La doctrine nucléaire russe 2024 mènera-t-elle à une attaque nucléaire contre l’Ukraine ? Les forces de l’histoire dans la fin de la guerre
Quelle issue à la guerre en Ukraine ? Une guerre presque sans mouvement, une guerre de tranchées, l’artillerie en défensive, quelques succès de part et d’autre entre les belligérants ; région russe de Koursk occupée par les forces ukrainiennes, prise de quelques villages de la région de Donetsk par les forces russes.
Une guerre qui s’opère dans le surplace et le pouvoir central de Kiev déclare qu’il n’y a pas d’impasse dans la guerre, alors que l’ex-chef de l’armée dit qu’il y a impasse. Et si l’ex-chef de l’armée ukrainienne le déclare – il a été relevé de ses fonctions – c’est qu’il y a réellement impasse dans cette guerre.
Et que donne la guerre de drones et de tirs de missiles, de part et d’autre des deux belligérants ? Une guerre qui s’enlise, qui évolue très peu. Alors que des solutions existent si réellement les deux camps veulent mettre fin à la guerre, mais le problème est que la guerre en Ukraine a pris des dimensions multiples énormes ; l’Occident non seulement ne veut pas perdre la face en se dirigeant résolument vers la paix, par des concessions territoriales faites à la Russie, mais il entend aller jusqu’au bout de cette guerre. Pour aussi des raisons géostratégiques, dans le sens de créer une Europe plus agrandie, plus forte pour faire face aux deux grandes puissances adverses, la Russie et la Chine, qui sont alliées.
Des questions légitimes se posent sur cette guerre. On peut déjà parler de nouveauté dans cette guerre, par le message que le président russe Vladimir Poutine a adressé à l’Occident, il y a moins d’un mois. Il s’assimile à un « avertissement extrêmement grave à l’Ukraine et à l’Occident ; il peut provoquer des incertitudes telles que tout peut arriver. Il porte essentiellement sur les missiles à longue portée livrés à l’Ukraine par l’Occident ; l’armée ukrainienne procédant ces derniers mois à des attaques missiles en profondeur sur le territoire russe, provoque de graves destructions, dans les régions de la Russie, très éloignées de la frontière avec l’Ukraine.
Le message du président russe à l'Occident, sur le site kommersant.ru, « Le président russe a adressé un message à l'Occident », le 12 septembre 2024, énonce :
« La levée de l’interdiction faite à l’Ukraine de lancer des frappes avec des armes occidentales à longue portée en profondeur sur le territoire russe signifierait l’implication directe des pays de l’OTAN dans un conflit militaire, ce qui « changerait considérablement » son essence même. Le président russe Vladimir Poutine l'a annoncé jeudi, promettant de ne pas laisser une telle démarche sans réponse. Les décisions des autorités britanniques et américaines n’ont pas été officiellement annoncées. Le sujet reste notamment à discuter « vendredi » entre les deux dirigeants, le Premier ministre britannique Keir Starmer et le président américain Joe Biden. Cependant, les médias occidentaux précisent que tout va dans le sens d’une levée de l’interdiction. […]
L'armée ukrainienne n'est pas en mesure de lancer des frappes avec des systèmes modernes à longue portée et de haute précision fabriqués en Occident. « Elle ne peut pas faire ça. Cela n’est possible qu’en utilisant les « données de renseignement des satellites, dont l’Ukraine ne dispose pas » ; il s’agit uniquement de données provenant de satellites de l’Union européenne ou des États-Unis – en général, de satellites de l’OTAN. C'est la première, a-t-il noté. La deuxième, très importante, peut-être la clé, est que les missions de vol de ces systèmes de missiles ne peuvent en fait être effectuées que « par le personnel militaire des pays de l'OTAN ». Les militaires ukrainiens ne peuvent pas faire cela. »
Cette déclaration du président russe pourrait changer le cours de la guerre. D’autant plus que la réaction des États-Unis n’a fait que critiquer les propos du président russe qu’elle a qualifié d’« incroyablement dangereux », mais n’a donné aucun éclairage sur le fond de la nouvelle doctrine nucléaire russe.
