La guerre des classes n’a pas cessé, c’est sûr ! Volet N° 1
Les oligarques.
Dans « Mille milliards de dollars », film sorti en 1982 dans les salles, le réalisateur Henri Verneuil nous présentait un des personnages clé de cette fiction, campé magistralement par Mel Ferrer dans le rôle d'un grand patron États-unien à la tête d'une multinationale et ses succursales disséminées en Europe. Nous découvrons un PDG froid, calculateur, porté par une mystique inébranlable dans le Capitalisme, un « illuminé » animé d'une vision expansionniste de l’économie qu'il ne peut concevoir que planétaire et hégémonique. La seule empathie dont est capable ce PDG, presque désincarné, se borne à ses sociétés, leurs filiales et ramifications, leurs dividendes dégagés, les profits astronomiques qui en découlent.
Ce dont nous pouvons être certains, c'est que ce grand patron, manipulateur, impitoyable, obsédé par l'argent, le pouvoir et la puissance des chiffres, n'a aucun principe : c'est un « killer » dans la plus pure tradition des milieux d'affaires. Car ce genre de personnage a aussi des certitudes, ce que résumait très bien Ch. Withmann l'écrivain américain grand connaisseur du Nouveau Monde et de ses moeurs : « Je suis grand, et je contiens les multitudes ». Je m'étends, je conquière et je soumets ! Ou encore selon la formule désormais consacrée : « Too big, to fail » !
L'immense capacité de nuisances de ce PDG féroce en affaires, se mesure à l'aune de son appétit de conquêtes financières, économiques et territoriales, soucieux avant tout de se tailler la part du lion - un empire industriel - selon les sacro-saintes règles du libéralisme en se débarrassant des régulations économiques et des normes protectrices. Dans ce portrait, il est le pur produit d'un système arrivé au sommet, au faîte de la dimension exploiteuse, expropriatrice, système si dévorant qu'il est capable de fabriquer des « monstres », tel ce PDG qui considère le monde comme lui appartenant et les êtres humains corvéables, à sa merci, d'une façon effroyablement binaire. D'un côté, les gagnants, en face les perdants, ceux qu'il emploie, utilise et manipule tels des pions au gré de ses intérêts personnels et ceux de ses sociétés. Or, le modèle économique et financier anglo-saxon a produit des centaines de clones semblables à ce grand patron yankee, partout dans le monde, partout où le capitalisme triomphe soit par la persuasion, soit par la destruction brutale.
Ce film prémonitoire est plus que jamais d'actualité. En effet, nous voyons décuplée l'émergence en Europe de ces nouveaux modèles de dirigeants d'Entreprises, adeptes du Consensus de Washington – et des écoles de pensée ultra-libérales, parfaitement décomplexés, sûrs d'eux et de leur pouvoir décisionnels sur les États-nations qu'ils entendent détruire. Plus d’États souverains pour se mettre en travers de leur route, la planète leur appartient ! Ils rompent définitivement avec le modèle traditionnel du patronat de papa et le paternalisme qui allait avec, au XIXe siècle jusqu'à la seconde moitié du XXe siècle.
Avec les néo-conservateurs et cette génération de dirigeants, nous entrons carrément dans la 5eme dimension. Ces jeunes loups, passés par les grandes écoles et plus précisément yankees, y ont tout appris. Polyglottes, intelligents – on ne peut pas le nier – ils sont hypnotisés, hallucinés, par le seul modèle économique trouvant grâce à leurs yeux, avec les deux figures de proue, les deux modèles indépassables : R. Reagan – USA – et M. Thatcher, Angleterre.
En France où toute une génération post-soixante-huitarde est sensible au discours libéral, c'est un virage à 360 ° qui s'affirme avec une infiltration massive des thèses néo-libérales, par le truchement de personnalités politiques et universitaires, au service de la doxa atlantiste et ultra-libérale. Au service de cette nouvelle vision politico-financière, des penseurs, des essayistes essaiment leurs écrits et leur discours parfois amphigouriques sur la question de repenser le monde dans sa globalité. Pour la plupart, ils sont, avant d'être essayistes ou écrivains, philosophes, des théoriciens et chantres avancés du TINA – there is no alternative – Il n'y a pas d'autre alternative que l'ultra-libéralisme – la disparition des États-nations, le protectionnisme douanier, social et économique. Déjà, G. Pompidou en 1973, avait donné le premier coup de hache à l'intégrité souveraine de la France, en touchant aux banques, avec la loi Pompidou-Rothschild, permettant la future financiarisation de l'économie du pays et de mener les réformes les plus emblématiques pour ce système : la casse du programme social français, programme né après la deuxième guerre mondiale et qui permit la création de la Sécurité Sociale.
