La domestication des foules crétines
L'empathie c'est la prise en compte des émotions de l'Autre, la compassion consiste à souffrir de ses souffrances, la pitié est elle entachée d'un brin de de condescendance. Mais il est avèré qu'on est toujours assez fort pour supporter la souffrance d'autrui. Les plus prestigieux des manuels de Psychologie précisent qiue les foules sont incapables d'agir d'une façon réfléchie, une pensée construite leur est inaccessible, et les sachants (qui n'ont rien à voir avec les savants) doivent conduire des masses aveuglées par leurs instincts. Ceux qui s'octroient à eux-même une grande élévation d'âme se donnent pour objet de modeler les foules naturellement crétines en faisant appel à leurs sentiments, leurs émotions, leurs souffrances. Les mots ronflants et suintants de bons sentiments ne servent alors qu'à asservir un peu plus les esclaves à leurs maîtres.
La seule préoccupation d'un dirigeant c'est de diriger et dans ce but il agite des principes ou des valeurs auxquels on est censé adhérer. Mais il doit se prémunir des sursauts populaires : les foules sont capables d'exaltation, d'héroisme ou d'une férocité dévastatrice selon les moments. Il faut en conséquence canaliser ces émois pour assurer la paix publique. Une foule, que l'on doit distinguer d'un peuple, est incapable de penser par essence. L'intelligence nécesite du temps, des efforts, implique aussi de soupeser chacun des arguments des uns ou des autres, ce qui conduit inéluctablement au doute, aux nuances, à l'incapacité d'agir. Les foules ne sont sensibles qu'aux émotions portées par les slogans, aux images déformées de la réalité. La puissance (bien réelle) des foules est due à l'effet d'imitation en son sein ce qui lui assure une grande cohérence de non-pensée. Le mimétisme des exaltations suit un processus non-linéaire : ce qui est préféré par l'un est repris et amplifié par un autre ce qui conduit à une excitation encore plus grande du premier heureux d'avoir rencontré un écho... et ainsi de suite. Un quelconque raisonnement n'a pas sa place dans ce processus : il ruinerait la liesse ambiante. Pour domestiquer ces foules consubstantiellement crétines il faut utiliser les mêmes armes que ce qui les animent et les animent : l'empathie, la peur, de l'effroi et les sentiments en tous genres..
Les médias se donnent normalement pour objet d'informer les gens de la façon la moins empreinte de fausseté possible. Ils ne l'ont, sauf exception, jamais fait. Tout rédacteur se donne pour mission de transformer le lecteur en un autre lui-même, ce lui-même n'agissant évidemment qu'en fonction de ses propres intérêts.Le géniteur d'informations ou de bruits sait mieux que tout autre que les foules sont insensibles à toute forme d'intelligence, il lui faut transformer le peuple en autant de foules qu'il lui est nécessaire pour que son message non formulé puisse gagner en notoriété. Il n'est même pas certain qu'il sache avec précision où il souhaite mener son troupeau, l'important c'est qu'il le dirige. Il subsiste toujours une fraction d'irréductibles qui connaissent l'importance et la force des biais cognitifs et qui essaient de les maîtriser. Le force des foules et du nombre la noiera dans les flots dominants.
Les nouveaux moyens de communication actuellement disponibles n'ont pas créé les phénomènes de modelage des opinions par les sentiments collectifs, mais ils ont considérablement augmenté leur emprise. La crédulité est devenue le dernier chic que l'on doit afficher, même au niveau des institutions. Les élus sont les plus exposés à la vindicte et sont ceux qui doivent se prémunir le plus des effets de foules, sans y parvenir toutefois.
La Démocratie devrait constituer le but de toute société organisée. Les nouveaux Maîtres, qui se distinguent des anciens principalement par leur dissimulation et leur rouerie, ont assimilé démocratie avec "loi du plus grand nombre". Il suffit pour qu'ils conservent leur prééminence de transformer le peuple en foules parce qu'ils ont les recettes pour manipuler celles-ci. Ils s'emploient dans ce sens activement en bannissant tout principe non quantitatif, comme le Respect et l'Honnêteté, notions hors de portée d'une foule. Les nouveaux dieux n'ont pas de Dieu, cette entité, réelle ou non, qui vous insupporte lorsque vous ne vous conformez pas à chaque instant à vos propres valeurs. L'Honnêteté est remplacée par l'audience : le dernier sondage, le dernier nombre de clics : vous avez raison car vous êtes les plus nombreux ou les plus agités ou les mieux organisés. Il n'est plus nécessaire pour devenir dieu de subir un martyre et de proposer un idéal, il suffit de savoir modeler les sentiments de la multitude pour la conduire où l'on veut.
Quelques exemples.
Il y a signifiativement moins d'homicides en France qu'il y a quelques dizaines d'années. Les autres violences sont plus difficiles à estimer avec certitude. Cette observation ne tend pas à vouloir minimiser les drames qui se déroulent journellement. Mais...
Sur votre grand ou petit écran, une sémillante présentatrice récemment échappée d'un magazine de mode va vous détailler l'atrocité du jour : un vigile poignardé dans un supermarché, une jeune femme sordidement torturée, un professeur menacé de mort, Il faut réagir conclut-on.
Il est difficile de chiffrer de façon précise le nombre de viols et d'agressions sexuelles, beaucoup peuvent ne pas être déclarés, la facilité d'enregistrer une plainte peut varier avec le temps, les victimes sont plus ou moins à l'aise pour signaler les sévices subis. Pourtant, la même sémillante pournaliste ou le même encore sémillant journaliste va vous faire le détail des atrocités du jour sans omettre le mondre détail.
Les populations des pays développés changent considérablement à cause d'un taux de fécondité tellement bas qu'il ne permet plus d'avoir suffisamment de personnel, essentiellement peu qualifié, pour assurer les tâches pourtant essentielles du quotidien. La question qui vous est alors posée est la suivante : "Etes-vous pour ou contre l'immigration" ? Pour vous aider dans votre quête de la réponse :
Un "OQTF" agresse un nonagénaire laissé pour mort, une adolescente est torturée puis tuée par une autre adolescente sans papiers, une bande des cités d'origine étrangère lance des boules de pétanque sur les participants d'un bal...
Il s'agit de donner une image à ce qu'on peut appeler une foule, c'est à dire à une assemblée d'individus plus sensibles aux sentiments qu'à la raison. L'effet est double, on peut railler le caractère primitif de la populace qui se laisse prendre et, on invite celle-ci à confier son destin à ceux qui la transformeront en automates décérébrés. La généralisation de cas particuliers sera la méthode royale pour arriver à ses fins.
Il ne faut pas minimiser cette entreprise d'extermination de la pensée, elle a fait ses preuves à de multiples reprises dans le passé, le procédé est habile et est utilisé par la "Droite" comme par la "Gauche", chacune dans son secteur. L'appel aux larmoiements permet de conforter la tutelle d'une minorité sans avoir recours trop visiblement aux méthodes plus brutales.