Précisément, moins d’une semaine après, le 18 septembre 2024, une attaque-missile de grande ampleur menée par l’Ukraine a touché en profondeur le territoire russe. Sur le site refi.fr, « Russie : l’explosion d’un dépôt de munitions à Toropets ciblée par les infox », du 20 septembre 2024, il est rapporté :
« En Russie, un important dépôt de munitions a été frappé par une attaque de drone ukrainienne ce mercredi 18 septembre, dans la localité de Toropets, à 380 km au nord de Moscou et à 500 km de la frontière avec l’Ukraine. L’explosion a été si puissante qu’elle a provoqué un « tremblement de terre d’une magnitude de 2,8 dans la zone ». La vidéo de cette explosion a fait le tour du monde sur les réseaux sociaux, entraînant beaucoup d’interrogations, mais aussi beaucoup de désinformation.
Les images filmées de nuit sont impressionnantes. On y voit une énorme boule de feu s’élever à plusieurs dizaines de mètres dans le ciel. Le souffle provoqué par l’explosion principale se fait alors ressentir à plusieurs dizaines de kilomètres aux alentours. Rapidement, un immense nuage en forme de champignon se forme au-dessus de Toropets, où se situe ce dépôt de munitions. Cette vidéo fait dire, à tort, à plusieurs internautes que l’Otan viendrait « de frapper la région russe de Tver à l’aide d’une bombe nucléaire tactique ». Un message, vu plus d’un 1 500 000 fois sur X, parle même de « la troisième guerre mondiale ». Un autre affirme même qu'il s’agit de « la plus grande attaque nucléaire de l’histoire depuis la Seconde Guerre mondiale ». […]
Si aucune ogive nucléaire n’a explosé à Toropets, comment expliquer ce nuage en forme de champignon ? C’est simple, toute grosse explosion peut provoquer un nuage de la sorte en raison de la chaleur générée. Concernant le dépôt de munition de Toropets, les analystes en sources ouvertes évoquent la présence possible de 30 000 tonnes de munitions sur le site. Enfin, lors de l’explosion du port de Beyrouth en août 2020, le nuage avait aussi pris la forme d’un champignon. »
La réponse du président ukrainien Volodymyr Zelensky sur l’attaque contre la Russie est édifiante ; il a félicité ses forces armées pour la destruction du dépôt d'armes, situé à 400 km au nord-ouest de Moscou.
Le 25 septembre 2024, dans un article sur le site kommersant.ru, faisant état de changements dans la doctrine nucléaire de la Fédération de Russie, il est énoncé :
« Menace nucléaire. Changements dans la doctrine nucléaire de la Fédération de Russie. L'essentiel du discours de Poutine lors de la réunion du Conseil de sécurité
Le président Vladimir Poutine a tenu publiquement pour la première fois une réunion du Conseil de sécurité sur la dissuasion nucléaire. Il y a annoncé l'introduction d'un certain nombre de précisions concernant la détermination des conditions d'utilisation des armes nucléaires par la Russie. Les principales mises à jour de la doctrine nucléaire russe se trouvent dans la collection Kommersant.
Le projet de doctrine nucléaire russe actualisée élargit la catégorie des États et des alliances militaires contre lesquels la dissuasion nucléaire est menée.
L’agression contre la Russie par tout État non nucléaire avec le soutien d’une puissance nucléaire sera considérée comme une attaque contre la Russie.
La Russie se réserve le droit d'utiliser des armes nucléaires en cas d'agression contre la Biélorussie.
Des informations fiables sur un lancement massif d’armes d’attaque aérospatiale vers la Russie entraîneront une réponse nucléaire. Il s’agit notamment d’avions stratégiques et tactiques, de missiles de croisière, de drones, d’avions hypersoniques et autres.
Une menace critique contre la souveraineté russe, provenant notamment des armes conventionnelles, constituera la base d’une réponse nucléaire.
La triade nucléaire reste la garantie la plus importante de la sécurité de la Russie et de ses citoyens. Et aussi un outil pour maintenir la parité stratégique et l’équilibre des pouvoirs dans le monde.
La Russie est obligée de prendre en compte l’émergence de nouvelles sources de menaces et de risques militaires pour elle-même et ses alliés. La clarification de la doctrine militaire russe est vérifiée et proportionnée aux menaces.
La Russie adopte une approche très responsable face aux questions relatives aux armes nucléaires et s'efforce d'empêcher la prolifération des armes nucléaires et de leurs composants.
