lundi 29 octobre 2018 - par Bruno Hubacher

La maison Al Saoud, bienfaitrice de l’éducation supérieure

Tronçonneuses et médecine légale

Le « Massachusetts Institute of Technology », situé à Cambridge dans l’état de Massachusetts, annonce la couleur sur son site internet « La communauté MIT est motivée par un objectif en commun, celui d’améliorer l’état de notre planète par l’éducation, la recherche et l’innovation. Amusants et originaux, une élite sans être élitiste, inventifs et artistiques, obsédés par les chiffres, nous accueillons volontiers étudiants et professeurs du monde entier, indépendamment de leurs origines » et la « Harvard Kennedy School of Government », située à deux pas de sa sœur « High Tech », de renchérir « Rejoignez un vibrant milieu académique qui réunit penseurs et faiseurs du monde entier, engagés pour le bien public », rien que cela.

Samedi, 24 mars 2018, les médias américains sont focalisés sur un événement national, la « March for our lives », organisée en réponse à une fusillade dans un lycée de la ville de Parkland, exigeant une régulation plus stricte du port d’armes, réunissant plus que 800'000 personnes dans 800 villes aux Etats-Unis et le monde. Pendant ce temps, dans la ville de Cambridge, à l’abri des regards, une importante présence policière et militaire est déployée aux abords du « MIT Media Lab », le laboratoire phare de l’université « Massachusetts Institute of Technology » (MIT). (Yarden Katz, Harvard, Guardian, 30.05.2018)

L’invité de marque à qui fut réservé ce déploiement de forces attache une importance particulière à la discrétion. Son Altesse Royale, le prince héritier du Royaume d’Arabie Saoudite, Mohammed bin Salman, profite de sa première visite officielle aux Etats-Unis en tant que chef d’état, organisée par le cabinet de conseil McKinsey, en charge de l’image du prince, pour se rendre au temple du savoir.

Grâce à des révélations dans un éditorial du journal d’étudiants « The Tech », montrant sur une photo, prise à l’occasion de la visite, Alan Garber, le recteur de l’Université de Harvard et le président du MIT, Rafael Reif, posant à côté de Sa Majesté, la rencontre était rendue public.

Suite à cette visite, involontairement rendue public, une porte-parole de l’université de Harvard, Melody Jackson, réitère dans une communication que « En tant qu’institut de recherche notre engament au Moyen Orient reste intacte et cela inclut le Royaume d’Arabie Saoudite. Nous avons grandement bénéficié de l’apport intellectuel de la part de la communauté saoudienne au cours des années. Nous suivons les récents événements avec inquiétude et évalueront de possibles implications pour des programmes en cours. »

Dans une résolution du 2 avril dernier, le conseil municipal de Cambridge avait vigoureusement condamné la politique répressive du régime saoudien et le traitement secret de cette visite controversée par les deux universités.

Le « MIT Media Lab » se distingue d’autres laboratoires, plus traditionnels, par sa structure particulière. Couvrant des matières de la technologie en général, il est surtout spécialisé dans des domaines hautement sensibles, tels que la neurobiologie, le biomimétisme, l’intelligence artificielle, l’informatique affective, la bionique, mais aussi la science des médias et le design. Il est entièrement financé par des entreprises et organisations privées dont l’apport minimum de USD 250'000 par année donne accès au laboratoire et la propriété intellectuelle de l’institution, mais aussi aux étudiants et professeurs.

Le complexe militaro-industriel américain, dont les sociétés Raytheon et Lockheed Martin, les plus importants fournisseurs d’armes au Royaume, est d’ailleurs un bon client du laboratoire, mais aussi d’autres universités américaines, entretenant des partenariats mutuellement bénéfiques.

Une des sociétés membres du « MIT Media Lab » s’appelle « MISK Foundation » ou « Prince Mohammed bin Salman bin Abdulaziz Foundation », une ONG « dédiée à la culture et l’éducation de la jeunesse par le biais de l’entrepreunariat ».

A l’école de droit de l’université de Yale, « Yale Law School », c’est le centre d’éducation « Abdallah S. Kamel Center for the Study of Islamic Law and Civilisation » qui bénéficie d’importants soutiens financiers du royaume. Le milliardaire saoudien Abdallah Kamel s’était montré reconnaissant avec une dotation de 10 millions de USD.

Dans une missive, des étudiants du campus pointent du doigt la dualité du régime saoudien et ses pratiques répressives, défiant celle d’un état de droit.

Sur les ondes de la chaîne d’information progressiste indépendante « Democracy Now », le directeur du « Middle East Crisis Committe », une ONG basée à New Haven dans l’état du Connecticut, également membre de la « Coalition to end the Saudi Alliance », Stanley Heller, indique, le 26 octobre dernier, un autre partenariat, hautement problématique, celui entre le régime saoudien et l’université de New Haven, plus particulièrement le « Henry C. Lee College of Criminal Justice and Forensic Sciences », fondé et dirigé par le célèbre médecin légiste Henry C. Lee, connu pour son apport d’expertise dans des enquêtes criminelles médiatisées telles que le meurtre de Kathleen Peterson, l’épouse du célèbre écrivain Michael Peterson, l’affaire criminelle du joueur de football O.J. Simpson, ainsi que la mort suspecte du journaliste d’investigation Danny Casolaro en 1991.

