jeudi 1er novembre 2018 - par hugo BOTOPO

La religion néolibérale du Dieu Argent et du Saint Profit, face au « TIME is MONEY »

Avec l'éclosion du NUMÉRIQUE, tout se quantifie et dans le monde économique la quantification se monétarise en ARGENT, dénominateur commun de toutes les politiques économiques, sociales, médiatiques, religieuses et financières. À un point tel que la religion du Dieu-Argent se veut universelle et dépasser le vieux slogan "Time is money". Qu'en est-il vraiment ?

Pour beaucoup d'économistes le slogan "time is money" est consubstantiel au capitalisme néolibéral. Or le fait que ce slogan est interprêté de deux façons différentes, est de nature à clarifications. Le changement de signification est relativement récent -depuis la grande dépression de 1929- dans l'histoire du développement économique planétaire depuis des millénaires.

Dans les premiers temps de l'humanité la notion d'argent (de monnaie, d'or...) n'existait pas. Il y a eu une création progressive de richesses, dans l'agriculture, puis dans la construction de bâtiments et dans les mines et la métallurgie. Les richesses étaient produites par le travail des humains (hommes, femmes et enfants), les plus riches étant ceux qui avaient à leur disposition les plus grands cheptels humains, constitués d'esclaves et de serfs puis de travailleurs libres ou affranchis (artisans, commerçants, puis ouvriers tacherons et enfin professions "libérales" ou assimilées (précepteurs, enseignants, médecins...)). Le temps de travail, disponible et utilisé, était assimilable à la création-fourniture de biens et services, indépendamment de la notion d'Argent ou de monnaie. Cette dernière, bien représentée par des pièces d'or et/ou d'argent, a été mise en oeuvre pour faciliter les échanges de biens puis pour rémunérer les travailleurs pour le temps passé au service de l'employeur : l'argent c'était le temps de travail pour produire des richesses. Sans disposer du temps de travailleurs il n'y avait pas création de richesses. Toutefois, progressivement, avec la naissance de la caste des commerçants (puis celle des banquiers) servant d'intermédiaires dans les échanges de biens donc en "produisant un service", (une valeur ajoutée ?) l'argent ou la monnaie matérielle s'est confondu avec les richesses qu'il comptabilisait.

Ce système économique reposant sur le travail des humains a permis les réalisations et le développement de grandes civilisations anciennes (Mésopotamie, Chine, Perse, Egypte des Pharaons, Grèce et Rome, Incas, Astèques, Olmèques, Celtes...) ; puis les civilisations européennes du Moyen-Âge et des Renaissances. Les "révolutions industrielles" européennes, basées sur les ressources fossiles (charbon et divers minerais de la métallurgie) et les puissances fournies par les machines à vapeur, se développaient en fonction du nombre de travailleurs disponibles dans les usines (surtout de la métallurgie et du textile). Les richesses produites devenant un mixte de consommation de temps de travail humain et de ressources fossiles (considérées comme inépuisables à l'époque), avec une participation du capital financier résultant d'épargne de richesses produites antérieurement par l'homme. Le développement des moteurs thermiques à hydrocarbures n'a rien changé dans le principe tout en permettaant un formidable développement des transports de marchandises et de voyageurs. Le facteur primordial du temps de travail dans la création de richesses a été écorné avec les productions de l'industrie chimique dans de grands réacteurs, où le temps de travail n'intervenait que pour la conception, la fabrication et l'installation de ces usines fonctionnant avec une main-d'oeuvre réduite. Le temps de travail restait encore primordial dans le coût des investissements.

L'apport de l'énergie (hyfraulique, thermique, électrique) à bon marché dans les procédés de fabrication, liée à son utilisation dans des machines amplifiant la capacité productrice des travailleurs, a entraîné une forte augmentation de la productivité, d'où un besoin de moins de temps de travail humain pour fabriquer un produit. Dans des pays en manque de consommation de biens, toute la production était consommée et il y avait même des délais d'attente pour les livraisons, comme lors des "Trentes Glorieuses" en France. Auparavant le krach financier de Wall Street en 1929 et son extension à toute l'Europe industrielle, s'est traduit par une forte récession de la consommation (et des investissements de production devenus inutiles) du fait de la ruine de petits épargnants boursicoteurs et des spéculateurs obligés de réduire leur consommation au minimum. La chute généralisée de la production a entraîné une forte montée du chômage et de la misère. Avec Roosevelt, élu en 1936, les plans de relance tel la TVA (Tennessee Valley Authority) et autres actions n'ont eu qu'un impact limité sur la reprise économique. Ce sont les programmes de réarmement massif de Hitler puis des USA pendant la seconde guerre mondiale qui ont rétabli le plein emploi, surtout avec les hommes sous les drapeaux et les femmes aux champs et dans les usines d'armements. De la même façon, précédemment, la première guerre mondiale a nécessité une mobilisation générale des soldats et de toutes les populations européennes pour produire, au plus vite et en quantité, des matériels destinés à la destruction (des humains, des villes et villages, des usines, des matériels militaires eux-mêmes) : quels gâchis de consommation !