Des clarifications des fondements de la politique d'État russe dans le domaine de la dissuasion nucléaire ont été convenues avec le Président de la Biélorussie en tant que membre de l'État de l'Union. » (1)
On peut penser que si la Réunion permanente du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie a eu lieu, c’est qu’elle est en lien avec l’attaque-missile ukrainienne du 18 septembre 2024 ; une attaque en profondeur sur le territoire russe qui a touché un important dépôt de munitions, dans la région de Toropets ; l’explosion qui a suivi a été si puissante qu’elle a provoqué un « tremblement de terre d’une magnitude de 2,8 » dans la zone ; les réseaux sociaux l’ont même assimilé à une attaque nucléaire.
Dès lors, avec les changements apportés à la doctrine de nucléaire russe, tout le cours de la guerre peut être bouleversé. Cependant, malgré l’annonce russe, les États-Unis sont restés fermes dans l’aide octroyée à l’Ukraine. Comme le témoignent les réactions américaines, le jour après.
Le 26 septembre 2024, un article de France 24, « Biden et Harris assurent de leur soutien Zelensky avant sa rencontre avec Trump », donne l’état d’esprit de la Maison Blanche :
« Lors d'une visite de Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche jeudi, le président américain Joe Biden a promis à son homologue ukrainien que la Russie ne remporterait pas la guerre, ainsi qu'une nouvelle enveloppe d'aide. Kamala Harris lui a également apporté son soutien, attaquant sans le nommer Donald Trump, qui rencontrera le chef d'État ukrainien vendredi
Ce n'est pas encore le feu vert espéré par Volodymyr Zelensky mais celui-ci ne repartira pas de Washington bredouille. Joe Biden s'est engagé, jeudi 26 septembre, à ce que « la Russie n'emporte pas la guerre en Ukraine » lors d'une visite du président ukrainien à la Maison Blanche. Ce dernier a également récolté le soutien de Kamala Harris et aura vendredi une rencontre bien plus délicate avec Donald Trump.
« La Russie ne l'emportera pas », a lancé le dirigeant américain depuis le Bureau ovale, à 39 jours de l'élection présidentielle américaine qui s'annonce extrêmement serrée, et dont dépend l'avenir du soutien à Kiev.
Afin d'« aider l'Ukraine à gagner cette guerre », le président américain a annoncé jeudi matin une « augmentation de l'aide à la sécurité » – sans toutefois mentionner le feu vert espéré par Kiev pour tirer vers la Russie des missiles de longue portée fabriqués aux États-Unis.
« Mon soutien au peuple ukrainien est inébranlable », a dit pour sa part la vice-présidente et candidate démocrate Kamala Harris, lors d'une rencontre séparée avec le président ukrainien.
« Il y a des gens dans mon pays qui voudraient forcer l'Ukraine à abandonner de larges portions de son territoire souverain, qui demanderaient à l'Ukraine de se déclarer neutre, et qui exigeraient que l'Ukraine renonce à des relations militaires avec d'autres pays. Ces propositions sont les mêmes que celles de Poutine et ce ne sont pas des propositions de paix. Ce sont des propositions de capitulation, ce qui est dangereux et irresponsable », a-t-elle ajouté. » […]
« Cette guerre peut être gagnée et une paix juste peut être conclue mais seulement avec les États-Unis », a plaidé le chef d'État ukrainien, venu présenter à Washington son « plan pour la victoire ».
En outre, Joe Biden a appelé à la tenue en Allemagne d'un sommet de haut niveau avec 50 pays alliés de l'Ukraine « afin de coordonner les efforts ».
Le démocrate de 81 ans, grand artisan du soutien occidental à l'Ukraine depuis son invasion à grande échelle par la Russie en février 2022, a décidé de déployer 8 milliards d'aide au total. […]
Volodymyr Zelensky vient exposer à Washington ce plan au lendemain de l'annonce par Vladimir Poutine d'une proposition de changement de la doctrine de recours à l'arme nucléaire par Moscou.
Il s'agirait de répondre à « l'agression de la Russie par un pays non nucléaire mais avec la participation ou le soutien d'un pays nucléaire », a lancé mercredi le président russe. […]
« Volodymyr Zelensky a prévenu que les Ukrainiens n'accepteraient « jamais » un éventuel accord de paix avec Moscou qui leur soit « imposé » par les grandes puissances. »
Force de dire que, malgré les changements apportés à la doctrine de dissuasion nucléaire russe, tout laisse penser que les pays occidentaux, trop engagés dans la guerre en Ukraine, n’accepteront pas de négocier la fin de la guerre, et continueront à aider l’Ukraine à poursuivre les combats contre la Russie, jusqu’à la victoire, selon le président ukrainien.
