La France à la croisée des chemins
L’Etat devrait assurer la protection et la prospérité d’une classe moyenne qui n’a cessé de s’étendre depuis 1936 et le Front Populaire, puis 1945 et le CNR. L’Etat est le moyen qui permet à l’intérêt général de primer sur les intérêts particuliers, y compris dans le domaine de la justice, de l’économie, de l’environnement, etc. Il n’est donc pas surprenant qu’il se heurte frontalement à certains intérêts particuliers qui souhaitent sa disparition.
Pour bien comprendre le contexte dans lequel se trouvent aujourd’hui les français, il convient de ne pas lui chercher une cause unique tel que l’incurie du gouvernement, la rapacité des multinationales, le complot de big pharma, etc. mais d’aborder cette situation sous divers angles. Si le problème a indéniablement une dimension conjoncturelle, que certains pourraient qualifier d’opportuniste, avec la crise du COVID, ses racines sont avant tout structurelles et historiques. Résoudre la crise actuelle dans une approche purement médicale crée le risque d’une disparition pure et simple de la France en tant qu’Etat, ce qui pourrait satisfaire certaines élites, mais se ferait au détriment du plus grand nombre.
La France, Etat-Nation, n’a pas que des amis, y compris parmi ces citoyens, d’ailleurs, se considèrent-ils tous comme des citoyens ? Certains, très riches, n’ont que faire de cette solidarité qui leur coûte, de cet Etat de droit qui limite leur pouvoir, en particulier d’asservissement, de cette justice qui les traite comme le commun des mortels, de ces taxes qui menacent leur patrimoine et rabotent leurs héritages, etc. Ils partagent leur aversion pour les taxes et le droit avec les « gros groupes privés monopolistiques internationaux, issus de la dérégulation et de la privatisation entamée par nos dirigeants dans les années 1970/80 » [1]. L’Etat est donc l’ennemi à abattre pour l’aristocratie statofinancière et la bourgeoisie rentière française, largement européanisée pour des raisons d’optimisation fiscale.
Le mobile du crime étant établi, il reste à en trouver les modalités. Depuis mon poste d’observation, j’en entrevois trois : l’infiltration, la corruption et la persuasion.
Infiltration. N’est-il pas surprenant de constater que les grandes familles bourgeoises françaises dépêchent leurs meilleurs rejetons à ENA, cœur de l’Etat, alors qu’elles ne tarissent pas de fiel pour cet Etat spoliateur de leurs biens et de leur toute puissance ? Quel peut bien être l’intérêt pour ces familles d’avoir un fils à Bercy, dans un cabinet ministériel, ou dans un ministère ? Se poser la question revient à y répondre.
Corruption. Mais l’ENA n’est pas un concours facile et si science-po Paris ne ménage pas ses efforts pour y préparer les rejetons de bonne famille, tous ne franchiront pas la barre de l’admission. Reste alors la corruption, l’achat sur étagère d’un fonctionnaire d’extraction populaire servile et intéressé. Le candidat idéal est un ambitieux avide de promotion sociale qui en échange d’une augmentation substantielle de son patrimoine, via divers procédés dont le pantouflage, saura trahir l’intérêt général, qui fut le sien, pour défendre les intérêts de la main qui le nourrit. L’Enarque des villes contre l’Enarque des champs, le premier par conviction, le second par intérêt. Il en existe sans doute aussi qui le font par stupidité[2].
Persuasion. Mais cette infiltration du cœur décisionnel de l’Etat par des éléments défendant des intérêts particuliers fonctionne mieux si d’une part le regard des français en est détourné et d’autre part si les français en arrivent à penser que cet Etat, censé défendre leurs intérêts, est en réalité la source de tous leurs problèmes. Et les médias, détenus en France par une poignée de milliardaires, ne ménagent pas leurs efforts pour atteindre cet objectif. Ils sont d’ailleurs épaulés dans leur tâche par un exécutif qui semble animé par une volonté de prendre des décisions toutes plus absurdes les unes que les autres, et qui font davantage sens si l’on accepte l’idée que cet exécutif travaille activement pour discréditer, voire détruire, l’Etat. Le législatif, qui aurait pu freiner ce travail de sape, relaie activement cette action de discrédit, au point que les journaux allemands nomment désormais la France l’Absurdistan, ça ne s’invente pas. Mais pour revenir aux médias, beaucoup ont souri lorsque le groupe Rothschild avait acquis le journal d'inspiration communiste libération. Ils ont sans doute compris ses motivations plus tard, en contemplant une cartographie des propriétaires de médias en France. La narration de l’actualité, cette narration qui façonne les perceptions, est totalement entre les mains d’intérêts particuliers. Et ces médias martèlent en permanence l’idée que l’Etat impotent, avec ses dépenses publiques qui atteignent 50% du PIB, rendez-vous compte ! (ils ne disent évidemment pas que les dépenses privées représentent 200% du PIB) est la cause de tous les problèmes des français, tout en détournant leurs yeux de l’action conduite dans les administrations par certains hauts fonctionnaires fidèles à des intérêts particuliers (privatisations, fusions, partenariats public-privés, législation favorables à certains intérêts, renvois d'ascenseurs, etc).