 

Passage de la richesse du temps de travail aux coûts du temps de travail

Après la seconde guerre mondiale les pays dévastés d'Europe et d'Asie (surtout le Japon) ont reconstruit les villes et villages, et les usines. Le Japon en particulier, fort de son dévelppement industriel d'avant-guerre, s'est lancé dans la production de masse de biens de consommation de bonne qualité à des prix réduits du fait de salaires faibles, de durée de travail hebdomadaire élevée et d'un niveau de change sous évalué par rapport au $. Pour payer les frais d'occupation des forces armées américaines, le Japon s'est mis à exporter massivement ses produits à prix cassés. Les commerciaux occidentaux ont été aspirés par les possibilités de fortes marges bénéficiaires et les entreprises de fabrication occidentales ont été soumises à une concurrence si forte qu'ils ont dû soit fermer leurs usines, soit réduire le personnel soit sous-traiter (délocaliser au début en envoyant leurs machines de production) en Asie dans des pays concurrents du Japon à faibles coûts de main-d'oeuvre (d'abord Taïwan, puis la Chine, le Vietnam et le Sud-Est asiatique). Alors c'est dans cette période noire que le chômage a fortement augmenté en Occident et que le temps de travail a été considéré comme un coût à réduire pour la survie ou les profits de l'entreprise.

La politique salariale de Henry Ford, consistant à bien payer ses ouvriers afin qu'ils puissent acheter les voitures produites et ainsi développer énormément le marché potentiel des voitures, a disparu au profit de l'emprise de la religion du Dieu-Argent et du Saint-Profit, dans laquelle l'essence du capitalisme néolibéral repose sur les optimisations à la hausse des profits, des optimisations à la baisse des coûts salariaux et des optimisations fiscales et bancaires à la baisse. Les premiers bénéficiares des profits étant la caste dirigeante des entreprises, puis les actionnaires. Les mondes politiques, économiques, financiers, monétaires (banques centrales) sont ainsi convertis aux dogmes "religieux" du néolibéralisme capitaliste, sans lesquels il n'y a point de salut possible (dans ce monde, à l'image du salut "dans un autre monde" des religions monothéistes). Pour les réticents anticonformistes l'exemple déplorable du communisme version stalinienne vient clore le débat. Le développement spectaculaire de la Chine avec la génération spontanée de princes rouges milliardaires se veut être un exemple de la bienfaitrice action du capitalisme. Cependant c'est l'ouverture des zones franches du littoral aux entreprises occidentales pour l'utilisation de main-d'oeuvre locale, puis son extension à l'intérieur de la Chine qui a mis sur les rails le développement de l'économie chinoise. La création de yuans par milliers de milliards par la banque centrale de chine (BPOC) pour transformer les excédents commerciaux en dollars (placés en bons du Tresor US) a été accaparée par les princes rouges du PC chinois pour développer en profondeur l'économie chinoise selon les directives du Comité Central du PC. Les dérives personnelles des milliardaires par rapport à la ligne du parti sont durement sanctionnées : les milliardaires capitalistes chinois ne dirigent pas les politiques économiques, financières, sociales, environnementales de la Chine Populaire, contrairement aux milliardaires occidentaux dans l'Occident.

Implications des capitalistes néolibéraux dans l'interaction Temps/Argent

Les classes dominantes possédant la richesse (les capitaux) et les pouvoirs sur les populations plus ou moins asservies ont dépassé la simple liaison entre le temps de travail et les conditions de travail que l'on a vue ci-dessus (esclavage, servage, ouvriers mal payés et surexploités, délocalisations, licenciements...) pour entrer dans une phase plus pernicieuse et plus étendue.