La guerre en Ukraine va forcément prendre des proportions telles que tout peut arriver. Les États-Unis quand bien même ne donneraient pas leur feu vert aux frappes en profondeur sur le territoire russe, avec des armes occidentales à longue portée, n’empêcheront pas l’armée ukrainienne de les mener, comme le témoignent les nombreuses attaques sur le sol russe.
Sur le fond de la guerre et ce qui a poussé la Russie à envahir l’Ukraine, et annexer les régions anciennement ukrainiennes de Crimée en 2014, et en 2023, les régions de Donetsk, Lougansk, Kherson, Zaporijjia, il faut rappeler que les populations de ces régions qui sont majoritairement russes ont demandé leur rattachement à la Russie. ; elles l’ont fait par référendum que le gouvernement de Kiev et les pays occidentaux n’ont pas reconnu.
S’il n’y avait pas eu cette donne ethnique, la Russie n’aurait pu prétendre à ces territoires pour la simple raison que les populations de ces régions, si elles étaient d’origine ukrainienne, auraient refusé ; et sans appui de ces populations, la Russie n’aurait jamais pu se maintenir dans ces régions ; une guerre qui serait perdue d’avance ; or ce n’est pas le cas, ces régions sont devenues des territoires de la Russie et les populations de ces régions combattent l’armée ukrainienne.
Alors que les alliés occidentaux, ignorent délibérément les racines russes des populations de ces régions, et mettent tous leurs espoirs en l’Ukraine, pensant qu’en épuisant l’armée russe, l’Ukraine l’emportera. Ce qui est loin de la réalité compte tenu des rapports de force entre l’Ukraine, et la Russie soutenus par ces régions séparatistes, d’une part, et l’Ukraine, en tant que pays d’Europe orientale non doté d’armes nucléaires alors que la Russie est une des deux plus grandes puissances nucléaires du monde, avec les États-Unis.
Mais ce qui n’est pas clair dans cette question sur la levée d’interdiction des frappes avec des armes occidentales sur le sol russe, c’est qu’un « flou » est maintenu ; d’un côté l’Occident dit qu’il y interdit, d’un autre côté, l’armée ukrainienne mène des attaques en profondeur sur le sol russe. Et les États-Unis ont inclus des missiles ATACMS de longue portée jusqu’à 300 km, dans leurs livraisons d’armes à l’Ukraine ; le Royaume-Uni a fourni à des missiles Storm Shadow à l'armée ukrainienne, qui peuvent atteindre des cibles distantes jusqu'à 500 km ; la France a fourni des missiles Scalp, équivalents aux missiles Storm Shadow britanniques.
Ces attaques ukrainiennes répétées sur le sol russe ont eu des conséquences sur le cours de la guerre puisqu’ils ont amené le Conseil de sécurité de la Fédération de Russie à réviser la doctrine nucléaire russe ; des changements notables ont été apportés à la doctrine de dissuasion nucléaire ; désormais, en cas d’attaque massive en profondeur sur le sol russe par des armes conventionnelles massives, la Russie serait en droit d’utiliser des armes nucléaires contre le pays attaquant. Et l’Ukraine ne peut mener des attaques en profondeur sur le sol russe que si les pays occidentaux, principalement les États-Unis et l’Union européenne, disposant de réseau satellitaires, lui fournissent avec une grande précision, les objectifs ; donc des missiles guidés par satellites.
Et ni les États-Unis, ni le Royaume-Uni ni la France ne peuvent ignorer les avertissements contenus dans la nouvelle doctrine de dissuasion russe. Une question cependant sur le fond. « Qui attaque la Russie ? » Ce ne sont pas les pays occidentaux, c’est le pouvoir ukrainien qui ordonne à son armée ces attaques ; si l’Ukraine ne menait ces attaques que sur son territoire et les territoires annexés contre les forces russes, la nouvelle doctrine nucléaire russe ne pourrait s’appliquer. Il n’y a pas d’attaques sur le sol russe.
Mais si le gouvernement de Kiev, cherchant à affaiblir la Russie s’attaque à des cibles militaires ou économiques sur le sol russe, par exemple, des entrepôts d’armements, des bases aériennes, raffineries de pétrole, et objectifs, la doctrine nucléaire russe remaniée qui prend en compte cette situation de guerre prévoit une réponse par l’usage d’armes nucléaires comme riposte.
