samedi 28 février 2009 - par Veilleur de Nuit

La Crise, fille aux yeux d’or

Une autre lecture de la Crise actuelle des Valeurs, proposée sous forme de rébus et de clins d’oeil littéraires, symboliques... 

Paris fermente, Paris distille, Paris lève des milliers de corps desséchés, pâles de lassitude. Car Paris a soif de liquidités, Paris est devenu insolvable. Ici comme ailleurs, on ne sait plus qui ni quoi garantir, on ne sait plus comment éviter le laminage de la valorisation des actifs « capitalistiques ». Chaque jour la valeur de la confiance est mise à l’encan sur les places des marchés financiers, la plupart du temps, il n’y a pas preneur. On pourrait presque gager sans grand risque qu’en chaque parisien une dette de jeu, sommeille, c’est une épée de Damoclès, il est à craindre que quelque parieur acculé, semblable au héros balzacien de la Peau de Chagrin, Raphaël de Valentin, ne se risque à envisager en ultime recours d’effacement de la dette, un plongeon suprême dans les eaux noires de la Seine. Chaque jour, des spécialistes sophistiqués mettent mondialement en jeu le cours infus de la vie, ajustant la flèche de l’arc de la tragédie humaine, ciblant le prime time d’un combat médiatique titanesque.
Il y des codes, des clefs et des chiffres symboliques à savoir manipuler. La réussite ne s’improvise pas dans l’ess or age des échanges physiques.

À Paris, comme dans chaque ville capitale du réseau mondialisé, les figures de quelques Gobseck évoluent sur des amoncellements d’actifs pourrissants, tandis que des Goriot, plus zélés encore, excités par la tension perceptible au cœur du marasme, vont spéculant sur le cours des farines, escomptant sur l’avenir de millions de ventres creux. Partout les véritables détenteurs de capitaux aspirent le revenu des travailleurs, orchestrant une fantastique réaction chimique par la concentration, et la saturation du milieu qui solde l’asphyxie financière de tout compte : c’est ainsi que même l’accroissement de la demande n’arrive plus à produire l’augmentation des salaires, mais génère un gonflement toujours plus démesuré des rentes, au grand bénéfice des instaurateurs de mémétique. L’argent tourne en circuit fermé, à vitesse accélérée, alimentant la progression du pareil au même, dans le déni délétère de la réalité vitale la plus élémentaire, sacrifiant tout respect à la loi de l’équilibre naturel et de la salutaire diversité des espèces. C’est une course au Golem qui se définit par ses manques. Le créateur y encourt l’écrasement par la masse incontrôlable de sa créature. Tous comptes faits, le colosse aux pieds d’argile risque de redevenir « materia prima », terre glaise, et certains kamikazes estiment déjà le taux du cours de la monnaie de leur propre destruction. On boursicote l’avenir des jeunes générations, des jeunes qui ont de fait l’air vieux avant l’âge, tandis que leurs aînés s’essaient vainement à retrouver quelque verdeur par l’accumulation ostensible et pitoyable de masques et de pare feux rutilants autant qu’inutiles. On a gagé tout ce qui était engageable. La dette couve partout, les œufs sont en plâtre doré, dès lors, est-il sensé d’imaginer nourrir nos enfants d’une illusion de richesse sans fin dans un monde fini, par une création monétaire exubérante alliée à une croissance débridée ?. Paris est sur la paille, le corps social s’est lui-même placé en offrande sur l’autel du sacrifice à l’absurdité, il s’est brûlé les ailes aux flammes de la cupidité. Ici et là, par économie, les experts réduisent en cendres quelque faculté vitale espérant tirer de ces scories, une repousse vigoureuse d’éléments régénérateurs.
 
On spécule sur l’avenir de la science du capital humain. La fascination de l’or subtilise, et l’être et sa substitution d’identité. L’accroissement exponentiel du désir éprouve les limites du corps et parachève la dislocation égale des sujets. La Crise, cette fille aux yeux d’or, est soeur de la démesure, corps sacrifice d’un sanglant escompte d’abandon. En quelque apparence l’acteur économique frappe la monnaie d’un corps social à notre corps défendant , se riant de nos drames réels, de nos héritages et de nos hérédités. Armageddon meggido, ce serait le lieu de bataille ultime entre le bien et le mal. Au casino mondial, on joue à pile ou face son destin, on organise des morts à crédits par mise à la loterie de sociétés secrètes. La crise opère une naissance à l’envers. là on y joue sa vie à pile où face. Fille d’or au revers de la pièce, ton prix en Nature sera le mien. Et en ce pari démoniaque, l‘ultime obole sera, pour le passeur d’âmes...


10 réactions


  • ddacoudre ddacoudre 28 février 2009 23:00

    bonjour veilleur de nuit

    j’ai bien aimé cette présentation littéraire de la crise.

    cordialement.