Autrefois, l'encadrement supérieur et intermédiaire (tel les officiers supérieurs dans les armées) était choyé par les maîtres : ce personnel se dévouait corps et âme pour l'entreprise, pour son entreprise. Le ou les patrons faisant assaut d'amabilités et souvent de bonnes rémunérations. Aujourd'hui, avec les pressions pour toujours plus d'efficacité, de présence, avec des liens permanents avec l'entreprise (liens maintenus 24h/24 et 7j/7 par le téléphone portable et la connectique), le stress contraint en permanence les cadres qui ne peuvent plus sereinement récupérer et qui sombrent dans la dépression ou le "burn out". Et finalement pour être licenciés comme le commun des personnels. En réaction à "cette vie de merde" détruisant toute vie privée indépendante, certains cadres (comme des traders très riches) se détourne de cette "vie active" trépidante, pour aller vivre en campagne, rester enfin au contact de leur famille, et se contenter d'une vie simple (agriculture biologique, artisanat d'art ou de restauration...).

Mais le système de la religion du Dieu-Argent, n'a -pour le moment- que faire de ces mauviettes qui ne tiennent pas le rythme indispensable dans la lutte mondialisée. Il poursuit son emprise sur la société des humains, sur leurs diverses consommations utilitaires ou de loisirs, et même sur leur autonomie de penser librement. En dehors du contrôle de l'agro-industrie, de l'agro-alimentaire, de la pharmacie, des industries de santé, par la détention du capital, le système a pris le contrôle des médias, de la "culture" qu'ils véhiculent et plus particulièrement de la télévision et de "l'infotainement" et des réseaux sociaux, principalement par la double action de la publicité (ressources financières des émissions et des chaînes) et (propagande matraquante de la pub sur les consommateurs), par l'immixtion dans les différents comités et commissions chargés de réguler ou d'autoriser la mise sur le marché de certains produits et par leurs lobbyistes. En particulier pour les chaînes de TV financées par la pub, Patrick LELAY patron de TF1 en réponse à une question sur la mission culturelle de sa chaîne avait répondu franchement -cyniquement pour certains- que la mission de sa chaîne était de  "créer du temps de cerveau disponible" pour les annonceurs/financeurs de sa chaîne  !

De plus avec les réseaux sociaux du net et les sites de vraies-fausses nouvelles, et surtout avec tous les jeux addictifs sur les portables, les Gafa s'imposent comme des "big brothers" en actions directes en analysant les données pour leurs propres comptes et pour les vendre à des tiers (voir Cambridge Analytica) et agir sur les internautes. Les jeux addictifs inquiètent les psy sur l'évolution de la santé mentale des adeptes.

 

Le TEMPS est essentiellement lié à la VIE et non pas à la virtualité bien présente de l'ARGENT

L'humanité, les civilisations anciennes et l'évolution des espèces se sont développées sans la création et la mainmise du Dieu-Argent. Par contre, ces développements ont nécessité du temps, beaucoup de temps des hommes !

Le TEMPS est ce qui différencie la chimie minérale des réactions (quasi instantanées dès la mise en contact des produits directement ou avec un catalyseur), de la chimie bio-organique où le temps ou des horloges "biologiques" modulent les processus des réactions ! La croissance des cellules et des microorganismes, leur duplication de l'ADN et de leurs différents composants, se font selon des procédés informatifs réglés par le temps. Il en est de même pour la croissance et les multiplications/différenciations cellulaires de l'embryon humain ou animal.

Ainsi, le TEMPS est un facteur de VIE  : vivre c'est aussi prendre son temps pour respirer, pour reposer les circuits du cerveau, pour leur réorganisation et leur regénération, pour détendre les muscles fatigués et les libérer de leurs toxines, pour la réinitialisation des circuits intérieurs (digestifs, épuratifs, lymphatiques...). C'est aussi nécessaire pour reconfigurer les mémoires, assimiler les acquis par les différents sens, etc...

Vivre c'est aussi prendre le temps, prendre son temps pour méditer, pour s'interroger sur le monde, sur la mort, sur l'éternité, sur l'univers et sur l'indispensable fraternité entre les humains et avec tous les êtres vivants de notre planète. VIVRE c'est aussi et surtout prendre le TEMPS d'AIMER ! Et CE, sans s'aliéner à l'ARGENT !