Pour comprendre la situation de guerre en Ukraine, et ce qui peut se passer entre l’Occident et la Russie, en cas de frappe nucléaire russe contre l’Ukraine qui n’est pas membre de l’Alliance Atlantique Nord. Que dit la doctrine nucléaire américaine révisée en 2022 appelée « 2022 Nuclear Posture Review » ?
En effet, selon « 2022 Nuclear Posture Review » ou NPR, il est énoncé : « Nos engagements en matière de sécurité envers les Alliés et les partenaires de la région indopacifique sont inébranlables. » (2)
Certes, il est écrit : « Nos engagements sont inébranlables par les textes » qui lient tous les membres de l’OTAN, mais, en cas d’attaque nucléaire contre un membre de l’OTAN ou un pays partenaire, on sait que sur les 32 pays que compte l’OTAN, seuls 3 pays sont dotés d’arsenaux nucléaires propres ; les autres 29 pays membres n’ont pas d’arsenaux nucléaires ; leur sécurité, sur le pan nucléaire, relève des trois puissances nucléaires que sont les États-Unis, le Royaume-Uni et la France.
Que dit la doctrine 2022 Nuclear Posture Review, en cas d’attaque nucléaire ?
« L’utilisation d’armes nucléaires par un adversaire, quel que soit le lieu où la puissance, modifierait fondamentalement la nature d’un conflit, créerait un « risque » d’escalade incontrôlée et aurait des effets stratégiques.
Nous devons donc être en mesure de dissuader les attaques nucléaires à grande échelle et limitées de toute une série d’adversaires. La capacité de dissuader les attaques nucléaires limitées est essentielle étant donné que certains concurrents ont développé des stratégies de guerre qui peuvent s’appuyer sur la menace d’une escalade nucléaire pour mettre fin à un conflit à des conditions avantageuses. » (2)
La question se pose : « En cas de frappe russe contre l’Ukraine ou contre un membre de l’OTAN, les États-Unis en accord avec le Royaume-Uni et la France vont-ils riposter, via l’OTAN, par des armes tactiques nucléaires ? Et donc s’attaquer à la Russie par des armes nucléaires la Russie ? Dans l’Alliance, les États-Unis sont prépondérants compte tenu de leurs arsenaux qui comptent entre 4000 et 5000 ogives à l’instar de ce que compte à peu près la Russie, alors que les arsenaux britanniques et français comptent chacun entre 200 et 300 ogives nucléaires.
Si les États-Unis procèdent, via l’OTAN, à une frappe nucléaire contre la Russie, c’est l’escalade et l’entrée d’une guerre nucléaire entre l’Occident et la Russie. Les territoires des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni seront fatalement touchés comme le territoire russe. Si la guerre nucléaire s’arrête d’un commun accord entre les quatre puissances nucléaires (trois Occidentales + Russie), le conflit qui allait être planétaire à cause de l’Ukraine s’arrêterait. Si la guerre nucléaire ne s’arrête pas, c’est l’apocalypse mondiale. Toutes les capitales des grandes puissances disparaîtront, en quelques heures voire en quelques jours. Washington, New York, Londres, Paris, Berlin, Moscou, Pékin… n’existeront plus.
Évidemment, on ne peut penser qu’une folie apocalyptique qui mettrait fin aux puissances nucléaires mondiales surviendrait à cause de l’Ukraine ou de la Pologne ou de l’Allemagne touchée par une frappe nucléaire russe. Précisément, la « 2022 Nuclear Posture Review » y répond :
« Le réseau mondial d’alliances et de partenariats des États-Unis est un centre de gravité militaire. La dissuasion nucléaire étendue des États-Unis est fondamentale pour ce réseau. Ainsi, assurer les alliés et les partenaires que ces engagements sont crédibles est essentiel à la stratégie de sécurité nationale et de défense des États-Unis. Les alliés doivent « être convaincus » que les États-Unis sont disposés et capables de dissuader l’éventail de menaces stratégiques auxquelles ils sont confrontés et d’« atténuer les risques qu’ils assumeront en cas de crise ou de conflit. » […]
Atteindre les objectifs des États-Unis « si la dissuasion échoue ». Nous maintiendrons une dissuasion nucléaire sûre, sécurisée et efficace et des capacités nucléaires flexibles pour atteindre nos objectifs si le président conclut que l'emploi d'armes nucléaires est nécessaire.
