La grève générale, le début classique de la révolution
Dans « Où va la France ? » Trotsky écrivait à propos de la grève générale de juin 1936 :
« Ce ne sont pas des grèves corporatives. Ce ne sont pas des grèves. C'est la grève. C'est le rassemblement au grand jour des opprimés contre les oppresseurs. C'est le début classique de la révolution. »
La mobilisation du 5 décembre a été assurément un immense succès avec 1,5 million de manifestants d’après la CGT et moitié moins d’après le gouvernement. C’est sans doute la plus forte mobilisation depuis mai 1968. Cette mobilisation s’est reproduite le 10 décembre avec moins de manifestants mais un mouvement de grève qui s’amplifie et prend un aspect de plus en plus insurrectionnel. La grève est reconductible par décision d’assemblées générales. Les syndicats doivent suivre. La mobilisation des étudiants et lycéens n’est pas encore pleinement au rendez-vous mais le mouvement s’étend dans ce secteur à la suite de la mobilisation des profs. Nous nous dirigeons vers la grève générale.
La mobilisation recouvre deux aspects : un bras de fer engagé à propos de la réforme des retraites dont nous exigeons le retrait et, au-delà de ce bras de fer, la question du pouvoir qui est posée de mille façons. Le mot d’ordre repris dans toutes les manifestations « Macron démission » appelle une question : Par qui remplacer Macron ? Et il faut dès maintenant apporter des éléments de réponse en sachant d’ailleurs que le mot d’ordre « Révolution » s’est fait aussi entendre bien des fois.
Ce fut le cas notamment jeudi soir après la manifestation parisienne quand s’est réunie l’Assemblée Générale de l’Education Nationale Île-de-France avec plus de 120 établissements représentés. Nous avons aussi maintes fois entendu ce mot d’ordre dans les manifestations des gilets jaunes. Il traduit un haut niveau de conscience. Chacun voit que l’état de putréfaction où nous a amené le macronisme appelle de profonds changements pour que le peuple puisse retrouver un mode d’existence acceptable.
Le bras de fer au sujet de la réforme des retraites et l’objectif d’un changement radical de politique sont évidemment liés.
Commençons par le bras de fer. C’est la huitième réforme des retraites en 25 ans soit, en moyenne une réforme tous les trois ans.
En voici la liste :
- 1991, la publication du livre blanc préconise d’allonger la durée de cotisation ;
- 1993, réforme Balladur : durée de cotisation portée de 37,5 annuités à 40 dans le privé ;
- 1995, le plan Juppé abandonné suite à une mobilisation populaire. Il concernait la sécurité sociale et les retraites ;
- 2003, la réforme Fillon élargit aux fonctionnaires la durée de cotisation à 40 ans ;
- 2007, réforme des régimes spécifiques des sociétés de service public (EDF, GDF, SNCF, RATP, Banque de France, etc.) ainsi que les professions à statut particulier (clercs de notaires, élus et employés parlementaires) ;
- 2010, réforme Woerth : fin du principe de la retraite à 60 ans ;
- 2014, réforme Touraine : allongement de la durée de cotisation d’un trimestre tous les trois ans pour atteindre 43 ans ;
- 2019, réforme Macron.
Rappelons qu’avant ce que nous appelons la grande trahison de 1981-83 (voir notre livre « De François Mitterrand à Jean-Luc Mélenchon »), il ne serait venu à l’idée de personne d’affirmer qu’il fallait reculer l’âge de départ en retraite. Il était évident, pour tout le monde, que le progrès dans tous les domaines, notamment dans l’amélioration de la productivité suite à l’automatisation, devait amener au contraire à une amélioration allant dans l’autre sens.