Avec TINA, plus rien de tout ce programme du CNR doit être encore debout d'ici les années 2021/2025. La feuille de route des ultra-libéraux établie dans les cercles dominants est parfaitement explicite, sans ambiguïté aucune. Dès la fin des années 90, tout d'abord avec M. Rocard et J. Delors, A. Juppé, E. Balladur, les partis politiques, gauche et droite, totalement acquis à cette mode de gouvernance, laissent de côté tous les principes qui avaient peu ou prou dirigé les institutions jusqu'à présent, dans le respect de la Constitution et des États-souverains.
D'après Alain Minc, l'économiste et historien très médiatisé, il faut œuvrer auprès de l'opinion publique pour familiariser celle-ci avec la nouvelle « religion libérale ». Il en va bien sûr de la mise en place du programme de privatisation totale de la société. Il nous vante tous les bienfaits qu'il pense d'une « Mondialisation heureuse », et n'hésite pas à s'enflammer sur un système économique qui contient pourtant, dans son ADN, tous les ferments d'une véritable guerre sociale contre les peuples, les masses et les individus, à travers toute la planète. Ce système agressif, criminel est potentiellement faiseur de guerres territoriales si ses intérêts primordiaux le commandent, (car ses frontières sont élastiques et ne s'arrêtent pas qu'au seul domaine économique et financier, il entend aussi peser sur la géo-politique et les relations internationales – ces domaines étant étroitement dépendants les uns des autres). Le but ? La globalisation qu'empruntent, en fer de lance, les partis sociaux-démocrates européens très européistes et atlantistes, c'est une voie aventureuse ; ils le savent et chez nous, en France, le parti socialiste et la droite s'illustrent dans leur allégeance béate au néo-conservatisme, rompant avec la dimension sociale des 30 glorieuses et le programme du CNR de 1945.
Tout doit disparaître :
Sous la pression des banques, des multinationales, des lobbies au service de cette idéologie, le patronat énonce ses revendications qui ne sont pas moindres. Elle le fait par le truchement de sa puissante organisation : le CNPF – Conseil National du Patronat Français – qui changera de nom pour adopter le sigle : MEDEF. Comme l'infection ronge les chairs saines et les détruisent, les néo-conservateurs à la manœuvre s'emploient à démanteler les États-nations. La France subit les oukases d'un gouvernement désormais au service exclusif des banques et des multinationales. Le MEDEF compte dans ses rangs les parfaits clones que j'évoquais plus haut et s'illustre donc par sa vigueur à détruire sur son passage tout ce qu'il va rester de la Nation souveraine après Maastricht et Schengen, et en 2005 avec la constitution européenne, malgré le « non » majortaire du peuple français à cette forfanterie. Les premières victimes, ce sont bien sûr les services publics, piliers de l’État, donc de l'indépendance des Nations et des peuples qui les composent. A partir des années 2000, seront absorbés des pans entiers de nos institutions et de nos service publics : la poste, EDF, SNCF, en attendant plus, beaucoup plus, dès que l'occasion se présentera. La guerre contre la nation souveraine et le peuple français sera consommée sous N. Sarkozy, - intégration de l'armée française sous commandement de l'OTAN -, désintégration de la justice avec des lois complètement abasourdissantes, concernant le Parquet, sur la Sécurité Sociale, les retraites, les mutuelles, etc. On se souvient du passage désastreux de F. Hollande pour les lois concernant la Santé, les retraites et la Sécurité Sociale, il continuera néanmoins son œuvre destructrice avec la casse du code du travail. Quant à E. Macron, son successeur, il terminera l’œuvre destructrice commencée. Pour cela, il a une arme de choix : l'Union Européenne à travers les GOPE, sur lesquelles il va s'aligner mot pour mot.