« Dans de telles circonstances, les États-Unis chercheraient à mettre fin à tout conflit au niveau de dommages le plus bas possible dans les meilleures conditions réalisables pour les États-Unis et leurs alliés et partenaires. »
Combinées aux forces nucléaires indépendantes de la France et du Royaume-Uni et aux accords de partage du fardeau nucléaire de l’OTAN, les forces nucléaires américaines restent essentielles à la posture de dissuasion et de défense de l’Alliance. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie et l’occupation de la Crimée en 2014, l’OTAN a pris des mesures pour garantir une dissuasion nucléaire moderne, prête et crédible. […]
Cependant, nous ne pourrons progresser dans ce domaine que « si nous sommes confiants dans la capacité de notre dispositif nucléaire » à dissuader toute agression et à protéger nos alliés et partenaires. » (2)
Que peut-on dire de ce passage de la « 2022 Nuclear Posture Review » ? Toute la problématique dans une guerre nucléaire localisée réside dans la confiance dans la capacité des dispositifs nucléaires tant à dissuader qu’à protéger à leurs alliés et partenaires. Mais est-ce suffisant la confiance et la conviction des 29 membres de l’OTAN qui dépendent surtout de la dissuasion nucléaire des États-Unis ?
Énoncer dans la doctrine US de 2022 que « Les alliés doivent « être convaincus » que les États-Unis sont disposés et capables de dissuader l’éventail de menaces stratégiques auxquelles ils sont confrontés et d’« atténuer les risques qu’ils assumeront en cas de crise ou de conflit. » ne suffit pas en cas de frappe nucléaire réelle contre un des 29 pays membres non dotés d’armes nucléaires propres et encore moins contre un pays partenaire non membre de l’OTAN, comme l’Ukraine.
Il est évident qu’avec la Russie, première puissance nucléaire mondiale à parité avec les États-Unis, en cas de frappe nucléaire russe contre l’Ukraine, les États-Unis ne pourront rien faire. Comme il est dit dans la 2022 NPR : « Si la dissuasion échoue, dans de telles circonstances, les États-Unis chercheraient à mettre fin à tout conflit au niveau de dommages le plus bas possible dans les meilleures conditions réalisables pour les États-Unis et leurs alliés et partenaires. »
En clair, les États-Unis n’entreront pas en conflit nucléaire avec la Russie ; ils savent les conséquences apocalyptiques qui suivront immédiatement s’ils répondent par des frappes nucléaires ; une destruction, un suicide mutuel.
Et c’est ce qu’il faut comprendre dans les rapports des deux plus grandes puissances nucléaires du monde. Surtout il faut le souligner que la frappe nucléaire ne concerne pas le territoire des États-Unis ; et même si la Russie déciderait d’une nouvelle frappe nucléaire contre l’Ukraine ou contre un pays d’OTAN. Même réponse : « les États-Unis chercheront à mettre fin à tout conflit au niveau de dommages le plus bas possible… » Et c’est tout à fait logique de la part des États-Unis face à une situation qui peut se transformer en une guerre nucléaire mondiale.
Au final, que peut-on dire de cette guerre en Ukraine ? Et comment va-t-elle finir ? Tout montre que si l’armée ukrainienne ne met pas fin à ses attaques en profondeur sur le territoire russe, et la nouvelle doctrine nucléaire de la Russie qui sera bientôt officialisée, et que l’Occident maintiendra toujours son soutien en armements à longue portée sans signifier à l’Ukraine, d’une manière claire, l’interdiction d’attaquer le territoire russe en profondeur, il est à redouter que la Russie mène une frappe nucléaire. Et qui en paiera le prix, ce sera « l’Ukraine. »
La faute retombera sur l’Occident et sur l’Ukraine. Si une telle situation arrive, cela signifie simplement que le problème de l’Ukraine n’a pas été pensé à sa juste mesure par l’Occident. Encouragé par l’intégration de la presque totalité des pays d’Europe centrale et orientale, l’Occident n’a pas pris en compte le problème des populations russophones qui sont d’origine russe. Dans sa stratégie d’englober l’ex-glacis soviétique pour faire face à l’alliance stratégique Russie-Chine, misant sur les avantages très attractifs offerts à ces pays, l’Occident a négligé la résistance de la Russie, estimant qu’elle suivrait le mouvement, que les résistances seraient dépassées d’autant plus que tous ces pays d’Europe centrale et orientale seraient dans une situation bien meilleure sur le plan économique, par des investissements massifs occidentaux, mais aussi sur le plan politique, puisque jouissant d’un débat démocratique, au sein de l’Union européenne et dans l’OTAN, sur toute décision collective.