La réforme Macron comme les précédentes, vise à faire travailler davantage les exploités en les payant moins au cours de la vie. Nous savons que s’ils font passer celle-là, ils n’auront de cesse d’en trouver de nouvelles jusqu’à la seule limite indépassable : faire crever tous les travailleurs au boulot. Encore une fois, ils veulent faire croire que cette réforme vise à mettre fin à des privilèges. Cette caste décadente qui se vautre dans la luxure et les scandales à n’en pas finir pour ne défendre qu’une poignée d’ultra-riches voudrait nous faire croire qu’ils luttent contre des privilèges. S’il y a actuellement des disparités qui les dérangent dans les retraites, il y a toujours moyen de niveler par le haut. Nous avons tous compris que le seul but est encore une fois de permettre aux ultra-riches de gagner encore plus en diminuant, sur cette question comme sur d’autres, le coût du travail. Cela suffit ! Assez de mesures prises pour enrichir cette caste. Rappelons les cadeaux que Macron et l’Union Européenne leur ont déjà fait :
- Suppression de l’ISF ;
- Suppression dès 2019 de l’« exittax » un impôt destiné à juguler « l’évasion fiscale » des chefs d’entreprise ;
- Baisse de l’impôt sur les sociétés ;
- Baisse des cotisations salariales (le salaire indirect des travailleurs) ;
- Augmentation de la CSG ;
- Baisse des APL ;
- Suppression des contrats aidés.
Alors nous ne céderons pas. Nous n’offrirons pas cette plus-value supplémentaire aux copains milliardaires de Macron. J’ai cité Bernard Arnault, Xavier Niel, Patrick Drahi, David de Rothschild, Arnaud Lagardère pour ne parler que de ceux que Macron fréquentait avant même d’être candidat à la présidence de la république.
Au-delà du bras de fer pour l’abandon de la réforme des retraites, nous demandons beaucoup plus.
Nous voulons l’annulation de tous ces cadeaux faits aux plus riches au détriment des travailleurs. Nous voulons aussi revenir sur toutes les réformes réactionnaires mises en place ces dernières années à la demande de l’Union Européenne (loi Macron, loi El Khomri…).
En premier lieu, nous exigeons les mesures de solidarité envers les victimes de la répression :
- Amnistie pour tous les manifestants condamnés depuis novembre 2018 ;
- Indemnisation des manifestants estropiés par les forces de répression de Macron.
En fait, c’est bien d’une révolution qu’il s’agit car la satisfaction de nos revendications ne pourra se faire qu’avec un gouvernement des travailleurs qui sera en totale rupture avec ce gouvernement aux ordres de l’Union Européenne qui n’œuvre que pour le bénéfice d’une petite caste d’hyper-riches.
Plus que jamais, nous demandons : « Macron démission » et il faut faire des propositions concrètes pour remplacer Macron et son gouvernement.
Nous demandons l’instauration d’un gouvernement provisoire des trois grandes organisations ouvrières PCF, PS et FI qui sera chargé de mettre en œuvre la sortie de la France de l’UE et la convocation d’une assemblée constituante qui jettera les bases d’un véritable gouvernement des travailleurs dont le peuple lui-même définira les modalités.
Nous disons bien que ce gouvernement provisoire sera chargé de mettre en œuvre la sortie de l’UE car, il ne serait pas acceptable qu’à la suite de Sarkozy, Hollande et Macron, ce gouvernement entérine le déni de démocratie de 2005-2008. Rappelons que les français ont voté « Non » au référendum de 2005 sur la proposition de constitution européenne qu’ils ont donc rejetée. En 2008, le congrès scélérat de Versailles a modifié la constitution française afin que le parlement puisse ratifier le traité de Lisbonne qui reprenait ce que les français avaient rejeté.
S’il y a un doute sur la volonté du peuple d’en finir avec cette institution ultra-réactionnaire – ce que nous ne pensons pas – alors, il sera possible au besoin d’organiser un référendum. Si nécessaire, il faudra mettre un autre gouvernement en place pour qu'il soit favorable au Frexit.
Nous sommes apriori favorable au gouvernement PCF, PS, FI car il est légitime sachant qu’aux dernières élections présidentielles, s’il y avait eu un seul candidat à la place de Jean-Luc Mélenchon et Benoit Hamon, il aurait été élu.
Macron et son gouvernement ont abandonné la légalité républicaine (voir les chapitres « La Vème république est morte » et « Un régime totalitaire et fascisant » dans notre livre « Macron démission - Révolution »). Il faut prendre les mesures qui découlent de cette situation. Tout au long du processus, qui ne devrait pas durer plus de quelques semaines, pour aboutir à un véritable gouvernement des travailleurs, le peuple devra rester mobilisé. Les assemblées générales qui ont mis en place les comités de grève continueront à contrôler les comités d’usine, d’entreprise, de ville avec si possible un Comité Central National de Grève.
Il reviendra aux assemblées générales souveraines et à chacun des comités de prendre toutes les mesures qui s’imposeront pour gérer les situations.