Après le saut de l'ange et l’entrée en campagne sur fond de métaphore maritime, voilà donc « Nicolas candidat » parti à la pêche aux voix égarées par « Nicolas président ». Une étoffe bien mieux taillée à ses mesures. Premiers coups de pied à la lune du Tartuffe de l’Elysée. Blitzkrieg !
Tout d’abord, ce week-end, Sarkozy a choisi son QG de campagne, au 18 rue de la convention dans le 15ème arrondissement de Paris. Interrogé sur le choix de ces locaux par des journalistes avides de croustillances, Nicolas Sarkozy a déclaré : « C'est un quartier de classes moyennes", "les gens à qui je veux parler d'abord ». « C'est exactement entre mon domicile et l'Elysée, comme ça je passerai le matin avant d'aller au bureau » a ajouté, sur un ton enjoué, un président boute-en-train que ses nouveaux locaux… motivent. Pour un peu, il en profiterait pour acheter les poireaux/pommes de terre de son potage du soir, au passage, au marché Grenelle. Bignolles ! Nous l’a-t-on changé ?
Premier clair-obscur : quand on habite Villa Montmorency, dans le 16ème et qu'on bosse au 55 rue du Faubourg St Honoré dans le 8ème, (dernière adresse connue de l'Elysée, avant son prochain déménagement pour Berlin), le tout sur la rive droite de la Seine, il faut être assez tordu pour passer « exactement » par la rive gauche et la rue de la convention. Même avec des motards et une sirène. Cela dit, moi je m’en fous. Il peut bien passer par Strasbourg, si ça l’amuse, ou Berlin (avec Angela, c’est du sérieux !), ou par la lune… ou n’importe quelle orbite plus haute encore. Ça me va.
Plus gênant, le prix moyen du mètre carré, rue de la convention, c'est 10 000 Euros. Tout de même ! A ce tarif, on comprend l'idée que notre président se fait de la « classe moyenne ». Bien sûr, tout est relatif. Quand on loge dans le ghetto de la Villa Montmorency, le 15ème peut passer pour un quartier de pauvres.
Que Nicolas Sarkozy possède un sens de l'orientation aussi affuté que celui d’une huitre mazoutée n’est pas trop gênant. Bien au contraire, qui irait se plaindre s’il venait à se perdre entre sa salle de bains et l’Elysée ? En revanche, venant d’un candidat à la présidentielle, sa perception de l'état des « classes moyennes » de son pays, peut interpeller le citoyen… moyen. On ose à peine lui demander sa définition des classes populaires, à Nicolas.
Faut tout de même lui reconnaître un mérite : le mal fou qu’il se donne à nous convaincre qu’il a changé. Métamorphosé, le despote Bling Bling à l’autorité autocratique. E-va-po-ré ! A présent, c’est Nicolas Modeste et Participatif. Lui qui gouvernait seul, à la va-comme-je-me-pousse, le voici féru de référendum, entiché à bloc de consultation populaire. Ça lui est venu d’un coup. On ne sait pas si c’est en se rasant le matin ou en se coupant. C’est surgi dans sa tête, après nous avoir assommés de taxes pendant 5 ans, pour finir par nous décréter l’austérité, la TVA sociale et tout le tremblement, au cul de Goldman Sachs. Le tout sans jamais nous demander notre avis. Y’a de ces fulgurances pas croyables, à deux mois de l’élection…
Evidemment, la ritournelle est connue chez celui qui, président de l’UMP, affirmait en 2004 « L’Europe, c’est le partage consenti d’une souveraineté et la souveraineté, c’est le peuple. A chaque grande étape de l’intégration Européenne il faut donc solliciter l’avis du peuple. Sinon, nous nous couperons du peuple », avant de faire approuver le traité de Lisbonne par voie parlementaire, en 2008, se torchant de la victoire du « Non » par 55% au… référendum sur la constitution. Le même zigoto qui est le premier aujourd’hui à triquer les Grecs.
Mieux, dimanche, Nicolas Sarkozy a ouvert la voie à une dose de proportionnelle aux législatives « Il me semble qu'on pourrait corriger à la marge ce mode de scrutin ». Il lui semble… à la marge. Et pas avant Glin-Glin, évidement... C’est qu’il est prêt à tout promettre, Nicolas, si ses sondages ne remontent pas assez vite. A ce rythme, il va bientôt nous déclarer son amour profond pour la lutte des classes et la révolution prolétarienne. Des moissons de blé en herbe. Le billet gagnant de l'Euro-million pour tous !
C’est comme sa dernière lubie. La droite… la gauche… le milieu… breloques ! Ça n’existe plus. Tout ça, c’est de la banane à un seul bout, du pédiluve pour cul-de-jatte. Chimères ! Pouf ! Rayés, la 5ème république, le scrutin majoritaire à deux tours, le clivage droite gauche… Fumerolles du siècle dernier ! Here is Nicolas le Moderne ! Celui qui s’adresse à tous les français… « Je veux être le candidat du peuple de France et non celui d'une petite élite » a-t-il claironné dimanche, lors de son meeting à Marseille. Tartarin de ta race ! Con ! Comme on dit dans le midi. Faut dire que candidat d’une petite élite, c’est pas assez pour faire plus de la moitié des voix au second tour, forcément. Son truc, à Nicolas, c’est donc candidat de tout le peuple de France jusqu’au 6 mai, et ensuite président d’une petite élite.
On peut tout de même se demander si ce n’est pas devenu une seconde nature, chez cet homme, depuis trop d'années, de nous prendre pour des couillons mètres-étalons. Vivement le mois de mai, que le guignol cesse ! D’ici là, Nicolas Sarkozy a promis aux journalistes d’en faire des tonnes. L’animal est possédé par le démon des enthousiasmes électoraux. Parions qu’une fois lancé, les arguments magistraux vont lui venir en cataractes, et les visions d’avenir tourbillonnaire avec. Alors, la dernière ligne droite promet d’être longue. Enfin, quand je dis droite…
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