patronat et mettre un terme définitif à ces classes moyennes – celles qui travaillaient, produisaient et assuraient l’emploi - artisans, paysans, petites et moyennes entreprises que la Ploutocratie déteste, méprise et dont sa détestation ne cessera d’augmenter, jusqu’à nos jours.
Certes, les Ploutocrates laissèrent s’installer l’État-providence, comme une sorte de miroir aux alouettes avec comme seul objectif plus ou moins lointain, de transformer l’économie de marché, en une économie franchement et détestablement ultra-libérale largement inspirée du système anglo-saxon. Le récent Marché Commun, où personne des politiciens ne s’étaient levés pour contester cette « créature politico-économique » anti-souveraine : la future UE, initiée par Monnet et Schumann, tous deux très proches de Washington, représentait un des principaux jalons vers la marche inexorable de la destruction du pays, de l’État, de sa culture, de ses traditions et de ces fameuses et trop nombreuses, à leurs yeux, classes moyennes honnies. Nous vîmes les plus enragés des politiciens valider cette innommable démolition contrôlée… par les financiers internationaux. Il n’y avait que les gogos pour applaudir une telle infamie, aidée par le Plan Marshall où la France serait redevable… Pour longtemps. Dans ce Plan Marshall, tout était déjà inscrit de notre futur asservissement.
Pourquoi de Gaulle, et pas un autre, celui que la Ploutocratie désignait comme l’homme capable de les servir, tout en gardant les distances nécessaires avec l’État-providence, tout en se présentant comme son principal garant ?
C’était lui attribuer un rôle particulièrement inconfortable, le condamnant à une incessante danse du ventre, pour satisfaire les deux côtés du spectre politique, à la fois la gauche et la droite. La Ploutocratie profondément anti-démocratique, se servit de tous les instruments à sa portée, comme la publicité, pour monter au pinacle « l’Homme du 18 Juin », leur « idéal » servant.
Les 200 familles triomphaient. Mais en face ? De timides abjurations de la part de chefs de partis que l’on surnommait les « cocus », parce qu’ils avaient mendigoté places et prébendes et se heurtaient à l’indifférence gaulliste. Le lobby savait parfaitement qui et quoi devaient constituer le canevas du futur gouvernement.
Les ploutocrates ont toujours eu la vue longue, au détriment des masses. Il peuvent l’avoir, c’est eux qui décident de lâcher du lest ou de tirer sur la corde, ils ont le pouvoir et l’argent.
Il faut moderniser l’État, le pays, etc. Mais à quel prix ? C’était pour le pouvoir, un vocable avantageusement mis en avant. Moderniser, certes, mais… A leur manière.
Avant de revenir longuement sur les articles de la Constitution de la 5eme République, il faut d’abord répertorier les pertes considérables d’indépendance économique dont la France fut touchée dès 1958. Et qui profita avant tout aux spéculateurs.
L’image d’Épinal que donne le général de Gaulle, Président de la République dès 1958, est celle d’un soutien sans faille à l’indépendance économique de la France. Malheureusement, cette image est en partie fausse. Et cette image se trouve contrecarrée par son action – ou son manque de vigilance (?) ou son aveuglement ? en faveur des investissements étrangers en France, en particulier les capitaux anglo-saxons, et dans une moindre mesure, allemands. (Tout en sachant que l’Allemagne, défaite, était coupée en deux et avait perdu son indépendance sous la coupe politico-financière et militaire des Américains, d’un côté, et de l’autre, une occupation militaire soviétique ).
Toute l’œuvre d’indépendance économique du Général de Gaulle s’opéra sous la houlette discrète, parfois beaucoup moins, de la haute-finance. Pour preuve, son action en faveur des investissements étrangers en France.
Il fallait dévaluer le Franc. C’est Antoine Pinay qui s’y colla, car il fallait d’urgence, remplir les caisses. Apparemment, le Plan Marshall n’avait pas suffi, alors il fallait vendre les bijoux de famille. Ce que la IVe République répugnait à faire, - avec roublardise – en traînant les pieds, c’est de Gaulle qui s’en chargea.
En effet,
Le 28 décembre 1958, 21 janvier 1959, 15 et 26 juin 1959, les réglementations en faveur des changes- sont prêtes. Avec la réforme Pinay, les investisseurs étrangers de valeurs françaises acquises à la Bourse de Paris, peuvent « exporter » leurs titres, actions, etc. En un mot : spéculer, pour les faire sortir de France, sous une forme « au porteur », (juste un tout petit changement de règle comptable), mais aux énormes conséquences. Sous la quatrième, il fallait « exporter » les titres sous la forme nominative. Imaginez aujourd’hui, un ploutocrate spéculant et envoyant le fruit de ses opérations boursières dans un paradis fiscal, sous la garantie de l’anonymat ! Et bien là, toutes proportions et comparaisons gardées, nous avons un exemple de « laxisme » financier qui ne profitera certainement pas à la France, mais bien aux investisseurs internationaux qui fidèles à leurs habitudes, se goinfreront.
C’est un véritable festival, en quelques mois, le Jackpot pour eux !
Autre cadeau encore plus mirifique pour les spéculateurs internationaux, l’autorisation de l’Office des changes n’est plus exigée. Si bien que les riches étrangers qui grenouillent dans les palais de la République, à la Bourse et partout où se discutent et se disputent l’argent, les valeurs mobilières et immobilières, - cotées en bourse » - vont acquérir des immeubles, des droits immobiliers en France. Le grand capital investira crescendo. Les investissements sous de Gaulle atteindront la coquette somme de 563 millions de NF, pour augmenter au fur et à mesure des années.
Pas de réaction du côté de l’Élysée, devant ces pertes sèches du « trésor », mais seulement de la part de Pinay, également très contrarié par la « spéculation » faisant suite à la dévaluation du franc, grâce aux « délits d’initiés », il dépose une plainte classée sans suite.
Même Albin Chalendon, pourtant très gaulliste, ami de longue date du Général, déplore dans un interview du journal « Entreprise » que de telles mesures allaient affaiblir les entreprises françaises.
Voici quelques exemples en pourcentages des investissements étrangers – américains, allemands, dans l’industrie française, en 1964.
98 % - appareils photo et pellicules |
50 % - postes radio et télévisions |
95 % - café soluble |
50 % - lampes électriques |
90 % - disques |
50 % - équipements automobiles |
90 % caoutchouc synthétiques |
50 % pneus |
80 % lait en poudre ou lait concentré |
65 % - infrastructures distribution pétrole |
90 % margarine |
70 % matériel de bureau |
75 % matériel agricole |
70 % machine à écrire |
60 % biscuiterie |
|
A ce tableau, il faut rajouter les sociétés d’assurances, les sociétés de cinéma, la presse et l’édition, sous contrôle des trusts étrangers.
.../...