mercredi 4 décembre 2024 - par Patrice Bravo

La présence militaire française au Sahel réduite à néant

Deux autres pays africains refusent la coopération en matière de défense avec son ancien pays colonisateur. La diplomatie française accuse des défaites les unes après les autres en Afrique. Après le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Sénégal et le Tchad dégagent la France. 

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La France continue de perdre son influence dans ses anciennes colonies africaines. « Le président tchadien a assuré dimanche 1ᵉʳ décembre que son pays, dernier à abriter des forces françaises au Sahel où Moscou gagne du terrain, avait mis fin aux accords militaires avec la France » sans « logique de remplacement », a fait savoir RFI. Une décision similaire a été annoncée par les autorités du Sénégal, considéré comme un bastion de la France en Afrique de l'Ouest jeudi dernier. « Le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a indiqué jeudi 28 novembre dans des entretiens à l'AFP et à France 2 que la France allait devoir fermer ses bases militaires au Sénégal, dont la présence est incompatible selon lui avec la souveraineté de son pays », a rapporté France 24

Le retrait de l’armée n’entraînera pas une réduction de la coopération économique avec ces pays, mais la perte de bases au Sahel est bien entendu l’un des échecs de la politique étrangère du président français, Emmanuel Macron et de sa diplomatie. La décision d'abandonner les contacts à travers la coopération militaire avec les Français a été annoncée par le ministre des Affaires étrangères du Tchad, Abderamane Koulamalla. La France disposait d'un contingent militaire d'environ 1000 personnes dans ce pays. Ses alliés partent avec elle. 

En avril, à la demande du gouvernement local, les militaires américains ont partiellement quitté le Tchad. 

On ne sait pas quand la décision a été prise de mettre fin à l’accord de coopération militaire de 2019 avec la France. Mais, cela a été annoncé publiquement le 28 novembre, au lendemain de la visite du nouveau ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot au Tchad. « Le pays du Sahel a résilié l'accord qui était en vigueur jeudi, prenant de court le Quai d'Orsay », annonce France Info. « Paris prend acte, vendredi 29 novembre, de la résiliation de l'accord de coopération militaire entre le Tchad », poursuit le média français. La réaction de Paris laisse suggérer que la France ait été surprise par la décision du Tchad. « Après avoir été brutalement poussé vers la sortie du Mali, du Burkina, du Niger, vient donc le tour du Tchad et encore une fois, c'est une surprise », martèle RFI. 

Un conseiller influent a récemment suggéré à Macron de réduire ses troupes au Tchad, au Gabon et en Côte d'Ivoire. Mais, les Français envisageaient de partir de leur propre initiative. 

Le Tchad est désormais dirigé par Mahamat Idriss Déby, président du conseil militaire de transition du pays. Il a pris les commandes de l'État après la mort au combat de son père Idris Déby. L'arrivée au pouvoir du conseil de transition est considérée par les politologues occidentaux comme un coup d'État. Le Tchad, sous le nouveau gouvernement, ne faisait pas partie des opposants à la France, contrairement au Mali, au Burkina Faso et au Niger, après des coups d'État qui ont amené au pouvoir des personnes critiques à l'égard de Paris. 

Jusqu’à récemment, Mahamat Idriss Déby n’entrait pas en confrontation directe avec l’ancienne métropole, et même aujourd’hui les liens économiques entre les deux pays demeurent. Il est significatif que la France n'ait pas critiqué la décision des autorités tchadiennes. 

Le ton des autorités françaises pourrait toutefois changer. Après tout, un autre coup dur a été porté. Le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye a accordé une interview aux médias français et a déclaré que « le Sénégal est un pays indépendant, c’est un pays souverain et la souveraineté ne s’accommode pas de la présence de bases militaires dans un pays souverain ». 

Il a appuyé ses propos en promettant que « bientôt » il n'y aurait plus de soldats français au Sénégal. Le moment d’une telle annonce n’a pas été choisi par hasard. Le premier jour de décembre est une date importante pour ce pays. Le 1er décembre 1944 a eu lieu le massacre de Thiaroye durant une « mutinerie » de tirailleurs sénégalais qui aurait, officiellement, causé 35 décès, « un chiffre largement remis en cause par des historiens qui l'estiment plutôt à des centaines de morts », stipule Le Point. Les tirailleurs sénégalais avaient combattu pendant la Seconde Guerre mondiale. Les soldats africains étaient mécontents de leurs conditions de service. La France a reconnu sa responsabilité dans ces décès, mais elle a refusé de verser des indemnisations ou de divulguer des documents liés à l'incident. À l’instar des dirigeants tchadiens, les autorités du Sénégal, contrairement aux autorités du Mali, du Niger et du Burkina Faso, ne se sont pas livrées à une rhétorique anti-occidentale. 

Suite à ses propos sévères, Bassirou Diomaye Faye a déclaré que son pays entretenait de bonnes relations avec les États-Unis, l'Arabie saoudite, la Türkiye et la Chine, même si aucun de ces États ne dispose de bases militaires au Sénégal. 