Spécialisé dans la résolution d’enquêtes criminelles par la médecine légale, le collège signe, en 2016, une collaboration avec le « King Fahd Security College » à Riyad, le centre de formation de la police saoudienne, une école militaire et policière, faisant partie intégrante du Ministère de l’Intérieur.

Selon une déclaration d’une porte-parole de l’Université de New Haven, Lyn Chamberlin, UNH fut « approchée par « King Fahd Security College » à Riyad demandant une assistance dans la mise en place d’un cursus universitaire. L’objectif ultérieur d’une collaboration académique serait la modernisation du système policier et judiciaire saoudien. Nous sommes enchantés du professionnalisme académique de nos partenaires saoudiens et nous réjouissons d’une continuation fructueuse de ce partenariat ». Fin de citation

Steven Kaplan, le président d’UNH déclara : « Nous sommes enthousiastes de pouvoir mettre à disposition nos connaissances, de renommée mondiale, en matière de justice pénale, de sécurité nationale et de médecine légale à la future génération de professionnels du domaine de la sécurité au Royaume d’Arabie Saoudite. »

Le journal étudiants d’UNH, « Starter Bullet » a vigoureusement protesté contre ce partenariat.

A la lumière de l’assassinat du chroniqueur saoudien du quotidien américain « Washington Post », Jamal Khashoggi, dans les locaux de l’ambassade saoudienne à Istanbul le 2 octobre dernier, cette collaboration suscite de nombreuses questions. 

Selon des sources turques, un des assassins présumés du journaliste est un médecin légiste du nom du Dr. Salah al-Tubaigy, un éminent membre de la société de médecine légale du « King Fahd Security College », dont le nom apparaît dans une publication scientifique récente, publiée sur sa page web, ensemble avec celui du Dr. Henry C. Lee de l’université de New Haven.  

Après avoir découvert cette troublante coïncidence, Stanley Heller, du « Middle East Crisis Committe », avait averti la direction de l’Université de New Haven. Peu de temps après, le nom du Dr. al-Tubaigy avait mystérieusement disparu de l’article en question. Curieusement, son nom reste sur la page web en tant que membre du conseil d’administration en lettres arabes.

Le gouvernement turc dispose d’un enregistrement vocal de la scène de crime dans l’ambassade saoudienne à Istanbul. Jamal Khashoggi fut forcé sur une table, se faisant injecter une substance inconnue et démembré vivant à l’aide d’une tronçonneuse, pendant que son bourreau, le Dr. al-Tubaigy, écoutait de la musique avec un casque à musique sur sa tête, encourageant ses acolytes d’en faire autant. Le journaliste endura la torture pendant sept minutes jusqu’à ce que mort s’en suive. (Middle East Eye, London)

Préoccupé par ses découvertes, Stanley Heller du « Middle East Crisis Committe » a interpelé des responsables politiques, tels que les sénateurs démocrates Richard Blumenthal et le Chris Murphy, demandant une investigation sur des liens présumés entre le Dr. al Tubaigy du « King Fahd Security College » et le « Henry C. Lee College of Criminal Justice and Forensic Sciences » aux Etats-Unis.

Le partenariat public privé étant également une forme de collaboration privilégiée des universités européennes, majoritairement gérées par les pouvoirs publics, il serait intéressant d’examiner de plus près cette pratique, inspirée du modèle néolibéral américain. 



3 réactions


  • Clark Kent p’tite Annick 29 octobre 2018 10:34

    Brusquement, on découvre que la famille Saoud, c’est le diable parce que MbS est urticant.


    L’Arabie Saoudite n’est qu’une des sept sœurs sur lesquelles repose la puissance yankee depuis l’entre-deux guerres.

    Le « partenariat »public/privé" commence par le caractère privé de la monnaie, modèle tellement juteux pour les banquiers qu’il a été imposé aux pays de la zone euro par l’intermédiaire de l’UE, cheval de Troie de Washington en Europe.

    Alors, s’émouvoir sur le financement des universités américaines en 2018, c’est découvrir l’Amérique 526 ans après.

  • baldis30 30 octobre 2018 11:38

    bonjour à tous !

    Mais enfin les Saoud sont nos clients en matière d’armes, les Saoud sont nos alliés en matière de fourniture d’argent et de pétrole, les Saoud sont nos amis INDEFECTIBLES en matière de lutte contre le terrorisme et vous osez les attaquer ainsi ! Ah les braves gens ... !  smiley

    N’oubliez pas qu’ils sont représentants des droits de l’homme au sein de l’ONU, pour une partie de la planète qu’ils protègent du vilain nucléaire par leur fourniture quotidienne de pétrole sain et propre, bien connu sur les plages bretonnes, du Var : ce sont des gens respectables .. respectables, res-pec-ta-bles ! Qu’allez donc vous croire sur histoire de personne disparue ....  smiley


Réagir