On pourrait poursuivre en passant en revue la justice, les programmes scolaires, etc. mais outre le fait que cela serait extrêmement fastidieux, chacun est en mesure d’effectuer ce travail lui-même dès lors qu’il a compris cette approche. La compréhension de la situation actuelle exige d’intégrer l’idée que le cœur décisionnel de l’Etat pourrait agir contre l’intérêt général. Les réseaux sociaux regorgent d’interventions qui dénoncent l’incompétence des élites ; il ne s’agit très probablement pas d’incompétence mais plutôt de choix délibérés, qui satisfont des intérêts particuliers.
Dans ce contexte d’extrême fragilité, les autres ennemis de l’Etat, extérieurs ceux-là, ont bien compris qu’ils pouvaient exploiter la situation à leur profit. De grandes entreprises technologiques françaises, qu’il s’agisse d’Alstom, de Technip, d’Alcatel, etc. en ont déjà fait les frais. Elles ont fait l’objet d’attaques coordonnées extrêmement sophistiquées, s’appuyant sur tous les ressorts précédemment décrits et renforcées par les instruments de puissance des Etats ou groupes qui les portent. L’instrumentalisation du droit et du secteur de la justice américain pour l'exploitation des faiblesses structurelles du secteur économique français dans prédation d’Alsthom par GE est un cas d’école en la matière et il n’est pas le seul. La vente forcée de remèdes miracles dans le cadre de la crise COVID - même si cela avait commencé bien avant- n’est qu’une autre facette de cette réalité.
D’autres groupes, historiquement opposés à l’idée même d’Etat tirent parti de cette situation. Les Ecologistes rêvent d’un gouvernement mondial, les intégristes veulent un khalifat mondial, les socialistes travaillent pour créer une internationales des travailleurs sans frontières, etc. Tous ces groupes se satisferaient très bien d’une population mondiale pauvre et asservie soit à l’environnement, soit à dieu, soit au travail, ce qui conviendrait également très bien à l’oligarchie statofinancière. Cette oligarchie peut donc instrumenter ces forces centripètes à son profit, à la manière d’un Sorros, pour faire éclater les Etats, réduire la classe moyenne et développer un pouvoir sans limite qui lui permettra accessoirement de lutter contre ses deux principales préoccupations : la surpopulation et les menaces à l’environnement, les deux étant liées.
Sans nier les souffrances et la réalité de l’épidémie, l’importance du COVID s’efface devant toutes les forces qui tentent de réduire le pouvoir de l’Etat et qui se satisferaient très bien de la disparition de la France. Pour ces forces, le COVID fut certainement une opportunité. L’énarque des champs est bien évidemment le dindon de cette farce mais sa cupidité et le sentiment d’appartenance à cette élite qui le rejettera dès lors que le bateau aura sombré, l’aveuglera jusqu’à la chute finale. L'utilité de l'énarque des champs cesse dès lors que la France est détruite. La lecture des décisions prises récemment fait davantage sens dès lors qu’elle s’appuie sur une grille qui écarte l’incompétence des élites et privilégie l’ingérence d’intérêts particulier, la corruption et la propagande chargée d’emballer l’ensemble, avec comme motivation le pouvoir et le lucre. Honnis soient ceux qui y voient un complot alors qu’il ne s’agit certainement que de l’expression brutale de la nature humaine débridée dans son expression la plus féroce : le capitalisme et l’ultralibéralisme.
Comment lutter ? Simple : identifier les causes et les supprimer les unes après les autres, ce que devrait faire du reste un Etat réellement au service de l’intérêt général. Mais pour cela, il faudra placer à la tête de cet Etat une personne disposant d'importants relais au sein de la structure étatique, une personne animée par l’intérêt général et mue par une volonté implacable de supprimer infiltration, corruption, une volonté de rétablir des médias réellement indépendants par rapport aux intérêts particuliers.