Alors qu’en réalité, l’objectif premier visé dans l’élargissement à l’Union européenne des pays de l’est de l’Europe, et leur intégration à l’OTAN était pour l’Occident « d’imposer sa suprématie sur le reste du monde. » Si les pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud ne peuvent remettre en cause l’ordre unipolaire dominé par les États-Unis depuis la chute de l’URSS, il n’en est pas de même pour les deux grandes puissances, la Chine et la Russie, qui prônent, qui travaillent pour fonder un monde multipolaire, plus équilibré entre les peuples. Alors que l’objectif de l’Occident est d’opposer un front aussi vaste que possible face à la Chine et à la Russie, ce qui explique le soutien constant pour l’Ukraine.
L’enjeu est donc planétaire et dépasse les objectifs tant occidentaux qu’ukrainiens pour ce qui est de récupérer par la guerre les territoires ukrainiens annexés, après référendums, par la Russie. L’objectif de l’Occident dans cette guerre, en fait, est de contrecarrer à tout prix son déclin ; un monde multipolaire n’avantage ni les États-Unis ni l’Europe. Les grandes puissances dont la Chine et la Russie qui ont véritablement émergé en ce début de XXIe siècle pourraient non seulement bouleverser l’ordre dominé aujourd’hui par l’Occident mais ce que l’Occident craint le plus est qu’il soit supplanté par les puissances montantes, à moyen terme ; une perspective qui est réellement potentielle dans les décennies à venir.
Aussi, peut-on dire que, dans cette guerre, si l’Occident ne prend pas conscience et ne s’arrête pas à temps, ce sera aux forces de l’histoire qui arrêteront la guerre. Rappelons ce qui s’est passé en 1945. Après que l’Allemagne fut vaincue et occupée, restait le Japon en guerre avec les États-Unis. L’état-major américain projetait la fin de la guerre avec le Japon jusqu’en 1946 et même plus tard. Vint l’essai de la première bombe atomique à Los Alamos, au Nouveau-Mexique, le 16 juillet 1945 ; cette arme atomique mettra fin à la guerre avec le Japon, après deux bombes atomiques larguées sur son territoire.
Est-ce les Américains qui ont vaincu le Japon ? Ou l’arme atomique ? Force de dire, que dans l’absolu, c’est l’arme atomique qui a vaincu le Japon ; les États-Unis n’ont été que les récipiendaires de ce qui est dans la Nature ; et cette arme, ils l’ont reçue par les forces de l’histoire.
De la même façon, si les puissances n’arrivent pas à s’entendre, ce sont encore les forces de l’histoire qui les amèneront à s’entendre. Donc, si la guerre en Ukraine ne prend pas fin, et toutes les parties s’entêtent dans leurs plans, ce sera aux forces de l’histoire qui trancheront et mettront fin à la guerre. La Russie sait qu’elle a une carte maîtresse, l’arme atomique, les États-Unis aussi savent qu’ils ont aussi une carte maîtresse, ces deux pays feront tout pour ne pas être entraînés dans une guerre nucléaire qui signifierait leur destruction assurée.
Que l’Ukraine soit touchée par une frappe nucléaire russe, c’est finalement le régime de Kiev qui l’a cherché ; c’est lui qui l’a voulu, en visant une victoire sur la Russie, et surtout aidée par l’Occident. Les forces de l’histoire sont logiques. Les États-Unis n’ont pas obligé le pouvoir ukrainien à s’opposer à la Russie jusqu’à prétendre même une victoire sur la Russie. Et surtout que les territoires annexés ne veulent pas du pouvoir de Kiev.
Une folie pour ainsi dire de la part du pouvoir de Kiev ; une folie humaine mais une folie ; si cette folie n’est pas arrêtée à temps, elle sera payée au prix fort et amènera la fin de la guerre.
Medjdoub Hamed
Chercheur
Note :
1. « Changements dans la doctrine nucléaire de la Fédération de Russie. L'essentiel du discours de Poutine lors de la réunion du Conseil de sécurité », par kommersant.ru Le 25 septembre 2024
https://www.kommersant.ru
2. « 2022 Nuclear Posture Review », par Federation of American Scientists. Juillet 2023
https://fas.org/wp-content/uploads/2023/07/2022-Nuclear-Posture-Review.pdf