L'argent se crée "ab nihilo" par les banques centrales comme les 2600 Md€ de QE créés par la BCE, à l'instar des autres banques centrales. Cet argent ainsi créé serait le bienvenu pour rémunérer le temps des travailleurs pour des travaux et équipements d'intérêts publics, en particulier pour réduire le réchauffement climatique et lutter contre les catastrophes climatiques : avec un impact supplémentaire pour réduire le chômage ! Alors que la masse de QE de la BCE a surtout servi à renforcer les fonds propres des banques et leur capacité de spéculation, donc à renforcer !eurs pouvoirs dans le système ! Le TEMPS est le fondement de la VIE, et une part du TEMPS des hommes peut contribuer à la CRÉATION DE RICHESSES.



3 réactions


  • colibri 1er novembre 2018 18:17

    Cette dernière, bien représentée par des pièces d’or et/ou d’argent, a été mise en oeuvre pour faciliter les échanges de biens puis pour rémunérer les travailleurs pour le temps passé au service de l’employeur : l’argent c’était le temps de travail pour produire des richesses.


    Pas du tout ;avant on en payait pas les gens au temps mais à la tâche .On payait pour les tâches effectuées indépendamment du temps passé , du coup c’était plus juste :tout travail méritant salaire .

    C’est à parti du moment ou s’est mis à mensualiser les gens qu’on leur a pris leur temps et que le système s’est alors perverti , on a payé du temps plutôt qu’un travail réel , le travailleur a été dépossédé symboliquement de la dignité de la tâche qu’il effectuait , on lui paye juste son temps .

    On pourrait très bien continuer a payer les gens à la tâche , ca existe dans beaucoup de corps de métier , quand vous allez au restaurant vous payez le restaurateur à la tâche , quand vous faites faire des travaux chez vous le devis n’est pas au temps passé mais à la tâche effectuée .L’artisan du moment qu’il honore au final sa commande peut tout à fait prendre le temps qu’il veut et travailler quand il veut et a ses horaires .

    C’est effectivement la mensualisation du salaire qui pose problème , mais on peut tout à fait revenir en arrière et payer les gens à la tâche , revenir donc à une période ou on ne comptait pas les heures .


  • Odin Odin 1er novembre 2018 20:29

    « Alors que la masse de QE de la BCE a surtout servi à renforcer les fonds propres des banques et leur capacité de spéculation, donc à renforcer !eurs pouvoirs dans le système ! »

    Ce Dieu-Argent porte un nom « Mammon » et ses adeptes utilisent depuis toujours l’usure pour s’enrichir.

    A une époque, comme celle sous Philippe Auguste, Saint Louis ou Philippe le Bel, elle était combattue alors que depuis la révolution et plus précisément 1913 (FED) ses adeptes possèdent les banques centrales.

    Ces QE sont l’une des nombreuses preuves qui devraient montrer à tous que se sont bien les adeptes de Mammon qui dirigent notre monde globalisé et financiarisé. Chercher une autre raison à la paupérisation croissante n’est qu’utopie politicienne. 

     


  • jemenuto 2 novembre 2018 13:01

    Allons a l’essentiel.

    Je ne sais pas exactement pourquoi, mais j’ai des tableaux brossé d’un « monde utopique » dans les archives URSS et HRE, et un petit mot de tonton Karl.

    Le but du jeu, et d’avoir une immense majorité de « pauvres », égaux entre eux dans leur impuissance, perpétuellement occupé a travailler pour vivre.

    Régner sur un plus petit monde que le vrai, par renseignement, de flicage, de contrôle physique, sur les investisseurs stratégique, le très petit haut du panier.

    Ca ne vous rapelle rien ?

    Pourquoi gonfler par trente ou cent le prix des produit agricoles ?

    Pourquoi multiplier par 1K ou 1M le pris des produit auto-facturés ?

    Pourquoi récupérer 110% du salaires, par loyer taxes assurances surfacturation ?

    Pourquoi détruire le patrimoine, qui fond sous la taxe en moins d’une vie ?

    Par ce que le projet politique mondial c’est un monde ordonnée, sans guerre ni faim. Un monde de STO, d’allocataires, voir de bénévoles, a niveau de vie standard.

    Il est inconcevable de régner sur 7M sujets. Le plan, c’est de transformer 99.8% de ses gents en bétail, et de ne régner que sur les bergers.

    ++


Réagir