La « Mauresse de Moret » : la fille noire cachée du roi Louis XIV ?
L'histoire de Sœur Louise-Marie de Sainte-Thérèse, plus connue sous le nom de la "Mauresse de Moret" (1675-1731), est un véritable mystère qui continue d'intriguer les historiens. Religieuse bénédictine au teint mat, vivant recluse au couvent de Moret-sur-Loing au XVIIe siècle, elle fait l'objet de nombreuses spéculations quant à ses origines. Si certaines hypothèses la présentent comme la fille d'un esclave ou d'un page de la cour, une théorie plus audacieuse la désigne comme la fille illégitime de Louis XIV.
Des origines obscures, une vie hors du commun
Née probablement en 1675, Louise-Marie de Sainte-Thérèse entre au couvent de Moret-sur-Loing à une date inconnue, probablement dans sa jeunesse. Dès son arrivée, elle bénéficie d'un traitement de faveur exceptionnel, qui détonne avec la rigueur et l'austérité habituelles de la vie monastique. Loin de partager le quotidien des autres sœurs, elle dispose de ses propres appartements, composés de plusieurs pièces meublées avec raffinement et décorées avec soin. Des tapisseries, des tableaux et des objets précieux ornent son lieu de vie, témoignant d'un goût prononcé pour le confort et l'élégance.
On lui prête également un penchant pour les belles toilettes et les bijoux, un luxe inhabituel pour une religieuse. Des témoignages d'époque la décrivent vêtue de robes en soie et de dentelles fines, ornées de bijoux précieux. Elle possède également une servante personnelle, qui veille à son bien-être et répond à ses moindres désirs.
Ces privilèges, inconcevables pour une simple religieuse, alimentent les rumeurs et les spéculations sur ses origines et son lien avec la cour. Pourquoi tant d'égards et de faveurs pour une femme qui a choisi de renoncer au monde ? La réponse se trouve peut-être dans les hautes sphères du pouvoir, au cœur même du règne de Louis XIV.
Des visiteurs prestigieux et un témoignage de poids
La Mauresse de Moret ne vit pas recluse dans son couvent. Au contraire, elle reçoit régulièrement des visites de personnalités importantes de la cour. Le dauphin, fils de Louis XIV, se rend à plusieurs reprises à Moret-sur-Loing pour s'entretenir avec elle. La princesse de Conti, connue pour sa proximité avec le roi, est également une visiteuse assidue. Ces visites, entourées de discrétion, attisent la curiosité et les interrogations. Que se disent ces personnages influents et cette religieuse au teint mat lors de leurs rencontres secrètes ?
Parmi les visiteurs de marque, on compte également le célèbre écrivain et philosophe Voltaire. Dans ses mémoires, il relate sa rencontre avec la Mauresse de Moret et évoque sa ressemblance frappante avec le Roi-Soleil. Il décrit "une religieuse au teint olivâtre, aux traits fins et délicats, dont les yeux noirs et expressifs rappelaient étrangement ceux du monarque". Ce témoignage, provenant d'un observateur avisé et critique, donne du poids à la théorie de la filiation royale et contribue à alimenter le mystère autour de la Mauresse de Moret.
Un événement marquant : la prise de vœux
Un événement marquant vient confirmer l'intérêt que porte la cour à la Mauresse de Moret : le roi et toute la famille royale assistent à sa prise de vœux. Une cérémonie exceptionnelle pour une simple religieuse, qui témoigne d'une attention et d'une considération inhabituelles. La présence du monarque et de sa famille confère à cet événement une dimension symbolique et renforce le mystère qui entoure la Mauresse de Moret.
Pourquoi Louis XIV accorderait-il une telle importance à la prise de vœux d'une religieuse inconnue, si ce n'est pour marquer un lien secret et personnel avec elle ? Certains historiens voient dans cette présence royale une forme de reconnaissance implicite de sa paternité, un geste discret mais significatif pour honorer sa fille cachée.
Les archives royales, témoins d'une protection particulière
Les archives royales confirment le traitement de faveur dont bénéficie la Mauresse de Moret. On y trouve des mentions de paiements réguliers et conséquents, ordonnés par le roi lui-même, pour l'entretien d'une "pensionnaire particulière" au couvent de Moret. Le montant de cette pension est considérablement plus élevé que celui alloué aux autres religieuses, témoignant d'une volonté de la part du souverain d'assurer à cette femme une existence confortable et privilégiée.
Des lettres de la supérieure du couvent, Madame de Mercy, font également état de visites fréquentes de personnes venant de Versailles, apportant des cadeaux somptueux à la sœur Louise-Marie. Des étoffes précieuses, des livres rares, des confiseries fines et d'autres présents témoignent de la générosité et de l'intérêt que lui portent des membres de la cour. Certaines lettres mentionnent même des demandes de nouvelles de la part du roi, soucieux de la santé et du bien-être de la religieuse.
"La princesse noire religieuse à Morey" : un indice capital
L'un des trois portraits de la Mauresse de Moret qui nous sont parvenus comporte une inscription au dos : "la princesse noire religieuse à Morey, donné par Mme de Mercy (prieure puis abbesse du couvent de Moret) à ma tante...". Cette inscription, authentifiée par les experts, constitue un indice capital dans la quête des origines de la Mauresse de Moret.
Le terme "princesse", bien que pouvant être utilisé de manière informelle, suggère un statut particulier et une possible filiation royale. Pourquoi la supérieure du couvent aurait-elle qualifié la religieuse de "princesse" si celle-ci n'avait aucun lien avec la famille royale ? De plus, la provenance du tableau, offert à une personne proche de la cour, renforce l'hypothèse d'une relation privilégiée entre la Mauresse de Moret et le cercle royal.
Le secret d'une naissance royale : une hypothèse hautement plausible
Face à l'ensemble de ces éléments - les privilèges, les visites prestigieuses, le témoignage de Voltaire, la présence royale à sa prise de vœux, les documents d'archives et l'inscription sur le portrait - l'hypothèse d'une simple orpheline recueillie par charité royale semble très peu probable.
L'explication la plus plausible réside peut-être dans la théorie de la filiation royale. Si la Mauresse de Moret était bien la fille de Louis XIV, le secret entourant sa naissance s'expliquerait aisément par la volonté du roi de protéger sa réputation et la stabilité du royaume, tout en assurant la sécurité et le bien-être de sa fille.
L'histoire de la Mauresse de Moret, qu'elle soit fille du roi ou non, nous offre un aperçu fascinant sur la société du XVIIe siècle. Elle nous rappelle la complexité des relations humaines, le poids des conventions sociales, les préjugés raciaux et la place des femmes dans une société dominée par les hommes. Elle soulève également des questions sur le rôle de la monarchie et les secrets qui se cachaient derrière la façade dorée du Grand Siècle.