Denis Kessler :
Ce n'est pas n'importe quel quidam du monde néo-conservateur. C'est un idéologue, une sorte de missi dominici à la sauce anglo-saxonne dont tous ces gens semblent si friands. Le projet de « casse sociale » sera pompeusement intitulé « refondation sociale » par Ernest-Antoine Sellière, à la tête du MEDEF. Mais à peine élu patron du MEDEF, en tant que successeur du puissant Baron E. A. Sellière, D. Kessler place ses jalons en vue du démantèlement du CNR de 1945. Il se fait connaître au grand public par un article détonant paru dans le journal « Challenges » le 4 octobre 2007 où il manifeste ni plus ni moins, son intention de « liquider » le modèle social français ! Modèle social que l'OMS classait, il y a encore quelque années, en tête de peloton du système de protection sociale au niveau mondial. Je précise qu'après la casse des services publics, depuis, l'OMS a rétrogradé la France au 25e rang !
Voici un extrait des déclarations de D. Kessler :
« Le modèle social français est le pur produit du Conseil National de la Résistance. Il est grand temps de le réformer et le gouvernement s'y emploie ... La liste des réformes ? C'est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s'agit aujourd'hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du Conseil National de la Résistance !
Avons-nous bien entendu ce que réclame D. Kessler ? De défaire mé-tho-di-que-ment le programme du Conseil National de la Résistance !
Sitôt dit, sitôt fait !
L'élection de Sarkozy est pour ces gens une bénédiction. La protection sociale, les services publics, pffffuit ! Sacrifiés sur l'autel de la Finance ! Les conséquences ne se feront pas attendre : une explosion des inégalités sociales plonge les pays européens dans la précarité. En France, tandis que les couches sociales défavorisées s'enfoncent dans la pauvreté, la précarité, le système mis en place de privatisation des services publics propulse au sommet de revenus somptuaires, tous les bénéficiaires de cette entreprise de démolition : les actionnaires, les familles du grand capital, du CAC 40, enfants chéris du système, pendant que les think tank affluent en nombre pour souffler aux oreilles présidentielles et ministérielles ce qu'il y a lieu de dire, de faire, d'exécuter pour peaufiner le programme. Think tank et lobbyistes, Commissaires européens, ils sont les domaines d'interventions privilégiés du grand patronat, des multinationales, des banques, ils imposent par une sorte de « terreur fiscale », des politiques budgétaires et sociales régressives, c'est la raison pour laquelle, ils ont mis en place le « Pacte Budgétaire », mais également le CICE, à raison de dizaines de milliards d'Euros par an, aux seul profit des multinationales et des grands patrons du CAC 40 ! Ils font aussi voter des lois : ils ordonnent et conseillent fortement de « supprimer l'ISF », ce que s'empressera de faire E. Macron, pour complaire à cette hyper-classe de privilégiés et de nantis. Pour les néo-cons, tout ce qui tient du social est une « anomalie », un « caillou dans la chaussure », tout ce beau petit monde uniquement recentré autour de la financiarisation de l'économie. La privatisation, pour eux, c'est un des moyens les plus sûrs de transformer de fonds en combles la société, pour que seul un petit pourcentage de la population profite, contre le reste que sont les milliards d'individus de notre planète condamnés à subir leur politique anti-peuple destructrice, et finalement.... politique vouée à l'échec, car les peuples dans leur ensemble, au niveau mondial s'insurgent et se révoltent. Bien sûr, la germination est lente, il faudra du temps pour qu'au niveau mondial les populations malmenées par les guerres, la misère sociale, l’abberation économique, et mues par un dégoût grandissant contre les Oligarques, en viennent à se libérer. Pour la France, le processus est en marche avec le mouvement des gilets jaunes, et il n'a pas l'air au grand dam des dirigeants, de disparaître de sitôt.
Tant que l'hyper-classe continuera à vouloir passer en force sur les peuples, au mépris de la dignité humaine comme un rouleau compresseur, des phénomènes analogues à celui des « gilets jaunes » naîtront un peu partout sur la planète, et comme un troupeau de buffles démonté finiront bien par neutraliser définitivement ce système immonde.
A suivre...