En France, l'attitude à l'égard d'une réduction de la présence en Afrique est ambiguë. D’un côté, ils comprennent que cela devait arriver tôt ou tard. La France a trop longtemps conservé ses colonies, laissant derrière elle un mauvais souvenir. Il n’y a rien à redire ici aux politiciens actuels. Dans le même temps, la présence militaire française en Afrique a commencé à décliner rapidement sous le président français, Emmanuel Macron. En 2020, il avait rencontré les chefs de cinq pays du Sahel. Et parmi ces cinq, le seul qui reste au pouvoir est le président mauritanien, Mohammed Ould Ghazouani. Dans tous les autres pays, il y a eu des coups d'État et l'attitude envers la France s'est fortement détériorée. 

Pierre Duval 

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Source : https://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=6518



7 réactions


  • charlyposte charlyposte 4 décembre 2024 16:26

    Vive la France smiley


  • titi titi 4 décembre 2024 17:30

    @L’auteur

    Et c’est tout, sauf une mauvaise nouvelle.

    A noter que le parquet national financier à ouvert une enquête sur Idriss Déby il y a quelques semaines.
    C’est donc tout sauf un hasard.


  • juluch juluch 4 décembre 2024 21:54

    tant mieux qu’ils se demerde seuls.....


    • microf 5 décembre 2024 16:38

      @juluch

      Ils vont le faire, ce sont ces armées francaises dans le Sahel qui les empêchaient de le faire, cela va complêtement bientôt prendre fin.


  • Christophe 4 décembre 2024 22:56

    Pour le Sénégal, il faut souligner que le parti au pouvoir aujourd’hui (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité : PASTEF) a fait l’objet d’une répression très poussée, allant jusqu’au meurtre de 60 membres de ce parti et l’emprisonnement du chef de ce parti, Sonko (actuel premier ministre n’ayant pu se présenter à cause de son emprisonnement) en 2021 avec l’assentiment de Macron qui a encouragé Maki Sal à continuer à interdire toute opposition même en usant de violence, de meurtres. Ce n’est donc pas tant une surprise que cela. En 2023, ce parti a été interdit par le gouvernement en place soutenu par la France, le pourvoi en appel et la pression de la rue aura raison de la dictature Sal et française sur ce pays.


  • anaphore anaphore 6 décembre 2024 11:40

    Et qu’en pense Bernard Lugan....

    Moi de mon côté je suis devenu antimilitariste et quand je vois un militaire français, je vois un assassin en puissance. Ces fumiers n’hésiteront pas à tirer sur une foule de manifestants en France. 

    J’ai bon ?


  • https://www.revueconflits.com/la-chute-dassad-perspectives-pour-un-nouvel-etat-alaouite-en-syrie/

    La chute d’Assad : perspectives pour un nouvel État alaouite en Syrie

    par Geopolitika

    La chute soudaine du régime Assad pourrait signifier le clou final dans le cercueil des frontières de la Syrie telles qu’elles existent depuis l’accord Sykes-Picot de 1916. Un État alaouite pourrait voir le jour.

    Dr. Yüksel Hoş. Géographe (géographie politique, géographie militaire et géopolitique)

    Article original paru sur Geopolitika. Traduction de Conflits.

    La guerre civile syrienne a fondamentalement remodelé le paysage géopolitique du pays, créant des conditions propices à la fragmentation et à l’émergence de nouveaux centres de pouvoir. L’un des scénarios les plus convaincants est la création d’un État alaouite dans la région côtière située à l’ouest des montagnes alaouites, une évolution qui aurait de profondes implications régionales et internationales.

    Importance géographique et stratégique des montagnes alaouites

    Les montagnes alaouites, également connues sous le nom de chaîne d’Ansariyah, s’étendent parallèlement à la côte méditerranéenne, formant une barrière naturelle entre la bande côtière et l’intérieur de la Syrie. Avec une altitude moyenne de 1 200 mètres, culminant à plus de 1 500 mètres, ce terrain accidenté n’est pas impénétrable, mais il entrave considérablement l’avancée de toute force, offrant des avantages défensifs naturels. Le principe du stratège militaire Carl von Clausewitz, selon lequel « la défense est la forme la plus forte de la guerre », s’applique parfaitement à cette région, où la géographie amplifie les capacités défensives.

    Les villes côtières de Lattaquié, Tartous et Baniyas se trouvent à l’ouest de ces montagnes, formant une région compacte avec une composition démographique distincte. Couvrant une superficie d’environ 8 000 à 10 000 kilomètres carrés et abritant une population de 3 à 4 millions d’habitants, la région est majoritairement alaouite (60 à 70 %), avec des minorités chrétiennes, druzes et sunnites. Compte tenu de la violence sectaire historique et actuelle en Syrie, il est plausible que les chrétiens, qui sont confrontés à des menaces existentielles dans les régions dominées par les sunnites, puissent graviter autour d’un tel État.

    Les avantages géographiques de cette région sont sa défense, son accès à la Méditerranée et sa relative autosuffisance en ressources hydriques – des facteurs essentiels à la durabilité de tout État naissant.


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