  • paul muadhib 1er mars 2009 19:17

    Salut veilleur de nuit, je viens de parcourir en lecture rapide votre mot.Cela m’a donné envie d’y retourner.
    il y a de l’art dans ce propos également hyper réaliste, art dans la définition " idée de ce qui est beau"
    Merci de ce mot dans un océan décérébré !


  • Veilleur de Nuit 1er mars 2009 19:43

    Bonsoir Paul Muadhib,

    Message reçu 5 sur 5...

    « Les oeuvres d’art sont d’une infinie solitude ; rien n’est pire que la critique pour les aborder.
    Seul l’amour peut les saisir, les garder, être juste envers elles. »

    Rainer Maria Rilke - Lettres à un jeune poète 

    Cordialement.

  • ernst 2 mars 2009 03:40

     Il me parait bien prémonitoire votre texte...

    Lorsque nous aurons épuisé nos forces de travailleur à la journée sans travail, glané les poubelles déjà vides au cul des Grandes Surfaces, attaqué au moulin à légumes la perruque emmêlée des sociétés secrètes, efflanqués et vacants, il nous restera l’orgueil dérisoire de comprendre le français.

    .Meggido laissa la victoire aux Egyptiens. D’eux naquit notre Civilisation basée sur le poème éternel du "Cantique des Cantiques"... car même les incompréhensibles lambeaux qui ont survécu portent en eux la trace précise de notre inratable salut : la Grâce...

    Non, décidément, votre texte n’était pas inutile...


  • Veilleur de Nuit 2 mars 2009 10:58

    Bonjour Ernst,
    Comme vous le soulignez, l’homme est un animal social orgueilleux. Certains artistes visionnaires ont décrit la béance d’un monde désincarné soumis à l’argent loi, le no futur, la disparition de sociétés décadentes frappées de stérilité :
    à l’égal de la parole de Moïse, une artiste peintre New-Yorkaise à bout de souffle dans un des derniers romans de T. Williams :
    "Je sais qu’il y a quelques jours un bel acrobate blond a exécuté un pas de danse sur un fil de fer qu’il avait illégalement tendu entre les deux édifices les plus hauts de Manhattan ; il a exécuté là une métaphore en dansant son défi à la mort, avec grâce, comme pour célébrer entre ces deux tours les plus hautes nommées tours du Centre du Commerce, ou quelque chose du Commerce Mondial, au dessus de la mort de la ville forcenée, où respirer est dessécher et noircir lentement les poumons. Oh, on a acclamé son exploit, mais sans rien comprendre de ce qu’il exprimait, qui est ceci. (Sa main qui se balançait rejoignant alors l’autre pour se mettre en cornet autour des lèvres de son vagin).
    Tennessee Williams, MoÏse and the World of Reason, 1975
    Une femme nommée MoÏse 1983

     

     

     


  • Veilleur de Nuit 2 mars 2009 13:22

    Bonjour Gabriel

    Bravo pour votre perspicacité !, merci de contribuer ainsi bien chaleureusement, à faire connaître notre blog d’art et d’essais ’ Bright Moments’, ouvert à tous les échanges sensibles de la diversité humaine et créative.
    J’espère que nous continuerons à partager quelques moments lumineux ici et là... 

    Cordialement


  • Eugenio 4 mars 2009 22:05

    Du texte j’ai beaucoup aimé cette tentative de faire une sorte de mythologie moderne avec des personnifications de ses components : la crise une fille aux yeux d’or, sœur de la démesure.

    Mais ce qui est expliqué dans le texte ce n’est pas exclusif de Paris… partout dans le monde arrive la même chose. Nous sommes sous l’emprise de dieux absurdes qui font ses paris dans le village global.

    Et pourtant, peut être, il faudrait compléter ce noir tableau avec une touche colorée : La fille aux yeux d’or est enlevée par chaos, qui met dans son sac tous les affaires… et de leur accouplement nait modération, sage héritière du futur... Espérons... Espérons... En attendant le retour du coup de pendule.


  • Veilleur de Nuit 5 mars 2009 00:38

     Bonsoir Eugenio,

    En fait, j’ai conjugué en Paris les déclinaisons musicales de plusieurs sens, et parmi eux il y a les paris, les jeux d’argent, par Is ( La légendaire ville d’Ys engloutie...), par ris, le ’Paris, à nous deux maintenant’ de tous les Rastignac de la terre,
    Paris, fille aux yeux d’or, est comprise ici telle la figure allégorique de toutes les capitales., (Jadis on ’montait’ de sa campagne à Paris pour travailler ou faire de l’argent),
    du moins les capitales qui réalisent chaque jours de nouvelles mises en scènes politico économiques dignes du meilleur théâtre de l’absurde...

    Espérons, oui !
    Sur les pentes du volcan, une fois l’éruption passée, la renaissance de mille et une fleurs...
    ou encore sur le monument de granit sombre, la caresse vivante de la lumière... 

    http://tintaluz.blogspot.com/

     

     


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